I.53 – Samatha, la méditation du « calme mental »

25/05/2019

Procédé et chemin, moyen et réalisation, la méditation du « calme mental » est la voie raisonnée, sage et vertueuse par laquelle la véritable nature de la réalité se dévoile à l'esprit. L'iconographie de samatha par les bouddhistes tibétains est riche de symboles qui invitent à méditer sur sa beauté, sa morale et sa profondeur inestimables.

Ce thangka bouddhiste tibétain, « littéralement chose que l'on déroule » WIKI, représente la méditation samatha dite du « calme mental ». Ce n'est pas un exercice de « pleine conscience » où nous assistons, phlegmatique, à la libre circulation de nos pensées et des émotions qu'elles peuvent déclencher. Dans le Bouddhisme, la méditation est un « entraînement de l'esprit », «la familiarisation ou le maintien de l'esprit en concentration sur un objet visualisé clairement » MBS. Dite également « le chemin vers l'éveil », elle constitue le « petit véhicule » ou hināyāna lorsqu'elle mène l'aspirant à la libération, le nirvāna. Elle devient le « grand véhicule » ou mahāyāna pour l'aspirant qui recherche l'Éveil, l'état de Bouddha.

L'autre type de méditation bouddhiste, vipassana (voir la réalité telle qu'elle est), forme un questionnement analytique consistant à analyser les causes de l'agitation mentale et à «éradiquer la source même des perturbations de ces perturbations » MBS, schémas et empreintes mentales (samskaras) enracinées dans notre mémoire (vasanas) par la force de l'habitude, en les remplaçant par de nouveaux schémas et habitudes de pensée positives, qualités et vertus, dont l'altruisme, l'amour bienveillant et la compassion.

L'objet choisi pour fixer notre concentration dans samatha n'est pas sensoriel (externe ou proprioceptive). Le mental n'est pas un écran sur lequel sont projetés des formes, des sons ou des pensées. L'objet visualisé est le produit du « travail de représentation » de l'esprit. L'efficacité de la visualisation comparée à un percept visuel réside dans le fait que « l'objet mental » est une (re)création constante. Monopoliser l'esprit permet d'inhiber le jaillissement spontané de contenus phénoménologiques involontaires et de cultiver notre attention et notre vigilance au maintien de cette image mentale.

La finalité n'est pas de rechercher le « calme mental » pour lui-même, c.à.d. pour les bienfaits de la méditation, psychiques et physiques, dont la quête est par ailleurs de plus en plus légitime dans nos sociétés où nos modes de vies sont axées sur la performance et articulés sur la compétition permanentes.

Dans le Bouddhisme, nos sens sont vus comme des « consciences » au nombre desquelles figure la « conscientisation mentale » que la méditation samatha vise à développer. C'est la raison pour laquelle, elle s'appuie sur la visualisation. Pour autant, visualiser ce n'est pas se laisser emporter par les divagations de l'imaginaire, par nos « confections mentales » pour lesquelles Nâgârjuna met en garde - « Ne vous abandonnez pas à votre imagination » ESBT-138 - car elles alimentent le samsāra. « C'est dans notre esprit que la "Chaîne des Origines interdépendantes" effectue sa révolution, se retournant sur elle-même avec ces trois facteurs : ignorance - désir - acte, s'appuyant l'un sur l'autre » ESBT-59

Le calme mental, c'est le propre d'un esprit qui ne se laisse pas diriger par les distractions externes et internes MBS.

Dans la méditation samatha, l'objet visualisé - qui ne doit pas posséder une charge émotionnelle et affective susceptible de causer dispersion, distraction et agitation mentale - est défini (d'une manière idéale) comme étant distant « d'environ 1 mètre 50 devant soi et 50 centimètres plus haut que le cœur, face à l'espace entre les sourcils, de la taille d'un pouce environ » MBS. Au yoga, cette description serait celle d'une « posture définitive », terme qui indique implicitement un travail assidu et conscient avant de la maîtriser. L'enseignement bouddhiste du samatha ne fait pas état de « variantes » ou de « postures intermédiaires ». Personnellement, j'ai plus facile à visualiser l'objet mental à plus courte distance et dans des proportions plus grandes.

L'état de concentration doit refléter deux qualités : clarté et stabilité. C'est pourquoi, l'objet mental doit être visualisé lumineux et lourd. « Le fait de l'imaginer lumineux empêche le relâchement mental ; le visualiser lourd prévient l'agitation » AAM. Mais, de quelle luminosité s'agit-il ? « Il est dit dans le Soutra de la concentration royale en un point : Le Bodhisattva dont l'esprit prend pour objet le corps de l'excellent protecteur du monde [le Bouddha Sakyamuni (Siddhārtha Gautama)], dont la couleur est comparable à celle de l'or, est dit demeurer en équanimité méditative » AAM.

