I.69 – Une brève histoire de la vacuité

01/06/2020

Pour contrôler votre respiration, commencez par l'observer. Avez-vous déjà observé votre propre esprit ? Observer change l'état de l'observé et de l'état de l'observateur. Si l'esprit change en s'observant comment serait-il immuable ? Comment pourrions-nous faire un avec ce que nous observons si l'esprit est, en soi, un avec lui-même ?

  • J'inspire lentement, j'expire lentement. Je porte mon attention sur l'air qui entre et sort de mes narines... J'entends le bruit léger de l'air. Je porte mon attention sur mes poumons. J'inspire lentement, je sens l'air entrer et remplir l'espace intérieur de mon corps. J'expire lentement, je sens l'air quitter mon corps. Je porte mon attention sur le diaphragme. J'inspire lentement, je sens le diaphragme qui s'élève. J'expire lentement, je sens le diaphragme qui descends. Je porte mon attention sur ce cycle qui recommence...
  • Assis en posture de méditation, je suis concentré sur chaque phase sans rester fixé sur l'une d'elle. Mon attention est concentrée sur l'enchaînement. Je respire et je suis conscient de ma respiration tel un flux. Je me laisse emporter par ce flux qui s'écoule et dans lequel je m'écoule...
  • Je respire ce flux, je suis ce flux. Je ressens ma respiration à travers mon corps et mon corps à travers ma respiration. Je suis tour à tour l'air qui entre et sort, tour à tour mon corps qui se remplit et se vide, observateur extérieur et intérieur de moi-même. Inspire après expire, stimuli après stimuli, sensation après sensation, je suis le flot d'une conscience formée d'instants successifs qui se mélangent en flux bariolé...


La philosophie bouddhiste définit la sensation (vedanā) comme le « contact ou la rencontre entre l'objet, la faculté et la conscience de chaque sens » DEB-520. D'un côté les stimuli physiques (ici ceux de la respiration), de l'autre les sens qui, pour le bouddhisme, sont constitutifs de « consciences » (visuelle, auditive, etc.) qui les captent et nous en donnent le ressenti.

La conscience est un phénomène. La philosophie bouddhiste conçoit la réalité comme étant uniquement faite de phénomènes. La conscience fait partie des phénomènes impermanents. La « rencontre » entre un objet et une conscience sensorielle a lieu dans un instant dont la durée n'excède pas le temps pendant lequel elle se produit. J'inspire dans l'instant, j'expire le suivant. L'intervalle est toujours le même et pourtant il change. Le temps est fait d'instants qui sont à la fois « le même et différents ».

Chaque instant est la cause du suivant. Si l'instant « actuel » n'existe pas, il ne peut y avoir d'instant « suivant ». C'est la disparition de l'instant qui rend possible l'apparition de l'instant suivant. Chaque instant est l'effet de celui qui le précède et la cause de celui qui le suit. Cet enchaînement est sans commencement ni fin. Ce n'est pas qu'il soit impossible d'identifier un « instant premier », c'est que rien ne peut exister sans cause.

Certes, il y a bien eu un « instant premier », au moment de ma naissance, où j'ai inspiré pour la première fois de l'air dans mes poumons. Mais, ce moment était lui-même le produit d'une série de causes et d'effets qui l'ont précédé. Tous les phénomènes impermanents sont interdépendants, produits de « chaînes d'origines combinées » sans origine ni fin.

Ces causes sont multiples. C'est une attitude « réductionniste » de les limiter à des types définis (physique, biologique, psychologique, émotionnel, etc.). Il n'y a pas de distinction. Tout se mêle et s'interpénètre à de multiples niveaux de cause et d'effet. De l'atome aux galaxies, tout concoure à produire les phénomènes qui nous entourent et nos propres agrégats.

La philosophie bouddhiste tibétaine conçoit un sixième sens, la « conscience mentale ». La phénoménologie de ma conscience est formée par un contenu mental, subjectif, privé (car incommunicable d'esprit à esprit), formé des représentations que mon cerveau élabore à partir des percepts sensoriels - il faut également ajouter le sens de la proprioception qui nous donne la position de notre corps dans l'espace à partir d'informations sensorielles internes -.

En mode automatique, je n'ai pas à faire d'effort conscient pour positionner mon corps dans l'espace. Je connais implicitement sa position ainsi que celle de chaque partie de mon corps et j'ai conscience des liens qui les unissent grâce à la vision synthétique de l'ensemble. Ma proprioception n'est pas la sensation intégrale directe de mon corps, c'est une reconstitution à partir de données différenciées, telle que je le perçois sous une forme globale.

Le « sentiment unitaire » qui définit la conscience de soi vient de ce qu'elle ne perçoit pas son caractère synthétique. La conscience ne perçoit pas ces brides de « moments de conscience », épars voire rivaux, qui n'ont pas conscience d'eux-mêmes pris individuellement. La subjectivité de la « conscience de soi » s'émule en une forme unitaire au dépassement du seuil de l'agrégation de perceptions fragmentaires.

La « conscience de soi » (c.à.d. qui se perçoit comme un continuum) émerge de l'interdépendance de phénomènes impermanents composés. Sa base « très subtile » est formée par le « continuum de l'état d'esprit qui réside continuellement », c.à.d. qui perpétue indéfiniment (de vie en vie) la croyance en son ego jusqu'à l'Éveil. Parce que ce continuum très subtil contient les potentialités des « trois corps » (les graines) de Bouddha, il est en effet susceptible de produire l'état de Bouddha en sa réalisation.

Il y a bien un instant où je (re)prends conscience de moi au réveil et où je m'aperçois également d'une « interruption » de ma conscience la veille. Mais, je n'ai jamais aucun souvenir du dernier instant avant de m'endormir ni d'aucun instant de sommeil, comme s'ils étaient hors d'atteinte de ma conscience psychique et hors du temps. Un seul instant suffit toutefois pour que je (re)prenne immédiatement et totalement conscience de moi-même...

Les états de veille, de sommeil, de rêve (les états de conscience profonds, modifiés, etc.) constituent des formes de conscience, « qui revêtent à elles-mêmes l'aspect d'un continuum», émulées par le « continuum de l'état d'esprit qui se perpétue continuellement ». La personne, le « moi » (psychologique), auquel je m'identifie et à travers lesquels je me reconnais constituent également une forme de conscience « qui s'apparaît à elle-même identitaire » sur cette « base d'imputation » agrégée. Le « je » est un état de conscience superficielle d'un état de conscience profond, variable en son aperception à travers le caractère de son reflet. Tous sont des états intermédiaires, des bardos, auxquels s'ajoute le bardo de la mort.

Puisque la « base d'imputation » formée par le corps et les facteurs mentaux se désagrège dans le bardo de la mort, le « continuum de l'état d'esprit qui réside continuellement » ne peut dès lors plus émuler une « conscience identitaire » à travers un « je » illusoire (même si demeure puissante l'empreinte de l'ego). Dans ce continuum, le potentiel de notre bouddhéité devient dès lors manifeste sous la forme d'un « état d'esprit » qui revêt l'apparence des déités paisibles et courroucées, « manifestation du tathāgatabarbha [la nature de bouddha[i]] présent dans tous les êtres » PLME.

