I.81 – Méditer le profond
Se libérer du cycle de la souffrance et atteindre le bonheur véritable. Le but de toute vie sensible, l'objectif de la bhāvanā bouddhiste du développement de l'esprit qui repose sur trois axes, sagesse, éthique, concentration, les trois corbeilles des enseignements du Bouddha Sakyamuni : ce qu'il faut réaliser, par quel moyen et comment.
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- Je marche lentement, j'expire calmement... En tous lieux, par toutes saisons, j'observe attentivement ce qui m'entoure et cela qui se produit dans le monde... la neige qui tombe par un froid matin d'hiver... les cristaux de glace qui fondent lentement au soleil... les gouttes de pluie qui tombent sur la nature printanière... J'observe une bulle de rosée qui se forme à la surface d'une feuille au petit matin... Je suis du regard les nuages qui parcourent lentement le ciel azuré d'été... J'embrasse l'espace sans limite qui expand au-delà de la borne de l'horizon le tissu sans fin du monde qui défile...
- J'inspire lentement, j'expire lentement... Bien au calme, dans un lieu propice à la méditation, dans une posture ferme et souple à la fois, les yeux mi-clos, les sens retirés du monde, de tout attrait extérieur, le regard tourné vers l'intérieur, je respire et j'observe que je respire... Je visualise et je me concentre avec attention sur un phénomène, sur la neige, sur le ciel, sur l'esprit... Concentré, j'observe, j'examine, avec discernement, je saisis avec lucidité que ces phénomènes sont la projection de ma conscience mentale... J'examine par l'entendement cet esprit qui pense... Qu'est-ce exactement que « cela qui pense » ? Je saisis que l'esprit lui-même n'est qu'apparence aux yeux de l'esprit !
- J'observe lentement, je discerne sûrement, je comprends pleinement... Flocon de neige, goutte de pluie... « étoile, mirage, bougie, illusions, bulle, rêves, éclairs et nuages... », en post-méditation comme en méditation, j'examine et je discrimine tous les phénomènes composés et je m'interroge... Qu'est-ce qui est « réel » ? Et qu'est-ce qui est le produit de ma pensée ?
- Je m'absorbe dans la « concentration mentale » de la neige et je deviens aussi vaporeux qu'un flocon de neige... Je m'absorbe dans la « contemplation méditative » de la rosée et je deviens aussi évanescent qu'une bulle... Je m'absorbe dans le « discernement analytique » de l'espace et je deviens aussi translucide et intangible que l'étendue sans forme et sans limite du ciel... J'oublie qui je suis... Je deviens cela en quoi je me concentre, je me fonds dans cela que j'examine ... Il n'y a plus de différence entre l'intérieur et l'extérieur, entre le fait et la pensée, « les apparences sont notre esprit »...
Le Hīnayāna vise la libération des souffrances du samsāra par la purification de l'esprit du voile des émotions perturbatrices. La souffrance de la souffrance vient de la manière dont « je » réagis à ce qui (m')arrive (à moi). La loi de causalité du karman implique qu'agir de manière non vertueuse est, inéluctablement, la cause d'un souffrance de même nature que l'acte, et qu'agir de manière vertueuse est toujours la cause, certaine, d'un bonheur de nature identique - le samsāra est « la roue de l'esprit » CT-140, les « six mondes d'existence » ne sont pas physiques, ce sont des modes d'état d'esprit (tel celui des esprits avides ou insatisfaits) dont la sphère (le type d'objet) est le désir ; ce qui fait de la transmigration une question de développement de l'esprit et non de transfert d'essence, par ailleurs vide ! -.
Dans le bouddhisme, qui est une philosophie à l'aspiration de la voie de laquelle conduit une « foi éclairée » par la raison, il n'existe pas plus d'enfer physique et d'entités démoniaques que de divinités ou de dieux réels. Les « déités » sont le support des pratiques de visualisation. Elles représentent les sagesses et les qualités des Bouddha qui sont elles-mêmes le reflet des sagesses et des qualités de notre nature véritable (tathāgatagarbha). Enfer et paradis sont d'ordre nominal, ils n'existent qu'en termes de désignation d'états de l'esprit. Au sens de la « vérité ultime», tous les phénomènes sont vides de réalité propre. Rien n'a d'existence de par lui-même, tout est le résultat d'une coproduction combinée.
La Bhāvanā bouddhiste vise le développement de l'esprit dans le but d'atteindre l'omniscience d'un Bouddha, c.à.d. de connaître les choses telles qu'elles sont véritablement et non telles qu'elles nous apparaissent. La visée du Mahāyāna est de conduire à la réalisation de cette sagesse par la démonstration (la méditation analytique) de la véritable nature des phénomènes, et sa « saisie directe » fruit de l'union de Samatha et de Vipāssyana.
Les voiles qui recouvrent notre esprit ne sont pas de deux sortes, les « passions destructrices » sont les différents aspects de « l'ignorance », racine des 84000 émotions perturbatrices. L'ignorance est une vision fausse qui repose sur une « conception non valide » de la nature véritable des choses consistant à les considérer réelles, c.à.d. existant par elles-mêmes, de leur propre pouvoir, indépendamment de toutes causes. « L'esprit qui perçoit la nature insubstantielle d'un objet a pour support une cognition valide (...) la manière dont il perçoit son objet est conforme au mode d'existence authentique de l'objet » EMK-35.
La voie philosophique bouddhiste est une purification du connaisseur (l'esprit) par l'intelligence, combinée à la transformation des passions en sagesses par la méthode. « Les méthodes pour cultiver la bodhicitta [l'esprit d'Éveil, dont la racine est la pensée de la compassion] et la sagesse qui réalise la vacuité constituent ensemble le fondement des enseignements bouddhistes » EMK-10.
Au-delà de leur libération personnelle du samsāra, par l'extinction de l'agitation de l'esprit - l'arrêt des fluctuations du mental du yoga de Patanjali, qui transpire en filigrane d'une inspiration hīnayāniste... -, les aspirants à la bouddhéité sont mus par l'intention authentique d'aider les êtres sensibles à se libérer eux-mêmes de la souffrance en leur donnant les moyens idoines : l'enseignement du Dharma et les pratiques qui développent la « cognition valide » de la nature véritable des phénomènes. « Nirvāna devient, pour le Mahāyāniste, synonyme de Réalité [la perception de la réalité telle qu'elle est], désignée aussi par le terme Vide » BB-251.
Mû par la compassion universelle à l'égard de tous les êtres sensibles, cet état ultime de l'esprit est atteint par l'instruction de l'ainsité. « Celui qui possède une sagesse transcendante omnisciente est un bouddha » EMK-15. Qu'est-ce que l'omniscience ? « La perfection de la capacité mentale à percevoir les objets. L'esprit est omniscient en ce sens qu'il peut connaître toutes choses et chaque chose sans être entravé par des variations de temps et d'espace » EMK-32.
C'est parce qu'elle est libre des conditions d'élaboration de la pensée conceptuelle - les catégories kantiennes a priori de l'espace et du temps - et des outils de la raison pure (l'idée d'objet, de concept d'essence, etc.) que la cognition atteint à la perfection d'une connaissance sans objet !
Mais, pourquoi le fait de concevoir l'essence de l'être comme un noumène (le Soi du Vedanta, l'ātman du yoga, l'âme du christianisme, etc.) serait-il une « cognition non valide » a contrario de l'intellection d'une nature insubstantielle et non conceptuelle de la personne qui, elle, serait constitue d'une « cognition valide » ?
Afin de développer une « cognition valide » quant à la question de la nature véritable du « soi de la personne » (et des phénomènes), c.à.d. nous assurer que « la manière dont l'esprit perçoit son objet est conforme au mode d'existence authentique de l'objet » EMK-34, nous devons pour cela user d'un discernement éclairé de la vacuité qui résulte d'un examen (ou méditation) analytique de notre capacité à connaître la nature véritable des choses.
L'on remarque d'abord la différence de vocabulaire : la « cognition valide » est dite résulter d'une perception (« L'esprit qui perçoit la nature insubstantielle... » ; « ...la manière dont il perçoit son objet... » ; « La perfection de la capacité mentale à percevoir les objets... ») ; versus la « cognition non valide » produit d'une élaboration (« Cet esprit est dans l'erreur en ce sens qu'il conçoit l'objet d'une manière contraire au mode d'existence véritable. Et puisqu'il n'est pas une perception erronée, il possède un support valable » EMK-35).
L'aspect sous lequel les choses nous apparaissent est le reflet de notre perception, reflet des conditions d'élaboration sous lesquelles notre « instrument de cognition » nous les présente. Un objet paraît posséder une base matérielle, un caractère physique, parce que nous croyons en la conception de la « réalité » des agrégats de notre corps, ainsi que dans la conception d'une «réalité physique » des organes de nos sens et de nos facultés sensorielles !
Le connu reflète la forme et les conditions particulières sous lesquelles le connaissant le conçoit. Ce qui (m')arrive m'apparaît agréable ou désagréable, positif ou négatif, parce que « je » projette sur les apparences un regard emprunt de désir-attachement et d'aversion... Notre connaissance des choses est relative aux modalités sous lesquelles notre esprit, voilé par une conception erronée, se les représente. « Pourquoi n'y a-t-il que cinq agrégats ? A cause des cinq manières par lesquelles [l'idée de] Soi (atman) fait son apparition (...) la matière comme appréhension physique ; les sensations comme expérience ; les perceptions comme expression ; les formations comme facteur de tout bien et de tout mal ; la conscience comme la base de tout cela » CPA-22.