Sur le thangka, « l'absorption méditative » (étape 9) figure l'étape préalable au nirvāna et à l'éveil. Mon interprétation est que le moine dans la grotte (sied à côté de l'éléphant blanc et entouré d'une aura de lumière dorée) ne représente pas seulement le « calme mental », mais l'effigie de l'état de bouddhéité qui transparaît chez le méditant à mesure de son épuration.

Le choix formel de la taille réduite et de la distance de l'objet mental visualisé a une raison d'être. Je me contenterai d'avancer ici un argument en faveur d'une « variation ». Visualiser non pas l'image, ni une statuette, mais une statue grandeur nature du Bouddha siégeant devant soi, fait naître un grand sentiment de respect et d'humilité. Or, l'humilité est essentielle pour user de la « force de l'écoute » requise pour devenir un auditeur, réceptacle de l'enseignement de la méthode, et l'une des premières forces à déployer dans l'entraînement de l'esprit sur le « chemin de l'éveil ».

J'ajouterai - ce qui n'est pas clairement stipulé, mais que la flèche de « la force de l'écoute » qui pointe sur le chemin peut laisser supposer - que l'écoute n'est pas seulement une qualité, elle est le chemin ! La méditation samatha implique une motivation à l'atteinte de la libération (pour soi et pour tous les êtres) comme l'écoute requiert, pour devenir un bon auditeur, de mettre en œuvre les forces de : l'attention, la mémoire, la vigilance, la détermination, la persévérance, l'aspiration... et de l'humilité.

L'écoute est tournée vers l'extérieur (l'enseignement), non pas vers les objets des sens. L'esprit s'attache aux objets sensoriels. A la perception des objets se superpose la représentation mentale (la fausse-connaissance) que leur possession nous rend(rait) heureux. Le détachement est un préalable à l'écoute, elle-même indispensable au cheminement intérieur vers le « calme mental ». Écouter, c'est déjà être capable de discerner la réalité telle qu'elle est et non pas telle qu'elle nous apparaît sous le voile du désir-attachement, c.à.d. de ce que nous croyons qu'elle est « pour nous ».

D'où un argument en faveur de la visualisation d'un objet mental tel que le Bouddha Shakyamouni comme aboutissement du « calme mental » porteur des qualités de l'Éveillé. Vu que ce n'est pas l'image mentale en elle-même qui est source de désir mais l'interprétation faussée que nous en faisons - sous l'emprise de la confusion à nous croire et à croire les objets dotés d'une ainséité autonome - qui entraîne l'attachement ; vu que le désir-attachement est un facteur (mental) cause de souffrance ; vu que la visualisation de l'image du Bouddha inspire la motivation positive à la réalisation de l'état de Bodhicitta ; visualiser son image ne saurait être considéré comme une forme de désir-attachement, mais constitue au contraire un « levier mental » qui renforce la force de l'enthousiasme persévérante et de l'aspiration.

Savoir écouter, c'est se détacher, lâcher-prise sur le jugement - tout en étant capable de distinguer, sans partialité, le vrai du faux, le bon du mauvais - mais pas uniquement pour recevoir l'enseignement. Il n'est pas seulement question de se détacher le temps de l'instruction. Le détachement doit être profond et devenir un aspect effectif de notre état mental.

Si écouter fait un « bon méditant », c'est parce que le désir-attachement est source d'agitation mentale. Notre capacité à maintenir notre attention est proportionnelle à notre état psychologique. Si nous sommes sujets à la dispersion, à la distraction et à « l'agitation mentale » lors de l'enseignement et de la méditation ce n'est pas tant du fait du surgissement spontané de pensées perturbatrices qu'en raison de tensions subconscientes exercées par les forces du désir et de l'attachement qui s'exercent en nous.

Dès son sortir de l'ermitage, le méditant doit emprunter un pont qui enjambe une rivière au fort courant. Le symbolisme du pont est le « passage d'une rive à l'autre ».

L'autre rive, c'est le par-delà de toutes nos conceptions (...) opinions, croyances, c'est passer par-delà les constructions mentales que l'esprit édifie sans trêve ESBT-87.

Le pont figure les instruments, « les moyens de toutes natures, entraînement intellectuel ou discipline morale, qui s'offrent comme capables d'amener à l'autre rive l'aspirant à la libération » ESBT-87 c.à.d. les moyens sans lesquels le méditant devrait traverser la rivière à pied au risque d'être emporté par le « courant du devenir » (le samsāra), symbole du désir-attachement produit par l'esprit en raison de la confusion qui lui masque la « Vue juste » de la vacuité des phénomènes. « Le fleuve au courant à la fois continu et discontinu fait de semences n'est autre que notre esprit dans lequel les savoir-connaissance, les idées qu'ils suscitent apparaissent et disparaissent en séries de moments distincts mais surgissant continuellement » ESBT-70.

