I.72 – La foi dans la réalisation
Difficile à obtenir, toujours il s'échappe. Dans le samsāra, tout est souffrance. Vain est de croire que nous puissions y trouver le bonheur. Comment trouver ce dont la nature nous est voilée par l'ignorance ? Comment ce qui est faussement imputé sur une base erronée pourrait-il nous octroyer le véritable bonheur ?
![](https://bc4d23e248.clvaw-cdnwnd.com/096f880f248939102d01de0b8e3692c9/200000726-4d4534d456/10-55.jpg?ph=bc4d23e248)
Pour trouver le véritable bonheur, nous devons savoir comment nous y prendre. La loi de causalité du karman nous en enseigne la manière : « Tout le bonheur provient des actions vertueuses ; Toute la souffrance provient des actions non vertueuses » Shantidéva. Le voile karmique s'origine du voile de l'ignorance qui consiste en la croyance dans l'existence réelle du « moi », imputée sur la base de nos agrégats que nous croyons réels par eux-mêmes.
Le monde tel qu'il nous apparaît n'a pas de réalité en-soi, nous y projetons la « vue erronée » de notre esprit. L'extérieur reflète l'intérieur, le relatif l'ultime. En prenant conscience du caractère illusionné du « soi » de notre personne, nous cessons également de croire en la réalité du « soi » des phénomènes et donc de donner vie et efficience à son affabulation. Et dès lors que la souffrance, dont le sens s'oppose au bonheur relatif du « moi », vient à cesser lorsque son illusion prend fin (c.à.d. avec la réalisation de l'état de nirvāna), la recherche du bonheur « pour soi » cesse également de faire sens hors toute égocentration.
Cependant, le Hīnayāna, « le libéré pour lui-même » du cycle du samsāra, ne contredit-il pas Shantidéva lorsqu'il affirme que « Tous les bonheurs du monde viennent de la recherche du bonheur d'autrui ; Toutes les souffrances du monde viennent de la recherche de son propre bonheur » ACC-55 ?
Le libéré du nirvāna n'est pas totalement dépourvu d'ego, même si celui-ci ne subsiste que sous la forme d'une « empreinte ». Bien qu'il soit dépassionné, non égocentré et qu'il ne nuise pas aux autres, le hinayaniste n'en est pas moins dépourvu de toute intention de venir en aide aux autres. Il baigne dans une si grande félicité qu'elle l'empêche tout simplement de penser aux autres ! La philosophie du Mahāyāna ne cherche toutefois pas à démontrer que le sens du bonheur ne peut être trouvé qu'en dehors de toute perspective égocentrée et que c'est là le seul « véritable » bonheur. La question n'est pas de savoir lequel de ces deux bonheurs est le «vrai », c.à.d. lequel donne réellement sens à l'existence, mais de nous demander quel est le sens du bonheur lui-même ?
Notre bonheur n'est possible qu'en tant que les autres, par leurs infinies bontés, rendent sa réalisation possible. Sans l'aide des autres, vivre, survivre et tout simplement naître dans ce monde ne serait pas possible ! Si trouver le bonheur relatif en totale autonomie et en complète autarcie est impossible, comment pourrait-il êtres possible de trouver le bonheur ultime sans l'aide des autres ? En conséquence, comment pourrions-nous ne pas leur rendre leur bonté ? « Si toutes les mères qui nous ont aimés depuis des temps sans commencement Sont accablées de souffrance, à quoi bon notre bonheur ? » ACC-45.
Le bonheur n'est pas un « en-soi », il résulte d'un processus d'interdépendance qui met en œuvre : au niveau relatif, des chaînes de facteurs combinant la générosité, l'altruisme, l'amour et la compassion ; au niveau ultime, la grande « compassion universelle ». Ce processus est vivant et dynamique. C'est en permanence que les êtres nous aident, qu'ils soient ordinaires ou éveillés...
Le bouddhisme est un chemin de transformation intérieure. Outre l'épuration du voile formé par nos obscurcissements karmiques et du voile cognitif qui nous masque la connaissance de la réalité ultime, atteindre l'état de Bouddha nécessite d'accumuler à la fois mérites et sagesse, constitutifs de « réalisations spirituelles » jusqu'à la réalisation de l'Éveil lui-même. Mais pour commencer, il faut écouter les enseignements, y réfléchir et surtout les intégrer ! « Le Dharma de transmission désigne les paroles du Bouddha et les textes, et le Dharma de réalisation est la réalisation même de ces enseignements, que l'on atteint par l'expérience intérieure et dont le point ultime est l'Éveil » ACC-272.
Lorsque le Dharma de « transmission » se mue en Dharma de « réalisation », il s'accompagne d'un profond changement d'état d'esprit. Ainsi, lorsque nous comprenons ce que signifie véritablement le karman, la sagesse surgit spontanément. Nous prenons la résolution de ne pas nuire aux autres et de leur venir en aide. La bienveillance entraîne l'altruisme.
![](https://bc4d23e248.clvaw-cdnwnd.com/096f880f248939102d01de0b8e3692c9/200000727-7ec937ec96/2-3.jpg?ph=bc4d23e248)
Que nous soyons « notre propre ennemi » suggère que tout ce qui nous arrive est karmique. C'est en partie le cas, mais qu'il appartienne à chacun d'œuvrer à son propre Éveil ne signifie pas que nous soyons seuls à parcourir le chemin ! Nous ne voyons que ce que notre degré de « réalisation spirituelle » nous permets de voir, relativement à l'opacité de nos voiles. « On peut considérer le maître [spirituel] comme l'incarnation des Trois Joyaux : son esprit est le Bouddha ; sa parole, le Dharma ; et son corps, la Sangha ». Le Maître est la source de toutes les bénédictions, lesquelles dissipent les obstacles et permettent de progresser sur la voie » ACC-94.
Si nous nous en tenons à notre perception et à notre connaissance limitées, le Bouddha Shakyamuni n'est plus physiquement présent sur Terre, ni aucun autre bouddha d'ailleurs ! Nous sommes également limités par l'impossibilité de voir les origines karmiques des résultats infaillibles de nos actes, comme nous sommes réduits à ne voir que « l'aspect conventionnel » de la réalité dont la nature ultime, qui est vacuité, nous est également dissimulée par nos voiles.
Notre perception n'est toutefois pas tant limitée en soi qu'égocentrée ! Nous sommes la plupart du temps tellement préoccupés par nous-mêmes que nous employons toute notre énergie à vouloir notre propre bonheur au point d'en occulter complètement l'existence des autres, qui en termes de nombre sont considérablement plus important et qui, dans notre vie actuelle et nos autres vies, nous ont aidé à d'infinies reprises, de différentes manières, à des divers degrés. Si de simples êtres ordinaires peuvent être avec nous d'une grande bonté, comment les bouddhas animés par la grande « compassion universelle » ne pourraient-ils pas également nous venir en aide constamment ?
Puisque les bouddhas sont nés de la compassion, de l'intention et de la volonté authentique d'atteindre l'Éveil afin d'aider les êtres sensibles, ils doivent alors logiquement œuvrer, directement, à nos côtés (sous une forme invisible à nos sens) et pas seulement à travers les maîtres spirituels authentiques (en « corps d'apparition » perceptibles). Les « libérés solitaires » (pratyekabuddha) qui ont suivis la voie du Hīnayāna pour devenir « bouddha-par-soi » ne possèdent pas de telles capacités, car ils n'ont pas pour vocation de venir en aide aux autres, seulement de se libérer de la souffrance et d'atteindre la paix solitaire.
Lorsque nous prenons pleinement conscience de ce que signifie la « grande compassion universelle », nous comprenons que les bouddhas ne peuvent pas rester les bras croisés ! L'intention de devenir un Bouddha naît du souhait spontané et authentique de venir en aide à tous les êtres sensibles. L'état de Bouddha est la forme même de la réalisation de cette aide. « Dans leur activité illimitée, les bouddhas se manifestent constamment pour aider les êtres (...) Ne croyez pas qu'ils soient loin, quelque part ailleurs dans des mondes absolus où vos prières et vos aspirations restent ignorées et sans écho. Les bouddhas, comme le ciel, sont partout et toujours présents » ACC-93.
