I.66 - Valar Morghulis

29/03/2020

Le moment vient où l'on cesse d'aller vers l'univers et où c'est l'univers qui vient vers soi. Le confinement de la population dans la crise sanitaire du Coronavirus est l'occasion de rappeler l'importance de la précieuse vie humaine, d'apprendre à faire face à ses peurs et de se préparer à notre inévitable lot commun.

Nous sommes dans un bardo. Ce terme tibétain est connoté à l'idée de la mort véhiculée par le célèbre Bardo-Thödol, « le livre tibétain des morts », ce qu'il n'est pas d'ailleurs ! Le sens de l'ouvrage est celui d'une réflexion pratique sur la « libération des illusions de notre conscience égocentrique qui oscille perpétuellement entre être et ne pas être, espoir et doute, sans parvenir à la paix du nirvana, loin des illusions du samsara » LTM-18.

Au sens littéral, bardo signifie un « état intermédiaire ou entre-deux ». Une définition qui s'applique autant à la période séparant la naissance de la mort qu'à l'intervalle la séparant d'une nouvelle vie. « La relative "stabilité" de ce bardo est due au conditionnement du karman qui a produit la naissance dans l'une des six destinées, pour une durée de vie variable » DEB-74.

L'état de confinement de la population française est un bardo. Nous en ignorons la durée comme celle de notre vie ! Nous savons seulement leur fin certaines. La réalité du danger de la pandémie du coronavirus exige un effort de prise de conscience collective qu'un scénario de fin du monde[i] n'aurait pas à démontrer. A travers cette situation sanitaire d'échelle planétaire, l'univers nous offre l'opportunité de repenser le monde à venir sur la base de considérer les autres comme aussi important que soi.

Comme nos vies actuellement, ce bardo est conditionnée par nos actes karmiques individuels. C'est, en partie, parce que de nombreuses personnes ont fait fi des recommandations de prudence sanitaire - « élémentaires », mais essentielles pour protéger les plus faibles -, en continuant de se réunir et de circuler, massivement, comme si la situation n'était pas si grave, comme si le danger était minimisé, nié, « comme s'il ne (me) concernait pas moi ! », que le gouvernement a pris la décision du confinement.

Ce confinement n'est pas une punition (karmique), c'est un bien public ! La valeur de ce bien devrait d'ailleurs posséder un caractère planétaire et de ne pas être limité à la santé humaine. Devons-nous attendre de ne plus pouvoir respirer et que la planète se meurt du réchauffement climatique pour prendre des actions d'une envergure comparable en ce domaine ?

Le confinement est l'occasion de prendre conscience de l'impact social de nos comportements. Pour les êtres sociaux que nous sommes n'y a-t-il aucun comportement individuel qui ne soit en même temps social ? C'est l'occasion de méditer nos décisions et nos actes dans une optique plus large que la vision de notre ego et dans une perspective à plus long terme que la durée de notre vie. « Tant que cette vie demeure, la vision karmique impure reste sensiblement la même. Si l'on a obtenu une précieuse vie humaine, ce bardo est l'occasion inespérée de pratiquer assidûment pour atteindre si possible l'Éveil en cette vie, sinon lors de la mort ou dans les bardo post-mortem, ou bien une bonne renaissance favorable à la continuation de la pratique du Dharma » DEB-74.

Tara verte, monastère de Chiwang Népal. Bodhisattva féminin de la compassion, permet de surmonter les situations les plus difficiles de manière pacifique.
Tara verte, monastère de Chiwang Népal. Bodhisattva féminin de la compassion, permet de surmonter les situations les plus difficiles de manière pacifique.

Les situations économiques mettent en évidence trois types de réactions comportementales : ceux qui « pensent uniquement à leurs intérêts égoïstes » ; ceux qui « contribuent davantage si les autres contribuent davantage » ; et ceux qui « contribuent au bien public quelle que soit la situation »[ii]. Les premiers font fi des autres par vanité, inconscience et déni de leur propre finitude ; les seconds s'attachent à la situation des autres en regard de la perception de laquelle ils conditionnent leur attitude et leur comportement ; enfin, les derniers, œuvrent sans critère au bien commun.

La compassion fait partie de la nature humaine, mais elle plus ou moins spontanée selon l'âge et les individus, et elle demande à être développée avec une intention sincère et profonde de venir en aide aux autres pour devenir une vertu qui nous mène sur le chemin de l'Éveil. Ces différences traduisent un degré d'évolution spirituelle maturé sur une succession de vies.

Là aussi, trois types de comportements peuvent être discriminés : ceux qui jugent les autres sous l'angle d'eux-mêmes ; ceux qui considèrent les autres d'une manière conditionnelle ; et ceux qui les considèrent sans préjugés. Les premiers sont incapables de compassion ; les seconds la modèrent selon la proximité et leur degré de connaissance qu'ils ont des autres ; les derniers ne s'attachent à aucune forme de différence. Trois poids de l'ego : « je n'imagine même pas que je puisse être contaminé par quelque chose d'aussi commun que ce qui affectent les autres ! » ; « je conçois que je puisse contaminer les autres dès lors qu'eux-mêmes peuvent me contaminer » ; « je suis comme les autres, ce qui les affecte m'affecte et je me protège en les protégeant ».