Le langage contribue largement à l'imputation erronée du « je ». L'affirmation « le corps est blessé » est le constat d'une atteinte à son intégrité physique. Mais, « je suis en colère » ne revient pas à dire que mon intégrité psychique est altérée, c'est un état d'esprit, pour lequel il est impropre d'employer le qualificatif mon. Dire « mon esprit », c'est poser une distance avec le locuteur comme s'il était distinct d'un « moi » existant par lui-même !

Le cogito de Descartes nous induit en erreur quant à la réalité de l'en-soi de notre personne. Je pense donc « je » suis, éveillé ou endormi, heureux ou malheureux, etc. Ce ne sont là que des «états de conscience » ! Les états de « la » conscience ou de « l' » esprit sont des vues ! Il n'y a que des « états de conscience » ou « des états d'esprit » qui changent d'instant en instant sans que persiste nulle entité autonome douée d'en-soi.

Lorsque nous disons « je », nous devrions toujours être conscients qu'il s'agit d'un état dont l'existence participe du caractère relatif de l'activité mentale, phénoménale, temporaire et impermanente qui la produit...


  • J'inspire lentement, j'expire lentement dans l'attention vigilante du rythme de ma respiration... Là, dans le flux ascendant et descendant du diaphragme, j'observe le mouvement et je m'observe... Mon souffle lent est subtil, quasi imperceptible à l'entrée et à la sortie de mes narines, quasi inaudible à mes oreilles, presque insensible en son parcours. Pourtant, mon corps immobile est en mouvement... « Tout est mouvement » ! Mes poumons qui inspirent et qui expirent l'air, mon cœur qui pompe le sang à mes organes et dans mes membres, mes cellules qui s'activent constamment... Tout est mouvement, impermanent et continu à la fois...

  • J'observe le mouvement et j'observe ma conscience... Mon attention se porte sur le «fait de conscience », non sur son contenu, immobile comme un prédateur à l'affût de sa proie, stable derrière l'écran changeant du flux de ma respiration qui s'écoule en elle comme une rivière en son lit. Je concentre mon attention au moindre frémissement, au plus petit battement de cil qui trahirait une immobilité feinte, une immuabilité factice. Mais, la toile de ma conscience demeure parfaitement tendue...

  • Une image surgit. Je me retrouve subitement dans un ascenseur, flottant en impesanteur. Je sens l'ascenseur en mouvement et tandis qu'il se déplace, sans que je sache s'il monte ou s'il descend, animé par sa propre vitesse ou en chute libre, je demeure parfaitement immobile en son centre. L'ascenseur accélère encore, je me fige davantage comme si je m'ancrais dans l'espace. Le temps extérieur se compresse, le temps intérieur s'expand... Spectateur intemporel, j'observe le changement sans le subir, je suis sans devenir...


C'est grâce à « l'expérience de pensée » de l'ascenseur, qu'Einstein compris l'équivalence locale de la relativité entre la gravitation et l'accélération au sein d'un référentiel [ii] et c'est de l'état d'impesanteur, qui se forme en chute libre, qu'il saisit l'équivalence générale de cette dernière à l'absence de gravité.

Les agrégats de mon corps sont toujours en mouvement. A l'instant même, des cellules meurent, d'autres naissent. L'activité cérébrale n'arrête jamais. De mon premier à mon dernier souffle, mon cerveau contrôle la totalité de ma physiologie. 90% de ses ressources sont dédiés à des tâches automatiques et inconscientes, 10% à des tâches cognitives et de l'activité de mes facteurs mentaux seuls 15% est accomplie par les neurones, 85% le sont par les cellules gliales dont le rôle est encore imprécis aux neurosciences.

Pourtant, une chose au sein de ce flux m'apparaît constante, la conscience avec laquelle je me perçois moi-même. Je sais l'état de mon observation varier de « l'oubli de soi » à la concentration en un point, en passant par la pleine conscience de l'instant. Je sais son état impermanent, mais le moment subtil où les flux phénoménologiques de ses courants se combinent pour me donner la conscience de ma propre conscience demeure hors de portée d'observation. Un seul instant suffit pour être « conscient de soi », comme si dès l'instant où je prenais conscience d'exister, j'avais toujours existé...

L'illusion est puissante, mais je la sais être une illusion ! Toutefois, loin en-deçà de ce mirage, y a-t-il « quelque chose » au fond de ces états agrégés, d'apparence subjective unitaire que je nomme « conscience », qui ne soit pas un chaos mais qui possède un caractère phénoménal permanent ?

Dans l'enseignement des soutras, l'impermanence est un « levier spirituel » dont la fonction est de nous motiver à entrer dans la voie du dharma. Penser à notre « impermanence », c'est penser à notre mort. Non pas de façon compulsive, obsessionnelle et délétère, mais afin de méditer la chance de notre « précieuse vie humaine » au regard du caractère fugace de la vie, «aussi longtemps que ne naîtra pas en soi une pure motivation d'atteindre le bonheur ultime de la libération et de l'éveil » EVE-97.

Brève est notre vie, inévitable est notre mort, sans fin est notre « continuum de conscience», certaine est donc notre re-naissance de souffrances dans le samsāra tant que nous n'aurons pas atteint le nirvāna. Pour nous libérer de la souffrance, il faut purifier notre karman négatif afin d'éviter que ses effets n'arrivent à maturité dans une autre vie. Il nous faut aussi pratiquer le Dharma, nous entraîner à l'éthique, à la concentration et à la sagesse, le cœur de l'enseignement du Bouddha.

En somme, développer les « graines de Bouddha » grâce à la « précieuse vie humaine » (porte d'entrée du Lamrim pour atteindre le nirvāna et l'Éveil). Cette « précieuse vie humaine » dont il nous faut également méditer la chance de l'avoir obtenue « jusqu'au point de ressentir une incommensurable joie intense à la pensée que nous avons maintenant le support permettant d'atteindre les bonheurs ultimes de la libération et de l'éveil » EVE-86.

Inutile de préciser qu'il est essentiel de croire que la mort n'est pas la fin et qu'il y a une vie après la mort, sans quoi l'impermanence ne fait pas sens !

Même si la mort est certaine, nous trouvons toujours à la nier, à nous illusionner de pouvoir la défier par divers artifices comme le transhumanisme. Et même si la souffrance est inhérente à la vie, nous croyons pouvoir « passer entre les gouttes » et trouver le bonheur mondain. Mais, la vie après la mort est une croyance et, en tant que telle, sujette au doute.

Le bouddhisme ne nous commande pas de croire, il nous enjoint de réfléchir et d'expérimenter par soi-même. Confiance et intention naissent de la maturation intellectuelle par l'écoute, la réflexion et la compréhension - la prise de refuge dans les Trois Joyaux (le Bouddha, le Dharma et la Sangha) n'est pas une foi aveugle (ni le dogme) de leurs objets, mais la confiance en notre capacité d'atteindre le nirvāna et l'Éveil en suivant le chemin qui mène à leur réalisation -.

Plus qu'un principe qui sous-tend le réel, l'impermanence est avant tout l'acception de notre finitude et la confiance en notre potentiel de bouddhéité. Il en va de même de l'interdépendance et de la vacuité, qui sont des outils de la voie (la sagesse et la méthode) pour atteindre la libération et l'Éveil. C'est aux fins de purifier nos trois corps que l'enseignement de la philosophie bouddhiste tibétaine met l'accent sur l'interdépendance « des douze liens » qui conditionnent les renaissances dans le samsāra, et c'est pour nous détacher de l'ego qu'il met le focus sur la vacuité du « soi de la personne ».

