I.89 – La vérité réalisatrice

02/01/2022

Flux et reflux, vagues de l'impermanence, en intervalle la plage... Sensibilité lumineuse, images animées, entre les interstices, la pellicule... Rayons du jour, interférence, sur le sol une ombre... Son lointain, éclat sourd, écho du silence brisé... Point de vue sur l'espace, étendue sans durée, reflet d'un instant...

Lors de la dissolution de l'esprit ordinaire, entre deux pensées, se manifeste une présence vide et lumineuse, sans objet, qui transcende tout ce qui appartient au domaine de la pensée incomposée, à la fois vacuité et luminosité DEB-485

Le sutra du cœur enseigne que la nature des phénomènes est la vacuité. Tous les phénomènes sont «vides d'existence véritable », mais paraissent exister intrinsèquement - les Dharmas sont ultimement sans discontinuité, mais pas relativement sans absence (d'apparence !) de discontinuité -. Forme et vide, relatif et ultime, nature et « vue » de la nature, sont à distinguer sans les opposer. Réaliser l'ainsité, c'est voir la forme-vide, simultanément, au vide-forme.

C'est ainsi ! Les phénomènes apparaissent (relativement) sans ou malgré le fait qu'ils ne possèdent pas (ultimement) d'existence véritable ! Ce peut être difficile à comprendre et c'est pourquoi nous devons recourir à la comparaison. A notre stade actuel (de notre esprit ordinaire), la vérité ne peut s'approcher que par analogie. Ainsi, pensez à un hologramme. Vous pouvez le voir, mais pas le saisir. Si vous recherchez un substrat matériel tangible dans cet hologramme, à quelque échelle que ce soit, vous ne trouverez rien - descendez en-dessous de la longueur d'onde de la lumière et celle-ci disparaît... sans pour autant cesser d'exister ! -. Pensez au monde qui vous entoure comme s'il s'agissait d'un simple jeu de lumière et voyez... Tout n'est qu'apparence, vide de réalité, de nature, de caractère et d'existence propres, mais les phénomènes apparaissent toutefois... comme s'ils existaient de manière autonome !

Les apparences présentent un aspect palpable, tangible, solide, sous lesquelles nous faisons l'expérience de leur « matérialité », mais puisque les phénomènes sont insubstantiels, ces modalités ne peuvent être inhérentes à leur nature ?

La psychologie bouddhiste décrit la perception comme un processus qui fait intervenir un objet, une fonction et une faculté (la vue permet se saisir l'image qui se forme dans l'œil d'une forme extérieure). La conscience est définie comme un « possesseur d'objet », expression qui établit une distinction duelle entre la conscience et l'objet de sa cognition, opposition purement conventionnelle ! La forme est le vide et le vide est la forme. Dans la vacuité, il n'y a ni forme, ni œil, ni « objets de la vue ». Les phénomènes sont vides d'existence véritable (de nature et de caractère propres), ainsi rūpa « n'existe pas » ! Le mot « objet » ne recouvre pas le sens d'un donné extérieur. « La définition d'objet est postulée comme "ce qui est connu par une cognition". Objet apparaissant à cette cognition et objet appréhendé par cette cognition sont mutuellement inclusifs » COLL-55.

Dans la conception Mādhyamaka Prāsangika, un « objet » est explicitement tangible et implicitement «de conscience », c.à.d. relatif au connaisseur de l'esprit qui le possède (qui en effectue la construction cognitive). Puisque les Dharmas, désignés relativement par le termes « objets tangibles » sont vides d'existence véritable (de même que l'œil, la vue, la conscience et l'esprit), ils sont ultimement sans discontinuité entre eux. Il n'y a pas d'objet sans sujet, ni de sujet sans objet ! Ce qu'il y a là-dehors n'est pas « sans absence (d'apparence !) de discontinuité », ce qui n'en fait donc pas la projection de « l'esprit seul » (point de vue du Cittrāmatra). Vacuité n'est pas synonyme de néant !