Le comportement des « non contributeurs » n'est pas tant régit par le déni du danger, l'inconscience ou l'indifférence quant à ce qui peut arriver aux autres. L'homme tire sa force de l'union avec ses semblables au point que le « contact social » devient un besoin d'autant plus puissant qu'il comble son vide de compassion. Cette dépendance peut-elle amener les individus à croire que (la magie de) la « proximité sociale » puisse contrer le destin ?

Le mot « confinement » apparaît d'autant plus comme un stress qu'il est un révélateur de la vulnérabilité cachée sous la peur de la perte du lien social. Et cette peur renforce le réflexe de combler la distanciation sociale en regard de laquelle le bien public apparaît comme une menace ! A mesure que le nombre de personnes malades croît, faire partie de la «communauté» des malades devient même, paradoxalement, préférable (eut égard à la force de l'aide qui leur est apportée) à ne pas être infecté, mais coupé du monde ! La perception faussée de la nature du risque joue ici un rôle essentiel - ce raisonnement ne tiendrait pas si le risque était 100% létal, quoique lorsque la mort est certaine pour tous, entre mourir seul ou ensemble... -.

Sous cet angle, les personnes qui ne respectent pas le confinement ne sont donc pas, totalement, méprisantes du bien commun ni, complètement, insensibles aux autres. Elles savent parfaitement que « dans l'adversité, c'est bien la proximité sociale qui s'avère cruciale[iii]». Mais de quel « proximité », « lien » ou « liant » parlons-nous ? Cultivons-nous des liens sociaux avec des personnes avec lesquelles nous ne partageons nulle affinité, pour lesquelles nous avons de l'aversion ou qui nous critiquent ?

L'homme est un « être social », mais la compassion n'est pas proportionnelle au lien sociétal. Nous ne devenons pas altruistes au, seul, contact de nos semblables, en fonction du nombre, de la fréquence et du caractère de nos relations (surtout lorsque, festives, elles sont une source de distraction pour le mental). Pour être sensible à la souffrance des autres (exprimer le souhait compassionnel de les voir en être délivré), notre perception ne doit pas être obscurcie ni déformée par le « chérissement excessif du moi ».

On a tendance à croire que regarder les autres est suffisant pour les comprendre, alors qu'en plus un travail sur soi est nécessaire [iv].

Le (seul) contact avec autrui ne développe pas notre compassion s'il ne s'accompagne pas d'un état d'esprit compassionnel. L'autre est un miroir et, le plus souvent, le « liant » social nourrit et entretien l'ego en nous renvoyant l'image que nous souhaitons que l'autre nous renvoie de nous-mêmes dans la recherche d'un bonheur personnel illusoire.

Nous nous lions avec des personnes qui partagent les mêmes affinités, les mêmes valeurs, les mêmes idéaux, jusqu'à nous laisser emporter par la force de notre adhésion et en oublier la relativité de toute vérité (ici-bas), au point d'affirmer leur primauté sur ceux des autres et entrer en conflit avec eux.

La base vertueuse pour développer notre compassion est à rechercher dans le contact de ceux qui ne nous intéressent pas, qui nous rebutent, qui nous critique ! 

15. Si publiquement quelqu'un nous déshonore 

ou nous bafoue en proclamant nos fautes, 

le considérer comme un maître spirituel et s'incliner avec respect 

est la pratique des bodhisattvas. 37

Face à un danger, quel que soit sa nature, son degré et son étendue, la question a se poser, est « qui » est menacé ? En regard de la force que nous octroie le « lien social », mais aussi de la structure neurosociale de notre cerveau, qui se développe et évolue en relation avec les autres, « la solitude tue aussi sûrement que le coronavirus[v] ». Mais « qui » est tué ?

Certainement pas l'âme que les conceptions non bouddhistes considèrent immortelles, sûrement pas l'esprit qui, selon la conception bouddhique, en sa véritable essence est vacuité, en sa nature est « claire lumière » et en son aspect est non-obstruction, plus probablement les sociétés, qui comme les civilisations sont mortelles. Mais, ce qui meurt à coup sûr de la dissipation de sa propre illusion, c'est le « je » ! Ce qui se délite et disparaît sans aucun doute, c'est la conscience identitaire, la personne, sa mémoire et ses souvenirs, qui ne sont que des agrégats interdépendants et impermanents.