Samatha, c'est entraîner l'esprit à diminuer la force de l'attachement au moyen du contentement, de l'abandon des distractions mondaines, d'une éthique pure, des pensées et conceptions qui nourrissent le désir (cf. AAM). Le chemin de l'éveil est lui-même un « courant », là encore positif et non pas produit d'une forme plus subtile d'attachement.

Celui entré dans le courant doit s'entraîner avec enthousiasme dans ces deux qualités [le calme mental et la vision supérieure] AAM-30.

Au centre du phénomène, rayonnant en cercles concentriques, la confusion de l'ainséité fait naître le désir-attachement, qui déclenche « l'agitation mentale » (figurée par la couleur noire du singe), entraînant à son tour la « distraction », elle-même facteur de dispersion (symbolisée par le singe). Ces perturbations deviennent manifestes à mesure du relâchement de l'esprit par défaut de motivation (figurée par la couleur noire de l'éléphant).

Le symbolisme animal est particulièrement adapté à la métaphore de l'esprit. Pendant la méditation, si nous relâchons notre attention, nous pouvons facilement devenir captif de nos pensées et passer de l'une à l'autre comme un singe saute de branche en branche dans la jungle. Dans les villes en Inde, son caractère chapardeur est flagrant, tout objet est pour le singe source de convoitise. Or, l'agilité de l'esprit est contre-productive à l'atteinte du calme mental à l'étape de laquelle (9ème) le singe a disparu.

Quant à l'éléphant, c'est son détournement par « l'agitation mentale » et sa corruption par le relâchement - et « l'agitation subtile » (cf. AAM) - qui sont en cause ici. La méditation samatha vise à en libérer le méditant en attachant, selon une allégorie du Bouddha, « l'éléphant errant de votre esprit au ferme pilier de l'objet de méditation par la corde de l'attention et graduellement dominé par le crochet de la sagesse[i] ».

Symbole de stabilité, l'éléphant est représenté assis à côté du méditant ayant réalisé le calme mental. « Il est parfois figuré seul pour signifier la conception de Bouddha. Au sommet d'un pilier, il évoque l'Éveil (...) monture du Bodhisattva Samantabhadra, pour exprimer non moins formellement le pouvoir de la connaissance » DS-398.

Sur le thangka tibétain, l'esprit est figuré distinct du méditant. Il n'est point ici question, naturellement, de la dualité corps-esprit du Védanta, l'ainséité de l'ātman étant réfutée par la philosophie bouddhiste. L'illustration suggère toutefois l'interprétation d'une abolition de la dualité des « vues » du relatif conventionnel et de la vacuité, dont la dichotomie est induite par la confusion en la croyance d'une réalité absolue (autonome et autogène) qui dissocie la réalité telle est qu'elle nous apparaît de la réalité telle qu'elle est.

Ganesh musée de Patan, Népal
Ganesh musée de Patan, Népal

L'éléphant est au centre de ce signifiant. Dieu hindou, Ganesh lève les obstacles et les illusions de l'ignorance. Symbolisme parlant, car les étapes du « chemin vers l'éveil » est pavé d'obstacles auxquels le méditant doit opposer des antidotes - 8 antidotes pour 5 obstacles, dont 4 s'appliquent au 1er obstacle (cf. AAM) -. Ganesh ou Ganapati est aussi le « seigneur des catégories » DAN-440 , celles-là même à travers lesquelles s'effectue la pensée et aux rangs desquelles (aristotéliciennes et kantiennes) se trouvent : « la substance, la quantité (unité, pluralité, totalité), la relation (causalité et dépendance), la modalité (existence et non-existence)... ».

Kant définit les catégories comme les « conditions de la pensée, moyen de la possibilité de connaître a priori les objets[ii] » qui définissent le cadre de la pensée conceptuelle, « en tant qu'ils constituent la forme de l'entendement, ce sont eux qui viennent permettre de penser tout objet d'expérience et même de les constituer en tant qu'objet d'expérience[iii] ». Dans cette optique, ce sont les catégories de l'espace et du temps qui rendent possible l'intuition d'une réalité spatio-temporelle.

Ainsi, le thangka de la méditation du « calme mental » peut-il être vu comme un procédé de clarification et de stabilité (d'épuration), qui au terme du chemin vers l'éveil produit un renversement des catégories. Ce même « renversement » qui est la réalisation de la « Vue pénétrante » comme énoncé par la Prâjña-pâramitâ, « connaissance (bôdhi) qui est allée par-delà et au-delà du par-delà de la Connaissance » CT-8.

Au début du chemin, l'éléphant courre devant le méditant attiré par le singe, symbolisant l'esprit dont la pensée, confuse, est forgée par les catégories de la substance, de la réalité et de la modalité. Le singe courre devant, figurant la dualité d'une pensée inhérente à ces catégories (le désir et l'aversion, la souffrance et le bonheur...), causes de l'agitation mentale et du relâchement.