Les neurosciences ont analysé le processus de cognition et mesuré un décalage entre la perception sensorielle, la construction d'une représentation mentale et la conscience de son objet, son produit. Autrement dit, nous n'avons pas conscience de l'instant présent, mais de celui qui le précède LCE ! La conscience est une représentation grâce à laquelle nous pouvons nous représenter l'inconcevable, là-dehors. La vacuité étant « vide d'existence véritable », elle ne peut être saisie... comme un « objet tangible»! Hors de la pensée qui la saisit sous son aspect relatif, son existence nous est ultimement insaisissable. «Vide est entendu comme un état où les éléments ne produisent aucune combinaison, ne donnent lieu à aucun phénomène, où ils sont indiscernables, où n'existent que des forces latentes non manifestées. Étant la sphère de l'absence complète de manifestation, le vide est inconcevable » ESBT-107.

La nature de tous les Dharmas est la vacuité. Rien ne distingue, ultimement, les phénomènes de leur expérimentation. Vide d'existence véritable, les impressions ne se différencient pas, relativement, des apparences. La distinction opérée par la philosophie bouddhiste tibétaine entre l'esprit de la matière n'est donc pas constitutive d'un dualisme d'essence (ontologique), mais une méthode d'argumentation pour comprendre l'ainsité. Non-soi de la personne versus non-soi des phénomènes, vérité versus réalité, sagesse versus réalisation de la vacuité, les distinguer sans les opposer, permet de transmuter la compréhension au-delà du par-delà de la connaissance. Ainsi, la réfutation par la méditation analytique (de la saisie) du soi inhérent à la personne et de la croyance dans le soi intrinsèque des phénomènes ne produit pas le même résultat...

L'hologramme ne disparaît pas dès lors que nous comprenons qu'il s'agit d'un hologramme ! L'analyse ne modifie pas la réalité (ultime) des phénomènes, qui demeure « vide d'existence véritable », elle change ce que nous tenons pour vrai à son sujet. La réfutation de la réalité autonome des phénomènes révèle ainsi le caractère erroné de notre croyance implicite.

De fait, puisque les modalités sous lesquelles nous faisons l'expérience de la « matérialité » ne sont pas issues des phénomènes vides de caractères propres, réaliser leur non-soi ne suffit pas à les dissiper. Comment se peut-il alors que les ārya bodhisattvas, ayant réalisés la vacuité, n'éprouvent plus toutes les formes de souffrance (« de la souffrance », du changement, omniprésente) ?

Lorsque la « vision supérieure » se développe et que l'esprit parvient finalement à réfuter la réalité d'existence substantielle et autonome du soi de la personne par la pratique de la méditation analytique, la « saisie (innée) du soi », qui est de l'ordre du sentiment (« vue mentale virtuelle » émulée dans la conscience à la vue de « l'ensemble périssable », accompagnée de l'intime conviction de la réalité de son objet), se dissipe, s'évapore et disparaît...

L'apparence vide analogue à l'espace qui se présente lorsque l'objet de réfutation (l'existence véritable) a été réfuté constitue l'entraînement dans l'équanimité méditative semblable à l'espace AAM-73

« Réaliser» la vacuité du soi de la personne consiste dans la « révélation » de sa véritable nature. C'est cette vérité, « révélatrice » de la fausseté de la croyance (implicite) en l'existence d'un soi de la personne inhérent et autonome, qui est libératrice de son illusion. La souffrance n'est pas fausse, ce qui est faux, c'est de la croire réelle ! Ainsi, lorsque le sentiment du moi se dissout à la révélation de son vide d'existence véritable, « il n'y a ni ignorance, ni cessation de l'ignorance (...) ni souffrance, ni cause de la souffrance » EPS.

De fait, « il n'y a pas d'objet sans sujet » n'affirme pas l'indépendance de leur existence différenciée. En mécanique quantique, l'influence de l'observateur sur le résultat de l'observation est souvent comprise, à tort, comme signifiant une action de la conscience sur la matière. Or, d'une part, « l'observateur » s'entend ici au sens d'une « mesure » effectuée par un dispositif abstrait de toute forme de conscience et d'autre part, le résultat de la décohérence d'un système quantique « produit » par cette mesure n'est pas un corpuscule ou une onde qui possède une réalité propre, mais « l'ombre (des caractéristiques) de la mesure» !