Les phénomènes nous apparaissent posséder une réalité en-soi parce que nous croyons en notre propre réalité ! Or, puisque « la saisie du soi » disparaît dans l'état d'absorption méditative, dans lequel le connaissant s'abstrait des modalités d'appréhension physique de l'expérience, il s'ensuit également que la conception dans le caractère « réel » des phénomènes disparaît avec elle.
Par la pratique de la méditation du « calme mental », le lâcher-prise sur l'espoir et la peur induit en nous un sentiment de sérénité et de Joie qui inhibe le pouvoir des formations (élaborations) conceptuelles. Nous cessons de penser à travers les catégories de « ce qui (me) plait » ou « de ce qui (me) déplait », pour nous absorber dans l'équanimité de l'arrêt de l'agitation mentale. Demeure alors la conception (innée) du « soi de la personne » dont la croyance se dissout lorsque l'esprit se fond dans la connaissance insubstantielle et non conceptuelle de son objet, l'omniscience de la bouddhéité « au-delà du par-delà » de toute dualité...
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Mais, comment l'esprit en vient-il à se tromper et à prendre l'ainsité insubstantielle et non conceptuelle des phénomènes pour une réalité nouménale ?
Parce qu'il se laisse prendre à une illusion d'optique ! Nous croyons percevoir des objets en mouvement là où il n'y a que pur mouvement, et nous élaborons une conception en relief à partir d'une perspective en creux, ce qui a pour effet de nous faire croire que les choses possèdent une essence nouménale !
A notre échelle du monde, mesurer un objet a, selon toute vraisemblance, pour effet de quantifier ces propriétés, lesquelles semblent lui appartenir en propre. Pour « ce qui se passe » à notre niveau jusqu'à l'infiniment grand, il n'y a pas de raison particulière de remettre en question le principe selon lequel les choses possèdent en effet des caractéristiques et des qualités qui nous sont révélées par l'opération de la mesure, et dont il nous est possible de réaliser la connaissance grâce à nos facultés de cognition. Il en va tout autrement à l'échelle quantique...
Là, c'est l'interprétation de Copenhague de la mécanique quantique[i] qui prévaut, selon laquelle les composants ultimes de la matière ne possèdent pas de réalité intrinsèque (corpusculaire ou ondulatoire), aux propriétés bien définies révélées par la mesure et dont nous pourrions atteindre à la connaissance intrinsèque. L'électron tel qu'il apparaît à la mesure résulte d'une réification sous l'effet de cette mesure ! « Il n'existe pas d'électron avec une position bien définie ou une quantité de mouvement bien définie en l'absence d'une expérience destinée à mesurer sa position ou sa quantité de mouvement (...) L'idée même d'un électron doté d'une position ou d'une quantité de mouvement définis n'a aucun sens préalablement à l'expérience qui le mesurerait » LMDC-338.
En son état natif (non mesuré) un « objet quantique » ne peut se décrire qu'en termes de probabilités, recoupées dans sa « fonction d'onde » qui liste toutes les valeurs relatives aux propriétés qu'il est susceptible d'adopter... une fois mesuré ! La mesure entraîne sa décohérence quantique qui se traduit par l'adoption par l'objet de propriétés bien définies - relativement à l'incertitude d'Heisenberg quant à la connaissance simultanée de la vitesse et de la position d'une particule... -.
Du moins, c'est que l'on est tenté de penser vu en relief ! Vue en creux, la fonction d'onde n'a pas de réalité nouménale. L'aspect de l'électron mesuré résulte de la projection de valeurs relatives à sa mesure ! « La mesure de la position d'un électron crée une électron-avec-position, tandis que la mesure de sa quantité de mouvement crée un électron-avec-quantité-de-mouvement » LMDC-338.
Un bâton ne projette pas d'ombre en l'absence de lumière. L'ombre du bâton n'est pas une propriété intrinsèque au bâton faisant partie d'attributs préexistant à son éclairage ! Comme la mesure, c'est la manière dont la lumière éclaire le bâton qui fait apparaître son ombre, dont la forme, les dimensions, la densité sont relatives à la hauteur et à l'angle d'incidence de la lumière. En observant les variations de l'ombre du bâton au passage du soleil durant une année, l'on peut ainsi regrouper l'ensemble de ces valeurs (mesurées) dans une « fonction d'onde » et l'appliquer à la prévisibilité de l'évolution de la variation de l'ombre sur ce cadran solaire. L'on voit donc bien que la lumière n'a pas pour effet de révéler les propriétés du bâton. L'ombre résulte de causes combinées interdépendantes dont les formes d'apparition sont relatives aux conditions qui les produisent et n'ont d'existence sous ces formes que le temps durant lequel perdurent leur conjonction !
A l'instar de l'ombre du bâton, qui n'existe qu'en regard de la spécificité des conditions de son éclairage par la lumière, l'électron n'a d'existence qu'en regard de la mesure qui lui confère ses propriétés résultantes ! Ni l'électron en son « état quantique » natif (c.à.d. non mesuré), ni l'ombre du bâton en l'absence de lumière n'ont d'existence en eux-mêmes ! L'électron avec position ou avec quantité de mouvement sont des « ombres de la mesure » dont les propriétés résultent de l'interaction avec la lumière qui entre dans les conditions de leur manifestation. Leur ainsité est vide de réalité, leur existence relative à l'interdépendance causale des conditions du manifesté. « Dans l'interprétation de Copenhague, il est encore question d'objets et d'un appareil de mesure qui agit sur l'objet. Mais puisque l'objet en soi n'a jamais été vu ou mesuré, c'est l'existence d'un monde objectif et même la notion d'objet qui doivent être rejetés » [ii].
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C'est notre capacité à conceptualiser le réel et à le connaître qui est remise en cause. Ce qui nous ramène à l'idée de Kant selon laquelle l'objet « en soi », le noumène (c.à.d. l'être propre des choses qui existerait indépendamment de toute interaction avec une conscience elle-même conçue comme réaliste) est indicible à notre connaissance par opposition au phénomène (« les apparences sont notre esprit », projections de notre représentation mentale). « La vérité relative est une apparence. Elle est partie intégrante, indissoluble d'une vérité plus vraie à l'existence de laquelle il est raisonnable de croire, mais qui dans l'état de notre constitution mentale, demeure inaccessible » ESBT-132. Inaccessible car nous ne possédons pas l'omniscience des bouddhas. Or, celle-ci ne la rend pas pour autant connaissable, car sa nature est non conceptuelle et non conceptualisable !
Si l'ombre du bâton est une vue en creux facile à saisir, il est plus difficile de discerner que le postulat de la réalité de l'électron (par extension celle de l'univers dans son entier), nonobstant la croyance dans l'âme individuelle, sont des « vues en relief » de l'ombre de notre cognition ! « Les idées de Dieu et d'Âme sont fausses et vides (...) projections mentales subtiles profondément enracinées dans l'homme, si chères qu'il n'aime pas entendre et ne veut pas comprendre un enseignement quelconque qui leur soit contraire » EB-WR-35.
Si donc dans le cadre de la philosophie bouddhiste tibétaine, nous admettons que tout phénomène est le produit de l'interdépendance de causes impermanentes, c'est une « cognition valide » d'énoncer que la vacuité est immatérielle au sens où l'ainsité ne possède pas de substrat matériel (elle est insubstantielle), et c'est une « cognition non valide » de concevoir cette immatérialité (vue en relief) constitutive d'une essence nouménale (l'âme immatérielle). «L'idée du Soi [Ātman qu'il existe dans l'homme une entité permanente, éternelle et absolue, substance immuable] est une croyance fausse et imaginaire qui ne correspond à rien dans la réalité et est la cause des pensées de moi et mien, des désirs égoïstes et insatiables, de l'attachement, de la haine » EB-WR-35.
Si nous admettons également que notre cognition est une connaissance par objet, c'est une «cognition valide » d'affirmer que la sagesse qui réalise la vacuité de l'ainsité, des phénomènes et du soi de la personne(vus en creux) est transcendante à la raison pure au sens elle est non conceptuelle, et c'est une « cognition non valide » d'affirmer l'ainsité (vue en relief) transcendante au sens où elle serait constitutive d'une dualité (Purusha vs Prakriti).
Le même raisonnement s'applique aux concepts d'éternité et d'absolu. Vus en creux, ils sont vides d'en-soi ! Il n'y aucun sens à postuler l'ontologie d'un être éternel et absolu autre que psychologique par peur de disparaître à jamais... « Pour la protection de soi, l'homme a créé Dieu duquel il dépend pour sa propre protection, sauvegarde et sécurité. Pour la conservation de soi, l'homme a conçu l'idée d'une âme immortelle ou Ātman qui vivra éternellement » EB-WR-36.
C'est une « cognition valide » d'énoncer que la vacuité est éternelle au sens où la chaîne de coproduction conditionnée est sans commencement ni fin, et c'est une « cognition non valide » d'affirmer que l'éternité est la qualité propre d'un être d'essence transcendante. Il en va de même du caractère absolu de la vacuité qui est une « cognition valide » au sens où la vérité conventionnelle est la mise en relief de la vérité ultime, son aspect relatif. « Rien dans le monde n'est absolu, toute chose étant conditionnée, relative et interdépendante. Telle est la théorie bouddhiste de la relativité » EB-WR-37.
L'école philosophique Mādhyamika (la « voie du milieu ») n'incline vers aucune « vue extrême », au nombre de quatre : l'être en-soi ; le non-être ; l'être et le non-être (le chat de Schrödinger vivant et mort à la fois...) ; ni être ni non-être.