A la neuvième étape, l'atteinte du « calme mental », le singe a disparu et l'éléphant est blanc - l'esprit n'est plus agité - sied au pied du méditant, symbole de l'équilibre qui précède un changement de paradigme radical. A la dixième étape, le méditant est assis sur l'éléphant. Désormais, son esprit pense au-delà des catégories conventionnelles et par-delà toute dualité.

La grotte est symbolique de cette transition d'état de conscience. Où est l'en-soi de la grotte ? Elle n'est ni dans la forme creuse de la montagne ni dans l'espace vide au cœur de la montagne... Passer « par-delà » les catégories permet de comprendre que « la forme est le vide et le vide est la forme ». Par la « Vue pénétrante », la Connaissance devient une expérience directe. L'esprit voit la réalité telle qu'elle est et s'absorbe dans la vacuité. Sa confusion est dissipée, l'illusion du samsāra est levée, c'est le nirvāna.

Bouddha n'a pas découvert le samsāra, cycle des renaissances perpétuelles. Héritage de la civilisation des dravidiens, reprise par la philosophie védique et formalisée par le brahmanisme, la question de la souffrance inhérente à la vie humaine entraîne l'idée de l'âme individuelle, l'ātman ou Soi, intrinsèque et immanent. Incarné dans une enveloppe corporelle (le jivātman), ses actes (le karman) sont déterminant des conditions de ses réincarnations. Sa libération (moksha) est constitutive de son union avec l'âme universelle, le brahman. Le yoga, codifié par Patanjali sous la forme de l'Asthanga à huit branches, est l'un de moyens, par l'épuration ascétique, de ce retour à l'unité.

Par l'expérience méditative, Bouddha a découvert une réponse totalement différente à la question de la souffrance et élaboré une philosophie abstraite de toute croyance métaphysique : rien n'a d'en-soi ; il n'y a pas d'âme ni de « principe de conscience » individuel ou universel ; nous sommes maintenus dans le samsāra par la confusion (l'ignorance) qui fait apparaître les choses comme dotées d'un en-soi autonome et indépendant. Cette confusion est la racine du samsāra et donc de la souffrance, dont les autres causes (le désir et les actes nés du désir) sont la déclinaison. La libération,le nirvāna, est la connaissance expérientielle, la «Vue juste de la réalité. Elle s'accompagne d'une immense compassion pour les êtres prisonniers de l'illusion.

Mais dès lors que l'âme n'existe pas, il n'y a rien qui puisse transmigrer d'une vie à une autre. L'existence s'arrête à la mort et le cycle des renaissances est interrompu naturellement sans que nous ayons quoi que ce soit à faire. Le nirvāna serait-il alors aussi superflu que le samsāra est illusoire ?

Non, car le Bouddha n'a pas seulement découvert la vacuité dont la compréhension serait incomplète sans les autres membres de l'équation philosophique du Bouddhisme : l'impermanence et l'interdépendance de tous les phénomènes. Tout change constamment, nos pensées, nos perceptions, notre corps, nos cellules... D'instant en instant, rien ne demeure identique. « Le monde est mouvement (...) succession continuelle et infiniment rapide d'éclairs d'énergie (...) tous les phénomènes de quelque genre qu'ils soient sont faits d'une succession rapide d'événements instantanés » ESBT-27.

De notre naissance à notre mort, notre corps se transforme en permanence. Tous les sept ans, l'ensemble de nos cellules, y compris nos neurones, sont remplacées par de nouvelles cellules. Pourtant, la conscience que nous avons de nous-mêmes, la mémoire de nos expériences, la force de nos habitude (sauf maladie ou transformation profonde) demeurent les mêmes. Nous évoluons, nous changeons, par l'expérience, par la connaissance, par la sagesse, mais il demeure toujours en nous une certaine « constance ».

Au niveau quantique, l'électron évolue dans un état statistique. La mesure lui confère une localité, lui octroie des propriétés particulières (position, vitesse, rotation, etc.) relativement aux lois d'incertitude d'Heisenberg. Ces propriétés ne sont jamais les mêmes. Lorsque la mesure cesse, l'électron redevient un pur nuage de probabilités. Mesurez-le une nouvelle fois et il redevient local. Mesurez-le des centaines de fois, il oscillera, encore et toujours, de l'état probabiliste à l'état manifesté. Bien que son ainséité (non intrinsèque) ne soit « ni la même ni différente », elle demeurera dans une certaine « constance ».

Tout phénomène macroscopique est un tourbillon de particules qui doivent leur localité temporaire à des transitions d'états microscopiques incessants, « la corporéité, le devenir, la naissance, la mort, se meuvent, s'entrecroisent, s'enchevêtrent. Et ce groupe-tourbillon lui-même se forme, se déforme et se reforme à chaque instant » BB-76. Est-il dès lors incohérent d'arguer qu'il ne puisse en être, d'une certaine manière, « de même » pour la conscience ?