La nature de tous les phénomènes est « vide d'existence véritable » et pourtant, les Dharmas semblent exister intrinsèquement, de manière autonome ?

Le cours d'un fleuve peut être calme par endroit, agité à d'autres. Un lac peut être recouvert de brume en surface ou gelé en hiver. Or, de même que les vagues sont l'océan, à l'instar, cette brume et cette glace sont l'eau du fleuve sous des formes différentes ! Notre perception nous fait prendre un vide amodal pour une forme modale sous l'égide de la « vue du non-être » sous laquelle notre esprit ignorant nous fait concevoir réel, doté d'une nature et de caractéristiques propres, le « vide inconcevable, l'absence complète de manifestation » cf. ESBT-107.

Nos avons l'impression que nos sens nous donnent à percevoir l'existence d'objets tangibles externes, mais il n'y a pas « d'objet » qui ne soit de conscience, produit de la cognition de notre esprit. Comme la brume ou la glace qui paraissent distinctes de l'eau du fleuve, les objets de la pensée font partie du courant, de notre « continuum de conscience », mais nous apparaissent séparés de la pensée qui les produit par un effet de perspective.

En révélant le vide d'existence véritable de la forme, la sagesse révèle également son interdépendance. La perspective de (la vue de) la brume au lac, de la glace au fleuve, des vagues à l'océan, les font paraître distincts, alors que l'eau (versée) dans l'eau « ne donne lieu à aucun phénomène discernable, ne produit aucune combinaison » ESBT-107. De la vue voilée qui perçoit les phénomènes comme étant de nature réaliste (sous la croyance implicite en leur caractère intrinsèque et autonome) émerge « l'isolat » de la forme comme « référentiel » relativiste (du manifesté, sous les avatars du multiple), conjointement à l'émergence du référentiel de l'isolat du vide (non-manifesté, pur potentiel indifférencié) dans un rapport d'interdépendance (de la partie au tout, de l'un au multiple).

Il n'y a pas (d'apparition) d'objet sans sujet (s'apparaissant à lui-même) ni de sujet (conscient) sans objet (de conscience). Dans la vacuité, il n'y a ni possesseur ni expérience, ni « process d'expérience », mais l'esprit ignorant de leur nature les croit réels ! Il fait du vide une forme, de la forme un flux, du flux un process, d'un process une conscience, de la conscience un « possesseur d'objet »...

L'esprit voilé n'ignore pas l'interrelation entre les phénomènes, mais n'en saisit pas le véritable sens. Les croyant réels, il croit que ces relations le sont tout autant ! Ne comprenant pas la vacuité des causes et des conditions, il ne comprend pas l'interdépendance. Cette vue mystifiée de la « coproduction conditionnée » lui fait apparaître cohérente l'intrication d'éléments, ultimement, sans discontinuité

Tout ce qui dépend de circonstances est vide d'existence inhérente. L'insensé, cependant, le saisit et ne fait que resserrer les chaînes des vues extrêmes, alors que le sage coupe les filets de toute élaboration EBSI

La forme est le vide et le vide est la forme. La vérité conventionnelle est (par nature) toujours étroitement liée à la vérité ultime... Pour expliquer comment s'origine l'univers, comment l'ordre peut surgir du chaos, comment des éléments isolés peuvent se combiner de façon à former le monde, devant la merveilleuse (apparence de) cohérence du monde l'esprit ignorant quant à « l'interdépendance conditionnée » imagine un subtil alignement, une indicible résonance, voire une incroyable « synchronicité » entre... les deux extrémités (vides de réalité propre) d'une corde invisible à sa vue (elle-même vide de toute existence véritable) !

La forme est le vide et le vide est la forme. La vérité conventionnelle est toujours « consubstantielle » à la vérité ultime... La philosophie bouddhiste tibétaine distingue les objets évidents, pouvant être saisis directement par nos sens et cachés, dont la connaissance exige une analyse approfondie. Sous l'angle conventionnel, cette catégorisation suggère la dualité de la conscience aux objets externes. Mais, les phénomènes étant vides d'existence véritable, ultimement, ils n'existent pas de la manière dont nous les percevons.