La peur est le reflet d'un attachement, la crainte du changement, l'angoisse du détachement... La peur de la mort est l'expression de notre désir-attachement pour la vie, pour la « vue » que le prisme de l'ignorance de la « vérité ultime » du soi de la personne et des phénomènes nous fait percevoir individuelle, personnelle, mienne, exclusive

Pourquoi devrais-je avoir une peur (égoïste) pour « ma » vie alors La vie est un cadeau, une chance précieuse de me libérer de l'emprise de l'identification au « moi », de l'obscurcissement de ma « vue erronée » qui est le produit d'une « projection karmique » impulsée par les poisons (ou émotions perturbatrices) distillés en mon « continuum de conscience » dans une existence passée ?

Pour le bouddhisme, la solitude n'a rien de négative. Si elle étouffe, voire tue, c'est cette « vue erronée » qui nous meut par convoitise, aversion, orgueil et jalousie que le « courroux du vajra » de Padmasambhava vise à détruire. 

3. A l'écart des objets néfastes, les émotions diminuent progressivement. 

À l'abri des distractions, les activités vertueuses croissent naturellement. 

Et quand l'esprit est clair, la connaissance certaine de l'enseignement survient.

S'en remettre à la solitude est la pratique des bodhisattvas 37.

Cela ne veut pas dire qu'il faille nous couper de tout lien social, mais que pour adopter l'attitude et le comportement d'un bodhisattva (pour développer « l'esprit l'Éveil »), il est essentiel d'épurer nos relations de tout ce qui entretien l'ego. La société n'est pas mauvaise en soi, pas plus que l'homme n'est mauvais par nature. C'est le type d'activités sociales et conséquemment de relations qui est à distinguer. « Il s'agit d'éviter de fréquenter des endroits qui ne nous aident pas à transformer nos émotions perturbatrices (...) l'assemblée des individus fait qu'un endroit devient positif ou négatif. Il est nécessaire de se montrer mutuellement l'exemple, afin que chacun puisse devenir autonome et prendre ses responsabilités[vi] ».

Selon la taxinomie économique du comportement social des individus, la manière dont une population réagit à son confinement pourrait se résumer à l'opposition de deux points de vue : « ensemble, rien ne peut nous arriver » ou « nous pouvons dépasser ce qui nous arrive, ensemble ». Sous l'angle bouddhiste, le confinement nous offre l'occasion d'épurer le lien social par la remise en perspective du rapport à soi-même.

Se retrouver seul avec soi-même est une opportunité de repenser l'essentiel. Mais d'ordinaire, nous vivons mal la solitude parce que la société nous fait nous sentir obligés à un (sur)investissement permanent alors même qu'elle nous contraint à des logiques incohérentes et des décisions absurdes. Cette contradiction est épuisante nerveusement et professionnellement. Elle nous fait ressentir d'une manière aiguë la solitude de notre position sous le poids de nos responsabilités. Toutefois, ce n'est pas le stress qui est toxique, c'est le jugement de la pensée qui transforme l'obstruction de « ce qui arrive » en sentiment d'impuissance pour « ce qui (m')arrive à moi ».

La pandémie est emblématique de ce mécanisme. Lorsque le risque était à des milliers de kilomètres de nous, lorsque la « distanciation sociale » était marquée par la barrière des pays, le virus était un événement « qui arrive ». A mesure qu'il se rapprochait, nombreux furent ceux qui ne semblaient pas concernés. Et lorsque le virus circula au sein même de la population, nombreux furent encore ceux qui ne se sentirent toujours pas impliqués, au point de risquer de contaminer les autres par leur inconscience et leur irresponsabilité. Pourquoi ? Parce que cela ne leur arrivait pas « à eux » !

Et maintenant que le Coronavirus est à un mètre de nous, que l'ensemble des médias mettent, en permanence, la focale de l'actualité sur l'évolution de la pandémie, nous sommes (presque) tous contaminés par le sentiment que cela peut (m')arriver « à moi ». Nourrie par un flot continu d'informations toxiques, la peur se transforme en angoisse. Chacun retient son souffle. C'est palpable. Il y a comme une épée de Damoclès au dessus de nos têtes !

Il n'existe pas de solution miracle pour surmonter la peur. Détourner le mental en cherchant à le distraire avec d'autres sujets, la lecture, la pratique du yoga, la méditation ou tout « geste barrière » à la peur, toute activité confinée pouvant déconnecter notre attention des informations susceptibles de transformer la peur en angoisse chronique, bien que prophylactique pour notre santé mentale ne constitue toutefois pas la solution au vrai problème. Car cela n'inhibe pas le sentiment de la peur que cela peut (m')arriver « à moi », qu'un simple stimulus suffit à réactiver à n'importe quel moment.

Relativiser la situation (en mettant la pandémie en regard des autres dangers qui menacent la vie humaine sur la Terre, y compris l'humanité elle-même), avoir, face à « ce qui arrive », une (volonté d') attitude rationnelle, sont des vœux pieux qui ne résistent pas à la réaction physiologique qui s'empare de nous lorsque l'alarme de notre instinct de survie se met à crier et dont même l'humour ne saurait contrer chaque assaut - une « alarme » qui à l'époque préhistorique poussait les hommes à se réfugier dans les grottes et l'homme moderne à dévaliser les stocks de papier toilette des supermarchés ! -.