Comprendre l'ontologie de la réalité, par la réflexion sur l'impermanence, l'interdépendance et la vacuité, va toutefois de paire avec le développement de la « vue pénétrante » et de « la sagesse qui réalise la vacuité ».

La philosophie bouddhiste tibétaine répartis les phénomènes en deux catégories, impermanents et permanents c.à.d. « dépourvus de naissance, de disparition et de durée ou les phénomènes insubstantiels » DEB-267. Les phénomènes impermanents comprennent trois sous-catégories : la forme (les composés substantiels agrégés) ; les connaisseurs (la conscience, l'esprit, les « facteurs mentaux » associés) ; les composés non associés (le nominal c.à.d. la désignation apposée sur la base d'agrégats comme la personne).

L'absence de naissance, donc d'origine et de cause, des phénomènes permanents suggère une essence immanente qui transcende la nature des phénomènes produits de cause. Il ne faut toutefois pas y voir là une dualité. Les phénomènes « permanents » sont ceux qui ne changent pas, ni ne se transforment, avec le temps. Mais, qu'est-ce que le temps ?

Selon la théorie de la relativité, un observateur se déplaçant à la vitesse de la lumière verrait le temps s'arrêter. Un phénomène impermanent peut-il donc devenir permanent ? Non, car cet «arrêt » du temps est l'effet d'une cause. C'est uniquement au regard d'un observateur extérieur, eut égard aux lois de la relativité et comme un « effet de langage », que l'affirmation est pertinente.

La spécificité d'un phénomène « impermanent » est que sa nature ne change pas, ni ne se transforme, avec le temps. L'arrêt de l'écoulement du temps à la vitesse de la lumière ne concerne que les corps dotés d'une masse, donc impermanents. Lors de l'inflation cosmique suivant le Big Bang, l'univers augmenta si rapidement (la matière ne s'étant pas encore formée) que l'espace dû se dilater à une vitesse supérieure à celle de la lumière !

L'espace reste incomposé en sa nature et celle-ci ne change pas quels que soient les fluctuations du temps. L'espace recouvre tout l'univers. Qu'il ne soit jamais vide, y compris au niveau quantique - où des particules « virtuelles » surgissent et disparaissent à chaque instant «à la vitesse de l'éclair » -, que sa forme soit plate ou courbe, dépliée ou replié, déformée par la masse gravitationnelle des corps composés, sa nature demeure inchangée.

Seul phénomène « physique » permanent reconnu tel par la philosophie du Mahāyāna (les autres phénomènes permanents étant le nirvāna, la nature de Bouddha et la nature de la «réalité ultime » de tous les phénomènes, la vacuité), l'espace est la « base du déploiement » de l'impermanence. C'est une « vue réductionniste » qui nous fait concevoir la naissance de l'espace au moment du Big Bang. L'hypothèse du « multivers » ne circonscrit pas les limites de l'espace au référentiel de notre univers (notre espace pourrait même constituer un effet de la relativité de « l'espace du multivers » dépourvu de naissance, de disparition et de durée...). Non, ce qui nous fait percevoir le temps comme une réalité physique est plus subtil...

Dans quelle catégorie classer le temps ? Il présente un caractère invariant de par son existence (si l'on prend cet univers pour référentiel, il semble être apparu avec le temps) et invariant de par la durée strictement identique des intervalles qui séparent deux instants depuis l'origine de cet univers. De plus, son continuum en constitue la structure, le tissu et la trame. Or, le temps change et se transforme, le présent devient passé, le futur advient sous la forme du présent, ce qui serait impossible s'il était permanent !

L'impermanence (penser à notre mort) n'est pas un moyen de modifier notre perception du réel, tels que l'isolement et l'ascétisme pratiqués à l'extrême par Milarépa pour diluer les frontières de la réalité et de son esprit. Serait-il possible de révéler le caractère synthétique de la «conscience de soi », en parvenant à discriminer son aperception du caractère composite de son flux phénoménologique sans que cela n'ait pour effet d'en invalider l'illusion, qu'y parvenir ne serait d'aucun secours pour notre libération.

Nous avons besoin de la « conscience de soi » pour faire naître la motivation d'atteindre le bonheur ultime de l'éveil. Ce prérequis est aussi important que les conditions propices de la «précieuse vie humaine » elle-même. Devenir un Bouddha est un processus qui requiert que le « continuum de l'état d'esprit qui réside continuellement » puisse émuler l'illusion d'une conscience qui s'aperçoive permanente - outre la possibilité qu'elle nous offre de comprendre le dharma grâce aux facultés d'intellection de notre instrument de cognition -. C'est ce mirage qui rend, curieusement, possible de développer la sagesse et la « vue pénétrante » qui réalisent la vacuité et d'accomplir ainsi le potentiel de notre bouddhéité.

Méditer notre mort, nous permet ainsi de comprendre que chaque instant fugace auquel s'attache un instant fugitif de conscience est un bardo, un état intermédiaire. Aussi évanescent que soit le bardo de la « conscience de soi », il rend possible l'expression des conditions de la « précieuse vie humaine » authentique menant à l'Éveil, qui consiste à lever l'illusion qui nous dissimule son caractère permanent sous son impermanence !

En effet, sous la perspective du temps comme référentiel de la pensée, réaliser l'Éveil apparaît comme un processus. Pour les Bouddha, il n'en est rien, car leur connaissance est « au-delà du par-delà » de tout concept et donc de toute pensée. 

Nirvāna et saṃsāra ne sont point deux choses opposées, mais une seule et même chose vue sous deux aspects différents par des spectateurs dont le degré d'acuité visuelle mentale diffère ESBT-117.

La pensée est limitée. Elle achoppe à représenter une « connaissance » hors des catégories a priori de l'espace et du temps. Comment puis-je me concevoir à la fois dans et au bord du fleuve en train de m'observer emporté par son courant ? La raison se heurte à une aporie. Comment pourrions-nous naître Bouddha puis l'oublier, mais si nous le devenons un jour, c'est donc que l'impermanence des phénomènes peut engendrer des phénomènes permanents ? Songeons que le matin, un instant suffit pour être à nouveau « conscient de soi », comme si dès l'instant où nous nous réveillons, nous avions toujours été éveillés d'un état qui n'était qu'une illusion... ou un rêve !

Mes sens sont limités, je suis incapable de percevoir le déplacement individuel des photons et je ne vis pas assez longtemps pour voir la tectonique des plaques façonner les reliefs de la Terre. A mon échelle toutefois, la plupart des phénomènes impermanents que je perçois, je les vois apparaître, se transformer, puis disparaître. J'en infère l'existence : d'un cadre qui rend cela possible ; de son caractère de référentiel où se déploie l'impermanence ; et que je définis comme le temps, car sans la séquentialité du temps, je ne pourrais pas même construire une pensée. Du moins, c'est ce que je crois...

Ce référentiel que je suis par ailleurs incapable de percevoir directement, la physique le défini comme un « continuum d'espace-temps » dont elle décrit les équations relativistes qui le gouvernent. La réification du temps en ses trois aspects « atomiques » (passé, présent et futur) semble être également une nécessité logique et physique à la causalité, donc à «l'interdépendance des phénomènes ». « Le temps est un facteur lié aux phénomènes conditionnés ou composés » DEB-618, nous dit la philosophie bouddhiste.