A cause de cela, dans la vacuité, il n'y a pas « d'objets tangibles » qui seraient dissimulés à notre cognition en raison de leur « obscurité » intrinsèque, pas plus qu'il n'y a d'objets directement perceptibles aux consciences sensorielles parce que « sensible » serait un caractère propre à leur nature. Tout est une question de capacité ! Les termes « évident » et « caché » s'appliquent ainsi à une connaissance qui implique, selon, une compréhension « par objet » relative à l'intelligence, au maniement de la logique et de la raison (pure), ou à une réalisation au-delà du par-delà de toute conceptualisation.

La forme est le vide et le vide est la forme. La vérité ultime est toujours sous-jacente à la vérité conventionnelle... Le sῡtra du cœur énonce que les Bouddhas ont tous atteints l'Éveil en s'appuyant sur «la perfection de la sagesse », qu'ils ont réalisé par la méditation analytique de la vacuité du non-soi des phénomènes en les considérant... à l'instar du non-soi de la personne. « Tout fils ou toute fille de la lignée qui souhaite s'engager dans la pratique profonde de la perfection de la sagesse devrait considérer toute chose ainsi : les cinq skandhas comme étant complètement vides de nature inhérente » EPS.

La formulation du « descriptif » (de ce qu'il n'y a pas dans la vacuité) suit ainsi l'ordre d'un énoncé qui va des agrégats aux Dharmas comme pour indiquer que la phénoménologie sous laquelle l'esprit effectue la cognition des Dharmas « évidents » (sensibles) serait causale de leur phénoménalité : à cause de cela (« la nature de tous les phénomènes est la vacuité »), dans la vacuité, il n'y a aucun des cinq skandha « ni forme, ni sensation, ni discrimination, ni formation, ni conscience » ; il n'y a pas non plus d'organes des sens « ni yeux, ni oreilles, ni nez, ni langue », car dans la vacuité, il n'y a pas de dualité entre la matière et l'esprit « ni corps, ni esprit » ; et par le fait, il n'y a ni pas d'objets perçus, ni de facultés de perception, ni de consciences sensorielles « ni forme, ni son, ni odeur, ni goût » ; et corrélativement il n'y a pas d'objets existant hors de toute relation à la conscience « ni objets tangibles, ni objets de la vue, ni objets de conscience, ni objets de l'esprit, jusqu'à ni objets de la conscience » EPS. La saisie du non-soi des phénomènes est donc non seulement corrélée à la saisie du non-soi de la personne, mais celle-ci est interdépendante de sa réalisation.

La sagesse qui réalise le non-soi de la personne entraîne la libération de l'esprit de l'ignorance (relative, car dans la vacuité, il n'y a ni transformation, ni transition, ni séparation). La vérité possède ainsi un pouvoir « réalisateur » ! « Puisque qu'il n'y a pas d'obtention, les bodhisattvas s'appuient sur la perfection de la sagesse et y demeurent. Puisqu'ils y demeurent, leur esprit ne connaît ni obscurcissement ni peur. Ayant complètement passé au-delà de l'erreur, ils atteignent l'état ultime du nirvāna » EPS.

La dualité esprit/matière posée par la philosophie bouddhiste tibétaine au début de la voie du Mahāyāna - pour les pratiquants de « petite » et de « moyenne » capacité, afin de comprendre « la précieuse vie humaine », l'impermanence, le karman, les souffrances du samsāra, etc. -, révèle sa pleine valeur discursive dans le processus de l'analytique transformationnelle qui vise à affranchir l'esprit de ses voiles et ainsi d'atteindre à l'état d'ārya à la voie de la vision.