Ce n'est pas parce que nous ne pouvons pas les voir qu'ils n’œuvrent pas à nos côtés, mais nous pouvons le déduire... Croire en l'aide des êtres éveillés provient de la confiance que nous plaçons dans le Bouddha, le Dharma et la Sangha, mais aussi dans la logique de la philosophie du bouddhisme qui nous permet d'en faire la démonstration par nous-mêmes.
A l'instar du karman, comprendre ce que signifie véritablement la compassion universelle quant à l'aide que les bouddhas apportent aux êtres migrateurs implique un renversement de perspective. La question n'est pas de savoir sous quelles formes ni de quelles manières, ils nous viennent en aide. Il nous faut partir du postulat que les bouddhas disposent de toutes les aptitudes requises pour venir en aide aux êtres sensibles grâce, et sur la base, de l'omniscience de leur infinie sagesse et de leur infinie compassion. « Les bouddhas se manifestent en corps d'apparition [nirmanakaya] selon les besoins et les capacités des êtres, sous des formes innombrables et variées » ACC-92.
![](https://bc4d23e248.clvaw-cdnwnd.com/096f880f248939102d01de0b8e3692c9/200000730-80eaa80ead/12-6.jpg?ph=bc4d23e248)
L'aide des bouddhas n'entre pas en contradiction avec notre karman ni ne « fausse le jeu » de notre libération, qui résulte de notre intention et de nos efforts. Nous sommes doués d'autodétermination. Les bouddhas ne peuvent transformer les êtres ordinaires en êtres éveillés par un claquement de doigt ! D'ailleurs, leur compassion est si infinie que s'ils possédaient le pouvoir de libérer instantanément tous les êtres du samsāra, il n'y a pas à douter que cela eut déjà été fait... dès l'Éveil du premier bouddha ! « Le Bouddha [Shakyamuni] ne va pas vous projeter dans la bouddhéité comme on lance une pierre, vous purifier comme on lave un linge (...) il ne tient qu'à vous de suivre ses pas, de pratiquer ces enseignements et de jouir de leurs fruits (...) Je vous ai montré le chemin ; il ne dépend que de vous d'atteindre la libération » ACC-225.
Les bouddhas ne sont pas des « dieux » au sens théologique. Ils ne possèdent pas la « toute-puissance ». Les qualités des bouddhas sont déterminées par l'aide qu'ils apportent aux êtres migrateurs de l'océan du samsāra. Même illimités, les effets de leur pouvoir dépendent de notre intention.
Nous sommes comme un patient ; le Dharma est comme le médicament ; le guide spirituel est comme un habile médecin ; la pratique assidue apporte la guérison EVE-23
Un médecin mondain (« laukika, qui relève du monde des êtres ordinaires » DBTF-258) s'attache à guérir le corps et doit pour cela détenir les connaissances et les outils permettant l'exercice de sa fonction. « La fonction crée l'organe » comme le pensait Lamarck (que la pression de la sélection naturelle façonne...). Un médecin n'a pas besoin de savoir calculer des équations quantiques, mais de savoir établir le bon diagnostic et de délivrer le bon médicament.
Le cerveau humain s'est développé pour permettre aux premiers hommes de survivre dans la savane africaine mais, conséquence de sa formidable plasticité, nous pouvons également comprendre la nature de l'univers. L'omniscience des bouddhas les rend sans nul doute capables de répondre à des questions portant sur l'ontologie du réel physique, mais cette connaissance ne leur est pas utile pour aider les êtres sensibles - d'ailleurs le Bouddha Shakyamuni n'a pas répondu aux questions de savoir si le monde est ou non éternel, s'il est fini ou infini, à la fois l'un et l'autre, etc. -.
Les bouddhas sont comme des médecins supramondains (« lokottara, au-delà du monde » DBTF-399) du « continuum de l'esprit ». Là où un médecin utilise un scanner ou une IRM pour voir l'intérieur du corps de son patient et y déceler des affections, là où il fait analyser son patrimoine génétique pour déterminer ses prédispositions à développer une maladie, un bouddha perçoit les voiles d'impuretés qui recouvrent l'esprit d'une personne et connaît l'enchaînement karmique de ses vies passées, et conséquemment de ses vies futures.
Parmi les « forces » des bouddhas figurent « le pouvoir de connaître : les résultats du karman ; les aspirations ; les divers tempéraments ; les diverses facultés intellectuelles des êtres ; les existences antérieures ; comment l'on parvient à l'épuisement des souillures ou écoulements » DEB-98. Leurs pouvoirs se définissent comme des sources de « bienfaits pour autrui » : « la sagesse ou omniscience jñāna qui voit clairement les besoins des êtres du samsāra ; la capacité sakti qui est le pouvoir d'aider efficacement les êtres à éliminer la souffrance et les passions par la sagesse et la compassion » DEB-96.
Lorsque nous comprenons ce que signifie véritablement « être un bouddha », nous réalisons que c'est l'existence des êtres sensibles qui origine la leur ! S'il n'était question d'aider les êtres, quel serait le sens de leur existence ?
![](https://bc4d23e248.clvaw-cdnwnd.com/096f880f248939102d01de0b8e3692c9/200000735-e847be847e/13-8.jpg?ph=bc4d23e248)
Il ne peut y avoir d'un sans multiple. S'il n'existait aucun être qui m'est similaire en essence - ce qui n'est possible que parce que l'ainsité du soi est vacuité -, ma nature innée ne pourrait être tathāgatagarbha. Je ne peux être bon que si telle est ma nature et dès lors que je suis bon avec les autres, je donne pleinement sens à mon existence.
L'aspect sous lequel les bouddhas nous apparaissent dépend de notre degré de « réalisation spirituelle ». Aussi, nous ne pouvons négliger aucune possibilité. Seule notre ignorance limite notre imagination. « Les bouddhas se manifestent : en corps d'apparition suprême - tel le bouddha Shakyamuni - aux êtres ordinaires dotés de grands mérites ; sous la forme humaine d'amis spirituels aux êtres dont le mérite est moindre ; et à ceux qui n'ont pas foi dans les Trois Joyaux, sous d'innombrables formes utiles - animaux, roues, ponts, bateaux, brises rafraîchissantes, plantes médicinales, etc » ACC-92.
Les bouddhas ne font pas d'ingérence et bénéficier de leur aide implique de la solliciter intentionnellement. Nous disposons de plusieurs moyens pour « être à nous-mêmes notre propre protecteur » : cesser de nuire aux autres et de nous créer un karman négatif pour nous prémunir de tout résultat de souffrance ; accumuler des vertus pour nous créer un karman vertueux et nous aider sur notre chemin à développer des réalisations ; ou « prier » les bouddhas de nous accorder leurs bénédictions.
Dans le contexte bouddhiste, la « prière » dépasse le cadre conventionnel des religions théistes où elle consiste à demander l'intercession d'un divin extérieur. Au sens ultime, prier les bouddhas, c'est en appeler à la sagesse de notre propre bouddhéité. « Dans le Mahāyāna, la prière est un moyen privilégié d'entrer en contact avec la sagesse des bouddhas, pour les prendre à témoin dans une confession et demander leur purification » DEB-462.
La purification provient de la confession de nos actes par un profond regret. La prière est acte d'humilité. C'est admettre que nous souffrons d'ignorance et que nous avons besoin de soins appropriés pour nous guérir de l'ego. Dans le contexte bouddhiste, la prière est un appel à notre intention de prendre refuge contre la souffrance, comme d'appeler à un médecin afin qu'il nous prescrive le remède grâce à l'application duquel nous pourrons guérir nos maux.
Le véritable « refuge » est dans le Bouddha. C'est en œuvrant à réaliser l'état de Bouddha que nous parviendrons à nous délivrer du samsāra et pourrons à notre tour aider les êtres à se libérer. Requérir la bénédiction d'un bouddha, c'est faire résonner notre nature véritable avec celle des bouddhas qui en ont réalisé la conscience. Au sens ultime, « La prière est un moyen habile (upāya) pour révéler les qualités de la nature de bouddha du pratiquant » DEB-38.
Les qualités et pouvoirs des bouddhas leur octroient d'incomparables moyens d'aider, certains d'apparence grossière. « Les bodhisattvas [les êtres en chemin vers l'Éveil] peuvent apparaître comme des individus quelconques s'adonnant à des activités profanes. Ils peuvent même revêtir l'apparence d'animaux sauvages, d'oiseaux ou de chiens, de mendiants... » ACC-199.
