I.25 - Pure expérience de l'Inde, partie 3 : plénitude

26/11/2017

L'Ayurveda rétablit l'équilibre sain du corps et de l'esprit. Par l'introspection et l'étude de soi (svadhyaya), il nous apprend à nous réconcilier avec nous-mêmes, à faire la paix avec les autres et avec l'univers pour atteindre à la plénitude de notre être.

Nous croyons nécessaire de devoir être complet pour atteindre à la plénitude de notre existence. Être « complet », cela signifie que tous « les maillons de notre vie[i] », toutes les facettes de notre personnalité, toutes les dimensions de notre être, doivent être «présentes et épanouies », dans un équilibre harmonieux.

Mais qui ne souffre pas d'un manque ou d'un vide, physique, mental, émotionnel ou spirituel dans sa vie ? Combien peuvent se vanter de réunir toutes les conditions requises pour être heureux dans tous les compartiments de leur vie, pour avoir réalisé leurs rêves, comblé leurs aspirations, réalisé leur potentiel ?

Prenez le temps d'y réfléchir honnêtement, de vous pencher sur celui ou celle que vous êtes en regard de celui ou celle auquel vous aspiriez à être dans votre enfance, votre adolescence ou récemment. Nous avons tous eus à faire des compromis, à composer avec les aléas de la vie, parfois à devoir renoncer, voire à faire le sacrifice de ce qui nous rendait heureux.

Le reconnaître est douloureux. Nous préférons atténuer la réalité, nous mentir à nous-mêmes, enfouir ce qui nous fait souffrir et nous replier, nous fermer sur nous-mêmes, réprimer ces aspirations qui ne trouvent pas les circonstances adéquates pour se réaliser, étouffer ces sentiments auxquels nul ne fait écho, où faire violence à nos émotions, ce qu'il y a de plus authentique en nous.

Soyons réalistes, nos souhaits, nos aspirations, nos désirs (même les plus basiques, il ne s'agit pas de vouloir décrocher la Lune) ne se réaliseront pas tous. Regardons les choses en face, nous avons tous une partie de nous-mêmes qui s'est flétrie avec le temps ou qui ne s'est jamais développée. Nous portons tous en nous des blessures : nous aimons quelqu'un qui a cessé de nous aimer ou nous éprouvons des sentiments pour une personne qui ne les partage pas. C'est ainsi et nous n'y pouvons rien changer.

Ne soyons pas dupes, nous n'avons pas le contrôle des maillons de notre vie et tous ne pourront pas s'épanouir. Nous cherchons à nous convaincre des aspects positifs de nos expériences, de ce qu'elles nous ont apportées plutôt que de ce dont elles nous ont privées. Nous essayons de nous persuader de nos chances, de reprendre confiance en nous. Nous nous tournons vers l'univers en appelant au possible par la formulation d'intentions sincères.

La question n'est pas de croire ou de ne pas croire dans la loi de l'attraction, ni d'évaluer notre crédibilité face aux infortunes de la vie. L'Ayurveda est basé sur une philosophie holistique : nous sommes un microcosme et nous faisons partie d'un tout plus vaste qui nous contient et nous définis.

L'affliction nous replie sur nous-même, nous oppose aux autres dans une illusoire recherche de responsabilités, comme si accuser l'autre ou même l'univers de notre inconfort ou de notre tourment pouvait nous apporter le réconfort dont nous avons besoin pour surmonter une épreuve, combler un manque ou compenser le fait qu'un maillon de notre vie ne soit pas épanouit. « Demander à l'univers » est un moyen de rétablir notre équilibre, de trouver notre place au sein du tout.

Imputer nos souffrances à l'univers, tout en affirmant qu'il se trouve un autre univers qui statistiquement - parmi l'ensemble infini des mondes composant le multivers - réalisera notre bonheur, nous empêche de réaliser notre potentiel, ici et maintenant. L'univers dans son substrat quantique est fondamentalement indéterminé et cela ouvre des perspectives incommensurables que n'égale aucun dessein supérieur. Nous pouvons créer un sens à notre vie à condition de faire la paix avec l'univers pour pouvoir prendre place en son sein, au cœur même du tout.