La souffrance s'origine de la croyance en la réalité du soi de la personne. Réaliser son non-soi entraîne la dissipation du sentiment qui s'y attache et détruit le « lien d'intrication » (résorbe la perspective erronée) qui instille la croyance en la réalité du soi des phénomènes. La souffrance cesse lorsque cesse la confusion de croire réelle l'existence d'un « moi » qui souffre réellement. C'est ici que le terme « réalisation » revêt tout son sens. A elle seule, la compréhension du vide d'existence véritable du « soi de la personne » est insuffisante pour « couper la racine du samsāra ». La vérité est réalisation, la réalisation vérité, de sorte que l'état d'ārya est atteint lorsque la vérité se fait « réalisatrice ». Pour cela, il faut comprendre la conscience hors de la saisie du soi...

Si l'on admet qu'il n'y a pas d'objet sans sujet, ni de sujet sans « objet » (lequel se définit comme étant de l'ordre de la conscience), comme il n'y a pas de glace sans eau ni de vague sans océan, il ne peut pas non plus, logiquement, y avoir de « conscience de soi » sans conscience, comme de reflet sans miroir !

Dans la vacuité, il n'y a ni « possesseur d'expérience » ni « possesseur d'objet ». Il n'y a pas de « moi » qui réagit, il y a seulement « réaction ». Or, une réaction sans conscience n'est rien d'autre... qu'un mouvement de la matière ! Un thermostat réagit au chaud et au froid sans discrimination, ni élaboration mentale, ni conscience. Sans « connaisseur » il n'y a pas de connaissance, seulement de l'information. De plus, sans la faculté de s'autodéterminer, les ārya ne pourraient pas poursuivre le chemin vers l'Éveil, et sans avoir conscience de ce qu'ils font (et de pourquoi ils le font), les Bouddhas ne pourraient œuvrer au bien des êtres migrateurs ! « Soutenir l'opposé - avec la vacuité, il ne peut y avoir de fonction et, avec la fonction, pas de vacuité -, c'est tomber dans un abysse terrifiant » EBSI.

La distinction (conventionnelle) conscience/matière éclaire l'ainsité à la fois vide d'existence véritable et interdépendante. Ultimement sans discontinuité, agent et action ne sont pas, relativement, sans absence d'interopérabilité. L'agent (doué d'intentionnalité) et ses actions sont à la fois inexistants et... non inexistants ! La vacuité n'annihile donc pas la conscience ni toute possibilité d'action.

Toutefois, dans nos esprits, les termes « conscience de soi » et « sentiment du moi » sont mutuellement inclusif du sens de « conscience ». Déconstruire notre la définition de la conscience pour la saisir telle qu'elle est véritablement, tel est l'enjeu de la méditation analytique révélatrice du non-soi.

Pour entreprendre cette pratique, il est indispensable de développer la capacité d'observer ses pensées. Si vous parvenez à adopter une position de détachement mental pour analyser les idées qui surgissent, vous allez développer progressivement un potentiel de conscience pour observer la conscience (...) vous allez pouvoir reconnaître ce qui est appelé la « conscience ordinaire », qui est indifférente au sentiment d'aimer ou de détester, de convoiter ou de rejeter PAA-58

En fondant, la glace se mélange à l'eau du fleuve. Pure, de l'eau (versée) dans de l'eau non contaminée deviennent indiscernables. Dans la vacuité, il n'y a pas de distinction entre les Dharmas, tous vides d'existence véritable. Lorsque l'eau givre en surface et se recouvre d'une fine pellicule translucide, la perspective peut donner à un lac l'apparence d'un miroir, comme une vitre sans teint peut perdre son opacité et devenir transparente lorsqu'elle est éclairée de l'intérieur...

La nature de tous les phénomènes est vide de réalité propre. Ce n'est que par un effet de perspective que les Dharmas se distinguent en apparences, lesquelles revêtent « l'isolat » de la forme, laquelle se mue à son tour en « référentiel » (du soi) au point de vue voilé de l'observateur. La question n'est donc pas tant de savoir comment une forme de conscience est possible sans « conscience de soi », mais qu'est-ce qui fait que la conscience se saisisse comme un soi qui s'apparaît à lui-même exister intrinsèquement ?

Tel que nous nous (a)percevons subjectivement, nous éprouvons le sentiment d'être un « moi » autonome «possesseur (de la faculté) de conscience » et des agrégats, son support. Mais, si nous détenions la « vue juste » (de la sagesse révélatrice de la vacuité), nous réaliserions que cette « saisie de soi », tel un miroir se reflétant en lui-même, n'est autre que le courant de la conscience !