Toutefois, nous pouvons exercer une influence apaisante et réductrice sur notre peur en modifiant notre état d'esprit. A cette fin, nous devons formuler une claire et ferme «intention» (samkalpa) et y dédier la force de notre foi enthousiaste. Adopter une distanciation opportuniste traduirait l'expression de l'ego. Il ne s'agit pas de dire « cela ne peut pas (m')arriver à moi », car ce serait nier le risque pour soi et pour les autres (caractéristique de l'attitude des « non contributeurs » irrespectueux du bien commun).

Lorsque je dis « j'ai peur », se demander « qui » à peur ? Qui est ce « je » à travers lequel «je» fais l'expérience de la sensation de peur ? 

La vérité du non-soi de la personne enseigné par le Bouddha, c'est qu'il n'y a pas plus de «moi» dans la sensation de peur que de « moi » dans mon corps, en chacune de ses parties ou son tout (à quelque niveau physique que ce soit) !

En sa nature, l'esprit est « claire lumière », mais du fait de notre ignorance nous l'identifions à «ce qui le parcours » et y fait obstruction. C'est parce que j'ai peur que cela (m')arrive « à moi » que je « me » rends malade ! La maladie existe, elle est cause de souffrance, c'est la première des quatre nobles vérités du Bouddha. Mais « qui » est malade ? 

Sûrement pas l'âme que les religions disent immortelles, certainement pas l'esprit qui, selon la conception bouddhiste, en sa véritable essence est vacuité. Une partie de nous ne peut pas être affecté par la maladie et pourtant, elle trouve à se confondre avec l'autre « partie » qui lui est sensible à la maladie !

Une partie de nous peut être malade, l'autre non. Si nous sommes attachés à la partie sensible, « ce qui arrive » nous fait peur, car nous le percevons comme ce qui (m')arrive « à moi ». Nous nous identifions à la maladie, nous devenons la maladie. Comment pouvons-nous alors mobiliser les ressources de notre corps dans un processus de guérison heuristique ?

Bouddha de médecine
Bouddha de médecine


Observons nos réactions, observons notre peur, comme nous observons le miroir de nos pensées. Ne les laissons pas réfléchir et décider à notre place. Examinons notre rapport aux autres, examinons le caractère et la nature de nos liens sociaux. Et quoi de mieux pour redéfinir notre rapport aux autres et à la société d'une manière plus positive et vertueuse que de repenser le rapport à nous-mêmes d'une manière plus compréhensive et tolérante ?

Il n'existe pas de solution miracle pour nous détacher de la vue égocentrée du « moi » et nous libérer de l'ego qu'une pratique appliquée et persévérante. 

1. Ayant obtenu ce rare vaisseau doté de libertés et de richesses, 

afin de libérer soi et autrui de l'océan de l'existence cyclique, 

écouter, réfléchir et méditer sans relâche, jour et nuit, 

est la pratique des bodhisattvas 37.

Une manière de renverser nos tendances nombriliste est d'apprendre à tourner notre regard vers l'extérieur et progressivement nous habituer à nous « mettre à la place des autres ». Mais, comment pouvons-nous développer notre compassion pour la souffrance des autres si nous ne les voyons pas ? Et pourquoi avons-nous tant de mal à nous mettre à la place des autres ?

Le premier obstacle est structurel. De par son caractère subjectif, la posture de la conscience est autocentrée. Je suis conscients de moi à la « première personne ». Ce point de vue est naturel, implicite, c'est le socle perceptuel sur lequel s'établit le « sens commun » de mon aperception. Corrélativement, les autres m'apparaissent sous un point de vue à la « troisième personne ». Je sais, spontanément, me « penser « moi-même », mais j'ignore ce que cela fait d'être un autre, de me percevoir moi-même à la « troisième personne » !

Il ne s'agit pas d'une question de « compréhension ». Ce n'est pas notre capacité, quel que soit par ailleurs son degré, à comprendre les autres, à savoir pourquoi ils (ré)agissent mû par des conditionnements inconscients, des schémas de pensées profondément ancrés, des croyances erronées, etc., qui fait naître en nous un sentiment de compassion à leur égard.

Un tel degré de connaissance phénoménologique « privée », nous permets certes de partager leurs afflictions avec empathie et de les soutenir par effet de sympathie. Mais, c'est toujours à travers le filtre de propre perception que nous percevons, évaluons et ressentons leur souffrance. Il est impossible de, totalement, « comprendre l'autre » d'un point de vue extérieur, comme il est impossible de se comprendre, véritablement, soi-même car il faudrait pour cela que nous puissions faire abstraction de notre subjectivité.