Pour cela, il est également nécessaire d'avoir confiance en soi. La question n'est pas tant de croire en soi dans un effort de volonté. La comparaison de nos mérites ne fait pas la réussite de notre développement. Affirmer posséder quelque chose de particulier, qui vaut la peine d'être transmis, nous heurte de front au système de compétition qui régit la société. Il ne s'agit pas d'avoir confiance en soi pour ce que nous pouvons apporter de plus, mais en regard de l'état de bien-être, de quiétude, voire de félicité, qui accompagne l'expression de notre potentiel.

Nous devons patiemment cultiver ce sentiment d'accomplissement que nous éprouvons à la réalisation de ce pour quoi nous sommes naturellement disposés ou le plus adaptés de par notre pratique persévérante. Nous réalisons le mieux nos capacités lorsque nous ne les contrôlons pas, que nous nous laissons porter par le flow dans le lâcher-prise, guidés par la vague, inspirés par une force qui nous dépasse et nous transcende.

Au faîte de ce transport, nos facultés résonnent, se propagent et trouvent naturellement un chemin pour nous connecter aux autres. Cela peut prendre du temps, mais ce rayonnement finit un jour par toucher d'autres personnes et par les baigner de notre aura. C'est alors que ce potentiel réalise son plein épanouissement.

Il n'en reste pas moins que le défaut d'un seul maillon à notre vie, qui nous manque pour être complet et épanoui - et dont le déficit nous semble irréductible - instille en nous un cruel sentiment d'incomplétude. Vouloir être complet en pensant nécessaire que toutes les dimensions de notre être soient actives et épanouies est source de souffrance. Le dilemme se résume ainsi : comment former un tout si je ne suis pas complet et comment être heureux si je ne peux pas être complet ?

Réponse : en changeant ma conception de ce que doit être la « totalité » de mon être, en repensant l'idée de la plénitude. Ce n'est pas parce qu'il manque un maillon à ma vie que je dois pour autant reporter l'affliction de son manque sur les autres maillons de mon existence, en négligeant les autres aspects de ma personne, ce qu'ils m'apportent et qui font de moi qui je suis.

Je suis complet non pas parce que tous les maillons de ma vie sont parfaitement développés, satisfaits, voire comblés, le tout en parfait équilibre et harmonie. Je suis complet non pas parce que toutes les dimensions de mon être peuvent s'exprimer, rayonner librement et pleinement dans le milieu adéquat (affectif, familial, professionnel, etc.) par la grâce de la réciprocité qui leur confère les conditions concrètes de leur accomplissement.

Je suis complet parce que les maillons qui me constituent, même s'ils ne sont pas tous présents ni tous épanouis, forment un tout. Je suis complet parce que ce tout, quelque relatif qu'il soit, est intégratif, cohérent, original, riche et créatif de par les éléments qui le constituent. Et parce que ce tout intégratif est de par lui-même complet, il me permet d'atteindre la plénitude.

L'épanouissement global de notre personne n'est pas un objectif de complétion et d'équilibre de l'intégrale des maillons d'un puzzle à la réalisation duquel nous devons mobiliser toute notre énergie et employer tous nos efforts, sans quoi notre vie est un échec. La plénitude est l'état de notre être à l'instant présent, non le produit d'une somme absolue de composants. Chaque instant où s'épanouit, avec contentement santocha, un maillon de ma vie est un accomplissement de tout mon être.

Je suis un tout, je suis complet. Je me nourris de philosophie, me fortifie d'asanas, me délecte d'humour, je vibre d'émotions, de jubilation au flow de ces lignes, je résonne de la pure expérience d'une âme authentique qui a fait chanceler mes sentiments au diapason de mon tout mon être. Je suis complet et ma plénitude expand ma vie à chaque battement de souffle.

A cet instant, ici et maintenant, je suis un tout, je suis complet, je suis plénitude.


Namasté

[i]https://www.kamaia.com/single-post/2016/12/30/Comment-r%C3%A9ussir-lann%C3%A9e-2017-pour-devenir-ce-que-vous-r%C3%AAver-d%C3%AAtre-