Il ne faut pas raisonner en termes de substrat. Tout est impermanent. Les agrégats (skandhas) formant notre corps ont un début (la naissance) et une fin (la mort). De notre vivant, ces agrégats changent et se transforment constamment. Sans l'impermanence, l'univers n'aurait pas pu apparaître, l'évolution des espèces n'aurait pas été possible et nous ne pourrions pas grandir, devenir adulte et vieillir. Si tant est qu'une chose puisse exister sans l'impermanence, son existence serait d'une éternelle immuabilité !

A l'opposé, si l'impermanence était la seule force à l'œuvre rien ne pourrait avoir de cohésion ! Les atomes ne pourraient pas se former, la matière s'agréger, les structures complexes ne pourraient pas apparaître, la vie et la conscience seraient impossibles. Cette autre force qui vient contrebalancer l'impermanence est l'interdépendance. Tout ce qui existe doit son existence à la « chaîne des origines combinées ». Non seulement, « l'effet n'est rien d'autre qu'une combinaison de causes multiples ; n'a aucune existence propre, distincte des causes qui l'ont engendré » CT-111, mais qui plus est « la cause est détruite par la production de l'effet, car l'effet n'est pas autre chose qu'une transformation de la cause qui change d'aspect » CT-112.

La « chaîne des origines interdépendantes » n'a ni commencement, ni fin. Si elle est eue eu un début immanent tout serait resté en l'état, identique et inchangé à jamais. Si elle venait à avoir une fin, l'impermanence l'emporterait et tout se dissoudrait instantanément

(...) les choses ne sont ni détruites, ni produites, ni impermanentes, ni éternelles, ni différentes, ni identiques (...) il n'y a ni origine ni destruction (...) le monde est le Vide exempt de commencement, de milieu et de fin CT-139.

La philosophie du Sâmkhya Yoga - métaphysique dualiste doublée d'un ascétisme psychocorporel - l'a perçu et exprimé sous l'angle du Soi, cette unité dans laquelle tous les contraires sont abolis. « La réalisation de l'être implique la cessation de toute dualité, de toute espèce de distinction entre les couples innombrables d'opposés (dvandva) » YSPA-45. Le Bouddhisme l'a reformulé sous l'angle du non-soi, « la libération consiste en un renversement de nos perceptions, notions, sentiments ; éveil résultant de la vue profonde qui fait découvrir par-delà le monde des vertus et des vices, du Bien et du Mal, une sphère où ces paires de contraires n'ont plus de place » ESBT-80.

Intangible en même temps qu'infrangible, le centre de ce point d'équilibre de neutralité des forces n'est pas une force. Il est sans en-soi, vide de tout contenu, pure vacuité. Sans ce troisième élément, ni l'impermanence, ni l'interdépendance n'existeraient. Aucun n'est à l'origine des autres - non pas que l'équilibre ne puisse émerger du déséquilibre (l'ordre du chaos) -. La co-production conditionnée des causes est une synergie de forces en opposition. La convergence est la « coordination » des divergences...

La réalité est une manifestation continue qui gravite autour de ces trois axes dépourvus de centre : parce que rien n'est en soi permanent, tout peut être combiné ; parce que tout peut être combiné sans former d'en-soi, rien ne peut demeurer permanent ; parce que rien n'a d'en-soi, la « chaîne des origines combinées » est indépendante de ses maillons. Autrement dit, la causalité induit une « constance » abstraite de l'infinie diversité de formes que peut revêtir son infinie diversité de combinaisons.

La réincarnation, que notre confusion nous fait voir comme la survivance d'un principe immanent à la dissolution des skandhas et son passage d'une enveloppe corporelle à une autre dans un cycle perpétuel de (re)naissances, est une illusion. Ce que Bouddha a découvert, c'est la possibilité (accessible à tous) de « franchir le courant torrentueux des perpétuelles formations et dissolutions : le samsāra, le tourbillon sans limite dont l'idée hante les philosophes de son pays et que les croyances populaires illustrent par les transmigrations et les métempsycoses puériles » BB-54.

Parler de « nos vies passées » est une convention de langage pratique quand il s'agit d'expliquer le karman (la rétribution par nos actes) dans le cadre de la philosophie bouddhiste qui réfute l'existence de l'ātman. Ce qui demeure constant par-delà la vie n'est pas un «cela», c'est la causalité née « du désir et des actes du désir ».Cette constance nourrit le karman général, lequel produit la formation d'un nouvel agrégat de skandhas (doué de conscience sensible) « ni le même, ni différent », dans un mouvement cyclique continu tant que persiste, en lui, la confusion de la vue erronée.

C'est comme le vent qui se lève soudain, forme des tourbillons, des tornades ou des ouragans, puis retombe dans le calme complet. Même lorsque le vent ne souffle plus, que l'air qu'il a brassé s'est déplacé sur des kilomètres, les conditions qui le font (re)naître demeurent. D'un instant à l'autre, la même chaîne de causalité peut (re)produire les mêmes effets. Le vent se lève à nouveau, se (re)met à souffler sur un substrat atmosphérique renouvelé en formant des tourbillons qui ne sont « ni les mêmes, ni différents » en leur nature, de par la mécanique qui les meut et les effets qu'ils produisent.