Affirmer que la « connaissance » des Bouddhas n'est pas de la nature de la pensée conceptuelle, signifie-t-il qu'elle est abstraite de la temporalité et de l'espace-temps ? 

Existe-t-il une sorte de « temps actuel » dans lequel passé, présent et futur coexisteraient simultanément sur un même plan et qui serait constitutif de l'omniscience des Bouddhas ? 

Un être y évoluant aurait-il la connaissance de la totalité de l'histoire de l'univers, du Big Bang à sa fin, voire vivrait-il simultanément dans le passé, le présent et le futur ?

Ce que nous disent la théorie de la relativité, la mécanique quantique et la philosophie bouddhiste tibétaine, c'est la relativité du temps à l'observateur. En sa nature quantique, l'électron est purement statistique. Sa forme réifiée (corpuscule ou onde) résulte de la «décohérence » de sa « fonction d'onde » - qui regroupe tous les états et toutes les propriétés que l'électron est susceptible d'adopter par la mesure -. « On ne peut appréhender le temps qu'à l'aide de la mesure de ses moments. Il n'existe pas indépendamment. Il dépend également des phénomènes composés. Or, ceux-ci n'ayant pas d'existence en soi, le temps n'en a pas davantage » DEB-618.

Comment la science conçoit-elle l'espace et le temps ? A notre échelle, l'espace apparaît contenant et le temps réaliste. C'est en fait la seule zone du réel saisissable par le sens commun (rien d'étonnant vu qu'elle l'a façonné !). A l'échelle relativiste de l'univers, « l'espace-temps » manifeste une forme, un comportement et une structure, fluctuante aux effets de la masse. Ces déformations se traduisent par la gravité, qui n'est pas une force qui attire les corps vers le bas mais le plus cours chemin dans un espace courbe...

A l'extrême relativiste, en-deçà de « l'horizon des événements » d'un trou noir, le temps semble s'arrêter pour un observateur extérieur qui observe un corps en mouvement situé au-delà de cet horizon, tandis que pour ce dernier la matière s'étire tel un spaghetti vers le centre la singularité... Et à l'échelle de l'infiniment petit, les phénomènes sont encore plus étranges !

Le « principe d'incertitude » d'Heisenberg énonce l'impossibilité de connaître (de mesurer) avec précision et la position et la vitesse d'une particule : plus précise est la mesure de sa position, plus imprécise est celle de sa vitesse ; et plus précise est la mesure de sa vitesse, plus imprécise est sa position !

La théorie de la relativité et la mécanique quantique sont aux antipodes de l'infiniment grand et de l'infiniment petit. Leur articulation met en évidence le rapport entre l'énergie et le temps : toujours plus grand est l'espace mesuré à une vitesse toujours plus rapide et plus l'énergie et le temps se distinguent isolément ; inversement, toujours plus petit est l'espace mesuré sur un laps de temps toujours plus court et plus le rapport de l'énergie au temps les rends indiscernables !

Un autre point commun entre le bouddhisme et la mécanique quantique, c'est qu'ils nous amènent à changer, radicalement, de point de vue sur la réalité et nous obligent à développer une vision du monde et de nous-mêmes qui va totalement à l'encontre du sens commun. Niels Bohr disait que « Si la mécanique quantique ne vous a pas encore profondément choqué, alors vous ne l'avez pas encore comprise. Tout ce que nous appelons réel est fait de choses qui ne peuvent pas être considérées comme étant réelles » !

Pour tenter de comprendre ce que la philosophie bouddhiste tibétaine nous dit sur la nature de toutes choses, prenons comme base de réflexion le titre d'un ouvrage de Stephen Hawking «l'univers dans une coquille de noix ». Vous différenciez la coquille de la noix parce que vous pouvez manger l'une et pas l'autre, mais pouvez-vous dire laquelle donne sa forme à l'autre, laquelle sert de cadre de référence au développement de l'autre et pouvez-vous seulement concevoir l'une sans l'autre ?

Cependant il faut se garder de voir, là, une dualité (...) le Vide et la forme ne doivent pas être divisés en deux (parties). Ils ne sont pas deux, il ne faut pas en faire deux CT-86.

Imaginez que votre noix soit l'univers : sa coquille est l'espace-temps ; la noix est tout ce qui l'occupe (matière baryonique, matière et énergie noires, etc.) ; l'espace est son étendue ; le temps est ce qui confère une flèche (une direction) aux événements et ce qui leur donne une séquentialité (passé, présent, futur) ; les galaxies occupent l'espace et s'éloignent dans le temps depuis le Big Bang. Sous cette vue, l'univers est à la fois : contenant et contenu, forme et volume, position et causalité, origine et devenir...

Maintenant, enlevez la coquille, retirez l'espace-temps, enlevez la forme, l'étendue et la localité imputées sur la base de l'espace, enlevez la durée, la causalité, l'origine et le changement imputés sur la base du temps. Comment voyez-vous les choses maintenant ? Pouvez-vous concevoir l'existence des étoiles, de votre corps, sans ce cadre de référence ? Pouvez-vous concevoir qu'une chose puisse naître, posséder une forme, des propriétés et agir avec d'autres choses, sans les lois qui régissent la physique ?

Premier élément qui amène à une révolution de notre vue, l'espace (ākāsa) que la philosophie bouddhiste tibétaine définit comme « dépourvu de forme, ouvert à toutes les activités et qui n'obstrue rien » DEB-268. Sans forme ni étendue, sans origine ni fin, l'espace est un phénomène permanent. Sans cadre, l'espace peut tout contenir sans être contenant, sans fonction, l'espace permet toute activité sans être lui-même en activité !

Second élément de notre révolution conceptuelle, le temps (kāla), que la philosophie bouddhiste tibétaine définit comme « désignation pour indiquer la succession continue des causes et des effets » DEB-618. Une « désignation », c.à.d. un phénomène impermanent « non associé », non réaliste (non réifié), qui n'a pas d'existence propre sur le plan physique. Autrement dit, le temps est le nom utilisé pour « constater » le changement des phénomènes impermanents et non la cause à l'origine de ces derniers ! 

Pour les écoles mahayanistes, il est clair que le temps est une propriété de l'existence illusionnée du samsāra (...) le temps ne concerne que les phénomènes composés dans le domaine de la vérité relative DEB-619.

Comment voyez-vous les choses maintenant ? Pouvez-vous concevoir l'apparition et la disparition des phénomènes sans un référentiel déterminé ? Pouvez-vous vous représenter comment les choses peuvent changer et se transformer en séquence sans que le passé, le présent et le futur existent ? Pouvez-vous concevoir que « rien n'arrive sans cause » et qu'une cause puisse être à la fois un effet sans une (loi de) causalité qui régente leur évolution et leur imprime une direction sans une flèche directionnelle ?

Qu'est-ce que « l'impermanence » au sens ontologique du terme ? Ni une loi physique, ni un autre nom pour le temps ou la causalité dans un univers sans coquille ! La philosophie bouddhiste tibétaine définit l'impermanence (anitya) comme « le caractère transitoire et périssable de tout phénomène composé » DEB-267. L'univers n'est pas un « contenant », c'est l'ensemble de tout ce qui apparaît et disparaît dans un mouvement continu sans contenant, que le bouddhisme désigne par le terme « d'impermanence ».