Les bouddhas ne font pas de l'ingérence, mais comme les médecins mondains peuvent faire de la prévention, les bouddhas peuvent aisément nous sonder et dans leur infinie compassion et sagesse nous apparaître sous la forme idoine, objet, phénomène, être, événement ou moment opportun (méditation, rêve ?) pour nous porter assistance. Quelle que soit la manière dont les bouddhas se manifestent à nous, dans tous les cas « tout acte accompli par les êtres éveillés possède un sens profond qui reflète leur intention de secourir les êtres » ACC-198.
![](https://bc4d23e248.clvaw-cdnwnd.com/096f880f248939102d01de0b8e3692c9/200000731-1eacc1eacf/6.png?ph=bc4d23e248)
Il nous revient de l'utiliser à bon escient. Notre aveuglement peut nous faire passer à côté (auquel cas, il leur faut sans recommencer), mais il est probable aussi que la sagesse de bouddhas les amène à nous aider au bon moment. C'est comme avec le karman où notre esprit attend l'opportunité idoine de « regarder dans la boite » pour provoquer la décohérence de son résultat. Les interventions des bouddhas sont des occasions précieuses qui se présentent sur notre chemin. Ce ne sont peut-être que des « coups de pouce » dont nous ne mesurons pas les effets immédiats, mais ils sont toujours judicieux eut égard à l'intention qui les inspire et à l'omniscience qui les guide.
Il s'ensuit que réaliser pleinement ce que signifie « l'action de compassion universelle » des bouddhas à l'égard de tous les êtres sensibles, nous amène à changer de regard sur ce qui nous arrive.
Considérez les circonstances et les événements favorables qui vous échoient comme des bénédictions des Trois Joyaux et des effets de leur bonté.
Affrontez les maladies et les obstacles sans vous plaindre, en les recevant comme des bénédictions voilées qui vous permettront de purifier vos actes négatifs passés ACC-99
![](https://bc4d23e248.clvaw-cdnwnd.com/096f880f248939102d01de0b8e3692c9/200000728-822be822c0/5-0.jpg?ph=bc4d23e248)
Les fruits du karman négatif étant causes de souffrance, nous serions tentés de penser qu'il ne faut pas laisser un karman non vertueux « arriver à maturation » mais l'épurer. Or, si le karman est une « rétribution », ce n'est pas une punition ! Nous pouvons au choix considérer ce qui nous arrive de négatif dans notre vie comme une infortune et une adversité retorse ou le voir comme une bénédiction des bouddhas. « Par bénédiction, il faut ici entendre la coïncidence entre l'influence spirituelle des êtres éveillés et le potentiel d'Éveil présent en chacun. Pour que cette conjonction puisse avoir lieu, la conviction fervente, la dévotion et l'ouverture du pratiquant sont une clé » DEB-462.
Nos facultés limitées ne nous permettent pas d'être juge du caractère et encore moins du sens de ce qui nous arrive, d'autant que notre ignorance nous soumet aux poisons des émotions perturbatrices. Lorsque nous comprenons que les bouddhas concourent sans cesse à nous aider à nous libérer de notre condition de souffrance, nous nous en remettons en toutes circonstances avec humilité et foi à leur sagesse et à leur compassion omniscientes.
Tout événement peut être l'expression d'une aide que nous avons sollicité (ou d'une intention non encore formulée). Ce à quoi notre ego nous fait réagir avec aversion ou colère considérons-le comme une bénédiction, car c'est peut-être la réponse que nous attendions sans le savoir.
Les bouddhas ont la sagesse et la compassion illimitées, mais leur pouvoir de dispenser leurs bienfaits dépend de la réceptivité du disciple.
La compassion d'un bouddha est tel un crochet qui doit rencontrer l'anneau de la foi et de la dévotion des disciples pour devenir effective et pouvoir les soutenir dans leur quête d'Éveil DEB-462
Lorsque nous méditons le sens profond des enseignements bouddhistes, nous comprenons que les choses telles qu'elles (nous) apparaissent ainsi que tout ce qui (nous) arrive constituent une perspective limitée par la vue de notre esprit, dont la nature lumineuse et la clarté de la connaissance pures sont voilées. Réaliser cette compréhension, ce n'est pas être capable de saisir la vacuité de manière directe en ayant développé la « vision pénétrante », mais cela nous amène toutefois à considérer le réel comme une apparence derrière le voile de laquelle se dissimule la nature profonde, subtile et véritable des phénomènes.
Que les bienfaits des aides apportées par les bouddhas soient appréciées de manière différente selon l'état de réceptivité de ceux à qui elles s'adressent ne signifie pas qu'elles ne soient constitutives de bénédictions qu'à l'intention de ceux dont l'esprit est suffisamment clarifié pour les apprécier spirituellement ! L'aide des bouddhas est une bénédiction, par essence, envers tous les êtres sensibles. Ce n'est pas que tous ne peuvent pas la comprendre, tous la comprennent et en bénéficient à des degrés différents.
Lorsqu'il enseignait, le Bouddha Shakyamuni était réputé pour sa qualité à s'exprimer de manière à être compris pas chacun de ses auditeurs quelles que soient leurs aptitudes et leur intention respectives. Comme si, en s'adressant à un auditoire composé de plusieurs nationalités, chacun en comprenait le sens dans sa propre langue par une sorte de « traduction instantanée » dans une formulation adaptée à sa capacité de compréhension : un langage simple et métaphorique pour les uns ; un vocabulaire recherché et un raisonnement discursif plus élaboré pour les autres.
Il en va pour ainsi dire de même de l'aide des bouddhas. Selon le degré de conscience que chacun a de sa nature véritable (autrement dit son degré de « réalisation spirituelle »), une même intervention des bouddhas apparaîtra telle une bénédiction pour celui dont les voiles sont très fins ou revêtira la forme d'un obstacle pour celui dont les voiles sont très épais.
Sous cette optique, le sens des prières visant à « lever les obstacles » peut être interprété différemment. Littéralement, l'intercession des bouddhas peut prendre la forme conventionnelle d'écarter toute obstruction physique, extérieure, sur le chemin. Subtilement, elle peut nous amener à modifier notre regard sur ce que nous considérons, intérieurement, comme un obstacle. « Lever un obstacle », ce n'est pas tant dégager ce qui bloque notre chemin que de nous faire prendre conscience de la raison nous laquelle nous le considérons comme un blocage.
L'aide des bouddhas est toujours une bénédiction en soi, mais la manière dont elle nous apparaît est différente selon chacun, comme un même message dont le sens est exprimé dans des langages ou sous des formes différentes. Ainsi, ce qu'une personne agitée et affligée par ses émotions considérera avec aversion comme un obstacle et vivra comme une souffrance, une autre qui aura assagi ses passions par la méditation de « calme mental » et développé une certaine équanimité le considérera comme une opportunité et le vivra avec optimisme.
![](https://bc4d23e248.clvaw-cdnwnd.com/096f880f248939102d01de0b8e3692c9/200000729-9343693439/3-9.jpg?ph=bc4d23e248)
L'aide des bouddhas est toujours une bénédiction, car leur sagesse et leur compassion omniscientes leur permet de savoir ce dont chacun de nous a besoin, à quel moment et, surtout, sous quelle forme cela nous apparaîtra et conséquemment sera utile à notre cheminement spirituel.
Nous ne progressons pas seulement par l'effet de la grâce, de la bienveillance et de l'amour compatissant. Nous avons parfois besoin d'être (un peu) chahuté ! La pratique des asanas du yoga de Patanjali est d'autant plus efficace qu'est vigoureux le barattage qu'elle provoque dans les profondeurs de notre être. Les déités courroucées du bouddhisme visent la finalité de secouer notre ego pour nous faire abandonner « la préoccupation du moi ».
