Poétique de l'Inde

Poétique de l'Inde

Maitreyi védic village

L'Inde, ce pays qui s'est soulagé de ses anciens colons,

Sur la route, comme en cuisine, du volant au chaudron,

Avive le feu du transit, de l'épice au macadam,

Vous retourne et vous nettoie du corps jusqu'à l'âme !


Le Havre de paix du village de Maitreyi vedic,

Lieu de repos et de ressourcement idyllique,

Appelle à l'introspection dans le lent déroulé des heures,

En faisant mijoter nos corps dans une cuisson de senteurs.


Par sa sagesse ancestrale, la science ayurvédique,

Rétablit par le santal, notre équilibre holistique.

Son savant et subtil régime médicinal,

Restaure le corps et apaise le mental,


Résorbe nos querelles intestines et nos conflits psychiques,

Qui retournent nos tripes et nous donnent la colique,

Fait se réconcilier avec soi-même,

Pour se dire à nouveau "je m'aime".


Ce retour à l'essentiel écrit un nouveau récit,

Réveille en nous la joie qui est au cœur de la vie.

Cette joie habite chacun de nos agissements,

Elle est l'expression de qui nous sommes vraiment.


Comme un indien au charme séduisant,

Ou une femme au sourire envoûtant,

Qui de tout son être nous éblouis

Et nous ouvre les yeux dans la nuit,


La joie fait de nous des êtres flamboyants,

Qui embrassent tout dans leur rayonnement,

La joie est aussi indispensable que la respiration :

Acceptez de respirer dans vos émotions.


Cette joie qui vous porte, n'ayez pas peur de l'exprimer,

Le yoga est de la joie, la vie est de la joie, laissez-vous rayonner.


Namasté

Je suis cela

Je vois ce que les autres ne voient pas, mais personne ne me voit.


Nous sommes chacun d'un côté du miroir :


Je parle de toi pendant que tu observes en moi


J'évolue dans l'imagination d'un songe, la fiction d'une utopie, tu résides dans la vérité au-delà de l'illusion du « je »


Je mets des étiquettes sur ce que je crois la vérité, tu arraches le sparadrap sur mes artifices


Je pense sans interruption, tu écoutes dans le silence


Je me disperse en échos, tu te concentres dans l'instant


J'analyse les choses sans les vivre, tu les vis pleinement sans t'interroger


Je suis un fétu de paille emporté par les vents, tu es un rocher solidement ancré dans la terre


Je ne suis qu'une ombre, tu es la lumière


Je ne suis qu'un reflet, tu es un éclat


Je n'ai de goût que pour les ersatz, tu te nourris de pures saveurs


Je suis sourd à la beauté d'une mélodie, tu es un hymne à la vie


Tu es une vraie carte, mais suis-je conscient de le comprendre ?


C'est écrit ici noir sur blanc pour qui sait lire :


En pleine tempête, tu es l'accalmie


J'ai longtemps cru être unique alors que tu demeurais immuable


Tout ton être m'éblouis lorsque je réalise enfin qui tu es


Tu m'apparais dans une aura qui sature mes sens :


Authentique comme une contrée sauvage


Indomptable et rebelle au contrôle de l'homme


Ardente comme la flamme, insaisissable comme l'éther


Tu lèves le voile sur l'illusion qui me retenait dans mon ombre


Qui inhibait mes sentiments par peur de l'abandon du moi


Qui me faisait craindre la souffrance plus que la grâce


Réprimer l'amour du Soi, c'est se fermer à nous-mêmes


S'empêcher de devenir qui nous sommes vraiment


Imprégné de ton essence jusqu'à en oublier le sentiment du « je »


Je dis « toi et moi », tu dis tattva, « c'est cela »


Tu m'ouvres à la joie sans retenue, à la félicité de l'enstase


Où il n'y a plus d'espace ni de distance avec Soi


Nous entrons dans un état de connaissance pure


Comme deux amants qui fusionnent et se murmurent :


Tu es fait.es de mouvement

Tu es fait.es de vibration

Tu es fait.es de lumière

Tu es fait.es d'amour

Tu es un cadeau, une pure expérience

Je te contemple et je suis béatitude, saccidânanda[i]