Les phénomènes impermanents sont des bardos, des états intermédiaires et temporaires. Leurs différents « stades » d'existence comprennent deux états, le changement et la transformation. L'apparition et la disparition sont eux-mêmes le résultat d'une transformation et la variabilité de leur état temporaire un changement. Par « état », il faut comprendre une dualité qui n'en est pas une : le plein et le vide, la forme et le sans-forme, le local et le non-local, le temporel et l'atemporel. La mesure est la transformation de l'électron de « l'état quantique » (statistique) à « l'état réaliste », du vide au plein, du sans-forme à la forme, du non-local au local, de l'atemporel au « temporel »...

Tout phénomène peut être vu comme un « état ». Il faut toutefois prendre la précaution de ne pas leur inférer un caractère réaliste, y compris s'agissant des phénomènes permanents. «L'état» est un qualificatif nominal relatif. L'essence de tous les phénomènes est vacuité.

Et puisque le temps réaliste n'existe pas, il n'existe pas non plus de principe déterminant de causalité. Chaque phénomène résulte d'une transformation et chaque « transformation d'un phénomène impermanent » est à la fois effet et cause de changement et de transformation. Il ne faut donc pas voir l'interdépendance des phénomènes comme le produit de « chaînes d'origines combinées » indépendantes et de longueur variable, dont la combinatoire produirait des effets eux-mêmes infiniment diversifiés.

C'est la « vue conventionnelle » qui nous fait voir le monde comme réaliste et concevoir, par réductionnisme, la causalité comme formant des chaînes de causes et d'effets dont le nombre de maillon est variable. Dans une réalité sans « coquille de noix » (sans principe de causalité), le moment présent ne peut être ramené à un moment antérieur causé par le moment précédent et ainsi de suite jusqu'à un hypothétique « instant premier » (en regard du multivers, le Big Bang est un point de vue conventionnel...).

Dans une réalité dont la structure d'espace-temps est un effet conventionnel, chaque transformation et chaque changement sont la cause de changement et de transformation incessantes. Ce n'est donc pas qu'il ne soit pas possible d'identifier leur origine, c'est que les phénomènes n'ont, véritablement, ni origine, ni fin, qu'ils soient impermanents ou permanents !

A ce stade de notre description ontologique, le réel apparaît tel un incessant bouillonnement formé par les transformations continues des phénomènes impermanents, passant de l'état potentiel à l'état « réaliste » (conventionnel) à une vitesse insaisissable et indéfinissable en l'absence d'espace-temps, c.à.d. hors de la désignation, elle-même conventionnelle, de la mesure.

Dans sa quête scientifique de la compréhension de l'univers, l'homme s'est toujours heurté au problème du vide. En apparence, le vide est partout, des atomes de notre corps à l'espace intersidéral des galaxies. Mais, pour la mécanique quantique, le vide n'est tout simplement pas vide ! Sur ce point, Aristote n'avait pas tort en affirmant que « la nature a horreur du vide », mais il voulait également signifier que nous avons la plus grande difficulté à intellectualiser un espace vide qui soit lui-même dépourvu de forme...

L'idée de vide est attachée à celle de contenant associée à l'idée de contenu, car conceptuellement indéfinissable comme un « vide de forme » ou une « forme qui soit le vide » ! Le « vide quantique » est l'objet d'incessantes fluctuations caractéristiques de l'apparition et de la disparition, instantanées, de particules dont la durée de vie est si brève qu'elles sont nommées « virtuelles ». Tout cela se passe en permanence dans le vide quantique. 

Mais, ne devrait-on pas plutôt dire que c'est le « vide quantique » lui-même qui fluctue entre deux états (énergie et matière), rendant impossible leur discrimination ? 

De la matière est-elle véritablement créée dans un très bref laps de temps par le « vide quantique » selon le « principe d'incertitude » ou ce principe ne fait-il que refléter le comportement intrinsèque du vide ?

Rien n'est à lui-même sa propre cause et l'impermanence ne fait pas exception. Elle ne se conçoit pas seule. En absence de temps, la réalité n'est pas le produit d'une « causalité souveraine ». L'ontologie de cette effervescence ne relève pas d'un principe ou d'une loi. Non intrinsèque, elle est pure impermanence et pure interdépendance. C'est parce que les phénomènes impermanents sont en transformation constante (apparaissent et disparaissent sans cesse) que l'ordre peut surgir du chaos.

L'équation de Dirac explique les fluctuations du vide quantique en dissociant le phénomène d'apparition et de disparition des « particules virtuelles » du « vide quantique » lui-même. Une particule apparaît simultanément à son antiparticule et puisque matière et antimatière s'annihilent mutuellement, l'énergie prise au « vide quantique » lui est immédiatement rendue. Ainsi, le bouillonnement quantique apparaît constitué de ces échanges.

La science voit dans ce mécanisme l'origine même de l'univers. Le Big Bang aurait produit autant de paires de particules que d'antimatière, mais toutes ne se seraient pas annihilées mutuellement. Il y aura eu un résidu infime, de 1 particule de matière pour 1 milliard de particules d'antimatière.

Les galaxies, les étoiles, les planètes, la vie, l'homme, tout ce qui existe serait en conséquence le produit de petites irrégularités dans le « vide quantique » ! Ce serait donc le « monde quantique » qui, en ses infinies fluctuations, aurait modelé la réalité. « Ces fluctuations quantiques sont les graines de la réalité. Notre univers n'est que le monde quantique considérablement agrandi ! Le néant a donné forme à tout[iii] ».

Or, ce modèle est basé sur la dualité de la forme et du vide... L'univers serait sorti du « vide quantique » avec lequel il conserverait un lien de connexion étroit, mais un lien seulement. Les lois qui se seraient appliquées à partir de sa naissance et auraient présidés à son développement seraient, de fait, décohérées du « vide quantique ». « Le niveau inférieur, bien qu'il soit entièrement responsable de ce qui se passe, est sans rapport avec le résultat (...) il en est isolé. C'est un fait à part entière, à son propre niveau » LOOP-51.

Mais, comment ce qui n'étaient à l'origine que fluctuations chaotiques d'une nature fondamentalement indéterminée a-t-il pu produire cette organisation grâce à laquelle nous sommes aujourd'hui en mesure de la comprendre ?

Par un mécanisme de « sélection naturelle » qui s'applique autant à la vie, à la conscience biologique qu'au multivers ! Cette « auto-organisation » fait l'économie d'un Dieu créateur en postulant que l'ordre est le produit d'un effet statistique. La théorie des cordes se base sur un calcul de 10500 univers possibles (il y aurait 1023 étoiles et 1080 atomes dans notre univers[iv]).

Avec un tel ordre de grandeur, les probabilités admettent inévitablement une solution où un univers viable réunit l'ensemble des conditions propices pour conférer à la vie le caractère de «précieuse vie humaine authentique ». « Ce n'est pas une possibilité mais une nécessité, car tout processus doté d'une probabilité d'occurrence non nulle doit être réalisé » [v]. La « pluralité des mondes » (« l'infinie diversité d'infinies combinaisons ») offre au « continuum de l'état d'esprit qui réside continuellement » la possibilité de trouver la forme d'agrégats idoines pour développer son plénier potentiel jusqu'à l'Éveil.