Lorsque le pratiquant bouddhiste est mû par la foi dans le Bouddha, le Dharma et la Sangha, et qu'il est animé d'une intention sincère d'atteindre l'Éveil pour le bien de tous les êtres sensibles, il peut alors s'établir une parfaite « coïncidence entre l'influence spirituelle des êtres éveillés et le potentiel d'Éveil présent en chacun » DEB-462 qui rend optimal les effets spirituels de leurs bénédictions. L'aide des bouddhas résonne toujours au sein des êtres d'une manière telle qu'elle constitue un bénéfice pour leur évolution spirituelle[*1] .
Comme l'éclair déchire un instant la nuit où les nuages épaississent les ténèbres, ainsi, par le pouvoir des Bouddhas, parfois la pensée des hommes s'arrête un instant sur le bien DVE
Ce
n'est pas accélérer le cours des choses que de secouer un prunier pour en faire
tomber les fruits mûrs. Il faut être un bon jardinier pour connaître le moment
où il est opportun d'agir. Lorsque le savoir-faire du jardinier est en totale
adéquation avec le déroulé des saisons, son intervention s'inscrit en si
parfaite synchronicité avec la nature qu'elle en devient indiscernable...
Lorsque nous comprenons véritablement la finalité de l'aide apportée par les bouddhas à tous les êtres sensibles sans exception, nous réalisons que tout à un sens à tous niveaux. Aussi chaotique et douloureux que puisse nous apparaître notre chemin (sous la perspective conventionnelle et la vue illusionnée du « moi »), celui-ci s'inscrit toujours dans un dessein compatissant.
Le bouddhisme repose sur une philosophie. Ce n'est pas une religion, car il ne demande pas de croire à sa doctrine sans se questionner ni réfléchir. L'étude et la méditation (analytique) sont essentielles. Le bouddhisme ne relie pas l'homme à Dieu puisque la notion de « Soi » (ātman au sens individuel et suprême) est démentie par sa philosophie, il reconnecte l'esprit à lui-même. Toutefois, ses pratiques s'inscrivent dans une dimension sacrée.
Du point de vue purement rationnel, les bouddhas peuvent êtres considérés comme des «médecins » omniscients, dotés de qualités incomparables et de pouvoirs supramondains. Leur science dépasse notre entendement et leurs capacités d'intervention nos facultés de perception, mais pour citer Arthur C. Clarke, « Toute science suffisamment avancée est indissociable de la magie ».
Si les bouddhas transcendent notre niveau d'existence et de manifestation, ce ne sont pas des dieux ! L'état de Bouddha n'est pas d'essence divine, c'est le summum (de l'évolution) de l'esprit en sa nature véritable.
A l'inverse du karman, né d'incessantes accumulations d'activités négatives qui enferrent les êtres ordinaires dans le samsāra, les bouddhas naissent d'incessantes accumulations de vertus qui dans l'accomplissement du Dharma les en libèrent. Il faut apprendre, comprendre, développer des capacités pour devenir médecin et il faut suivre les enseignements du Dharma et en pratiquer la réalisation pour devenir un bouddha.
Les parfaits Bouddhas, source de bonheur et d'ultime félicité,
Naissent de l'accomplissement du Dharma suprême.
Comme pour accomplir le Dharma, il faut savoir le mettre en pratique,
J'expliquerai ici la pratique du Bodhisattva 37-MDL
![](https://bc4d23e248.clvaw-cdnwnd.com/096f880f248939102d01de0b8e3692c9/200000734-6e18f6e191/15-01.jpg?ph=bc4d23e248)
Comment
un pratiquant bouddhiste accumule-t-il des « réalisations » ?
Comment un bodhisattva franchit-il les voies et les terres jusqu'à l'Éveil ?
Comment s'opère le passage (mythique) « au-delà du par-delà » du conceptuel pour devenir un être pleinement éveillé ?
Si le bouddhisme se résumait à une science, les pratiquants bouddhistes pourraient certainement devenir de parfaits philosophes et savants, mais ils ne sauraient transcender leur condition ni réaliser leur parfait accomplissement. La pratique n'est pas à elle seule le vecteur qui permet la transformation de la compréhension des enseignements du Dharma en sagesse. Il manque un ingrédient essentiel pour comprendre la transmutation de la connaissance en omniscience, sans quoi nous devrions postuler un « saut quantique » c.à.d. un effet dépourvu de cause, antithétique à l'interdépendance des phénomènes !
La « confiance éclairée » dans la philosophie bouddhiste s'établit par l'étude, le questionnement (la méditation analytique) et l'intégration de ses enseignements par la « familiarisation » (Gom, méditation en tibétain) où la compréhension débouche sur l'évidence claire et lumineuse sans que plus aucun doute ne soit permis quant à la véracité des affirmations. Mais la confiance n'est pas la foi !
Si le Bouddha n'est, somme toute, à mes yeux qu'un « magicien » détenteur d'une science qui m'est certes inconnue mais qu'il affirme lui-même ne pas m'être inaccessible et si en suivant le chemin qu'il me montre je peux m'éveiller à mon tour, comment ma considération envers la qualité de « maître spirituel » pourrait-elle dépasser le cadre de la confiance pour déboucher sur la foi ? Sans la perspective du sacré, comment la foi peut-elle naître ?
La foi est nécessaire, car c'est la clé des réalisations spirituelles. C'est la foi qui permet l'intégration de la compréhension des enseignements en vertus par la familiarisation. C'est le « chaînon manquant » qui établit la relativité de l'accomplissement de notre nature véritable.
Avoir foi dans les enseignements du Dharma fait partie des dix richesses de la « précieuse vie humaine ». Nous pouvons posséder les neuf autres, mais « être privé du joyau de la foi, et donc du désir de rencontrer un maître et de pratiquer les enseignements » ACC-68 fait partie des « huit tendances adverses qui limitent le potentiel naturel d'atteindre la libération » ACC-67.
La foi est ce qui nous meut, nous aimante littéralement vers le Dharma. Tel « l'anneau » qui attire à lui le « crochet » de la compassion des bouddhas, cette prière, cette intention, résonne du plus profond de nous-mêmes. Lorsque nous sommes mus par cette « main invisible », nous n'avons pas l'impression de rencontrer un « maître spirituel » par hasard. C'est si naturel, si évident, que nous n'avons pas le sentiment d'être guidés par l'intercession invisible des bouddhas (tel un jardinier œuvrant à son art avec une compassion infinie).
Tout se passe à l'intérieur, au plus profond de nous. C'est grâce à la foi que ce qui nous arrive est déterminé et déterminant sur notre chemin spirituel. « La foi est un préalable décisif sur la voie, car sans elle vous auriez beau suivre le Bouddha en personne, vous n'en tireriez aucun bienfait » ACC-90.
Développer la confiance « éclairée » dans le Dharma n'entrave pas l'aide que les bouddhas peuvent nous apporter et qui dépasse celle des êtres qui n'ont même pas développé de la confiance, mais à tout le moins le chemin sera plus long et laborieux. Grâce à la foi, nous pouvons recevoir les bénédictions plénières des bouddhas sur le plan spirituel. « En tant qu'êtres humains, si nous cultivons notre foi et notre dévotion pour lui [Avalokitésvara], nous pourrons recevoir ses bénédictions et réaliser toutes ses qualités éveillées » ACC-59
Un jour, quelqu'un dit à Atisha :
« Donnez-moi vos enseignements ! »
Celui-ci répondit : « Voilà qui est bon à entendre ! Mais pour te donner les instructions essentielles, j'ai besoin d'une chose de ta part, Et cette chose, c'est la foi ! » ACC-90
Ce n'est pas que la foi nous en rende méritant, c'est qu'elle connecte notre nature profonde à la nature des bouddhas que celle-ci fait résonner. Autrement dit, la foi est le puissant support de tous les antidotes à l'ego, car elle nous détache de la « préoccupation du moi » en nous attachant à la préoccupation du sort des autres. Et cela n'a rien d'étonnant d'attirer à soi la compassion des bouddhas dès lors qu'eux-mêmes sont nés de la compassion universelle pour tous les êtres sensibles sans exception ! « La foi et la dévotion feront de vous le parfait réceptacle du nectar des bénédictions qui jaillissent du maître, et elles permettront à vos qualités de croître » ACC-97
![](https://bc4d23e248.clvaw-cdnwnd.com/096f880f248939102d01de0b8e3692c9/200000732-980d6980d8/14-99.jpg?ph=bc4d23e248)
Ayez entièrement confiance dans la présence du Bouddha en vous rappelant qu'il est toujours là pour ceux qui ont foi en lui ACC-184
Les bouddhas naissent de la foi dans la compassion, plus exactement de la Joie puissante que leur inspire tout acte de compassion quant au fait que l'aide apportée aux autres est le vecteur de la sagesse qui les mènera à terme à réaliser leur propre Eveil. « Avec une confiance et une dévotion parfaites, voyez le maître comme un vrai bouddha, et ses actes comme une manifestation de sa sagesse accomplie » ACC-199.