Ce qui rend une personne unique, c'est son point de vue. « Se mettre à la place des autres », ce n'est pas comprendre ce qu'ils pensent, c'est faire naître de la compassion envers eux au vu de leur situation en la faisant sienne. Il ne s'agit pas d'échanger un point de vue égoïste contre un autre, mais de partager « ce qui arrive » par-delà toute considération de « nous » et de « moi », afin d'adopter une attitude altruiste.

Les personnes qui ne respectent pas le confinement trouveraient à revoir leur point de vue égocentré et à reconsidérer le risque qu'ils ont de contaminer les autres si, en se mettant à la place des plus faibles, elles partageaient les risques inhérents à leur situation en se sachant, elles-mêmes, fragiles. « Ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas qu'il vous fasse » !

Cet échange de point de vue est symétrique. Se mettre à la place de l'autre, c'est se mettre soi-même en perspective en adoptant sur soi un point de vue « autre ». En faisant naître la compassion pour les autres en se mettant à leur place, nous faisons donc également naître la compassion envers nous-mêmes et réduisons d'autant l'hégémonie de l'ego.

L'ego est dans le jugement, la critique permanente et sa première cible c'est nous-mêmes. En commençant, petit à petit, par nous accepter, en apprenant à faire preuve de compréhension, de tolérance et de patience envers nous-mêmes (envers nos actes et nos choix), plutôt que d'être intransigeant, empressé et avide de résultat, notre propre compassion bénéficiera en retour aux autres. Modifier notre point de vue sur nous-mêmes modifie la vue que nous avons des autres et plus nous développons de la compassion envers nous-mêmes plus nous cultivons l'amour des autres.

Cependant, le déterminisme de notre comportement individuel constitue un second obstacle à la difficulté de nous mettre à la place des autres, d'autant plus si nous tenons compte de tendances karmiques puissantes et ignorées. Mais, si nous ne possédions aucun libre-arbitre, atteindre le nirvāna serait impossible et Siddhârta Gautama ne serait jamais devenu un Bouddha ! Quels que soient le caractère et la force de nos conditionnements, rien ne nous empêche d'avoir de la compassion. Être égoïste est un choix !

11. Toutes les souffrances émanent d'un désir de bonheur égoïste, 

alors que les parfaits Bouddhas naissent des pensées altruistes. 

Échanger son bonheur contre la souffrance d'autrui 

est la pratique des bodhisattvas 37.

Le conditionnement social constitue un troisième obstacle. Sur les réseaux sociaux, le confinement apparaît comme l'occasion privilégiée d'éveiller les consciences de mobiliser notre intelligence et notre humanité pour construire un monde plus sain et plus altruiste. Mais, cette période sera-t-elle suffisante pour impulser un renversement de mentalités si profondément ancrées ?

Puisse-t-il ne pas se produire à la fin de la crise « d'effet rebond » (encore plus) dévastateur lorsque seront levés les interdits qui confinent à l'immobilité (et donc à l'insatisfaction) les pulsions du désir-attachement du « moi »...

Si c'était aussi simple, s'il suffisait de formuler une intention pour la voir se réaliser « comme par magie », nous pourrions tous atteindre l'Éveil en une seule vie ! Or, nul ne se libère aussi facilement de ses conditionnements et de ses habitudes, qu'ils soient sociaux ou individuels. Cela prend du temps, les yogis le savent bien, d'épurer nos samskaras et cela ne se fait pas sans le tapas persévérant et l'intention continues d'atteindre à la réalisation.

Apparaît ici un quatrième obstacle à la difficulté à « se mettre à la place des autres », l'incapacité à nous penser à la place qui est la nôtre ! L'ignorance nous aveugle de la vacuité du soi de la personne et des phénomènes, mais la société nous distraits à loisir en repoussant les frontières de notre finitude et en nous détournant de la conscience de notre impermanence. L'ego se croit invincible et la société qu'il s'est bâtie cristallise cette illusion dans l'inconscience de la mort et l'insensibilité au sort des autres. Autrement dit, le non-respect du confinement traduit, chez ceux qui en font le déni et ne le respectent pas, le refus de leur propre mortalité.

Le voici donc le cœur de l'éternelle question que nous éludons constamment, que nous repoussons sans cesse à plus tard, dont nous décrétons qu'elle doit constituer la dernière page du calendrier de notre existence et qui ne doit (surtout) pas se produire avant que nous ayons réalisé (toutes) les étapes intermédiaires. Nous redoutons à ce point la question que le plus grand défi n'est pas de mourir, mais de « faire face » à l'idée de notre mort !

Penser à notre mort, c'est nous heurter à la peur, à l'absurdité, au néant... Notre mort est d'autant plus insensée et irrationnelle qu'il nous est impossible de la conceptualiser. Il nous est impossible de savoir ce que cela fait d'être mort. C'est antinomique ! Curieusement, aussi irrationnel que nous soyons la plus grande partie du temps, face à la mort nous devenons d'une logique implacable, d'autant plus inflexibles que l'idée nous angoisse...