Dans les religions théistes, la croyance dans la réalité du soi est érigée en principe d'absolu, dieu créateur, éternel et transcendant, qui est à lui-même sa propre cause et la cause de toutes les causes. En physique, c'est l'atomisme grec de Démocrite prônant l'essence fondamentale insécable de la matière, Newton affirmant l'existant d'un temps absolu, Einstein s'opposant à l'interprétation de Copenhague en affirmant que « Dieu ne joue pas aux dès »...
La vue extrême de l'être en-soi (l'éternalisme) s'oppose au néant (nihilisme), qui conduit à voir dans le non-être un être (l'être et le non-être) ou à nier les deux (ni être ni non-être). Vide de réalité propre, l'électron ponctuel doit ses propriétés à la décohérence de la mesure. « Vide de réalité propre » ne veut pas dire que les phénomènes n'existent pas ! Ils existent, dans les termes d'une vérité conventionnelle, en interdépendance des conditions relatives à la conjonction des causes combinées qui les constituent. « Au niveau relatif, les phénomènes apparaissent à nos sens et semblent exister vraiment, mais ils sont ultimement dépourvus d'existence intrinsèque (...) Nés d'une combinaison de causes et de circonstances, leur existence dépend d'autres facteurs » DEB-338.
Quand ceci est, cela est
Ceci apparaissant, cela apparaît
Quand ceci n'est pas, cela n'est pas
Ceci cessant, cela cesse EB-WR-37
Comment ce qui serait immuable (éternel et absolu) par essence pourrait-il être « producteur » de causes interdépendantes ? Et comment ce qui n'existerait pas, c.à.d. ce dont le non-être (le néant) ne saurait constituer un noumène, pourrait-il être « producteur » de quelque chose qui possède un pouvoir de causalité ?
La « voie médiane » ne se limite pas au non-soi ou anātman (la négation de l'essence nouménale du soi des phénomènes et du soi de la personne), elle affirme également notre incapacité à atteindre à leur connaissance objective. L'on ne saurait réaliser la vacuité comme la saisie d'un objet c.à.d. par la raison pure. « La particularité des Prāsangika tient dans leur refus d'admettre la validité des moyens de connaissance justes (pramāna) des logiciens (...) L'ensemble de la vérité relative est le domaine de l'illusion, qu'il s'agisse de phénomènes perçus directement ou non (...) ils [les arguments logiques] ne peuvent mener à eux seuls à l'établissement de la réalité ultime » DEB-341.
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Voyez-vous la robe blanche et or ou la voyez-vous bleue et noire ?
Tout dépend de l'hypothèse que votre cerveau fait de l'angle d'incidence de la lumière[iii]. Notre cerveau fait constamment des hypothèses sur ce qu'il perçoit et en élabore des représentations qui lui paraissent les plus pertinentes[iv]. Nous ne remettons jamais en question la nature de ce que nous percevons (sauf en cas de dysfonctionnements qui seraient symptomatiques de troubles psychiques...).
Nous partons ainsi du postulat que les caractéristiques des objets perçus leurs sont propres (les choses sont telles qu'elles apparaissent à notre esprit...). Nous posons que les couleurs existent réellement dans la nature, que notre cerveau identifie et reconnaît la robe aux couleurs qui sont les siennes. Mais si tel était le cas, pourquoi celles-ci changeraient-elles selon la personne et l'angle de vue ?
Le fait est que notre cerveau interprète. La phénoménalité des couleurs est relative à des conditions interdépendantes (longueurs d'onde de la lumière, heure du jour, position de l'observateur, etc.). Il n'y a pas plus de « soi de la couleur », transcendant et absolu du blanc ou du jaune, de noumène immuable et éternel du bleu ou du noir, qu'il n'y a de Soi (ātman) immatériel dans la personne !
Nous croyons que le jaune ou le bleu existent réellement, mais ce sont là des interprétations, des concepts conventionnellement admis (inscrits dans l'inné par l'évolution) qui nous font croire en un noumène des couleurs ! Platon pensait que les choses que nous percevons tiraient leurs qualités d'archétypes immuables et universels résidant dans un « monde des Idées » transcendant et immanent, « ce qui reste identique à soi-même en tant qu'idée ne naît ni ne meurt ; ce qui est semblable mais sensible, naît, surgit pour disparaître »[v].
L'ainsité du soi des phénomènes et celle de la personne... Leur examen et leur analyse nous amènent à réaliser leur vacuité. Sans y ajouter d'autres catégories, ni les subdiviser par réductionnisme, l'on peut également considérer l'ainsité du « soi de l'objet » (du concept) élaboré par l'esprit pour compléter le tableau de notre représentation qui se décline ainsi en : vide d'en-soi du phénomène observé (le connu) ; vide d'en-soi de l'idée qui le décrit ou qui le définit (le connaissable) ; vide d'en-soi de l'esprit qui en élabore l'idée (le connaissant)...
Nous cherchons parfois le mot juste pour exprimer notre pensée, ce mot « sur le bout de la langue» qui peine à sortir. Le langage nous confronte à cet effort d'intellection, c.à.d. à « rendre intelligible », par la parole ou l'écriture, les idées que nous voulons exprimer. Nous partons du postulat que la pensée a une réalité propre quelque part au sein de notre esprit, de notre inconscient ou de notre cerveau (ou ailleurs) que les mots traduisent. C'est là une illusion qui repose sur une vue en relief du fonctionnement de notre phénoménologie mentale...
La position et la vitesse mesurées de l'électron, la longueur de l'ombre du bâton, les couleurs apparentes de la robe, les mots désignant les couleurs et la pensée de ces couleurs, sont le résultat d'une production en interdépendance de causes. Les Inuits utilisent des dizaines de mots pour désigner la neige[vi]. Y en a-t-il un dont l'examen analytique permette d'affirmer qu'il exprime son noumène ? Où est « l'essence de la neige » dans la neige ? Où est l'essence de « l'idée de la neige » dans le mot neige ? Les phénomènes existent en tant que désignation conceptuelle. Là où l'esprit ignorant s'illusionne à la vue (en relief) du nouménal, l'esprit justement éclairé réalise la saisie (en creux) du nominal !
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L'ombre comme phénomène n'a d'existence qu'en tant que le bâton fait entrave (s'interpose) à la libre circulation (des particules ou des ondes) de la lumière. Mais, lorsque nous désignons ce vide par le mot « ombre », nous en faisons un objet qui semble posséder une réalité en lui-même que le mot traduit (dans ses synonymes : ombre d'un mort, ombre fantôme, spectre, chimère, âme...), par occultation de la pensée qui le nomme et de l'esprit qui le conceptualise !
Faire d'une « vue en creux » une chose en soi est la vue extrême de « l'être ». La vacuité n'est pas le vide de lumière désignée par le mot ombre, c'est le vide d'existence propre et autonome de l'ombre, qui n'existe qu'en interdépendance des conditions de son apparition phénoménale. Voir dans « l'absence » de réalité de l'ombre une négation de tout existant (le néant) est la vue extrême du « non-être ». Ne pas voir (et comprendre) l'interdépendance causale qui la produit, c'est ne pas voir l'ombre pour ce qu'elle est, un effet résultant de causes combinées !
Plus difficile est de réaliser que le bâton est d'ordre conventionnel comme le mot qui en véhicule le sens, car nos sens paraissent témoigner de son existence phénoménale. Or, ce n'est qu'une question « d'échelle de relativité ». De notre point de vue, le bâton semble posséder des attributs concrets (forme, dimensions, solidité, couleur...) que par réductionnisme nous pourrions croire résulter de ses composants. Or, à l'échelle atomique, sans mesure, impossible de discerner les atomes du bâton de ce qui l'entoure ! Ce qui nous apparaît déterminé (vu en relief) à notre échelle du monde et au regard de notre perspective mentale se révèle (vu en creux) d'un état indéterminé. « Quand on ne perçoit que des myriades de particules, le monde devient dépourvu de frontières » LOOP-58.
Là où nous affirmons voir le bâton, la lumière, l'ombre résultante de l'obstruction du bâton, non seulement rien de tout cela n'a d'existence autrement qu'en regard de conditions interdépendantes vides de réalité propre, mais là où nulle mesure ne permet de les discriminer en tant qu'objets de connaissance c.à.d. hors de toute désignation, la question de l'existence cesse de faire sens !
Nous avons connaissance de l'existence du bâton par le truchement de nos sens qui en forment la perception, par l'intermédiaire de notre conscience mentale qui en élabore la représentation, et par notre esprit qui en conçoit la pensée. Du phénomène à la pensée du phénomène, c'est un continuum conventionnel qui dessine la connaissance que nous avons du réel. D'un hypothétique « en-soi » à un insaisissable « pour-soi », de quoi pouvons-nous déduire par l'examen analytique que cela relève d'autre chose que de l'ordre de la désignation ?
Pour autant, ce serait une vue erronée de considérer la nature idéelle du réel. Les apparences sont notre esprit ne signifient pas qu'il n'existe « rien que l'esprit », faisant de celui-ci un démiurge (en en déduisant au passage qu'il doive pour cela exister par lui-même, ce qui est contraire à l'interdépendance des phénomènes !). L'esprit est un phénomène composé dont la « claire lumière» ne jaillit pas d'elle-même, mais illumine de la méditation analytique qui le débarrasse des voiles qui le contaminent en lui faisant saisir en relief ce qui ne peut se réaliser qu'en creux.