Lorsqu'un chirurgien sait que l'opération de son patient a peu de chance de réussite, mais qu'il décide cependant en dernière chance de la tenter, ce n'est pas parce qu'il croit dans la technique ou dans ses compétences, mais parce qu'il a foi dans la médecine, dans l'action même d'aider l'autre. Même si cela doit prendre de nombreuses vies, même une aide minime finira inexorablement par produire des fruits - son résultat est certain au regard de l'omniscience des bouddhas qui peuvent en déterminer le tracé du chemin jusqu'à son terme -.
Pour faire naître et développer la compassion en nous, il peut paraître utile d'être capable de voir plus loin c.à.d. d'apprendre à penser « comme un être doué d'omniscience ». Souvent, lorsque nous sentons une impulsion d'agir pour le bien des autres germer en nous, un sentiment de doute l'accompagne. Le jugement porté sur la pertinence de notre aide, sur l'intérêt d'aider une personne qui nous est totalement inconnue, sur ce qu'elle en fera, sur les bénéfices qu'elle pourra véritablement en tirer, en somme de nous interroger sur l'efficacité réelle de notre action, nous retiennent d'agir.
L'absence de visibilité inhérente à la limitation de notre vue et l'absence de contrôle sur le résultat confèrent à notre action un caractère hypothétique et siphonnent notre intention de toute velléité. Or, ce n'est pas de connaître le résultat de leurs actions et de savoir la Joie des êtres qu'ils auront contribué à libérer qui meut les bouddhas à agir pour le bien de tous les êtres sensibles. La compassion des bouddhas n'est pas mue par la connaissance de la réalisation future de l'objectif, elle est animée par la foi en la compassion !
Il peut sembler logique de se dire que la foi ne vaut qu'en tant que ceux qui la cultive le font à dessein de compenser l'ignorance des résultats de leurs actions c.à.d. pour s'assurer de l'efficacité de leurs réalisations et ainsi « être sûr de miser sur le numéro gagnant ». Mais alors, de là nous pourrions inférer que la réalisation d'une sagesse omnisciente rendrait la foi inutile ! Pourtant, est-il cohérent de croire que le moteur de la compassion puisse nous mener à l'Éveil pour s'arrêter avec la réalisation de l'état de Bouddha, comme l'on abandonne sur l'autre rive le radeau qui nous à permis de traverser ?
Posons-nous la question inverse. N'aiderions-nous pas la personne qui nous est la plus chère même si nous savions que, quoi que nous puissions faire, rien ne peut la sauver ? N'irions-nous pas jusqu'à remettre en cause cette certitude par refus de croire qu'il nous est impossible de la secourir ? Nous agirions contre malgré l'adversité qui ne ferait que renforcer notre détermination !
Un Maître Zen voyant un scorpion se noyer voulu le tirer de l'eau, mais le scorpion le piqua. Sous la douleur, le maître lâcha le scorpion qui retomba dans l'eau. Le maître tenta de le sortir à nouveau et le scorpion le piqua encore !
Maître, pourquoi insistez-vous, demande un disciple ? Ne comprenez-vous pas qu'à chaque fois que vous tenterez de le tirer de l'eau il va vous piquer ?
Le maître répondit : La nature du scorpion est de piquer et cela ne va pas changer la mienne qui est d'aider » [i]
![](https://bc4d23e248.clvaw-cdnwnd.com/096f880f248939102d01de0b8e3692c9/200000737-5c13e5c141/17-1.jpg?ph=bc4d23e248)
C'est
toute la différence entre la confiance et la foi. L'une est déterminée par notre
estimation des conditions de réussite de nos actions, l'autre par sa propre
force. « Ne traitez pas à la légère les actes de bien les
plus infimes, en s'ajoutant les gouttes d'eau remplissent une grande jarre
! » ACC-79.
En somme, la confiance c'est croire que la jarre se remplira, la foi c'est croire que chaque goutte possède la force de la remplir ! Les bouddhas naissent de « l'esprit d'Eveil » que les bodhisattvas s'attachent à développer mais, que ce soit un bodhisattva où un bouddha parfaitement éveillé, tous œuvrent au bien des êtres sensibles, non qu'ils aient foi en eux ou dans le résultat, mais parce qu'ils ont foi dans la force de la compassion !
L'une des qualités des bouddhas est de connaître les facultés des personnes, leur dessein (le bonheur en cette vie, la cessation définitive de toutes souffrance ou l'Eveil) et de savoir parler à chacun selon ses spécificités. Pour la plupart des êtres ordinaires, il n'est pas évident de faire naître la foi au début du chemin. D'autant lorsque les personnes sont dotées d'un esprit cartésien et d'un fort individualisme comme en Occident... A l'entré de la voie, un maître spirituel authentique ne vous demandera pas de vous prosterner devant le Bouddha avec une dévotion totale envers le Dharma et la Sangha !
Un maître spirituel bouddhiste authentique connaît vos dispositions et sait qu'il est plus facile de faire naître en vous la confiance dans le Dharma en en appelant à votre intelligence. Il ne cherchera pas à vous convaincre de la véracité des affirmations du Bouddha et de leur bien-fondé, mais fera appel à votre raison et à votre réflexion en vous demandant (comme le Bouddha lui-même le demanda à ses disciples) de ne pas le croire sur parole mais d'étudier, de réfléchir et de méditer avec une intention sincère jusqu'à ce que la lumière de l'évidence surgisse et que la « confiance éclairée » s'établisse en vous.
Il vous incitera à développer le « calme mental », à cultiver une éthique pure, à accumuler des vertus, à nettoyer vos impuretés. Un maître spirituel authentique n'aura pas pour objectif de vous convaincre d'atteindre absolument l'Eveil (c'est à vous qu'il appartient de vous autodéterminer eut égard à la qualité qui fait de vous « votre propre protecteur »). Il s'attachera à développer votre confiance dans le Bouddha, le Dharma et la Sangha dans l'optique que la foi naisse en vous et que vous puissiez en retirerez le meilleur bénéfice. « C'est avec la loupe de votre foi et de votre dévotion que les rayons de la compassion omniprésente des bouddhas embraseront les bénédictions qui sont en vous » ACC-96.
Si la « confiance éclairée » permet de produire des réalisations avec patience et persévérance comme la jarre se remplit goutte à goutte, la foi est le moyen de la remplir rapidement. Le respect envers un maître spirituel permet de développer la confiance, mais pour faire naître la foi et la dévotion, qui rendent pleinement bénéfique leur relation pour les réalisations spirituelles du disciple, celui-ci doit considérer son maître « comme un Bouddha ».
Considérer ne signifie pas qu'un maître spirituel authentique (c.à.d. qui possède toutes les qualités définies par le Mahāyāna ou le Vajrayāna) soit un Bouddha au sens littéral du terme, mais pourrions-nous le savoir ? Des trois corps d'un Bouddha (Trikāya « expressions de l'Eveil»), « le corps de vérité (Dharmakāya) est la dimension de la vacuité de l'Eveil n'est pas objet de connaissance et le corps de jouissance (Sambhogakāya) ne peut être vu que par les êtres dont les voiles de leur karman sont purifiés (les Āryabodhisattvas) » DEB-306.
Ce n'est pas dans le doute et en dernier lieu que nous devons considérer qu'un maître spirituel authentique puisse être l'expression du « corps d'apparition, de manifestation ou d'émanation (Nirmānakāya) d'un Bouddha ». La vocation de ce « corps » est en effet de transmettre l'enseignement du Dharma. Ce n'est pas tant ce qu'il « est » mais ce qu'il fait qui doit nous amener à considérer un maître spirituel authentique comme un Bouddha
Le doute et l'hésitation sont les obstacles principaux à la réalisation des accomplissements ordinaires et suprême.
