I.2 - Connaître son corps
Quels que soient les motifs qui vous incitent à suivre une formation de professeur de yoga, attrait pour l'enseignement, volonté de progresser dans votre pratique, découverte plus approfondie de sa philosophie, vous allez vivre une expérience d'une grande intensité.

Physiquement éprouvante dans ses pratiques quotidiennes
d'asanas, psychologiquement exigeante par ses objectifs pédagogiques, cette
formation répond aux doutes qui peuvent surgir quant à la capacité d'enseigner
après seulement 200 heures.
« La méditation est l'art et la science de l'observation systématique, de la tolérance, de la compréhension et de l'éducation de chaque degré de l'être qui coordonne et intègre ses aspects en lui[1] ».
La méthode d'enseignement dispensée par Yogaworks correspond parfaitement à cette définition. Elle est un condensé de pratiques physiques et de cours théoriques savamment orchestrés qui constituent une expérience profondément éducative, car elle remet en cause nos convictions et nous fait prendre conscience de réalités occultées par notre méconnaissance.
« L'observation systématique »
cible l'anatomie des corps. Elle éclaire une évidence, pourtant sous-estimée, que rien de ce qui touche au corps n'est sans risque, y compris la pratique posturale des asanas. Développer notre sens de l'observation est nécessaire pour enseigner, mais comprendre ce que l'on fait (faire à notre corps) doit être notre premier souci en tant que pratiquant. Cette prise de conscience exige de nous départir d'a priori comme de croire que nous sommes tous égaux sur le plan physique.
Tous les jours, dans la rue, les transports en commun, à notre travail, nous croisons des personnes de tout gabarit, petites, grandes, maigres, frêles, robustes, avec plus ou moins d'embonpoint. Cette catégorisation des corps est inscrite en nous et presque aussi implicite que la vision en couleur. Elle ne change pas à moins d'un événement majeur. Or, la première chose dont vous prenez conscience dans la formation de professeur de yoga, c'est l'anatomie des corps. Le décryptage anatomique détaillé fait vaciller le concept de normalité et s'effondrer des catégories de pensée que nous croyions idéales.
L'observation de l'anatomie des corps révèle l'illusion du concept de normalité.Il n'existe pas deux corps strictement identiques. Certes, pour la grande majorité, les différences morphologiques sont proches. Elles forment une zone statistique qui rend signifiant l'utilisation d'instructions généralistes, adaptées au plus grand nombre pour la prise de la plupart des asanas. Mais, la nature n'est pas un instrument de précision absolue et le corps est une mécanique si complexe qu'un infime déséquilibre, induit par une mauvaise fondation ou un alignement incorrect, suffit à fragiliser.
« La compréhension et l'éducation »
c'est comprendre et bien utiliser le yoga pour atténuer, corriger (avec la patience requise), de mauvaises habitudes posturales et rétablir l'harmonie générale du corps. L'attention que vous portez à aligner les différentes parties de votre corps et la vigilance que vous déployez à stabiliser correctement vos fondations sont le garant d'une pratique saine qui vous permet de retirer tous les bienfaits du yoga en préservant votre corps tout au long de votre vie de pratique. Cette méticulosité dans la réalisation des asanas vous rend plus conscients de votre corps et développe une intention bienveillante à la pratique.
La « tolérance »
c'est comprendre l'inutilité de toute recherche de prouesse ou de performance dans le yoga, que les réseaux sociaux ont érigé en défis à travers des photographies de postures acrobatiques réalisées par des individus au physique d'athlète dans des lieux enchanteurs. La « tolérance », c'est comprendre qu'une différence anatomique va défavoriser votre voisin de tapis en lui rendant la réalisation d'une posture difficile, voire impossible, tandis que votre morphologie vous rendra les choses plus faciles.
Nos différences anatomiques nous trompent sur nos capacités réelles : trop de raideur musculaire décourage les plus téméraires, tandis que trop de souplesse a l'effet d'une drogue chez les plus invétérés qui la cultive jusqu'à la blessure. L'ego se nourrit de nos différences. Pousser l'hyper-extension de vos articulations ne vous rend pas supérieur aux autres et développer votre hyperlaxité ne vous octroie aucun mérite.
Il n'y a pas de mauvaises pratiques posturales. Mais il y a des pratiques inconsidérées qui peuvent aggraver des défauts structurels ou des déformations fonctionnelles et entraîner des blessures. La faute n'est pas à imputer à l'ego des pratiquants, mais au peu de conscience que chacun a de son corps. La méconnaissance du corps renforce nos fausses illusions qui, à leur tour, le fragilisent alors même que le yoga a le potentiel de corriger ces défauts, de les stabiliser et de garder notre corps en bon état. L'insouciance nous conduit à détériorer notre corps, fût-ce involontairement, alors que la conscience du corps le renforce et le rend plus sain.
Nos différences anatomiques nous font prendre conscience que c'est le yoga qui doit s'adapter à nous, non l'inverse. Le yoga est un processus de découverte, de transformation et d'évolution qui procède de la faculté de « coordonner et intégrer ses aspects » d'observation, de tolérance, de compréhension et d'éducation dans « chaque degré de l'être ».
La mutation est le moteur de la sélection naturelle. Elle est à l'origine de l'évolution des espèces. Or, parce qu'il ne saurait y avoir de différence sans mutation, il ne peut y avoir deux corps identiques sur le plan anatomique. Pour cette raison, une asana ne peut pas être esthétiquement parfaite. L'homme de Vitruve est une vue de l'esprit. L'image du corps parfait est une idée platonicienne sans incarnation dans la nature.
Le
yoga amène à plus d'humilité et de bienveillance envers soi et les autres.
Humilité chez ceux dont les possibilités naturelles rendent faciles ce qui pour
d'autres relève de l'inaccessible. Bienveillance envers ceux pour lesquels une
particularité anatomique, une douleur et souvent la combinaison des deux, rend
impossible la réalisation d'une posture. Nos différences nous rappellent que le yoga ce n'est pas désarticuler son corps
pour faire parler de soi et flatter notre ego, c'est remettre notre esprit dans le bon axe, pour atteindre à
plus sérénité intérieure et de paix avec les autres.
Les différences anatomiques nous font prendre conscience que le corps n'est pas tout.
« La perfection dans l'asana est atteinte lorsque la posture est réalisée sans effort et que l'on atteint en soi l'être infini[2] ».
L'absence d'effort participe d'un alignement correct, mais il ne s'inscrit pas dans un idéal de perfection géométrique, mais dans la recherche de l'harmonie entre la dimension physique et spirituelle de notre être. Pour atteindre « l'être infini en soi », le mental doit être clair, en harmonie avec l'asana.
A suivre...
[1] Manuel de philosophie Yogaworks, tous droits réservés, page 43. Source web www.swamij.com/yoga.htm "Yoga Meditation is the art and science of systematically observing, accepting, understanding, and training each of the levels of our being, such that we may coordinate and integrate those aspects of ourselves, and dwell in the direct experience of the center of consciousness ».
[2] Yoga Iyengar, initiation aux 23 postures classiques, BKS Yengar, page 17