Namasté

 

[i] sat = l'être ; cit = conscience ; ânanda = béatitude

Danse cosmique

Puja, rituel d'offrandes et d'adoration

Qui des dieux recherche l'invocation


Gurur Brahma Gurur Vishnuhu

Mantras entonnés par les hindous

Gurur devo Maheswaraha

Par une voix de baryton a capella


Vers le centre où se dresse l'autel

Où se prépare le feu sacramentel

Les flammes s'élèvent de l'âtre hésitant

Nourries des psalmodies des récitants

Assis en retrait, les yeux rivés, silencieux

Je suis les flammes qui montent aux cieux


Thasmaisri Gurave Namaha

Mon esprit vagabonde en diorama

Guru Shakshath Para Bramha

S'élève sous l'effet du soma


Le regard clos sur la scène en prière

Une forme apparaît sous mes paupières

Gaz stellaire gravitant autour d'un axe

Poussière d'étoiles selon le parallaxe

S'enroule autour d'un pilier cosmique

Animé d'une impulsion balistique

L'horloge céleste accélère sa course

Constelle l'espace de la Grand Ourse

Modèle les bras d'une future galaxie

Premiers tâtonnement de sa praxie

Trace les ellipses de sillons de matière

En un tourbillon d'étoiles et de terres

Fige sa forme en tout compacté

Qui prendra le nom de voie lactée


Gurave Sarvalokanam

De la forme achève la trame

Bhishaje Bhavaroginam

Anime son cœur battant d'une âme


Dans un souffle, la vie m'appelle

En un instant, je deviens actuel

Mon esprit projeté au centre du cercle

La galaxie désormais m'encercle

Autour de mon axe tourne un manège

D'étoiles en un éblouissant florilège


Mes bras s'élancent au firmament

S'étirent dans un souffle de Brahman

Astre du jour, je vois défiler les éons

Naître et mourir les civilisations

Le temps s'égrène autour du soleil

Déjà les étoiles entrent en sommeil

Tel le tonnerre retenti le dernier clap

Et la vie dans le vide s'échappe

Soudain, je suis éjecté du cénacle

De la scène de ce tragique spectacle


Nithye Sarvadhiyanaam

Spectateur extérieur au drame

Dhakshina Moorthaye Namahah!

Qui à son terme se consuma


Le feu détruit, le feu nourrit

De la braise, le phénix resurgit


Gurur Brahma Gurur Vishnuhu

Le mantra ranime l'amadou

Gurur devo Maheswaraha

Relance la ronde de la hola !


Le ciel s'anime de mouvement

Résonne de l'union des amants

Dans un ballet d'arabesques

S'anime une nouvelle fresque

Le feu m'attire en son centre

Puis me rejette hors de l'antre

Dans une transe cérémonielle

Ou Shiva danseur sacrificiel

Sur les chaussées élyséennes

Jongle entre l'enfer et l'éden


Namasté

 

« Gourou est le Seigneur Brahma, le Seigneur Vishnu et le Seigneur Maheswara. Le gourou n'est rien d'autre que le Brahman suprême dépourvu d'attributs. C'est la raison pour laquelle nous nous inclinons devant le Gourou ». www.mailerindia.com/slokas/mantras/index.php?dakshina 

Full text of "Isha Yoga Guru Pooja" https://archive.org/stream/IshaYogaGuruPooja/IshaYogaGuruPooja_djvu.tx 