Reste que ce modèle différencie toujours la forme du vide... Pour qui a la chance de pouvoir regarder le ciel par une nuit étoilée dégagée de toute pollution lumineuse, la Terre apparaît comme entourée d'une « voûte » qui l'enchâsse. Les étoiles y semblent comme posées sur le même plan. Il faut un effort de visualisation pour percevoir la dimension de sa profondeur et un effort d'intellection pour se représenter la dimension du temps qu'il a fallu à la lumière de chacune de ces étoiles pour parvenir jusqu'à nous.

Lorsque nous regardons l'univers à ces deux extrémités, l'infiniment grand et l'infiniment petit, sous l'angle scientifique, nous voyons l'expression de la théorie de la relativité et de la mécanique quantique. Et avec étonnement, nous nous demandons comment ces deux opposés peuvent s'articuler ?

L'intelligence la plus puissante ne peut réunir le vide et la forme tant qu'elle ne voit pas que le vide est la forme et que la forme est le vide ! Si nous pouvons saisir l'illusion de la « voûte céleste », nous pouvons également saisir l'illusion de « la dualité du vide et de la forme » en déplaçant notre regard jusqu'à discerner les deux infinis se révélant à nous comme un seul et même phénomène, continu d'un extrême à l'autre !

Ainsi, ce qui est vu comme une forme, produit de la conversion de l'énergie du « vide quantique », peut-il refléter les comportements de la nature du réel. Les dimensions quantique et relativiste ne sont donc pas duelles. Le vide est la forme et la forme est le vide ! Le réel est un continuum qui apparaît sous la forme de « plans distincts interconnectés » en regard d'un observateur qui n'a pas réalisé la véritable nature du réel ultime.

Retournons sous la « voûte céleste » et remontons encore plus loin que la lumière des étoiles aux réactions nucléaires qui les produisent et encore plus loin encore jusqu'au vide entre les atomes qui les constituent. Des étoiles dans notre ciel et en-deçà des atomes dans ces étoiles, chaque pas que nous concevons comme un « plan de réalité » est un comportement dont la forme (relativiste) et le vide (quantique) composent un continuum qui, tout entier, est contenu en aplat dans le fabuleux spectacle du ciel étoilé !

L'univers n'est pas une noix composée d'un noyau et d'une coque distincts en termes de forme, de composition, d'état et de nature. La réalité est indifférenciée dans l'expression différenciée de son comportement conventionnel. Rien de ce qui nous paraît phénoménal en sa manifestation composée n'est permanent, des fluctuations du « vide quantique » dont les transformations revêtent la forme d'apparition et de destruction de particules et de leurs antiparticules, aux déformations relativistes de l'espace-temps.

Nul phénomène composé impermanent n'est à lui-même sa propre cause. Si « l'ensemble » n'est pas interconnecté mais indivis, la causalité n'est pas un lien qui assemble des parties individuelles réifiées en « chaînes combinées d'origines interdépendantes » de causes et d'effets sans début ni fin. La causalité est sans commencement ni fin dans l'expression et la vue conventionnelles de son comportement. Tout phénomène impermanent est interdépendant, cause et effet simultanés, ordre et chaos conjoints. Toute transformation séquentielle est intrinsèque, causale et résultante, dans la permanence du sans-forme.

Les « particules virtuelles » sont-elles les fluctuations du « vide quantique », qui résultent de la conversion fulgurante d'énergie en matière et de matière en énergie ou l'expression du comportement du « vide quantique » dont la forme expriment les transformations impermanentes et interdépendantes ?

Si la cause et l'effet sont consubstantiels, c.à.d. de même nature et de même substance, nul besoin de parier sur les probabilités qu'une multitude d'arbres différents plantés dans des terrains différents puissent produire au moins le fruit d'une noix parfaitement développée, enclose et isolée dans sa coquille protectrice. Si la cause et l'effet sont l'expression du comportement des phénomènes impermanents sous deux angles de vue distincts, l'ordre ne résulte pas de l'agencement du chaos, ils existent conjointement !

Voir la noix au passé, l'arbrisseau au présent, l'arbre au futur, dans un cycle conditionnant leur phénoménalité impermanente sous l'action causale de la force extrinsèque de l'interdépendance, est une vue de l'esprit. La noix et l'arbre, le « vide quantique » et les paires de particules antiparticules, l'œuf et la poule, ne sont qu'apparences, locales, temporelles, séquentielles, d'une seule et même réalité ultime, qui est vacuité !

L'illusion du temps, de la séquentialité du passé, du présent et du futur, est un effet de perspective. Le réglage de la focale, qui donne sa définition à l'image du présent, est à l'impermanence et à l'interdépendance ce que la mesure est à un système quantique, il réifie la réalité sous la forme d'un phénomène composé, local et temporel, causalement connecté au passé et au futur qu'il définit simultanément.

Plus on réduit la mesure de l'espace et celle de temps jusqu'aux limites de l'infime - la longueur et le temps de Planck - et plus l'on contraint le « vide quantique » à adopter les formes relatives à ces mesures, dont la localité et la temporalité sont des caractéristiques de la phénoménalité.

La nature des fluctuations du « vide quantique » n'est pas leur origine ! Les transformations instantanées de l'énergie en matière et inversement, lors de l'apparition et de la disparition des paires de particules et d'anti particules « virtuelles », expliquent l'impermanence du « vide quantique », mais ne répondent pas à la question du pourquoi ces transformations ?

La décohérence fait passer l'électron d'une forme statistique, qui énonce la « liste des probables » (toutes les positions, toutes les vitesses possibles de l'électron, etc.) à un comportement réaliste (onde ou particule) dont la détermination des valeurs suit le « principe d'incertitude ». Toutefois, cette représentation suggère que localité et temporalité seraient des propriétés « préexistantes », manifestées par ou au moment de la décohérence.

Or, la réponse au pourquoi ne dissimule aucun en-soi. Elle est sans cause ! Si les phénomènes impermanents avaient une cause, s'il existait un « instant premier » à ce qui nous apparaît comme « chaînes d'origines combinées », l'interdépendance aurait également un début et une fin. Et ces deux principes ne pourraient exister sans une cause en-soi qui leur confère l'existence ! Or, les phénomènes composés sont sans origine. La localité et la temporalité n'existent ni à « l'état statistique » dans un système quantique en cohérence, ni réifiée par la décohérence, ils ne sont que « vue conventionnelle ».

Il n'y a pas de « réalité cachée » dissimulée en-deçà du niveau fondamental du réel qui en serait la cause première. La philosophie bouddhiste nomme cette absence d'être, vacuité. «Sūnyatā, l'ainsité, l'absence d'être en soi et par soi ou de substantialité des phénomènes. La vacuité ne vide pas les choses de leur contenu, elle est leur véritable nature. Elle n'est pas un néant puisque les choses apparaissent en coproduction conditionnée » DEB-677.

Nous définissons l'être par ses caractéristiques propres. Le sens « d'être » recouvre une réalité actuelle, formelle, objective. La vacuité est « l'absence d'être en soi » ! Pour l'aborder, il faut nous abstraire des concepts de temps, de forme, de local et de toute détermination « positive ». « La vacuité n'est pas comme les autres phénomènes que nous pouvons percevoir : nous ne pouvons la comprendre et la conceptualiser qu'en terme de négation » LFR-117.