Si vous doutez du maître, vous ne serez pas à même de recevoir ses bénédictions.
Si vous doutez des enseignements, quel que soit le temps que vous consacrerez à l'étude et à la méditation, vos efforts seront en grande partie stériles ACC-104
![](https://bc4d23e248.clvaw-cdnwnd.com/096f880f248939102d01de0b8e3692c9/200000733-0c8080c80b/11-4.jpg?ph=bc4d23e248)
Le
Bouddha Shakyamuni n'est pas le premier des bouddhas, mais probablement le plus
emblématique. Son parcours est mythique aux yeux des bouddhistes, car il s'est
libéré, a atteint l'Eveil et a montré le chemin aux êtres pour qu'ils puissent
à leur tour se libérer et atteindre l'Eveil. Or, qu'est-ce un maître spirituel
si ce n'est un authentique enseignant du Dharma qui, par son comportement
éthique, sa sagesse et sa concentration, nous montre l'exemple ?
Si le Bouddha Shakyamuni est le principe de l'Éveil, un maître spirituel authentique (et un bodhisattva) est son archétype. Le respect pour le maître naît de la sagesse qui surgit de l'écoute, de la méditation analytique et de la méditation d'intégration (de la compréhension des enseignements).
Il ne suffit toutefois pas de suivre la recette à la lettre pour réussir le plat ! Le programme de médecine est le même pour tous les étudiants, mais tout le monde n'a pas les aptitudes et la motivation de devenir médecin (ou la main verte pour être jardinier) ! Sans intention d'atteindre l'Éveil, en suivre le cursus ne permet somme toute que d'acquérir une connaissance laïque, universitaire, qui ne produira pas de « réalisations spirituelles » véritables.
Faire naître la dévotion pour le maître spirituel en le voyant comme un Bouddha, par une démarche animée d'une intention authentique de grande capacité, c'est passer du statut d'étudiant de philosophie à pratiquant d'une méthode. Puisque ladite méthode consiste à développer la compassion, elle est de la nature d'une « transformation intérieure » visant à inscrire en nous un état d'esprit altruiste et bienveillant envers tous les êtres sensibles, et non pas constitutive d'une religion théiste. Ce qui ne la prive pas de posséder un caractère sacré !
Toutes les pratiques bouddhistes sont ritualisées, y compris la méditation (avec la préparation du lieu, la disposition de l'autel où sont disposées les offrandes, etc.). Le débutant en est empreint de déférence, mais peut être déconcerté par une philosophie qui ne fait pas place à la notion de Dieu alors que ses pratiques rendent « hommage » et constituent des « offrandes » à des « déités » ?
Sacré n'est pas ici synonyme de « divin ». Les pratiques bouddhistes ne visent pas à vénérer le Bouddha comme un Dieu. Les hommages, les offrandes et l'attitude de « prosternation » (autant que l'acte en lui-même) ont pour finalité de développer l'humilité comme antidote à l'orgueil. C'est contre l'ennemi intérieur, l'ego, qu'il s'agit de se battre en œuvrant pour aider les autres
L'encens, les fleurs et les lampes
ne sont pas les meilleures offrandes.
La meilleure offrande au Bouddha
consiste à aider les autres ACC-131
![](https://bc4d23e248.clvaw-cdnwnd.com/096f880f248939102d01de0b8e3692c9/200000736-a0fbda0fbf/16-2.jpg?ph=bc4d23e248)
Les bouddhas
ne veulent pas être glorifiés, ce n'est pas le sens de leurs actions et si le
disciple voue dévotion au maître
spirituel c'est pour que soit exaucer sa propre compassion. C'est la force de sa foi en la compassion que le disciple cultive par sa dévotion au maître
spirituel de sorte à réaliser son propre accomplissement. Car, c'est par l'Éveil qu'il obtiendra
toutes les qualités et tous les pouvoirs d'un bouddha, et pourra ainsi exaucer la véritable intention qui
l'anime, c.à.d. venir en aide à tous les êtres sensibles.
Beaucoup de personnes à travers le monde se disent « bouddhistes », mais considèrent et entretiennent un rapport avec le bouddhisme comme avec une religion. Ils prient le Bouddha, vénèrent la sainteté du Dalaï-lama Lama, vouent un culte au reliques consacrées du Bouddha Shakyamuni enchâssées dans les stupas, comme à une « divinité » théiste. Au regard de la réalité ultime que le bouddhisme se propose de nous faire saisir, cette forme de « sacralisation» est superficielle et les pratiques qui s'y rattachent conventionnelles. La véritable dimension sacrée du bouddhisme est intérieure, difficile d'accès, car elle demande de pouvoir étudier et comprendre les enseignements philosophiques.
Cela n'a rien de péjoratif. Nous n'avons pas tous les mêmes aptitudes. Nonobstant le fait qu'il ne s'agit pas d'une question de don, mais de pratique d'entraînement à la réflexion, lorsque l'on est en proie à la souffrance, le réflexe naturel est d'en appeler à l'aide, en l'occurrence à l'intercession d'un pouvoir « supérieur ». Cela rend d'autant plus difficile de comprendre que nous sommes notre propre protecteur et que ce qui est seul en capacité de nous libérer est en nous, car cela implique de croire en notre nature véritable !
De l'autre côté, un étudiant totalement assidu qui maîtriserait parfaitement tous les concepts de la philosophie bouddhiste (dans ces différentes déclinaisons ou écoles philosophiques) achopperait à entrer dans l'esprit du bouddhisme s'il ne parvenait à développer la foi pour le Bouddha, le Dharma et la Sangha.
Le rapport philosophique au bouddhisme met à égalité le « connaisseur » et le « connaissable », le sujet et son objet, qui se définissent dans le cadre la désignation, donc de la réalité conventionnelle. Or, l'état de Bouddha est « au-delà du par-delà » de toute pensée, de toute conception et de toute doctrine. Sa réalisation implique un dépassement radical. L'étude philosophique permet d'établir la « confiance éclairée », mais la foi est d'une autre essence.
Considérer le Bouddha comme sacré et le maître spirituel authentique comme son émanation ne visent pas à inscrire la pratique du bouddhisme dans le cadre d'une religion - si le bouddhisme nous « relie », ce n'est pas à un pouvoir extérieur, mais à nous-mêmes en notre véritable nature -. Le « sacré » dans le contexte du bouddhisme, c'est utiliser la foi dans l'existence d'un « plus grand que soi » comme levier de transformation intérieure.
Reconnaître qu'il existe une chose plus grande que « moi », c'est relativiser la vision que j'ai de ma personne et de mes capacités. C'est en reconnaissant que ma personne ne pourra jamais me permettre de réaliser la « saisie directe » de la bouddhéité, que « je » prends conscience de l'orgueil que me confère la puissance conventionnelle de la raison pure. La foi ne naît pas tant du fait de considérer la primauté d'un « plus grand que soi » que d'admettre la vanité du moi et d'adopter une attitude de dévotion.
Nous sommes seuls à pouvoir parcourir le chemin, mais nous ne sommes pas seuls sur notre trajet. Nous sommes accompagnés par les bouddhas qui nous aide en permanence avec une compassion infinie. L'importance de la relation « du disciple au maître spirituel » dans le bouddhisme n'est pas qu'une question de transmission, qu'il s'agisse de l'enseignement du Dharma, des énergies ou des « pouvoirs » des mantras, de générations de maîtres à disciples depuis le Bouddha Shakyamuni. Pour la comprendre pleinement, il faut l'envisager non du point de vue conventionnel mais bien du point de vue ultime.
Si nous admettons le postulat selon lequel les caractères (qualités et pouvoirs) de l'omniscience de la sagesse et de la compassion des bouddhas sont déterminés aux fins de venir en aide aux êtres sensibles afin qu'ils puissent accéder à ce même état, les « corps » des bouddhas se comprennent alors comme une déclinaison de la fonction de « maître spirituel » en relation avec leurs disciples sur le chemin de la réalisation de leur bouddhéité.