A la lumière de cet éclairage philosophique, le thangka du « calme mental » révèle le dessin d'une « chaîne de causalités interdépendantes » où chacune des neuf étapes du samatha est constitutive d'un maillon chaîné par une force elle-même figurée par les six courbes du chemin. Ainsi, le « placement de l'esprit (1) » est relié au « placement continu (2) » par « la force de l'écoute (I) » ; le « placement continu (2) est relié au « replacement (3) » par « la force de la contemplation (II) » et ainsi de suite.

La méditation samatha constitue une « chaîne d'origines combinées » dans laquelle le franchissement de chaque étape permet d'aborder la suivante en développant les capacités qui, niveau par niveau, vont gagner en efficience. Le méditant place son attention sur un objet mental visualisé (1), s'entraîne à y demeurer (2), à y revenir lorsqu'il s'en détourne (3), jusqu'à conserver sa visualisation soutenue (4), etc. Par « les moyens mis en œuvre pour atteindre cet état (...) Shamatha correspond au développement et à l'instauration dans l'esprit d'une expérience de stabilité et de tranquillité » PPMOO.

Pendant samatha, le méditant est confronté à l'impermanence de ses phénomènes mentaux. Les influences, penchants, attractions auxquels il est soumis (par l'agitation mentale, la distraction, le relâchement - grossier et subtil - etc.), les forces qu'il doit déployer (l'écoute, la vigilance, l'attention...) lui rappellent à chaque instant le caractère impermanent de son esprit. Si, au terme d'une pratique assidue, confiante et enthousiaste - animée par la motivation de l'éveil -, le méditant parvient à cultiver la « force de familiarité » et à demeurer équanime dans l'absorption méditative (étape 9), sa plénitude ne sera toutefois « constante » qu'à son éveil plénier, lorsque par la « Vue pénétrante » il réalisera la vacuité de tout ce qui existe et sa propre vacuité.

Avant cela, le méditant ne s'est pas encore abstrait de la pensée par catégorie ni libéré de toute conscience duelle. Imprégné par le samsāra, son esprit demeure en-deçà de « l'horizon des événements » de la singularité du nirvāna. Samatha révèle que leur indissociabilité dissimule leur unité. Ils ne sont pas deux « affirment les Mahāyānistes, cela qui apparaît comme samsāra à l'ignorant, apparaît comme nirvāna à celui qui est illuminé » BB-248.

Selon qu'il l'alimente par l'agitation mentale instillée par le désir-attachement ou qu'il le nourrit par le développement des vertus, ce chemin (qui devient cyclique dans le premier cas...) est ce que le méditant en fait : celui du samsāra ou celui du nirvāna. « En bordure du chemin sont placés différents objets : plat de nourriture, conque, petite cymbale et miroir représentant les objets sensoriels : saveurs, odeurs, sons, et formes visuelles, qui distraient du chemin de samatha si le méditant se dirige vers eux [iv] ».

Symboliquement, cette distinction est représentée par le tracé du chemin blanc, grossissant avec l'ascension, qui illustre la clarté grandissante de la « Vision juste » (menant au nirvāna) sur la vue erronée (qui maintient l'illusion du samsāra). Les feux sont également un élément figuratif de cette pseudo dualité qui sont significatifs de la diminution des efforts du méditant pour développer le « calme mental » et, en même temps, de la réduction de l'attrait du désir-attachement qui nourrit le samsāra. Rien n'est à lui-même sa propre cause et cette « chaîne d'interdépendances » est ce que nous choisissons d'en faire, l'instrument de notre libération ou de celui notre asservissement : « si nous sommes la Chaîne, nous sommes aussi son créateur » ESBT-59

Je suis mon propre ennemi et je suis également mon propre protecteur, Bouddha [v]

Les obstacles au « calme mental » (paresse, oubli, relâchement et agitation, non-application des antidotes et leur application excessive) sont des attraits que nous donnons au samsāra et qui deviennent les maillons d'une chaîne que nous contribuons nous-mêmes à forger. « Faute d'avoir accès à la réalité non seulement nous ignorons mais nous bâtissons sur nos informations fausses des conceptions fausses (...) Ces assemblages sont entretenus par la foi que nous avons en leur réalité et l'usage que nous en faisons » ESBT-59. Le remède consiste à «entrer dans la Voie de la Vue dans laquelle les faits sont examinés et analysés avec une attention continuelle » ESBT-94 par l'usage des huit antidotes : la foi confiante, l'aspiration, l'effort joyeux, la souplesse méditative, l'attention, la vigilance et l'équanimité.