Mais, il faut également nous abstraire de leurs opposés, le vide, le sans-forme, le non-local, l'atemporel... Nous ne devons pas faire de l'absence une présence, du sans-forme une forme, du non-local et de l'atemporel un caractère. Il ne faut pas réifier le néant ! 

La vacuité est définie par l'absence de toutes élaborations conceptuelles et par conséquent la négation totale ne doit pas laisser de place à la moindre chose qui puisse être conçue LFR-119.

Il n'est possible de dire ce que la vacuité n'est pas qu'à la condition de ne pas en faire un en-soi ! C'est un « angle mort conceptuel » qui ne cache ni ne définit, un indicible dont le non-dit n'est pas le dire d'un être

Mais, comment penser, comprendre, un phénomène qui ne peut être défini par le processus « d'élaborations conceptuelles » de la pensée ?


  • J'inspire lentement, j'expire lentement... Je porte mon attention sur le flux de ma respiration, sur l'air qui entre et sort de mes narines, qui emplit mes poumons, sur le diaphragme qui se soulève et s'abaisse... Puis, petit à petit, j'ouvre mon attention... Bribe par bribe, j'élargis le champ de ma conscience à tout type de stimuli qui me traversent : battements de cœurs, pression de l'air dans ma poitrine, petites irrégularités du souffle, borborygmes internes, sensations et senteurs internes, saveurs et veloutés intérieurs... Du plus petit frémissement, à la plus subtile vibration, je baigne dans ma proprioception...

  • Tel un espace empli de capteurs ultra-sensibles, répartis à intervalles régulières, mon attention résonne à la plus petite alerte sensorielle, attirée ici, portée là, sans but ni chemin préconçu. Des images m'arrivent, elles aussi, par brides et fragments épars, sans lien ni cohérence. Mon attention sautille, gambade, mais jamais ne se fixe ni ne s'emporte. Je reste centré sans être concentré, mobile sans être immobile, vigilant sans être dépendant...

  • Je fourmille à mes fourmillements, je foisonne dans le foisonnement des sensations, je virevolte dans la volte-face des impressions. Ma conscience est nuée et nuage, ma vigilance buée et condensation, mon attention effervescence et évaporation... L'instant est une nébuleuse, l'espace une galaxie, où se croisent et s'illuminent, où résonnent et se colorent, les infinies métamorphoses des parfums de mon observation... Fixe dans ma concentration, fluide dans mon attention, aérien dans mes permutations, rien en moi n'est stable ni solide, irréductible ni immuable. Passager éphémère de l'impermanence, je ne suis que vacuité au sein du flow de la vacuité...


Certains phénomènes ne peuvent être perçus directement et n'apparaissent manifestes qu'à travers leurs effets : les neutrinos ; la « matière noire » (par effet de « lentille gravitationnelle [vi]», la vitesse de rotation des galaxies) ; la vacuité via l'impermanence et l'interdépendance des phénomènes...

La philosophie bouddhiste tibétaine postule qu'il faut trois éléments pour saisir un phénomène : un objet, un organe sensoriel et une conscience. Un miroir seul ne suffit pas, il faut de la lumière, car dans l'obscurité l'on ne peut avoir conscience ni de l'objet, ni de son reflet. Ici, nul besoin de postuler l'immatérialité de la conscience. La lumière, c'est celle de l'observation et la conscience de ma propre conscience est étroitement corrélée à son objet. L'observation change la forme et l'état de ma conscience !

La méditation me permet de modifier mon activité cérébrale par un effet de rétroaction. Si je me laisse emporter par la distraction, mon activité cérébrale est confuse et chaotique. Si je me laisse emporter par le relâchement, mon activité cérébrale devient divagante. Mais, si je me concentre sur un point avec intensité et vigilance, alors mon activité cérébrale devient cohérente.

J'ai pu le constater par l'expérience, lorsque mon attention est concentrée en un point, ma conscience m'apparaît fixe, tel un rocher au milieu du courant de la rivière. La stabilité de mon observation me confère l'impression que ma conscience est indivise. J'en éprouve jusqu'à l'intime conviction que « je » ne suis pas mon corps, mais un « témoin immuable » ! A l'inverse, lorsque mon attention se démultiplie en nuées de sensations vagabondes, ma conscience disséminée me renvoie l'impression d'être aussi impermanente que ce flot !

Comment l'eau pourrait-elle passer de l'état liquide à l'état solide ou à l'état gazeux si elle possédait une nature propre

Comment pourrais-je éprouver des états de conscience différents et expérimenter les expériences qu'ils induisent si ma conscience était invariante

Comment pourrais-je évoluer, changer, me transformer, développer le potentiel de ma bouddhéité, si je possédais un Soi immuable de toute éternité ?

Parce qu'elle n'est pas un « être en soi », la vacuité ne se perçoit pas directement, mais à travers ce que « l'absence d'en-soi » rend possible. C'est parce que la vacuité est un «phénomène permanent » que les phénomènes composés peuvent changer en permanence ! Si la vacuité était intermittente, il y aurait un « (être) en-soi de la vacuité de l'eau liquide », un « (être) en-soi de la vacuité de l'eau solide », un « (être) en-soi de la conscience concentrée en un point », un « (être) en-soi de la conscience diffuse », etc. Si la vacuité était changeante, elle conditionnerait tout changement. Or, l'interdépendance des phénomènes composés est relative à leur impermanence, elle-même relative à leur interdépendance.

Qu'il n'y ait pas « d'être en-soi » des choses ne signifie pas qu'il y a un « être en-soi de la vacuité ». Avec l'impermanence et l'interdépendance, la vacuité est le troisième membre de «l'équation philosophique du bouddhisme ». Ils fonctionnent ensemble alors même que la vacuité est l'absence d'être en-soi. Si l'on peut inférer l'existence de la vacuité de l'impermanence et de l'interdépendance des phénomènes composés, c'est donc bien parce que la vacuité est leur véritable nature. Ce n'est pas une vue de l'esprit !

Impermanence, interdépendance, vacuité... il y a une gradation de notre ignorance au discernement de l'ontologie de la réalité. Notre perception de la « voûte céleste » est le fait d'une illusion grossière parce que nos sens sont grossiers. Ils sont toutefois suffisants pour nous donner à saisir le caractère composé des phénomènes à travers la vue de notre vie qui s'égraine vers notre mort au rythme des secondes. Certes, la vitesse de transformation de nombreux phénomènes composés est (très) lente (comme la formation des montagnes ou l'évolution des espèces...), mais l'apparition et la disparition d'autres est plus fulgurante (éclairs, bulles, nuages...). 

La négation de l'impermanence, le sentiment de durée et le désir de permanence ou d'immortalité sont quelques-unes des manifestations patentes de l'ignorance et l'une des principales causes de souffrance dans le samsara DEB-267.

Dès lors que notre inférence de l'impermanence est erronée, il nous est d'autant plus difficile de saisir et l'interdépendance, qui exige un effort d'intellection, et la vacuité que la raison pure, seule, achoppe à définir sans la sagesse. 