L'exposé doctrinal des « trois corps » (Trikāya) n'a pas pour finalité de nous expliquer l'essence de l'état de Bouddha. Nonobstant, la difficulté à en saisir le concept, l'on peut se demander en quoi cette connaissance est utile à l'Éveil ? D'autant que du point de vue ultime, si l'on veut être logique avec la philosophie bouddhiste, seule existe la vacuité, sans « objet connaissable » et son corollaire l'absence de « sujet connaissant ». « La sagesse non conceptuelle connaît la vacuité sans en être différenciée, comme l'eau versée dans l'eau » DEB-306. Parler de « corps », quelle que soit la signification que l'on met dans les mots, demeure un acte de désignation et donc un point de vue conventionnel !
Le sens véritable se comprend en lien avec la fonction. La forme d'apparition d'un bouddha dépend de notre degré de « réalisation spirituelle » (de notre « niveau de conscience »), autrement dit du fait que nous soyons capables de percevoir la nature des bouddhas eut égard au « degré de conscience » que nous avons de notre propre bouddhéité (relative aux voiles de notre karman, de notre ignorance et des autres poisons qui nous affectent).
L'on ne voit pas un bouddha pareillement que l'on soit Āryabodhisattva (vers la fin du chemin), bodhisattva (au milieu du chemin) ou un être ordinaire (au début du chemin), dans l'incapacité de voir le « corps de vérité » (Dharmakāya) et le « corps de jouissance » (Sambhogakāya). Avatar de l'archétype d'un bouddha, le maître spirituel reflète en sa forme de « corps d'apparition » (Nirmānakāya), l'apparence la plus tangible du point de vue conventionnel, « il se manifeste en fonction des besoins de chacun et sous une forme que lui prêtent les êtres selon leur propre vision karmique et leurs mérites. Il œuvre au moyen de son corps merveilleux, de sa parole mélodieuse qui dispense l'enseignement et de son esprit qui connaît toutes choses » DEB-306.
![](https://bc4d23e248.clvaw-cdnwnd.com/096f880f248939102d01de0b8e3692c9/200000739-2fe002fe02/arcenciel.png?ph=bc4d23e248)
A ce stade, le disciple s'en remet en pensée et en acte au maître spirituel. Il suit ses conseils et les met en pratique avec énergie. Selon son degré de dévotion, il fait don de son corps, de sa parole et de son esprit à son maître spirituel, tel Milarépa. « Rabroué, insulté, humilié, il ne se révolte pas car son immense faculté d'amour lui permet de garder la foi (...) Milarépa s'abandonne avec ferveur. Cette liaison intime entre deux êtres est une union dans l'abandon de l'amour, sans laquelle la réalisation personnelle reste impossible » OCM-14.
Lorsque le pratiquant a accumulé beaucoup de mérites et que les voiles qui recouvrent le «continuum de son esprit » se sont dissipés, il devient capable (au stade supérieur d'Āryabodhisattva), de voir le « corps de jouissance » des bouddhas. Jusque-là et depuis le début du chemin de bodhisattva, le pratiquant peut dans sa pratique recourir à l'aide des «divinités » (le terme revêt toujours celui de « l'essence de l'Éveil »). Les divinités sont un type «d'émanation » des bouddhas, une autre manière d'apparaître aux êtres pour leur venir en aide.
Il y a deux manières de concevoir et conséquemment de « faire appel » aux divinités sur notre chemin spirituel. La première est conventionnelle et rejoint le caractère mondain du sens de la prière telle que pratiquée dans les religions théistes où il s'agit de s'en remettre à l'intercession de divinités extérieures dans l'optique d'exaucer nos souhaits. Dans le schéma de la relation du disciple au maître spirituel dans le contexte bouddhiste, les « divinités » sont un archétype de la nature de l'Éveil, et en tant que tel utilisé comme un « levier externe » pour réaliser la conscience de notre nature véritable. « C'est une attitude spirituelle. Sur le plan relatif, vous êtes extérieur à la divinité, sur le plan ultime vous vous assimilez à la divinité. Votre but n'est plus de recevoir la bénédiction de l'Éveil, mais de devenir vous-mêmes l'être éveillé » SB-DIV.
Cette manière d'invoquer les divinités vise à réaliser le changement de la base d'imputation du « je » en se visualisant, pendant la méditation, comme étant soi-même le corps, l'esprit et la parole de la divinité. « Notre corps, que nous croyons réel, est le résultat d'un karman autrement dit d'un dysfonctionnement de la pureté de notre esprit, qui mûrit sous cette forme » SB-DIV.
La technique « d'échange de soi avec l'autre » dépasse le cadre conventionnel, mais à l'instar du karman (où l'objectif est de changer notre attitude et notre comportement afin de cesser de nuire aux autres) le principe de « permutation » demeure plénier, c'est seulement la nature de l'autre qui évolue. Qu'il s'agisse d'un être ordinaire, d'un maître spirituel authentique ou d'une «divinité » (qu'elle soit extérieure ou intérieure), l'idée est que l'autre est notre propre « miroir »...
Tant que nous n'avons pas réalisé la vacuité de la nature ultime du réel de tous les phénomènes (tant que nous ne pouvons en effectuer la « saisie directe »), c'est comme si notre vue était dédoublée (en plus d'être floue). Non seulement, nous voyons le « double » d'un objet qui n'est pas la nature véritable (ultime) de cet objet mais son apparence conventionnelle, mais nous le confondons avec sa nature véritable parce que nous le croyons réel (existant par lui-même) !
Là où il n'y a une unité, nous saisissons une dualité. Nous voyons le maître spirituel, la divinité ou les bouddhas comme extérieurs alors qu'en termes de réalité ultime, ils sont notre propre nature intérieure profonde !
Nous sommes notre propre protecteur et en vertu de notre autodétermination, les bouddhas ne peuvent nous forcer à nous éveiller si nous n'en avons pas l'intention et si nous n'en faisons pas l'effort. Mais, s'ils ne peuvent nous « tirer » vers le haut, les bouddhas peuvent nous aider en nous tendant un miroir dans laquelle vient se refléter notre nature véritable ! Que l'essence de l'Éveil nous apparaisse sous la forme d'un bouddha, d'une « divinité » ou d'un maître spirituel authentique, ces formes extérieures ne sont que le reflet de notre maître spirituel intérieur qui est la nature de notre propre bouddhéité.
![](https://bc4d23e248.clvaw-cdnwnd.com/096f880f248939102d01de0b8e3692c9/200000740-5110151105/19-64.jpg?ph=bc4d23e248)
Considérer le maître spirituel authentique « plus grand que soi », émanation d'un Bouddha lui-même « plus grand » celui de l'être ordinaire que je suis, est un antidote à l'ego et une motivation (non égotiste) puissante à devenir moi-même un bouddha ! Tant que l'on reste sur un pied d'égalité, c.à.d. l'étudiant d'une philosophie, l'on ne peut faire naître et encore moins cultiver la foi dans le bouddha. Pratiquons, pratiquons, pratiquons (avec un esprit de dévotion envers « plus grand que soi ») et tout arrivera, pour paraphraser Patanjali !
Dans le contexte bouddhiste, la confiance et la foi peuvent être employées comme synonymes. « La foi est la condition indispensable du refuge et son essence même (...) Si vous avez pleinement confiance dans les Trois Joyaux, leurs bénédictions seront à jamais présentes en vous » ACC-96. En somme, dire que « l'intention de suivre le chemin de l'Éveil vient de la confiance intérieure authentique dans le Bouddha, Dharma, Sangha » LS est une autre manière de paraphraser l'idée qu'elle naît de la foi.
La foi peut toutefois apparaître comme un mystère eut égard à la relativité de l'expérience individuelle de son surgissement alors que la confiance repose sur une base plus solide et reproductible. Mais, ce n'est qu'une apparence. Elles ne sont pas deux » ! L'intuition est une forme de « saisie directe » de son objet qui aboutit à la compréhension d'un phénomène sans passer par le raisonnement, mais ce n'en est pas moins une forme de connaissance. Je peux être ignorant de la manière dont fonctionne un véhicule et pourtant l'utiliser pour me déplacer. La confiance en son caractère « éclairé » et la foi en son caractère de sentiment sont un même véhicule à la physionomie différente.