La méthode proposée par les Prāsangika est la réduction par l'absurde (...) on le pousse [l'opposant] jusqu'à ses conséquences absurdes [de son argumentaire] ce qui entraîne sa réfutation par le seul fait de l'acceptation de l'adversaire sans pour autant que l'on affirme en conclusion une quelconque opinion DEB-342
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Les « vues extrêmes » sont des déclinaisons de la croyance dans le soi qui revêt deux aspects, conceptuel et perceptuel, chacun devant être combattu en utilisant leurs antidotes spécifiques, la méthode analytique et la méthode analogique. Ce qu'il nous faut développer, la sagesse qui réalise la vacuité, est d'ordre non conceptuel. La vacuité n'est pas un objet, elle ne peut donc pas se conceptualiser comme une représentation, sa connaissance ne relève pas de la pensée pure.
Le bouddhisme est une philosophie qui procède par l'examen analytique, mais son aboutissement est une réalisation qui réside précisément dans le dépassement de toute doctrine et donc, y compris, de son outil lui-même (le discernement de la raison pure) pour atteindre la nature véritable, ultime, des phénomènes. « Quand il n'appréhende pas fermement l'essence d'une chose comme existant ultimement, l'ayant examinée avec sagesse, le pratiquant entre dans une concentration unifiée et non conceptuelle » EMK-193.
Méditer sur la vacuité, c'est examiner la croyance dans le soi (dont la saisie nous amène à croire en sa réalité nouménale et en sa dualité au phénoménal) par le raisonnement par l'absurde, de sorte à démontrer ce que l'ainsité n'est pas, une substance connaissable ! Méditer analytiquement le non-soi reviendrait à le penser comme (à en faire) un objet, et ne pas nous départager de la connaissance par objet nous entraîne dans les vues extrêmes...
La méditation analytique consiste à amener l'esprit à saisir par le raisonnement le vide de réalité propre de son objet (le soi des phénomènes, de la personne, de la pensée et de l'esprit lui-même) aux fins de comprendre que le non-soi résulte d'une coproduction combinée de causes conjointes et simultanées.
Atteindre au non-soi par l'examen rationnel du soi consiste à atteindre le « point de basculement » de la connaissance par objet, où l'on réalise ultimement qu'un phénomène est un désignant ultimement vide d'essence, produit de la projection d'une représentation mentale ultimement vide de réalité archétypale, projetée par un esprit lui-même ultimement vide de substance propre. « Lorsque l'objet n'existe pas, ses caractéristiques n'existent pas davantage. Comment donc pourrait-on les examiner ? » EMK-193.
Procéder à l'examen analytique du soi en cherchant à éliminer ce qu'il n'est pas de sorte à aboutir à la conclusion de ce qu'il est (en commençant par le fait d'être non conceptualisable) revient à chercher « à éliminer l'impossible » - telle une démarche à la Sherlock Holmes - que nous considérons par ignorance comme possible « pour découvrir que ce qui reste, quoique improbable» (en regard de ce que nous croyons être possible de manière erronée) « est la vérité !». « Pour la conservation de soi, l'homme a conçu l'idée d'une âme immortelle ou Ātman qui vivra éternellement. Dans sa crainte et son désir, l'homme pour se rassurer et se consoler s'y cramponne avec fanatisme et acharnement » EB-WR-36.
Nous croyons l'idée d'un Soi immanent et éternel plus crédible que celle du non-soi de la personne car de nature à nous protéger de la souffrance du fait de son caractère transcendant ! Nous nous trompons en cela sur le véritable sens du terme (transcendant à toute conceptualisation et non transcendant à la nature). Or, cette croyance erronée de la réalité du soi nous amène par « chérissement excessif du moi » à rechercher les satisfactions égotistes qui sont la source de toutes souffrances. Le véritable refuge est dans l'atteinte de l'état de Bouddha...
Il convient également de préciser que s'agissant de qualifier la réalisation de la vacuité de manière distincte de l'approche analytique, le terme « analogique » doit être préféré au terme «expérientiel». Le mot peut en effet prêter à confusion, car par définition une expérience est toujours conventionnelle, consistant en un ressenti interne, sensoriel, phénoménologique, qualifiable dans l'ordre de la représentation (conceptualisable en pensée et descriptible en mots). De fait, pour un «être ordinaire », toute expérience ramène de facto à l'illusion de la croyance dans le soi de la personne (sauf à avoir atteint un état d'équanimité avancée...).
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Comment réaliser la vacuité du non-soi des phénomènes si notre entendement est troublé par le filtre de la croyance en la « saisie du soi » ?
L'approche analogique de la vacuité est une voie d'accès à la réalisation du non-soi qui ne s'appuie pas sur nos capacités d'intellection par objet, mais consiste en un renversement du regard de telle sorte à prendre conscience que les choses telles qu'elles nous apparaissent ne sont pas les choses telles qu'elles sont véritablement. Voir l'illusion sans être victime de l'illusion !
Partant que la croyance dans la réalité du soi découle d'une perspective « en relief », saisir le non-soi consiste donc à adopter une perspective « en creux ». Au lieu de fixer notre regard sur les phénomènes (la goutte d'eau, l'électron, l'ombre, etc.) en les regardant comme si ils existaient « par eux-mêmes » (leur apparence étant le reflet de leurs propriétés intrinsèques), il s'agit de déplacer avec intelligence la focale de notre regard de façon à nous permettre de saisir les conditions interdépendantes qui président à leur manifestation et à leur conceptualisation, toutes deux temporaires et impermanentes.
Cette anamorphose de la « vérité conventionnelle » (nominale et conceptuelle du désignant) formée par l'interdépendance des phénomènes à la « vérité ultime » (l'ainsité ou non-soi du désigné) révèle leur nature relativiste. Elles ne sont pas deux... mais les facettes l'une de l'autre ! «La vacuité est forme et la forme est vacuité (...) l'aspect relatif, c'est le monde phénoménal et l'aspect absolu, c'est la vacuité. [...] La contemplation directe de la vérité absolue transcende tout concept intellectuel, toute dualité entre sujet et objet[vii] ».
L'anamorphose est la transformation de la perspective d'une image qui selon l'angle et la profondeur de vue, relatives à la position de l'observateur, apparaît soit comme déformée (sur une surface plane) soit régulière (projetée en volume) relativement à l'instrument utilisé pour passer de l'une à l'autre. Le procédé de l'anamorphose ne déforme pas l'image elle-même, celle-ci demeure inchangée en 2D, mais modifie la façon dont elle nous apparaît en 3D selon l'optique utilisée pour la produire (par exemple, l'interpolation d'un miroir conique ou cylindrique). Elles ne sont pas deux... images, mais des aspects différents du même objet !
Dire qu'une image a une apparence « normale » ou non selon que ses traits sont réguliers ou non est une catégorisation de la pensée due à la croyance dans des archétypes géométriques (les «figures mères[viii] » ou les « solides de Platon[ix] ») qui constitueraient des absolus idéels. Or, rien n'a d'en-soi, tout est relatif et interdépendant. Selon la manière dont nous observons les phénomènes, ils nous apparaissent exister « en soi » ou résulter d'une coproduction de causes. Vue en relief, l'ombre semble posséder une substantialité, mais vue en creux, celle-ci apparaît comme le produit de l'interdépendance de la lumière avec le bâton...
La voûte céleste étoilée, le plafond des cathédrales, le reflet de la Lune sur le lac, notre œil nous donne à saisir la perspective sous des panoramas anamorphiques, à des degrés plus ou moins prononcés de (dé)formation, relatifs à l'interprétation que notre cerveau fait pour construire une représentation pertinente d'un monde multidimensionnel sous une phénoménologie non dimensionnelle.
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Le monde tel qu'il apparaît autour de nous semble constitué d'agrégats solides et tangibles aux délimitations précises et aux propriétés bien définies, mais si l'on descend au niveau atomique, les frontières s'évanouissent et en-deçà, il devient impossible de discriminer les constituants ultimes de la matière comme un « fait propre », leur connaissance se résume en la projection de mesures...
Les deux infinis de Pascal ; l'intrinsèquement indescriptible de la physique quantique versus l'extrinsèquement localisable dans le référentiel de l'espace-temps relativiste ; le vide et la forme ; sont les deux faces d'une anamorphose qui dessinent une image du monde dont la profondeur et la subtilité dépassent ce que le sens commun nous donne à percevoir tout en révélant leur vacuité au discernement éclairé... « La lune est localisée dans l'espace, son reflet apparaît dans l'eau. La lune du Dharma véritable se trouve dans l'espace de la Nature-des-choses et du Sommet-de-l'existence, mais son reflet - les fausses notions de Moi et de Mien - apparaît dans l'eau de la pensée des sots. C'est pourquoi [les Dharma] sont comme la lune réfléchie dans l'eau » TGVS-392.
Du Big Bang à aujourd'hui, tous les événements passés participent du moment présent dans une chaîne de coproduction sans commencement connaissable qui émerge à travers la causalité relative à l'aspect conventionnel de la vacuité.
Nous posons la causalité au sens de la physique classique - dans le lexique de la philosophie bouddhiste tibétaine, la « loi de causalité » est synonyme de karman - comme un déterminisme linéaire qui relie la cause et l'effet, la première étant déterminante du second. La physique classique définit ainsi une « flèche du temps » ou de la causalité qui (à l'échelle macroscopique) va, toujours, dans la direction du futur. Ce n'est pas le cas en mécanique quantique au sens où ses lois n'interdisent pas que le temps puisse circuler dans les deux sens...