Comment se fait-il que nous puissions nous tromper si facilement quant à la nature de l'impermanence des phénomènes et de notre propre nature alors que sa base d'imputation est à portée d'évidence ?

Un vieux proverbe dit que « lorsque le sage pointe la Lune, l'idiot regarde le doigt ». Le philosophe bouddhiste dira que : 

  • pointer la Lune du doigt est la désignation d'une « réalité conventionnelle » ; 
  • la « vue » de la Lune apparaît en interdépendance à son observation ; 
  • l'impermanence et la vacuité de leur réalité ultime apparaissent dans l'interdépendance de l'observateur à son objet.

La base d'imputation n'est pas en cause dans notre erreur d'inférence, c'est la vue que nous en avons. Il nous semble plus intelligent de regarder dans la direction que nous montre le sage, mais il est trompeur de confondre un phénomène dont la nature est impermanente avec une chose en-soi !

Si je tente de déduire la nature de ma conscience sur la base de la phénoménologie de ma propre observation pendant mes séances de méditations, ce que j'observe m'apparaît contradictoire : tantôt unitaire, solide et stable ; tantôt disparate, nébuleux et virevoltante ; tantôt encore naturaliste (tissé de stimuli sensoriels) ; tantôt phénoménologique (tressé d'un contenu mental)... La manière dont un objet m'apparaît à la conscience, sa forme et ses caractéristiques, sont relatives à la manière dont je les perçois dans le reflet de l'état de ma propre conscience.

Lorsque je presse un pouce sur la paume de mon autre main avec force quelques instants, il restera une marque sur ma peau, mais si je le pose sans appuyer, aucune empreinte ne se formera. La réalité telle qu'elle apparaît est une empreinte, une rémanence, sorte de «persistance rétinienne » (nominale), de l'observation consciente d'un phénomène impermanent dont la nature ultime (la réalité telle qu'elle) est vacuité !

La vacuité de l'ontologie quantique (son indéterminisme ou absence d'en-soi déterminé) transparaît dans le « principe d'incertitude » d'Heisenberg. Nous ne pourrions mesurer avec précision la position ou la vitesse de l'électron, s'il existait un « (être) en-soi de sa position » et un « (être) en-soi de sa vitesse » (et plus encore, un « (être) en-soi combinant les deux ») !

Que la mesure entraîne la décohérence de l'électron quantique induit que son aspect réaliste est conventionnel. Si chacune des valeurs de sa position et de sa vitesse possédaient une essence, la mesure d'un système quantique serait la constatation de leur réalité en-soi et non l'effet de la décohérence qui rend manifeste certaines propriétés parmi un ensemble statistique.

La décohérence n'induit pas un observateur conscient. La mesure est une interaction et les fluctuations du « vide quantique » sont l'expression de l'interdépendance des phénomènes composés impermanents en la vacuité de leur nature ultime. Sans commencement (ni durée) ni fin, sans ordre de grandeur ni de limite, la « décohérence du réel » s'opère à chaque instant dans l'interaction, conjointe et simultanée, de l'impermanence d'un temps sans passé ni futur, d'un espace sans échelle d'infinis.

Comprendre l'ontologie de la réalité me permet de saisir l'impermanence de ma propre conscience dans son interdépendance au phénomène observé et de comprendre que l'observation modifie l'observateur, conjointement et simultanément, à la décohérence qu'elle opère à la saisie de l'observé.

La vue de la vacuité (« l'absence d'être en-soi ») de ma personne transparaît ainsi à travers la vue de la vacuité du sans-forme. Les deux vacuités sont intriquées à la « saisie directe » de (l'ontologie de) l'impermanence et de l'interdépendance : contaminée par les voiles de l'ignorance et du karman, notre vue adopte la forme du conventionnel accompagnée de la croyance de l'existence de son (être) en-soi ; épurée, elle se révèle à nous à travers l'illumination de la vacuité de notre propre nature.

Alors, à quoi cela ressemble-t-il de « voir » la vacuité, qui est la réalisation de l'union du «calme mental » et de la « vue pénétrante » par un entraînement à la méditation analytique ? Peut-on considérer sa « saisie directe » comme une sorte de « sens » supplémentaire à nos consciences sensorielles et à notre conscience mentale que ces dernières ne peuvent appréhender, car « au-delà du par-delà » du sensoriel et du conceptuel ?

La métaphore de la « voûte céleste » suggère qu'il pourrait plutôt s'agir d'un renversement, de la représentation construite par notre cerveau et par nos croyances, que nous prenons pour réaliste et existant en-soi. Nous ne nous apercevons pas que la « voûte céleste » n'est pas un plafond, peint du dessin des étoiles, parce que notre œil a subitement développé la puissance de précision d'un télescope. Nous étreignons les profondeurs de l'espace et du temps, nous embrassons les « fluctuations quantiques » de l'impermanence, en dépassant leur illusion « de surface » !

Tout autour de nous, tout ce que nous voyons et entendons, tout ce qui nous entoure, cet écran sur lequel vous lisez ce texte, ces lignes, ces mots, les yeux avec lesquels vous le lisez, le cerveau avec lequel vous les comprenez, tout cela relève d'une « illusion de surface ». Cette vision réduit la réalité ultime à « l'immédiateté du proche » dans l'abstraction de son impermanence et interdépendance profondes. L'illusion de l'en-soi des phénomènes et de notre personne est une décohérence de la « vue de la vacuité » sous la perspective de la forme distincte du vide. « Réaliser la vacuité », c'est réaliser cette illusion par la vue unitaire de la forme au vide.

L'apparence des objets extérieurs ayant été identifiée

Comme le signe visible d'un esprit illusionné,

L'on comprend l'identité des apparences et du Vide. OCM-296


Namasté


Références :

CT : La Connaissance Transcendante, Alexandra Davil Neel https://archive.org/details/AlexandraDavidNeelLaConnaissanceTranscendante/page/n7?q=Prajna%2Bparamita 

DEB : Dictionnaire Encyclopédique du bouddhisme, Philippe Cornu

ESBT : Les enseignements secrets des bouddhistes tibétains, Alexandra David Neel https://archive.org/details/AlexandraDavidNeelLesEnseignementsSecrets/page/n1 

EVE : L'essence de la voie vers l'Éveil, Lama Samten

PLME : Padmasambhava, la magie de l'Eveil, Philippe Cornu

LOOP : Je suis une boucle étrange, Douglas Hofstadter

OCM : Œuvres complètes Milarépa

FFR : La foi fondée sur la raison, le Dalaï-lama


[i] https://fr.wikipedia.org/wiki/Tathagatagarbha 

[ii] https://fr.wikipedia.org/wiki/Ascenseur_d%27Einstein 

[iii] Tout au rien, la science incroyable de l'espace vide https://www.primevideo.com/detail/Tout-et-rien-la-science-incroyable-de-l-espace-vide/0LY1CL2YPSKHK5NGAUST5Y52HL 

[iv] https://sciencetonnante.wordpress.com/2012/07/23/y-a-t-il-plus-detoiles-dans-lunivers-que-de-grains-de-sable-sur-terre/ 

[v] https://oksanaetgil.wordpress.com/2010/04/14/multivers-au-dela-du-%C2%AB-nombre-de-graham-%C2%BB/ 

[vi] https://fr.wikipedia.org/wiki/Lentille_gravitationnelle