Il n'y a pas de reflet sans miroir, mais dans l'obscurité (ou à l'échelle atomique) le miroir existe (bien qu'indistinct) sans produire de reflet. Il n'y a pas contradiction à ce que la conscience (connaissance) se saisisse conscience en-dehors (au-delà par-delà) de la « saisie d'un soi ». L'aberration réside dans la vue qui entraîne la conscience a se croire exister à travers le « sentiment du moi » !

Dans la philosophie bouddhiste, la conscience se définit comme « l'instance qui connaît distinctement l'identité objective de tous les phénomènes, connaissance des aspects, qui sépare, distingue et discrimine. On la caractérise par la clarté et la connaissance » DEB-150. « Conscience » et « connaissance » sont mutuellement inclusifs. Subsumés dans le « connaisseur de l'esprit » du plus grossier au plus infra-subtil : la « conscience mentale » (samjñāna), connaissance conceptuelle ; les « consciences sensorielles » (vijñāna), connaissance sensible ; la conscience (ou l'esprit) de « Claire Lumière », connaissance intrinsèque non subjective.

La distinction opérée par la philosophie bouddhiste diffère du sens donné aux mots « esprit » et «conscience » par les religions et les traditions philosophiques des courant du Védanta et du yoga de Patanjali : âme ou « soi » (philosophique) nouménal, unitaire, entitaire, immanent, éternel. L'esprit ou la conscience est « ce qui connaît » par opposition à la matière « ce qui (peut être) connu ». La connaissance désigne ainsi soit « l'acte de connaître » relatif à un sujet (qui inclut sa propre conscience), soit une connaissance « en dehors de la distinction sujet connaissant − objet connu − acte de connaître » CNRTL.

Cette connaissance (nature de l'esprit, rigpa) est claire et lumineuse. L'ignorance l'entraîne (en tant que formation agrégée) à se saisir implicitement (à s'apparaître à la connaissance de sa propre existence) comme si elle existait de manière autonome, par identification à la « vue de l'ensemble périssable ». Le «moi » existe seulement en tant que simple désignation par l'esprit. Il est à distinguer du « sentiment (inné) du soi » qui résulte de l'émulation de cette désignation sous la forme d'une « vue mentale virtuelle ».

La nature des tréfonds de la conscience subtile est pure. Nous désignons cette conscience base-de-tout sous le terme d'esprit fondamental et inné de claire lumière.

Pour sa capacité à rendre la transformation spirituelle possible, il est aussi appelé la nature profonde de l'illumination. Elle est la racine de la moindre prise de conscience PAA-56

La « saisie (innée) du soi » est le sens que l'esprit ajoute au nom, le signifié sur le signifiant, le sentiment sur le mot. Les phénomènes n'ont d'existence qu'en tant que simple désignation « sur la base du signifiant » donné par la conscience. Au sens le plus profond -dans l'école philosophique Mādhyamaka Prāsangika -, l'existence des phénomènes se définit ainsi en interdépendance de « ce qui est désigné » en désignation « par cela qui connaît ». De l'interrelation entre ces trois topoi (catégories), l'esprit, le support et la désignation, résultent les modalités sous lesquelles nous faisons l'expérience de la « conscience de soi » et de la « matérialité » des phénomènes.

Les problèmes, les obstacles, l'adversité, la douleur, sont tous ultimement vides d'existence véritable ! Parce que l'esprit les recouvre du sens de « réalité », il les saisis et en expérimente les effets comme tels. C'est le sens que notre esprit, voilé par l'ignorance de la vacuité, donne aux phénomènes qui nous en fait ainsi expérimenter les modalités. « Douleur » n'est qu'un mot vide d'existence véritable, il ne recouvre aucune réalité physique (sur le plan neuropsychologique, c'est le cerveau qui en fait l'interprétation !). C'est le sens dont nous la chargeons qui nous la fait expérimenter comme si elle était une réelle sensation physique !