Au sens philosophique, l'interdépendance des phénomènes signifie que rien n'est à lui-même sa propre cause et que tout est issu de causes. Tous les phénomènes et chaque phénomène sont le résultat d'un enchaînement ininterrompu de causes et d'effets. Ce qui fait qu'il ne saurait y avoir de « cause première » - que la vue extrême de l'être conduit à identifier à un dieu créateur - et que le point de départ de la « chaîne des origines combinées » est inconnaissable, c'est parce que le monde en apparence déterministe est l'aspect conventionnel (à toutes ses échelles...) de la vérité ultime... sans être homogène !
La « coproduction conditionnée » n'est pas, toujours, synonyme d'une causalité et d'un déterminisme linéaires. « Rien de simple ne provient de simple, tout émane d'une pluralité » CT-110. L'idée de déterminisme linéaire sous-entend que la cause et l'effet soient différenciés et qu'ils se succèdent de manière immuable, un effet ne pouvant survenir sans la cause déterminante qui l'engendre. L'on peut schématiquement se représenter la causalité linéaire comme l'effet « boule de neige » c.à.d. comme une accumulation de causes et d'effets jusqu'à atteindre la « masse critique » susceptible de déclencher un événement.
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L'océan est si vaste que localement sa surface peut former des zones de « mer d'huile » tandis qu'à d'autres, elle peut être agitée par de violentes tempêtes. L'univers s'étend sur une échelle de dimension si grande que la manière dont l'interdépendance des phénomènes s'exprime semble radicalement différer à leurs extrémités (le niveau quantique s'apparentant à la vacuité), sans toutefois remettre en cause l'interdépendance elle-même. « Ceci étant, cela surgit : il n'y a point de réelle production, il n'y a qu'interdépendance » ESBT-54.
Si l'on compare l'univers à un tissu dont la trame est formée par la coproduction conditionnée, son maillage n'a pas la même densité déterministe partout. Sous l'angle karmique, la causalité se présente sous une forme linéaire infaillible (un acte non vertueux produit un effet de souffrance vs un acte vertueux produit un effet de bonheur). A notre échelle, la causalité apparaît également linéaire, mais si chaque événement résulte d'une cause, l'apparition (formation) de celle-ci n'est pas nécessairement linéaire. Elle peut se former par la convergence de conditions déterminantes sans qu'il soit possible de discriminer une séquence causale...
Pour qu'il neige, il faut des conditions bien précises. Sont-elles concaténées les unes aux autres suivant un ordre bien précis ou deviennent-elles causales par effet de conjonction simultanée ? La cause reste distincte de l'effet, mais c'est la transformation des conditions qui se révèle déterminante de l'apparition et de la disparition du phénomène. Il neige lorsque les conditions sont réunies, mais la neige cesse-t-elle de tomber lorsque l'une ou l'autre de ces conditions vient à faire défaut et que se crée un désordre qui leur fait perdre leur déterministe causal ou parce que la coproduction se recombine et produit d'autres effets ?
Le cycle des Origines interdépendantes se déroule dans l'infiniment petit comme dans l'infiniment grand. Son développement ne s'opère pas progressivement dans le temps (...) les causes sont toujours présentes, coexistantes et interdépendantes, leur activité est conjuguée, et n'existent que l'une par l'autre ESBT-56
Autrement dit ici, l'interdépendance n'induit pas que la causalité qui amène à la survenue d'un événement doive être linéaire mais que les conditions requises pour qu'un phénomène survienne soient réunies, et son corrélat que la durée du phénomène dépend de la persistance de la réunion desdites causes. Il n'est pas stipulé que ces causes doivent s'enchaîner de manière ordonnée et linéaire, mais seulement qu'un phénomène composé surgit d'une « coproduction de causes » ! «Des phénomènes se produisent par convergence de différentes conditions et se détruisent en donnant naissance à de nouveaux phénomènes. C'est une sorte de réseau de naissances et de destructions qui se fait d'instant en instant [x] ».
Le point essentiel est qu'aucun phénomène composé ne surgit d'une seule cause, mais d'une conjonction de causes pour la réunion desquels l'ordre de confluence est (parfois) secondaire relativement à leur rassemblement (et aux valeurs précises que doivent adopter chacune de ces conditions pour que ce phénomène puisse apparaître). Plus que l'ordre du mouvement (séquentiel ou simultané) qui amène la réunion de ces causes, c'est la manière dont elles forment un ensemble congruant (relatif à leurs valeurs par rapport au tout) qui est déterminant du caractère causal de la coproduction d'un phénomène.
Pour que la vapeur d'eau dans l'air parvienne au point de condensation où elle s'agrège spontanément sous forme de cristaux de neige, plusieurs conditions doivent être réunies en même temps (température, hydrométrie, période du jour, saison, etc.). Ce qui déterminant, causal, ici, c'est le réseau ! Que la convergence des conditions qui le forment suivent un ordre déterminé n'est pas, en tant que tel, déterminant du phénomène qui en résulte.
Tels qu'ils nous apparaissent sous leur aspect conventionnel, les phénomènes sont le produit d'une coproduction déterminante de causes déterminées, mais du point de vue de la « vérité ultime » qui de l'œuf ou de la poule est le premier ?
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L'ombre résulte d'une coproduction de conditions comprenant la lumière et le bâton, mais considérer la priorité de leur ordre d'apparition revient à regarder en relief et à voir l'ombre comme substantielle, alors que c'est le réseau de causes interdépendantes, vides de réalité propre (saisi en creux) qui est déterminant de l'apparition et de la disparition du phénomène ! Une telle discrimination ne fait pas sens au sein du « vide quantique » dans lequel les particules dites virtuelles (qui disparaissent aussitôt qu'elles apparaissent) sont indiscernables de la coproduction qui les engendrent. « La théorie des Origines interdépendantes est intimement liée à l'instantanéité et l'impermanence de tous les phénomènes, consistant en des éclairs discontinus d'énergie (...) il ne s'agit pas d'une ligne de filiation directe (...) il n'en a pas le temps car les éclairs d'énergie n'ont aucune durée qui leur permette d'effectuer un acte réel de production » ESBT-54.
La vacuité et la production interdépendante sont les deux faces d'une même pièce de monnaie. Du point de vue de la production interdépendante, ou de la perspective conventionnelle, les choses surgissent, les choses peuvent être produites, et les choses cessent (...) Du point de vue temporel, il n'y a ni annihilation indépendante ni permanence. Du point de vue de l'objet, il n'y a ni allée ni venue indépendantes EMK-85
La « chaîne des origines combinées » n'a pas de commencement que notre cognition peut identifier... parce que ce début est vide ! Tout phénomène ne dure que le temps durant lequel les conditions idoines sont convergentes à sa manifestation et cesse lorsque ces conditions deviennent causalement divergentes (qu'elles produisent un autre effet). L'on peut les examiner et les classer dans un ordre causal précis. Pour scientifique que soit cette entreprise, elle est purement nominale et s'inscrit dans la conception déterministe d'une réalité dont la forme conventionnelle (à quelque échelle que l'on se place) est l'aspect de la vacuité, insubstantielle, et conséquemment non déterminée.
La croyance dans le soi des phénomènes n'emporte pas seulement la localité, mais aussi leur temporalité. Tels qu'ils nous apparaissent, les phénomènes du quotidien, outre de sembler posséder des propriétés physiques qui leur sont propres, paraissent également être le produit de causes déterminées. Si nous considérons la causalité sous une « vue en relief », le passé est conditionnant du futur. La poule précède l'œuf. Or, sauf à postuler l'existence d'un dieu créateur comme « cause première » (c.à.d. à ne pas admettre que celle-ci n'existe pas), il est impossible d'établir son origine. La formation d'un organisme vivant débute à l'état embryonnaire. L'œuf précède la poule, mais sans poule...
Sous la perspective anamorphique, il ne fait pas sens de parler de cause et d'effet distincts... La poule est la cause de l'œuf et l'œuf est la cause de la poule, comme les vues en 2D et en 3D s'originent mutuellement. Ce sont des aspects dépendant de l'observation dont les formes résultent de la décohérence de vues qui font apparaître leur objet causal selon le déterminisme de leur perspective (en relief, la poule versus en creux, l'œuf) comme l'électron est « l'ombre de la mesure ».
La conception déterministe ayant partie liée avec la croyance dans le soi, il faut éviter la vue extrême de l'absence de causalité. Passé, présent et futur sont les aspects d'une vérité en regard du caractère conventionnel (et de l'échelle) de laquelle l'interdépendance des phénomènes revêt un caractère linéaire. Nous devons aussi éviter de concevoir un déterminisme allant dans les deux sens de la flèche du temps. Du point de vue ultime, la coproduction conditionnée est une conjonction (conditionnante) de causes qui conjuguent temporalité et relativité d'échelle sous l'angle de la vérité conventionnelle.
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Le point essentiel est que l'aspect conventionnel du vide (c.à.d. la localité et la temporalité de la forme) dessine un référentiel relativiste à l'intérieur duquel les phénomènes apparaissent exister (vus en relief) comme dotés de réalité propre alors qu'ils résultent (vus en creux) d'une coproduction (convergente d'un réseau déterminant) de causes (conditionnantes et conditionnées).
La forme est le vide et le vide est la forme... L'ombre est vide et « l'ombre » n'est elle-même qu'un nom... vide de réalité propre ! Ce qui nous apparaît exister (dont nos sens nous donnent la perception) comme concret, solide, matériel, est vide (dépourvu d'un soi autonome doté de propriétés indépendantes). L'électron est l'ombre de la mesure. En lui-même, il est sans existence réelle (mesurable telle que le serait une substance). Projection de la mesure, celle-ci lui confère des caractéristiques définies par l'interdépendance causale de son processus.