Poussière d'étoile

Poussière d'étoile née du firmament

Descendue sur une Terre en frémissement

Fondue dans la roche en des temps sulfuriques

Compressée par d'incroyables forces telluriques


Forgée dans le cœur chthonien des abysses

Par le secret dessein d'une pythonisse

Qui emprisonna des forces ataviques

Dans un écrin au tempérament volcanique


Portée des profondeurs par un magma ardant

Libérée de son ventre par un feu lapidant

Pendant des éons, sculptée aux zéphires

Frottée par les éléments jusqu'à te polir


Cultivée par la Terre amoureusement

Bercée dans les bras des sédiments

Découverte par des chercheurs de trésors

Qui te transformèrent dans leur athanor


Par l'enchantement d'opérations habiles

D'un minerai dense en un composé subtil

Libérée de tes racines, portée sur leurs ailes

Tu sillonnas le globe en bateau, en caravelle


Toujours en quête d'autres bohèmes

D'autres richesses, d'autres gemmes

Union de terres et de saveurs hypnotiques

Mélange d'épice Lazuli tout à fait atypique


Constamment à la recherche de ton identité

Par le système totalement désappointée

Tu poursuivis la dure tâche d'agriculteur

En remuant le limon de ta pesanteur


Pour te libérer de tes attaches végétales

Et du joug de ton conditionnement primal

En creusant toujours plus profond

Jusqu'à la veine d'un authentique sillon


Malgré la peur stupéfiante de l'abîme

Tu osas regarder en toi jusqu'à l'infime

Entrer courageuse dans le dédale des artifices

Traverser à la dérobée le labyrinthe des supplices


Jusqu'au terme du moi, jusqu'au fond de toi

Jusqu'à l'essence du Soi

Attirée par le murmure d'une mélopée ondine

Guidé par un refrain à la tonalité cristalline


Vibrato grandissant par ton inspiration

Qui s'élève en mantra à ton invocation

Ranime de ta destinée le flambeau

En t'emplissant d'un souffle nouveau


La joie retrouvée t'emporte à tire-d'aile

Sur les pas envoûtés d'une danse ascensionnelle

Qui soulève un nuage de pigments de couleurs

Et dessine les volutes d'un cortège de senteurs


Sous les ondulations d'un air saturé d'arômes

Ton enveloppe éthérée dessine les lettres OM

Ton souffle est de vie, ta forme est de joie

Dans l'espace du cœur ton aura flamboie


Née des étoiles, fruit d'un héritage cosmique

Tu as réalisé la transmutation de la mosaïque

Des éléments informes de la matière brute

En un drapé subtil aux magnifiques volutes


Ton souffle est pur, ton être est authentique

Ton art résonne de profondes harmoniques

À tes semblables, tu prodigues ta bonté

Au monde, tu offres de ton âme la beauté


Exister redevient synonyme d'espérance

Vivre a un but, être a un sens

Namasté

Bannières

Les bannières flottent libres sous le vent

Carrés de tissus multicolores en rubans


Sur le devant des syllabes en sanscrit

Imprimées en français et devanagari


Chaque morceau virevolte indépendant

Au gré des respirations du vent


Des mots se forment, des phrases

Leur sens esquisse un message


Par son souffle agile et gracieux

La nature envoie les signes des dieux


Namasté 

Près de la Ganga

Telle une pluie de flèches tirées par un archer

Les flots rugissant heurtent l'amont des rochers

Face cachée par les turbulences du moi

Qui emprisonnent les récifs de ses émois


En une métaphore de la vie suggérée

De nos incarnations actuelles et passées

Qui du Gange affleurent à la surface

Sous les traits d'une cordée d'avatars fugaces


Autour des éminences de ces faux gourous

La pensée s'enroule en d'incessants remous

Ces tourbillons forment l'illusion d'entités

Mirages vaniteux du mental agité


Comme autant d'ancres accrochées sur le fond

Qui de vie en vie nous hantent tels des démons

Ombres funestes, fantômes d'anciens traumas

Empreintes persistantes d'un pesant karma


La vie dans son flot continu tend la chaîne

De nos samskaras par la voix de sirènes

Par l'ascèse et le détachement

La sadhana, en un flot uni, calme le courant 


Agitent et trouble la surface de notre existence actuelle

En amont, le flot accidenté, segmenté par nos vies

En aval, les remous du moi s'apaisent en un flot uni

Descendre à pieds nus des volées de marche