La philosophie bouddhiste décrit « l'ingénierie du processus » de la foi en quatre étapes qui, en en démystifiant le côté magique et en lui conférant une dimension méthodique, la rendent accessibles à tous : la « foi inspirée » par la découverte du Bouddha et de son enseignement ; la « foi désirante » d'acquérir soi-même des qualités spirituelles ; la « foi convaincue » par la compréhension du Dharma (en particulier la causalité karmique) ; et enfin la foi si bien ancrée qu'elle en devient « irréversible » (cf. ACC-96).
En somme, la « confiance éclairée » est le résultat d'une dialectique qui nous amène par étapes déterminées, de la découverte du bouddhisme à l'intention d'atteindre l'Éveil. Lorsque nous comprenons ce que signifie véritablement le karman en termes de « permutation de soi avec les autres », notre compassion pour tous les êtres sensibles progresse d'un bond. Il n'y a rien de magique dans la capacité à faire naître en nous la foi pour le Bouddha, le Dharma, la Sangha. Il y a seulement à écouter et à bien réfléchir jusqu'à ce que la lumière de la conviction authentique nous illumine de l'intérieur.
La métaphore de la technologie indiscernable de la magie nous rappelle la relativité de l'observateur au référentiel de son observation. Il n'y a pas plus de magie dans les rouages d'une horloge que de « Soi » dans les agrégats d'une personne. Or, l'horloge rend tangible l'immatérialité du temps et de l'imputation du « je » sur la base de nos agrégats émerge le pouvoir d'efficience de l'ego qui nous enferre dans le cycle sans fin du samsāra ! Il en va de même des pratiques bouddhistes comme de la foi, leur ingénierie confère au pratiquant animé d'une intention authentique la capacité de changer de perspective...
La relativité remet les choses à leur juste place. L'expression « réalisation spirituelle » se définit en regard du point de vue de la réalité conventionnelle. En termes de réalité ultime, rien n'est véritablement produit ! Notre nature est celle de Bouddha, masquée par les voiles du karman et de l'ignorance. Le soleil n'est pas créé lorsque les nuages qui le dissimulent se dissipent...
La nature de notre être profond n'est pas différente de celle d'un Bouddha. La différence tient au fait qu'un Bouddha est conscient de cette nature tandis que l'homme attaché à la terre ne l'est pas à cause de l'illusion de l'ego, du moi LTM-13
Du point de vue du temps « linéaire » (la succession des « trois temps »), l'Eveil paraît un processus, comme si la réalisation de l'état de Bouddha résultait de la germination des «graines de la bouddhéité ». Sous cet angle, les « réalisations spirituelles » se produisent à la manière d'un « saut quantique » c.à.d. sans cause ! « Le niveau inférieur, bien qu'il soit entièrement responsable de ce qui se passe, est sans rapport avec le résultat (...) inaccessible, il en est isolé. C'est un fait à part entière à son propre niveau » LOOP-51.
![](https://bc4d23e248.clvaw-cdnwnd.com/096f880f248939102d01de0b8e3692c9/200000741-c69cec69d1/18-1.jpg?ph=bc4d23e248)
Sous la longueur d'onde de la lumière, il n'y a plus de lumière ! A l'intérieur du référentiel propre de l'objet, l'objet disparaît ! La magie n'est nulle part dans la technologie, le « Soi » nulle part dans nos agrégats. La connaissance n'est pas réellement transmutée en sagesse comme le plomb changé en or.
Devenir un bouddha ne consiste pas en un processus de transformation. « Réaliser » notre bouddhéité veut dire en prendre conscience ! C'est une question de relativité : passer du référentiel illusionné de l'ego à celui de notre nature véritable en changeant l'angle d'observation sur nous-mêmes...
Méditation analytique et de concentration se subdivisent chacune en deux modes. Dans le premier on médite sur un objet (...) l'impermanence ou sur la vacuité, comme objet de votre esprit.
Et lorsque vous méditez la foi (confiance) ou la compassion, vous ne méditez pas SUR la foi (confiance) ou SUR la compassion, vous ne réfléchissez pas à leurs qualités spécifiques, vous transformez votre conscience EN la foi ou la compassion [ii]
Lorsque j'écoute les enseignements du Dharma, les mots parviennent à mon cerveau. Sans les mots, il n'y aurait pas de compréhension possible. Mais, sans le son, je ne pourrais les entendre. Or, lorsque j'écoute, j'entends seulement des mots ! C'est comme s'il n'y avait plus de son dans les mots... Le résultat (le mot) est « isolé et sans rapport » avec le « niveau inférieur » (le son). Il en va de même à chaque niveau. Où est le symbole dans la sémantique ? Où est l'idée dans la compréhension de l'idée (le moi dans les agrégats de la personne...) ?
C'est le principe de la relativité, à l'intérieur du référentiel la perspective de ce référentiel disparaît. Ainsi, l'omniscience des Bouddha n'est-elle pas plus magique que la technologique qui nous apparaît indiscernable. « Au-delà du par-delà » de toute élaboration conception (hors du référentiel de la « réalité conventionnelle »), il n'y a plus ni de haut ni de bas, ni passé ni futur, ni sujet ni objet, de connaissant et de connaisseur, comme il n'y a plus de mesure.
Hors de toute perspective égocentrée (hors du référentiel de l'illusion du « soi » de la personne et du « soi » des phénomènes), la connaissance des bouddhas embrasse toute perspective ce qui leur confère tous pouvoirs et tous bienfaits pour aider les êtres sensibles sur leur chemin.
Ce n'est pas l'horizon qui limite la vue, mais le référentiel qui engendre sa ligne. En se familiarisant sur le sens profond des enseignements par leur méditation, l'analytique s'ouvre sur l'expérientiel. En s'extirpant de sa gangue conceptuelle, l'intelligence se meut en sagesse et la pratique de la sagesse en réalisation. La foi en la compassion devient compassion, la foi en la réalisation du bonheur devient la réalisation même de ce bonheur.
Namasté
Tashi delek
བཀྲ་ཤིས་བདེ་ལེགས།
Références :
37 : Les Trente-sept Pratiques des Bodhisattvas https://www.institutvajrayogini.fr/pdf/Les_37_pratiques_des_bodhisattvas_trad_Ch.Charrier_Editions_Vajra_Yogini.pdf
37-MDL : https://media.dalailama.com/French/texts/37-practices_french.pdf
ACC : Au cœur de la compassion, commentaire des 37 pratiques des bodhisattvas Dilgo Khyensté https://www.padmakara.com/fr/ebooks-livres/154-au-coeur-de-la-compassion-ebook-format-pdf-9782916915814.html?search_query=Au+coeur+de+la+compassion&results=34
BVE : Le Bodhicaryāvatāra : Méthodes d'enseignement et Vue d'ensemble https://www.lotsawahouse.org/fr/tibetan-masters/alak-zenkar/bodhicharyavatara-teaching-methods-overview
DBTF : Dictionnaire du bouddhisme français tibétain https://www.yogi-ling.net/Dictionnaire/dictionnaire%20fran-tib/Dictionnaire.html
DEB : Dictionnaire Encyclopédique du bouddhisme, Philippe Cornu https://www.decitre.fr/livres/dictionnaire-encyclopedique-du-bouddhisme-9782020822732.html
EVE : L'essence de la voie vers l'Éveil (LARMIN), Lama Samten https://www.centre-paramita.fr/collections/livres
EVM : Entrer dans la voie du milieu Madhyamakāvatāra Candrakīrti https://media.dalailama.com/English/texts/madhyamakavatara-ENG.pdf
LOOP : Je suis une boucle étrange, Douglas Hofstadter
LTM : Bardo-Thödol,Le livre tibétain des morts
OCM : Œuvres complètes Milarépa https://www.decitre.fr/livres/oeuvres-completes-9782213628974.html
RLA : La Roue des Lames Acérées Dharmarakshita https://www.institutvajrayogini.fr/pdf/Texte_racine_EE_PEBA_2013.pdf
SB-DIV : Sagesses bouddhistes, émission du 01.06.2013 « Les divinités dans le bouddhisme tibétain » https://www.youtube.com/watch?v=j2Q66EdSiL0
TSLK : Tout sur le karma https://editionsmahayana.fr/?s=Tout+sur+le+karma+
[i]
https://www.facebook.com/MGLAGREGO/photos/a.10151559482077861/10151559482972861/
[ii] https://www.facebook.com/656159144458207/photos/a.656172617790193/4054493587958062/