L'origine des choses ne se place en aucun lieu ni en aucun moment des temps passés ; elle se produit maintenant, à chaque instant, dans notre esprit. À chaque instant, l'image subjective qu'est le monde surgit dans notre esprit pour s'y engloutir et s'y dissoudre l'instant d'après ESBT-109
Le référentiel (relativiste) de la forme est vide et ce référentiel est la forme sous laquelle apparaît le vide. La trame de l'espace-temps est vide (d'absolu nouménal) mais l'interdépendance forme un réseau de causalités constitutives d'un référentiel dont les fluctuations déterministes revêtent les formes de la multiplicité de phénomènes eux-mêmes vides de réalité propres. Le manifesté est la forme que revêt le vide sous l'égide de la coproduction conditionnée.
Ce référentiel de la forme dessine également les catégories kantiennes a priori de l'espace et du temps de la pensée (la raison pure), sous la convergence des conditions de cognition (connexionniste) desquelles l'esprit pense par objet. Le nom (base de désignation) est vide et ce vide est le nom. En dehors du vide, il n'y a pas de nom et en dehors de la désignation, il n'y a pas de vide...
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Du fait de cette relativité... relativiste, tout phénomène étant dénué de soi et n'ayant d'existence que par l'interdépendance des conditions causales qui les lui confèrent (conditionnées par son échelle), il ne fait pas sens de penser la forme sans penser le vide et vice versa. La vue en 3D de l'anamorphose est la projection de la vue en 2D qui, elle-même, résulte de la mise en aplat de la vue en 3D.
Toutefois, la connaissance par objet est par nature réductionniste puisqu'en se fixant sur une cible, elle l'isole de ce qui l'entoure (qui pourtant la conditionne), alors que réaliser la vacuité révèle le caractère indivis de la forme et du vide. Voir la nature véritable des choses, ce n'est pas voir qu'elles sont vides, c'est voir que la forme est le vide et que le vide est la forme ! « La vacuité, vide de contenu, vide de tout concept, présente la caractéristique spécifique d'être vide d'elle-même. Dépourvue de détermination, elle ne peut, par là même, faire l'objet d'une appropriation objective ; vide de spécificité, si ce n'est celle de ne pas en posséder une, elle ne se donne que dans son abolition » NDV-5.
Dissocier la forme du vide, c'est courir le risque de concevoir la vacuité comme un noumène. Or, il ne s'agit pas d'une dualité. Elles ne sont pas deux, il ne faut pas en faire deux... La vacuité se pense en lien avec la forme, qui se pense dans l'interdépendance de causes conditionnantes et conditionnées. La relation est le vide et le vide est la relation ! C'est pourquoi les tathāgatas peuvent « saisir directement » l'enchaînement karmique complet des êtres sensibles, car ayant réalisé la vacuité, ils ont conséquemment réalisé l'interdépendance des phénomènes et peuvent donc voir la chaîne de causalité des actes qui amènent les êtres à revivre sans cesse dans le samsāra.
Il est donc impropre de poser que la connaissance des bouddhas puisse consister dans le fait de s'abstraire (voire de sortir) du référentiel relativiste du monde de la forme conditionnée pour évoluer dans un hypothétique « au-delà du par-delà » vide au sens propre. L'ignorance est un réductionnisme en ce que le voile cognitif qui recouvre l'esprit contaminé l'entraîne à saisir l'existence des phénomènes et à croire en leur réalité propre. A contrario, réaliser la vacuité est à l'opposé de tout réductionnisme en ce qu'il rend inconcevable de saisir la forme sans saisir le vide et le vide sans saisir l'interdépendance des phénomènes.
Inconcevable ne veut pas dire incompatible au sens où la forme se pense par objet alors que la vacuité ne peut pas se penser comme un objet. Inconcevable veut dire indissociable. Il s'agit de développer la vue de la forme sur le modèle de la vue du vide, c.à.d. de cultiver la « vue en creux » de la forme comme celle du vide, de manière à saisir l'interdépendance dont la forme est le produit constitutif de l'aspect ou de la perspective du vide.
La vacuité est non-soi, « vide de contenu, vide de tout concept ». A l'instar d'un trou noir qui ne peut être vu directement, le vide ne peut s'appréhender que par (ce qui se passe à) ses contours c.à.d. à travers les conditions (elles-mêmes vides d'en-soi) sous la conjonction desquelles les phénomènes revêtent une forme impermanente. Saisir la vacuité ne résulte pas d'une manière de penser la forme et le vide (la jarre et l'espace) comme un contenant et un contenu, mais d'aboutir à la démonstration par l'absurde qu'il y a à les penser comme tels ! Lorsque l'interdépendance transparaît à travers la forme (la goutte d'eau) celle-ci se révèle vide et l'on saisit alors que la forme est le vide et le vide est la forme.
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En premier lieu, il importe de faire cesser l'agitation des pensées et des émotions perturbatrices par la méditation de « calme mental », soit en concentrant l'esprit sur un objet sensoriel tel que la respiration ou sur une représentation mentale telle qu'une déité de visualisation. D'une manière subtile, la concentration induit l'absorption dans la contemplation de l'interdépendance des phénomènes qui permet alors de méditer analytiquement leur vacuité, son pendant.
La « vision supérieure » vise à réaliser le non-soi des phénomènes en démontrant qu'ils ne peuvent posséder de soi substantiel, immanent et éternel, autrement dit qu'ils ne peuvent être que le résultat d'une « coproduction conditionnée » (sans basculer dans l'extrême en affirmant cette conclusion réelle en-soi...). « Tout ce qui, lors d'une analyse intellectuelle, cesse de véhiculer une idée, comme un vase ou l'eau, est relativement existant. Tout le reste est ultimement réel » DEB-679.
Telle est la méditation analytique de la « vision supérieure » : réaliser le non-soi des phénomènes, en aboutissant (par la démonstration par l'absurde du postulat de leur essence nominale) à la conclusion de leur coproduction en interdépendance de causes de leur représentation mentale par l'esprit ; réaliser le non-soi des concepts, en aboutissant (par la démonstration par l'absurde de son axiomatique nouménale) à la conclusion de leur coproduction conceptuelle en interdépendance de causes par l'esprit faussement éclairé ; réaliser le non-soi de l'esprit, en aboutissant (par la démonstration par l'absurde de l'immanence transcendantale du «soi de la personne ») à la conclusion de sa coproduction en interdépendance de causes de ses «facteurs mentaux » constitutifs, contaminés par l'illusion (la vue en relief) de la « saisie du soi ».
Libéré du voile cognitif de la confusion de la pensée duelle (induite par la saisie substantialiste du soi des phénomènes, de la personne et des concepts), l'esprit peut alors réaliser l'union du «calme mental » et de la « vision supérieure » en une clairvoyance qui discerne l'indissociabilité de la forme et du vide, soit la non dualité de la coproduction conditionnée au non-soi. La pureté de la « claire lumière » de la connaissance de l'esprit acquière alors la qualité de l'omniscience des Bouddhas.
Quand vous serez capable de voir simultanément les apparences n'obscurcissant pas la vacuité et la vacuité n'empêchant pas les apparences, à ce moment vous manifesterez l'excellent sentier où la vacuité et les origines interdépendantes sont comprises comme étant synonymes MHM
A la vue égocentrée de l'individu, les apparences se présentent de manière différenciée. Apparitions et disparitions y dessinent les avatars du multiple. La vue abusée par la « saisie du soi » fragmente les phénomènes en conférant un caractère identitaire, spécifique, aux conditions de leur coproduction, reflets des catégories de la localité et de la temporalité de la pensée par objet. Pour une connaissance « sans objet », l'interdépendance n'est pas réductible au soi. L'unité de la forme et du vide dissipe l'illusion d'une coproduction que l'objectivation fait apparaître relative au phénomène considéré isolément.
La pluie succède à la neige, le soleil à la pluie, le printemps à l'hiver, comme s'ils s'agissaient de phénomènes distincts en leurs « conditions propres », alors que les saisons traduisent les variations du climat de la biosphère terrestre, qui s'inscrivent dans le mouvement global de la rotation de la Terre autour du soleil qui, elle-même, s'inscrit dans le mouvement de la galaxie, et ainsi de suite...
Vue en relief, l'interdépendance des phénomènes nous apparaît sous la forme d'objets qui se meuvent (dans le même sens) et dont le mouvement semble posséder une origine, un milieu et une fin. De cette observation répétée sous les mêmes conditions de vision biaisée, nous croyons notre expérience significative de la nature des choses et déduisons, de la croyance en la nature substantielle du soi des phénomènes, la conclusion erronée de l'existence d'une « flèche du temps» dont la direction va toujours dans le même sens, du passé vers le futur.
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Lorsque les conditions changent sous les effets imprévisibles de l'impermanence, l'apparence des phénomènes change également. La neige se change en glace. Toutefois, lorsqu'elle passe de l'état solide à l'état liquide ou à l'état gazeux, l'eau reste toujours de l'eau ! C'est le même mouvement qui se différencie seulement par son « enrobement » ou par ses « effets de surface ». «En ce qui concerne sa connaissance [du Bouddha] : tout en demeurant en équilibre méditatif sur l'ainsité, il perçoit tous les objets de connaissance possibles » EVE-149.
L'omniscience des bouddhas leur confère de saisir l'interdépendance dans sa dimension globale, l'infinie diversité de l'infinie combinaison des possibles, de la coproduction conditionnée. Sous la «claire voyance » de la non-dualité de la forme et du vide, chaque phénomène se révèle dans l'interdépendance de tous les phénomènes et tous les phénomènes de participer des conditions de chaque phénomène ! « Seul existe le flot perpétuel, continu et discontinu : causes et effets s'engendrent sans que le parent-cause puisse connaître sa progéniture-effet car il disparaît tandis que celle-ci surgit, c'est sa disparition elle-même qui constitue son effet : le nouveau phénomène » ESBT-65.