Selon l'angle de vue adopté, la combinatoire des « origines conditionnées » (pratītyasamutpāda), apparaît comme consécutive ou parallèle, formant soit : un enchaînement chronologique causal, c'est la « Chaîne des origines interdépendantes » ; soit une association de causes concomitantes, la « co-production conditionnée ». Que pour marcher, je doive avancer un pied après l'autre ou un pied avec l'autre n'a d'importance que si je suis un bipède ou un décapode ! L'essentiel est que je vois la marche comme un « devenir » qui n'a d'en-soi dans aucune des forces mécaniques en jeu, mais qui résulte de mouvements impliquant à la fois la coordination de causes multiples en interdépendance et leur enchaînement impermanent dans le temps.

Sur le thangka tibétain du samatha, le « chemin qui mène à l'éveil » est figuré comme résultant de plusieurs actions vertueuses, enchaînées et combinées : la méditation du « calme mental » qui consiste en une succession d'étapes précises ; une vie éthique, figurée par l'ermitage, lieu sain(t) au deux sens du terme ; l'aspiration à réaliser l'état de Bodhisattva, symbolisé par le méditant qui, ayant réalisé « l'union du calme mental et de la vision pénétrante coupe la racine du samsāra » pour atteindre l'éveil compatissant.

Le thangka tibétain du samatha illustre ainsi la « prise de refuge » dans les « trois joyaux » du Bouddhisme qui sont : le Dharma, « le chemin qui permet de développer la bodhicitta (...) l'ensemble des enseignements que nous a laissé le Bouddha[vi] » ; la Sangha, la communauté par la lignée de laquelle se transmet cet enseignement ; le Bouddha, « celui qui est entièrement purifié, qui possède la sagesse ultime[vii] ».

L'enseignement de la « Connaissance juste » - « la voie progressive vers l'éveil » ou Lam Rim, donnée par un maître ou un guide - est un élément clé du processus de libération et d'éveil. Il ne s'agit pas seulement de méditer pour atteindre « le calme mental ». Si nous ignorons où nous allons, c.à.d. si nous n'avons pas connaissance du « véritable but » qui est recherché par le Bouddhisme, que nous ne partageons ni n'aspirons pas à vouloir l'atteindre, alors la méditation se limite à une pratique de « pleine conscience ».

L'aspiration est essentielle non pas parce que dans la « chaîne d'origines interdépendantes » du samatha, elle constitue le second antidote - qui prend appui sur le premier (« la foi confiante») et rend par là-même possible le troisième (l'enthousiasme ou « l'effort joyeux ») -, mais parce qu'elle vise l'objet de la « Connaissance juste » qui sous-tend toute la doctrine du Bouddhisme et la « co-production causale » du refuge dans les trois joyaux : la « Vue pénétrante » de la réalité telle qu'elle est.

La lecture du thangka du samatha reflète cette perspective de la recherche de la «Connaissance juste ». Symbole de curiosité, le singe attise et excite l'intérêt de l'éléphant (qui courre) à la découverte et à la compréhension du « monde du devenir » (entre les étapes 1 et 2) et s'empêtre, ce faisant, dans le filet du samsāra - en le nourrissant par l'imagination de théories sur le fonctionnement de la réalité -, jusqu'à ce que le méditant, par un retour de l'observation sur lui-même (figurée entre les étapes 3 et 4 par l'éléphant tourné vers l'arrière), commence à prendre conscience (de l'importance) du rôle de l'observateur (l'interdépendance) dans la forme revêtue par la réalité.

Cette métacognition ou « observation de l'observateur », qui consiste à interroger les capacités et les limites de la connaissance- la critique de la raison pure de Kant -, participe du «chemin vers l'éveil » qui procède de l'épuration de la vue erronée de la réalité telle qu'elle nous apparaît pour révéler, par la « Vue pénétrante », la réalité telle qu'elle est.

Ainsi, je clôturerai la lecture symbolique du thangka du samatha (non exhaustive tant elle est riche de signifiants) par le symbolisme de la croisée des chemins, dans laquelle la rivière descendant des montagnes figure le cycle perpétuel du samsāra (« le courant du devenir ») que le chemin ascendant menant au développement du « calme mental » et de la « vision supérieure » inverse en lui opposant la voie menant au nirvāna et à l'éveil, « si un forgeron plonge de l'or dans un four, ce dernier prendra la forme désirée (...) dans un miroir propre et clair, il est possible de voir le reflet de la forme d'un visage. Il en va de même avec la concentration et la sagesse d'un Bodhisattva » AAM-31.

L'équilibre méditatif caractéristique du « calme mental » (figuré à l'étape 9 par l'éléphant blanc couché au côté du méditant) représente l'union du connaisseur (le méditant), du connaissant (l'esprit) et du connu (l'objet), symbolisée par la fusion de l'or (le connu) qui adopte la forme du four (le connaissant) dans lequel il est plongé par le forgeron (le connaisseur). Dans le miroir propre et clair du « calme mental », le méditant, éveillé, peut alors voir se refléter le nirvāna dans la forme du visage du samsāra.