Penser à notre mort, c'est être envahi par la souffrance de notre propre perte, c'est déplorer de ne pas pouvoir réaliser tout ce que nous voulions - « remettre à demain » n'est-ce pas, pour partie, un prétexte visant à nous défendre de ne pas être prêt à partir ? -. Penser à notre mort, c'est être envahi par des sentiments d'inquiétude, de tristesse, voire de détresse, à l'idée que notre disparition fera souffrir ceux qui nous aime.

Penser à notre mort, c'est se demander comment le monde sera sans nous ? Comment nos proches feront face à l'avenir alors que nous ne serons plus là pour veiller sur eux ? C'est se fustiger de les abandonner, se reprocher de ne pas vouloir assister à des moments que nous leur souhaitons les meilleurs, c'est les trahir de les laisser aux prises avec leurs propres démons...

Pourtant, même si l'idée nous est insupportable, nous devons apprendre à considérer notre propre fin avec l'esprit clair et serein. Pour le bouddhisme, le « moment de notre mort » est déterminant de notre capacité à maîtriser le processus de renaissance. Cet état d'esprit ne s'obtient cependant que par un entraînement intensif et quasi quotidien qui, avec l'intention de développer l'esprit d'Éveil, est la vocation et le travail de toute une vie. Nous ne devons toutefois pas viser l'impossible, mais faire de notre mieux, le mieux possible.

Que nous les aimions de tout notre cœur, que notre disparition les affecte cruellement, les réactions de notre entourage et de nos proches face à notre mort (comme à tout « ce qui (nous) arrive » d'une manière générale), aussi durs que ces mots puissent paraître, leur appartient - comme m'appartient en propre la manière dont je choisis de (me laisser) réagir émotionnellement face à « ce qui (m')arrive » - !

Ce qui nous importe, ce sur quoi nous avons une emprise, c'est la manière de concevoir l'idée de notre mort, car elle est symptomatique de l'obscurcissement de notre esprit. Nos pensées, émotions, ressenties face à elle et à l'idée de ce que nos proches pourront ressentir, sont le reflet de nos émotions perturbatrices. « Faire face » à l'événement que constitue notre mort, à nos yeux et à ceux de nos proches, implique d'épurer notre esprit et nos sentiments de leurs impuretés.

24. Toutes les souffrances sont semblables à la mort d'un enfant en rêve

Mais l'on s'épuise à rendre réelles des apparences trompeuses. 

Voir les circonstances défavorables comme des illusions est la pratique des bodhisattvas 37.

La question du karman, seule, peut induire en erreur quant à l'éthique adoptée dans la situation de crise sanitaire actuelle. Si d'un point de vue global, nous considérons vivre « pour une raison» et, donc, également « mourir pour une raison », toutes deux liées à nos actes antérieurs (c.à.d. à ce qui nous a propulsé dans cette vie et que nous devons épurer et/ou développer pour cheminer vers notre réalisation spirituelle), alors il adviendra ce qui doit advenir. Si c'est notre destin (comme celui de tout le monde), d'être infecté par le virus et d'en mourir, alors pourquoi devrions-nous nous conformer aux prescriptions et rester confiner chez soi ?

Le karman n'est pas le seul élément de l'équation. Le bouddhisme prescrit de « ne pas nuire » à toute forme de vie sensible. Si tant est que nous n'ayons pas d'emprise sur nos choix - ce qui, encore une fois, suppose que nous ne puissions atteindre la bouddhéité « si tel n'est pas notre destin » -, il est de notre devoir spirituel (comme de notre devoir citoyen) de ne pas nuire aux autres, dans la mesure de ce qui nous est, humainement, possible.

Nul ne peut nous reprocher de ne pas nous être préparés à la mort, mais si une personne est contaminée, voire décède, du SRAS-CoV-2, pour « raison karmique », cela ne doit pas être du fait de notre absence d'éthique et de notre indifférence. Dans le bouddhisme, que la mort soit déterminée par le karman ne justifie pas la souffrance et ne doit priver personne (même le pire criminel) de notre compassion

13. Même si quelqu'un veut nous trancher la tête alors que nous n'avons commis aucune faute, 

par compassion, prendre sur soi ses méfaits 

est la pratique des bodhisattvas 37.

Toute expérience défavorable est une leçon, y compris la mort. Il n'appartient pas aux fidèles d'une religion de mettre en doute le jugement d'un Dieu omniscient. Dans le bouddhisme, le karman n'est pas un jugement, mais la conséquence de l'enchaînement causal de nos actes. Il n'a pas de caractère punitif. L'enfer dans l'iconographie de « la roue de la vie » (bhavacakra) n'est pas le lieu où les pécheurs subissent un châtiment en regard de leurs forfaits. Les «mauvaises destinées » du samsāra sont simplement la conséquence de mauvais comportements. Le sens de la leçon n'est toutefois pas de bien agir pour bénéficier d'une vie meilleure et heureuse. L'objectif est plus élevé.