Il ne s'agit pas d'un effet d'optique due à une superposition si subtile qu'elle nous amènerait à en inférer l'identité de l'apparition et de la disparition, c'est une question de variabilité des conditions ! Si nous pouvions embrasser d'un seul regard la totalité de l'univers existant (et ayant existé), nous percevrions l'interdépendance des phénomènes sans distinction d'échelle et de durée (de localité et de temporalité). Le monde conventionnel nous apparaîtrait alors comme un phénomène global, indifférencié « au-delà du par-delà » de toute vue biaisée et réductionniste des incessantes fluctuations de sa forme.
Ce tout est un océan global, vaste et profond : global, sa trame est constituée par la coproduction conditionnée vide d'essence nouménale ; vaste, les phénomènes apparaissent et disparaissent relativement au déterminisme des conditions sous lesquelles s'exercent l'interdépendance ; profond, le caractère de la localité et de la temporalité y font varier son référentiel selon l'échelle considérée.
Que la surface de cet océan soit agitée ou calme, que ses eaux soient froides ou chaudes, boueuses ou claires, liquides ou solides, tous les phénomènes qui s'y produisent (quelles que soient leur force, leur intensité et leur durée) et chaque phénomène vu comme particulier, tout est toujours l'océan ! « Nous sommes des vagues qui avons oublié que nous étions l'océan » dit la Bhâgavata Gita.
Il n'y a pas de vague sans océan, ni de surface (« d'enveloppement ») sans profondeur (ultime), comme il n'y pas de forme sans vide. L'esprit ignorant, prisonnier du samsāra, perçoit les conditions de manifestation des phénomènes comme discriminant une pluralité intrinsèque, alors que l'esprit clairvoyant libéré du nirvāna saisit le tout par-delà les apparences illusoires de la pluralité.
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Phénomène, concept, esprit, arbitrairement distinguées par la méditation aux fins de démontrer leur non-soi par l'analyse, sont des « boucles étranges » - apparitions locales et temporelles au sein d'un réel non-local et atemporel - d'une coproduction de causes ininterrompues, sans en-soi, sans début ni fin, sans frontière ni limite d'échelle, que l'esprit non omniscient (qui n'a pas réalisé la Prajñāpāramitā des bouddhas) perçoit comme des parties distinctes, qui posséderaient de par elles-mêmes une réalité propre. Nous ne pas sommes pas une somme, mais un tout interdépendant ! Rien ne nous sépare sous l'angle de la vérité ultime que les différends émotionnels instillés par notre ignorance dans la perception de la nature véritable de ce tout.
Autant, il ne fait pas sens de penser la vacuité sans penser l'interdépendance des phénomènes, autant il ne fait pas sens de penser la coproduction conditionnée relativement (c.à.d. par réduction) à chaque phénomène. « En dehors du vide il n'y a pas de forme et en dehors de la forme il n'y a pas de vide » ESBT-118.
Tout participe de tout ! La formation de la neige de l'expansion de l'univers ! Si les valeurs des constantes cosmologiques fondamentales[xi] n'étaient pas réglées précisément comme elles le sont, l'univers n'aurait pas cette forme et les flocons de neige ne pourraient pas se former, nous ne serions peut-être même pas pour voir la neige tomber ! Le fait qu'il puisse neiger témoigne que l'interdépendance embrasse tout ce qui se produit dans l'univers. Chaque phénomène reflète la recombinaison constante de la coproduction qui remodèle sans cesse la « trame connexionniste » de ce réseau « global, vaste et profond », sans commencement ni fin, en une multiplicité de formes vides d'essence propre ou d'existence intrinsèque.
La vacuité et la production interdépendante sont les deux faces d'une même pièce de monnaie. Du point de vue de la production interdépendante, ou de la perspective conventionnelle, les choses surgissent, les choses peuvent être produites, et les choses cessent (...)
Du point de vue temporel, il n'y a ni annihilation indépendante ni permanence. Du point de vue de l'objet, il n'y a ni allée ni venue indépendantes EMK-85
Pour autant, il ne fait pas sens (hormis conventionnel) d'inférer sur la base du caractère universel de l'interdépendance des phénomènes, que le futur puisse conditionner rétroactivement le passé (c.à.d. que le temps possède une flèche allant du futur vers le passé), pas plus d'ailleurs qu'il n'est pertinent d'affirmer (du point de vue ultime) que le passé est... déterminant du présent !
Tout ce qui existe à l'instant présent est forme et vide à la fois. Le passé n'existe plus, le futur n'existe pas encore. Quant à « l'ici et maintenant », son caractère « local et temporel » n'a de sens (nominal) qu'en regard du référentiel de la pensée. Le connu (le monde de la forme), ce qui s'y produit (le connaissable) et l'observateur (le connaissant) sont vides de réalité propre !
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Peut-on voyager dans le temps (qui plus est sans engendrer de paradoxes) ?
La théorie d'Everett[xii] des univers multiples postule que le chat de Schrödinger est à la fois vivant et mort dans des réalités parallèles distinctes, autrement dit que chaque « saut dans le temps » serait créateur d'univers alternatifs...
Une interprétation qui relève de la « vue extrême » de l'être et du non-être ! En état de cohérence, l'électron quantique n'est ni un être (particule ou onde) ni un non-être (néant). Décohéré, l'électron (avec position ou quantité de mouvement) demeure vide d'en-soi, sa forme n'est que « l'ombre de la mesure » qui en réifie (en projette) les conditions de la coproduction locale relativement à l'observation !
Comment pourrait-on voyager dans le temps alors qu'il n'existe pas de référentiel d'espace-temps absolu permettant de déterminer un point de départ et un point d'arrivée fixes, qu'il n'existe pas de voyageur réel et que le mouvement lui-même est vide (« ombre de la mesure » relative aux propriétés des apparences) ?
À la question : "Quelle est donc l'essence de ce qui ne peut être appréhendé, est indémontrable et sans réalité physique ?",
l'Amas de joyaux répond : "quand on recherche minutieusement l'esprit, on ne peut le trouver. Ce qui n'est pas trouvé ne peut être perçu. Et ce qui n'est pas perçu n'est ni passé, ni futur, ni présent EMK-192
« Tous les phénomènes composés sont interdépendants » signifie que chaque phénomène est le produit d'une coproduction combinée corrélée avec tous les phénomènes. L'interdépendance ne peut s'appliquer à chacun sans les relier tous - elle ne peut être (reliée) et non-être (reliée) à la fois - ! Toutefois, l'univers constitue un réseau de causalités imbriquées sur des échelles si importantes d'espace et de temps relatifs que les différences de comportements résultantes semblent constitutives de combinatoires indépendantes à leur propre niveau... « La sphère qui constitue notre monde (...) est créée par l'étendue et la diversité des contacts que nos sens nous procurent, ainsi que par les réactions de notre organisme physique et mental à ces contacts. En dehors de ce dont nous avons conscience, il existe de multiples autres champs de conscience qui nous sont inaccessibles, ce qui n'exclut pas la possibilité d'actions efficientes, de leur part, produisant des résultats dans notre monde » CT-13.
La mer peut être d'huile à un endroit et agitée par d'énormes tempêtes à d'autres. Ces événements diffèrent de par les conditions qui les produisent, mais c'est toujours de l'eau quelles que soient les formes qu'elle revêt. Qu'elle se solidifie et que la mécanique des lois qui en régissent le comportement changent, ses états ne cessent pas pour autant d'interagir causalement. Si chaque « niveau du réel » apparaît comme un fait à part entière, son caractère isolé ne transgresse pas pour autan le principe d'interdépendance. Dès lors que rien n'a d'en-soi, comment quoi que ce soit pourrait-il apparaître hors de toute interrelation ?
L'univers est cohérent à et entre toutes les échelles, aussi antagonistes que paraissent les lois qui les gouvernent localement (relativité générale versus mécanique quantique). Rien ne peut s'y produire qui ne s'inscrive dans le cadre de l'interdépendance. Saisir la vacuité de chaque phénomène, c'est saisir que tous les phénomènes sont indifférenciés en leur vacuité. La vacuité de la goutte d'eau ou de la neige ne désigne pas le non-soi fondamental d'un être propre ! Les apparences n'obscurcissent pas la vacuité et la vacuité n'empêche pas les apparences. Multiple et unique sont synonymes de vide au sens ultime !
Les formes physiques et autres phénomènes possèdent des aspects variés, et leur identité n'est ni une ni multiple. Il en va de même pour l'esprit, qui n'est pas différent d'eux : son identité n'est pas davantage une ni multiple EMK-192
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Saisir que chaque phénomène, vide de réalité propre, est le produit d'une coproduction combinée, c'est saisir l'universalité de l'interdépendance de tous les phénomènes. Les conjonctions de conditions relatives à la neige ou aux gouttes d'eau ne distinguent pas des phénomènes spécifiques ! Les parties n'obscurcissent pas l'interdépendance (globale) et l'interdépendance n'est pas exclusive aux parties. Ainsi, la coproduction conditionnée de chaque phénomène et la coproduction de tous les phénomènes sont « communes » au sens ultime !