Le choix d'emprunter « le chemin vers l'éveil » doit beaucoup au fait que dans le Bouddhisme le karman soit évacué de toute transcendance. L'homme ne développe une conscience écologique que depuis qu'il subit les conséquences directes de son comportement sur la nature. La croyance en l'âme individuelle a tendance à réduire le sérieux du jugement lié à la gravité de nos actes en le reportant sur nos vies futures - où nous oublierons avoir été l'auteur d'actes non vertueux... -. La vacuité de l'en-soi rend le jugement du karman impérieux en cette vie même et à l'instant présent.

L'illusion d'une essence métaphysique réelle dépossède l'homme d'un caractère immanent. Les conséquences de ses actes, c'est « ici-bas-et-maintenant » qu'il les subit. C'est en son corps propre, « tourbillon d'activité » formé d'agrégats périssables et provisoires, qu'il éprouve les souffrances de la dispersion de ses énergies, capacités et opportunités, concrétisées en sa vie actuelle, par la distraction née de la poursuite d'objectifs non vertueux.

Dans la conception bouddhiste du karman, nous ne sommes « ni différents, ni identiques » d'une vie à l'autre. En notre vie actuelle, nous ne sommes pas fondamentalement différents de la chaîne de causalité qui, en sa constance, relie l'ensemble de nos existences, mais nous ne sommes pas non plus identiques en chacune de ses formes « (re)conditionnées ». « Celui que je suis », non pas l'ego mais le « tourbillon d'activités » qui me constitue (mon corps et ma personne) est unique. De par la chance unique qui m'est donnée, il m'appartient d'œuvrer vertueusement à l'ascension de cette constance donc je suis l'une des « incarnations conditionnées ».

La fragilité permet également de changer d'attitude, même si la réaction liée au sentiment d'urgence reflète différents degrés de compassion... Désormais menacé, l'homme ne cesse pourtant pas de « courir derrière l'éléphant » en proie à la noire agitation mentale née de « l'excitation du singe », attisé par l'exploitation à outrance des ressources de la planète pour satisfaire les noirs désirs de cupidité vaniteuse et de jouissance mondaines futiles de l'ego.

La conscience de notre impermanence ne doit toutefois pas nous effrayer. Nous devons avoir confiance, « c'est sur la base de la foi confiante que naît l'aspiration (...) suscite l'enthousiasme qui donne naissance à des qualités qui n'auraient pas étés développées sans cela » AAM-35. Sur le thangka, le méditant qui passe devant l'éléphant figure, au sens littéral, « l'aspiration » de l'esprit dans le sillage de la foi. 

Prendre conscience que tout est (re)lié, que nos actes ont des conséquences sur le devenir de tous les êtres vivants - des plantes aux animaux, donc la nature et l'humain - est le puissant levier de l'action vertueuse de la conscience de la « précieuse vie humaine »

Puisque ce corps de circonstance et de libertés fut très difficile à obtenir (...) et dès qu'on l'a, il devient plus ardu de le mériter encore, donnez à cela un sens en vous efforçant de pratiquer PM.

Ainsi, le Bouddhisme est une sagesse profondément morale jusque dans les éléments de son «équation philosophique » qui ne reflètent pas une morale ! Face à l'inflation du désir-attachement, l'humanité a plus que jamais besoin de la compassion bienveillante au cœur même du Bouddhisme. Regardons avec attention et acuité, dans le miroir parfait de la vacuité se reflète l'éthique dont la pureté de l'application vertueuse mène à l'Éveil.

Namasté


Références :

Cet article fait suite à la formation que j'ai suivi sur la méditation de « calme mental » par le moine tibétain Jason SIMARD, à Strasbourg les 4 et 5 mai 2019. Elle s'inscrit dans l'enseignement du Lama Lobsang SAMTEN, fondateur du Centre Paramita au Québec.

Pour toutes informations voir :

Autres références :

CT : La Connaissance Transcendante, Alexandra David Neel https://archive.org/details/AlexandraDavidNeelLaConnaissanceTranscendante/page/n7?q=Prajna%2Bparamita 

DS : Dictionnaire des symboles - Jean Chevalier, Alain Gheebrant

ESBT : Alexandra David Neel - Les enseignements secrets des bouddhistes tibétains https://archive.org/details/AlexandraDavidNeelLesEnseignementsSecrets/page/n1 

YSPA : Les yogas-sutras de Pierre ALAIS https://www.publibook.com/yoga-sutra.html/ 

[i] L'essence de la voie du milieu

[ii] https://kant.chez.com/maquette/html/dico/theorique/c.html 

[iii] https://www.les-philosophes.fr/kant-critique-de-la-raison-pure.html 

[iv] Eveil Oriental - le chemin de Samatha Vipassana https://eveiloriental.com/2013/10/08/le-chemin-de-samatha-vipassana/ 

[v] https://www.paris-meditation.com/les-qualites 

[vi] https://www.paris-meditation.com/le-refuge 

[vii] Ibid.