La mort fait peur car elle signifie « notre » fin, or karman veut dire « absence de fin » ! Quelque chose de nous perdure après la mort. Qu'elle est sa nature ? Comment cela transmigre ? Là n'est pas l'important. Ce qui l'est, c'est que la mort « est et n'est pas » la fin ! La mort est la fin de la personne que je suis, de ma conscience identitaire, de mes souvenirs, etc. La mort est la fin de tout ce qui entre dans la constitution d'un agrégat dont les composants sont de nature physique ou psychique, et dont la forme résulte d'un processus complexe de causes interdépendantes combinées.

Mandala du cycle des quatres bardo
Mandala du cycle des quatres bardo

Si je suis attaché à l'impermanent, aux lieux, aux objets, aux personnes, si j'ignore la vacuité du soi de la personne et des phénomènes, alors la mort sera « pour moi » synonyme de peur et de souffrance. Mais, à l'instar de la nature des phénomènes, qui apparaît comme samsāra sous la « vue erronée » de l'ignorance ou nirvāna sous la « vue juste » de la sagesse et de la compassion, notre état d'esprit donne deux visages à la mort.

A ma mort, la mémoire physique de mes expériences va disparaître, mais ce que j'ai appris de mes expériences perdurera. A ma mort, les réflexions philosophiques auxquelles je me suis livré et le contenu des pages que j'ai écris s'évanouira avec la désagrégation du support de mes souvenirs, mais la capacité de discernement acquise tout au long des années restera...

C'est fort probablement parce que j'ai déjà étudié ces sujets dans des vies antérieures que leur compréhension m'est facilité en cette vie. L'intelligence se mesure à la capacité de résoudre un problème nouveau, une définition qui ne tient pas compte des aptitudes acquises à nous confronter aux mêmes questions dans de multitude de vies... L'intelligence est une familiarisation !

Chaque instant que je passe à méditer m'amène à toujours plus de calme intérieur. Après ma mort, je n'en conserverai pas les bénéfices fonctionnels et structurels acquis sur mon cerveau, mes cellules et mon corps, mais la sérénité perdurera. Ce que je fais, de bon et de vertueux, pour moi et pour les autres, en cette vie ne sera pas perdue dans les suivantes.

Les leçons de la vie et du karman nous enseignent que la mort participe à notre réalisation spirituelle.Nous réaliser c'est, mû par l'esprit d'Éveil, aller toujours plus haut sans jamais (plus) redescendre dans les sphères du samsāra. C'est nettoyer nos impuretés, cultiver les vertus, développer notre sagesse et notre compassion jusqu'à « passer au-delà du par-delà » afin d'aider les autres à se libérer. 

36. En toute activité, demandez-vous : 

quel est mon état d'esprit ? 

Avec une attention et une vigilance constantes,

accomplir le bien d'autrui 

est la pratique des bodhisattvas 37.

Dès lors que nous comprenons l'importance de la mort, celle-ci cesse d'être une cause de peurs pour devenir une source de foi. Dès lors que nous prenons conscience du karman, la peur de perdre notre vie apparaît comme une « souffrance du changement ». Dès lors que nous sommes animés par la compassion envers les autres, nous pouvons « faire face » à la mort emprunt de la sérénité et de la félicité que nous octroient la certitude de notre réalisation grâce à la confiance puisée dans le Bouddha et le Dharma.

Une partie de nous disparaît avec la mort, l'autre non. Si nous sommes attachés à la partie périssable, à travers le filtre déformant de l'illusion du « moi », la mort fait peur. Elle signifie la « fin » de celui que nous croyons être par identification à l'ego et l'ignorance de notre véritable nature. Sous l'empire du désir-attachement, mourir c'est se sentir dépouillé de ses biens, c'est se voir arracher à ceux que l'on aime. Même accompagnés au moment de notre mort, c'est une étape que nous franchissons seuls. Seuls et dans une totale nudité, car nous n'emportons rien « de l'autre côté », ni bien ni possession, rien que le poids de nos fautes et la grâce de nos mérites.

Si nous sommes enchâssés dans le « moi » qui juge et se juge avec sévérité et intransigeance, ce dépouillement, ce dénudement, fait apparaître la mort comme une captation, une injustice, un châtiment... Si nous sommes attachés à la partie transitoire, conditionnelle et incertaine qui disparaît à la mort, non seulement nous mourrons seuls mais, qui plus est, emmêlés dans le filet de nos jugements, nous impulsons nous-mêmes ce que sera notre vie suivante, nous créons notre propre « enfer » !