Marcher sur des galets, léger et solide sur ses appuis

Comme la semelle d'Icare sur les rayons du soleil

Tel un oiseau sautillant, prêt à s'envoler vers ailleurs

Instant contemplatif dans le murmure des flots


Instabilité des galets entassés par les âges

Expériences et émotions formant le limon de l'inconscient

Sur les crêtes et les creux comme les sillons d'un disque

Remontée du chemin le souffle allonge la foulée


Traversée de couloirs sombres, escaliers glauques de nos peurs

Que nous devons surmonter pour nous élever

Sans savoir ce que nous allons découvrir, en haut, au-delà

Au sommet, s'ouvre un autre niveau de conscience


De l'ombre émerge un premier état de la lumière

Il faut encore traverser des centaines de chambres

Renfermant des effigies des divinités hindoues

Sur le chemin tortueux de l'évolution de l'âme


Où l'on peut se perdre, s'égarer dans notre propre obscurité

Chaque enclave est un lieu de paix pour l'âme

Qui parsèment le labyrinthe de nos vies

L'on remonte par plusieurs chemins, dévotion, connaissance, action


Sortir du temple comme une naissance

Du flambeau de la lumière tendu devant soi

Contempler le rayonnement de notre soleil intérieur


La vie est le véritable Ashram

Loin des offrandes moyennées, des dons conditionnés

Dans une dévotion sans objet, amour désintéressé


Namasté

Puja

L'ashram a pris place autour du foyer

D'une énergie positive, l'air est chargé

Le feu est nourrit par les chants

Qui s'élèvent vers le firmament


L'atmosphère devient électrique

Le ciel sur ces tambours anarchiques

S'ouvre sur une pluie indienne

Qui s'abat avec une volonté souveraine


Les récitations redoublent d'intensité

Le ciel réplique sans discontinuer

Comme des coups de maillet sur un bol

La pluie en trombe résonne sur le sol


Les voix sont inaudibles mais présentes

Comme le silence sous des pensées assourdissantes

Sous le tonnerre se poursuit la litanie

Renforcée par les élèves de Maitri


Par Ganesh chargés de la force d'agir

Pour tous les obstacles, franchir

Les mantras repoussent l'adversité

Brûlent l'ego à la flamme de la lucidité


Attisée, la lumière de l'intention

Perce le flot temporaire de l'illusion

De sa méprise, l'âme émerge unie

Comme le rituel se clôt sur l'harmonie


Namasté

Siddhi

Toi dont le désir est de grands pouvoirs,

Ta portée étendre au-delà de tout savoir,

Qui par ton tapas recherche les Siddhis,

Du petit jusqu'au grand, percevoir l'infini,


Avant le lever du jour sur Rishikesh,

Rends toi sur la plus haute flèche,

Dans la montagne à Kunjapuri,

Où Vishnu jeta une part de Shakti,


À chaque marche, sent la paix s'installer,

Un souffle intérieur en toi s'élever,

L'effort attise le feu de la respiration

Alimente la flamme de la dévotion,


Du sommet, tu auras une idée de l'infini,

De la haut, en bas tout est petit [i],

La ville miroite de milles lueurs,

Telle l'eau du Gange sous les fleurs,


Au loin, immense est le décor,

En offrande, le vaste offre son corps,

Dans ce miroir devant nous tendu,

La nuit reflète l'être tant attendu,


Toi dont l'ego s'agite tel un singe fou,

Dont les pensées te sautent au coup,

Tiens toi ici immobile et contemple,

Le lever du soleil sur le temple,


Humble, prosterne-toi jusqu'à terre,

Avec respect pour saluer sa lumière,

Dans le chant du corps en namaskar,

Accueille dans ton cœur l'étoile star,


Comme la montagne, soit immuable,

Pareil à l'espace, devient ineffable,

Sans nom suspend toute durée,

Sans forme embrasse l'infinité,


Rend grâce en cet instant pour ta place,

Ailleurs, tout est mouvement fugace,

Tout s'agite, des planètes aux étoiles,

Se jette à grande vitesse sur la toile,


En ce lieu réside une présence,

Dont l'être est tissé de silence,

Le vaste éveille la perception de Soi,

À l'aube se dissipe le mirage du moi,


Nul pouvoir en nous n'est plus grand,

Que d'être présent ici et maintenant,

Conscients au cœur de l'univers,

De l'univers conscient au cœur solaire.


Namasté


[i] « Échappant aux liens de l'espace et du temps, le Soi ou âme individuelle est aussi minuscule qu'un atome et aussi vaste qu'un univers », Mythes et dieux de l'Inde, Daniélou.