En notre état « d'être ordinaire », nous ne pouvons avoir qu'une représentation de ce que cela fait de saisir simultanément l'ainsité et l'interdépendance des apparences dans l'union du « calme mental » et de la « vision supérieure ». La méditation en inspire un sentiment de légèreté intérieure quant à la sensation d'être délesté du joug des entraves de l'espace et du temps, délié des entraves de l'objet et du sujet, allégé des entraves de la pesanteur de la pensée... « Il y a ceux dont l'esprit est entravé par les liens divers des émotions perturbatrices. D'autres sont plongés dans les tourments créés par différents types de vues erronées. Et comme tout cela est cause de souffrance [les êtres humains] sont constamment plongés dans une douleur intense » EMK-67.
- J'inspire lentement et j'expire lentement... Le chant d'hommages au précieux enseignant du Dharma s'élève dans le silence feutré de l'étude... Dans ce lieu propice à l'écoute, assis dans une posture ferme et souple à la fois, les yeux mi-clos, je m'absorbe méditatif dans les résonances de l'accent tibétain... Au sein de ma conscience mentale, je me visualise et je visualise tout ce qui m'entoure en train de devenir progressivement translucide, évanescent, intangible...
- Je visualise mon corps devenir diaphane et tous les objets devenir intangibles... Je me visualise passant la main devant moi, traverser lentement les objets sans qu'ils opposent de résistance... Le bureau auquel je suis assis, l'écran sur lequel se déroule la visioconférence, la pièce qui m'entoure, tout n'est qu'apparences, projections de mon esprit sur un monde vide de réalité propre...
- Je visualise avec clarté, je discerne avec limpidité... Les formes ne sont que vide, les solides ne sont que des échos vides de mes pensées vides... Les entraves de l'espace et du temps se délient, les distances se résorbent, la localité s'évanouit... A cinq milles kilomètres de là, l'image de lama qui récite comme à chaque début d'enseignements la prière d'hommages en tibétain au bouddha Sakyamuni, se fait présence directe... Les six heures de décalage horaire s'éclipsent tel un mirage... Continents et océans, pensées et esprit, tous les phénomènes composés sont impalpables, translucides, vides de réalité propre...
- Tandis que la forme se révèle vide et que le vide se révèle forme, tout ce qui nous différencie, nous autres êtres migrateurs, est le fruit d'une pensée contaminée : le désir-attachement nous divise ; l'aversion nous disjoints ; l'orgueil nous dissocie ; la jalousie nous sépare ; l'ignorance nous sectionne... Réaliser la vacuité du soi de la personne, du soi des agrégats abolit avec l'espace et le temps toutes différenciations conventionnelles et nominales, culturelles, économiques, politiques, religieuses, etc. L'ainsité des personnes retire la couche de surface, l'enveloppement artificiel qui nous recouvre en nous faisant nous croire distincts, uniques et nous chérir trop précieusement, trop aveuglément... La vacuité efface nos divergences et révèle la facticité... la stupidité de nos différends !
- Je vois « au travers » des travers et je discerne spontanément que la vacuité vide l'être de ses émotions viciées et de la croyance tronquée de l'être en lui-même, de l'être à soi-même, de l'être pour moi-même seulement... Je discerne aussi lucidement que la vacuité ne vide pas l'être de son existence !
- Le monde de la forme nourrit la soif de désirs infinis, de passions qui attisent sans fin d'autres passions, d'ambitions et de rancunes qui font naître sans fin d'autres ambitions et d'autres rancunes... Lorsque je me retrouve devant une porte sans savoir « comment » l'ouvrir (ni même si elle « peut » s'ouvrir), un tel obstacle m'enchaîne au désir de savoir, à la soif de pouvoir... Je saurai que j'en ai trouvé la clé véritable lorsque la porte disparaîtra et avec elle tous obstacles !
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La vacuité n'abolit pas l'existence, elle révèle sa nature véritable ! L'on ne peut discerner la vérité des phénomènes sans développer la capacité de discerner la vérité de l'esprit qui les saisit, l'on ne peut embrasser l'être sans saisir son existence causale, l'on ne peut aimer les autres sans d'abord s'aimer soi-même, l'on ne peut cultiver la compassion universelle et authentique pour tous les êtres sans cultiver la compassion envers soi-même.
Méditer la vacuité lève toutes les entraves, du temps et de l'espace, de l'objet et du sujet. La forme nous perd dans les abîmes de « cela qui est », saisir que la forme est le vide et le vide est la forme nous éveille à la véritable nature de l'être ! Méditer la vacuité ouvre sur la vérité transcendant l'illusion du soi, transcendant la fausseté des « vues extrêmes », transcendant l'essentialisme de la transcendance, pour nous immerger dans la saisie directe de l'être véritable, non conceptuel, insubstantiel, existence pure et pure existence...
Les aspects physiques des agrégats, des sources de perception ne sont rien d'autre que des aspects de l'esprit. Lorsqu'ils sont réduits en particules subtiles et que l'on examine la nature individuelle des parties, aucune identité définie ne peut leur être trouvée.
Au sens ultime, l'esprit non plus ne peut pas être réel (...) l'esprit n'existe pas séparément des formes physiques illusoires (...)
Analysez et voyez que, tout comme l'esprit, les phénomènes sont dans leur nature semblables à une illusion EMK-192
Namasté
Tashi delek
བཀྲ་ཤིས་བདེ་ལེགས།
Références :
ACC : Au cœur de la compassion, commentaire des 37 pratiques des bodhisattvas Dilgo Khyensté https://www.padmakara.com/fr/ebooks-livres/154-au-coeur-de-la-compassion-ebook-format-pdf-9782916915814.html?search_query=Au+coeur+de+la+compassion&results=34
AEC : Audace et compassion Dilgo Khyentsé https://www.padmakara.com/fr/ebooks-livres/160-audace-et-compassion-ebook-format-pdf-9782916915876.html?search_query=audace+et+compassion&results=28
BC : Bodhicaryāvatāra, L'entrée dans la conduite des Bodhisattvas, Shantidéva https://archive.org/details/lamarchelalumi00sant?q=Bodhicary%C4%81vat%C4%81ra
CPA : Compendium de la Phénoménologie, Asanga https://archive.org/details/in.ernet.dli.2015.201068/page/n5/mode/2up
COLL : Collection de sujets, cognitions et connaissance raisons et raisonnements https://www.centreparamita.org/gallery/view_album.php?set_albumName=album04
CT : La Connaissance Transcendante, Alexandra David Neel https://archive.org/details/AlexandraDavidNeelLaConnaissanceTranscendante/page/n7?q=Prajna%2Bparamita
DEB : Dictionnaire Encyclopédique du bouddhisme, Philippe Cornu https://www.decitre.fr/livres/dictionnaire-encyclopedique-du-bouddhisme-9782020822732.html
EB-WR : L'enseignement du Bouddha Walpola Rahula https://www.ffmt.fr/articles/paritta/pdf/enseignement-du-bouddha.pdf https://archive.org/details/LEnseignementDuBouddhaDaprsLesTextesLesPlusAnciensWalpolaRahula_201807/page/n19/mode/2up
EMK : Les étapes de la méditation, commentaires de Sa Sainteté le Dalaï Lama sur le texte de Kamalasīla https://livresbouddhistes.com/2018/06/26/le-dalai-lama-les-etapes-de-la-meditation-commentaire-de-sa-saintete-sur-le-texte-de-kamalasila/
EVE : L'essence de la voie vers l'Éveil, Lama Samten Lama Samten https://www.centre-paramita.fr/collections/livres
LGU : Le goût unique du bonheur et de la souffrance, Djigmé Tenpai Nyima https://www.padmakara.com/fr/ebooks-livres/178-gout-unique-le-ebook-format-pdf-9782916915975.html?search_query=Le+gout+unique+&results=7
LMDC : La magie du cosmos https://www.decitre.fr/livres/la-magie-du-cosmos-9782070347513.html
MHM : Un texte racine du Mahamoudra de la précieuse tradition Géloug/Kagyu https://www.institutvajrayogini.fr/pdf/Mahamoudra_texte_racine_A4.pdf
NDV : Nagarjuna est la doctrine de la vacuité https://www.decitre.fr/livres/nagarjuna-et-la-doctrine-de-la-vacuite-9782226122278.html
PRAT : Pratiquer c'est cultiver la qualité de son mental ! https://www.centre-paramita.fr/blogs/philosophie-bouddhiste/lamrim-2?utm_campaign=newsletter-featured_blog_posts-3aed8aa0d3ea42b9b24def41b5c8c11b&utm_medium=email&utm_source=seguno
TGVS : Le traité de la grande vertu de sagesse de Nagarjuna (MAHÂPRAJNÂPÂRAMITÂSÂSTRA) https://archive.org/details/EtienneLamotteLeTraiteDeLaGrandeVertuDeSagesseDeNagarjunaVol.I1944
VVM : Les versets du milieu, Nagarjuna https://btr2010.files.wordpress.com/2014/04/versets-du-milieu-nagarjuna.pdf
[i] https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89cole_de_Copenhague_(physique)
[ii] Ibid.
[iii] https://www.caminteresse.fr/sciences/comment-linconscient-nous-gouverne-11159304/
[v] https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie_des_formes
[vi] https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/les-mots-en-inuktitut-pour-la-neige-et-la-glace
[vii] https://fr.wikipedia.org/wiki/%C5%9A%C5%ABnyat%C4%81
[viii] https://symbolinks.com/les-3-figures-meres.html
[ix] https://fr.wikipedia.org/wiki/Solide_de_Platon
[x] L'enseignement du Bouddha avec Philippe Cornu https://www.youtube.com/watch?v=aLBRybEbceI
[xii] https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie_d%27Everett