A contrario, si nous adoptons le point de vue de ce qui ne disparaît pas, de ce qui essentiel (les mérites et la sagesse que nous avons accumulées) et si nous inscrivons ce bardo, cette étape intermédiaire, dans la perspective de notre réalisation spirituelle, n'étant plus une fin, ni une perte, ni un jugement, alors la mort ne fait plus peur, n'entraîne aucun regret, ni repentir. Si, dans nos méditations pour nous préparer à mort, nous dédions nos mérites aux autres par compassion pour leurs souffrances, alors nous ne mourrons pas seuls, puisque nous ne mourrons plus « pour nous » !

Les 100 déités paisibles et courroucées du bardo
Les 100 déités paisibles et courroucées du bardo

Au moment de la mort, le désir-attachement pour la partie corruptible est une double peine : elle entraîne la peur et impulse un devenir karmique influencé par les émotions perturbatrices et le jugement que nous portons sur nous-mêmes sous leur emprise. Être attaché à soi, c'est mourir seul et c'est se condamner soi-même à renaître dans une existence dans laquelle nous ne trouverons pas plus le bonheur illusoire qu'en cette vie car mû par la même insatisfaction, les mêmes désirs et les mêmes souffrances qui en découlent.

Une partie de nous ne disparaît pas à la mort et pourtant, elle trouve à s'attacher à la partie qui disparaît ! Cela revient au même que de rêver que nous mourrons. Croire qu'il s'agit de la réalité confère à ce rêve une telle intensité qu'il peut véritablement provoquer notre mort ! La mort n'apparaît véritable que lorsque nous nous plaçons sous la « vue erronée» de la partie de notre être qui disparaît. Celui qui, libéré de l'ignorance, réalise la claire lumière de l'esprit voit l'illusion de la mort pour ce qu'elle est, sans en être illusionné. La mort se révèle alors être « non-mort » !


  • Puissent tous les hommes réaliser leur véritable nature, la bouddhéité, et pour cela puissent tous les hommes mourir de « l'illusion de croire en la mort » ! 

  • Et puisque cette illusion repose sur l'ignorance, puissent tous les hommes faire mourir en eux l'ego qui en est le produit.


Si l'illusion de la mort disparaît pour celui qui réalise la vacuité du soi, alors en toute logique, le bardo qui sépare la mort d'une nouvelle naissance se révèle également en son caractère illusoire, révélation qui à son tour entraîne l'évaporation de l'illusion du bardo de la vie. Autrement dit, nous ne mourrons pas, car nous ne sommes pas « réellement » en vie, nous sommes dans un rêve ! Nous sommes dans « le rêve de la vie » produit par l'ignorance qui le fait se terminer par le « rêve de la mort », et ainsi de suite jusqu'à ce que nous prenions, enfin, conscience de la réalité de l'illusion. 

Ainsi se comprend le sens de la déclaration de la Prâjñapâramitâ selon laquelle le nirvāna est le samsāra « qui apparaît aux ignorants comme une Réalité stable, existant par elle-même, alors qu'elle est le fruit du jeu de son imagination. Les Sages, spirituellement éclairés, ne le voient point ; ils sont éveillés du rêve » CT-140.


  • Puissions-nous transcender les bardos du rêve de la « mort » et de la « naissance » en développant la sagesse et la compassion.

  • Puissions-nous pendant le bardo du « rêve du confinement » méditer avec amour sur le sort des autres et avec compassion prendre sur nous leurs souffrances.

  • Puissions-nous au sortir du bardo « du rêve de l'après » ne pas nous laisser distraire et entretenir avec foi l'intention pure d'agir avec altruisme au bien des autres et du monde.


Love & Light

Namasté



Références :

DEB : Dictionnaire Encyclopédique du bouddhisme, Philippe Cornu

LTM : Bardo-Thödol,Le livre tibétain des morts

37 : Les Trente-sept Pratiques des Bodhisattvas https://www.institutvajrayogini.fr/pdf/Les_37_pratiques_des_bodhisattvas_trad_Ch.Charrier_Editions_Vajra_Yogini.pdf  


[i] https://www.futura-sciences.com/sciences/questions-reponses/sciences-apocalypse-huit-scenarios-possibles-fin-monde-10796/ 

[ii] https://theconversation.com/mais-pourquoi-tant-de-gens-sortent-ils-malgre-les-appels-a-limiter-les-deplacements-133823 

[iii] https://theconversation.com/loin-des-yeux-proche-du-coeur-le-lien-social-au-temps-du-coronavirus-134086 

[iv] https://www.dhagpo.org/fr/multimedia/revue-tendrel/332-a-propos-des-trente-sept-pratiques-des-bodhisattvas 

[v] https://theconversation.com/loin-des-yeux-proche-du-coeur-le-lien-social-au-temps-du-coronavirus-134086 

[vi] https://www.dhagpo.org/fr/multimedia/revue-tendrel/332-a-propos-des-trente-sept-pratiques-des-bodhisattvas