Le feu brûle et l'eau éteint le feu du fait de leur interdépendance (visualisés, rêvés, ces éléments n'ont aucun effet tangible). Il ne faut toutefois pas en inférer que le signifiant (« le feu brûle », « l'eau mouille ») possède un caractère propre. Ils sont vides d'existence véritable. La manière dont un même phénomène nous apparaît dépend de notre catégorie d'êtres du samsāra(de l'eau comme de l'eau pour les hommes versus du métal en fusion pour les Dieux, etc.).

La nature lumineuse de l'esprit n'est jamais amoindrie, les émotions négatives ne peuvent pas polluer sa nature fondamentale.

Lorsque le mental n'est pas dispersé, son état naturel de clairvoyance est perceptible. Si vous le maintenez dans cette disposition, l'expérience de la clarté et de la connaissance va s'accroître PAA-58

Pour réaliser la vacuité du soi de la personne (ou son « non-soi »), il n'est pas nécessaire de comprendre ce qu'est la « connaissance » (jñāna), la nature infra-subtile de l'esprit, décohéré de toute subjectivité, ni de le saisir directement. « On le dit difficile à découvrir parce qu'il est trop proche de nous, trop simple, au-delà de l'appréhension de l'esprit ordinaire et trop profond » DEB-485.

Pour réaliser le vide d'existence véritable du soi de la personne, il nous faut identifier son sentiment afin de réfuter la réalité de son objet. Ce « sentiment du moi » se manifeste particulièrement lors de circonstances qui présentent un caractère de menace, directe et immédiate, sur « notre » vie. Plus l'émotion est intense, plus le « sentiment du moi » réagit avec une force vive. Il transparaît en situation de danger sous la forme de « l'instinct de survie » (mais aussi lorsque nous ressentons l'exaltation d'être en vie » dopés par l'adrénaline...).

Nul besoin que l'événement ait un « caractère réel », comme d'éviter un accident, d'être agressé physiquement ou simplement critiqué dans notre travail. Puisque le (sentiment du) soi provient de la croyance erronée en la réalité de son objet, il suffit d'observer notre réaction dans les rêves agités ou les cauchemars. N'étant pas conscients de rêver, nous croyons que ce qui se passe en rêve est vrai, ce qui déclenche une peur grandissante qui va jusqu'à nous réveiller. Aussitôt franchis le seuil infrangible qui nous sépare du rêve, troublés par ce basculement inattendu comme à la lecture d'un Haiku, nous réalisons que ce n'était rien d'autre qu'un rêve ! Et puisque l'illusion est induite par le voile de notre ignorance, c'est à cette conclusion que nous devons aboutir par la « méditation analytique », la croyance en la réalité du soi de la personne est de la même étoffe que nos rêves !

Lorsque la conception innée du soi se manifeste fortement, on doit vérifier avec une petite partie de l'esprit comment le « Je » apparaît. Si l'on y arrive, on verra que ce qu'on identifie comme le « Je » n'est pas simplement quelque chose que l'esprit impute aux agrégats. Ce Je apparaît comme existant réellement. Quand l'objet à identifier se révélera ainsi à l'esprit, l'objet à réfuter aura été correctement identifié AAM-76

A n'en pas douter, le monde qui vous entoure est réel ! Votre vie est réelle ! Le sentiment que vous avez d'être ici en ce moment même est vrai ! La conscience que vous avez « d'être vous-mêmes » est vraie ! Le sentiment d'exister en tant que personne qui possède une histoire et des souvenirs propres, tout cela vous apparaît, au combien, vrai à vos yeux à commencer par « vous-mêmes »... Vous, « ce moi qui est vous », cette personne à travers le nom, l'identité, et le sentiment duquel vous vous reconnaissez comme étant « vous », à n'en pas douter existe, respire, vit, tel que vous le ressentez, telle que la vie vous en donne à l'éprouver à travers les joies et les peines, la souffrance et le bonheur...

Mais, imaginez que vous surpreniez soudain un détail, un léger détail qui ne colle pas dans ce tableau parfait... comme « un bogue dans la matrice »... un coin du voile légèrement écorné... l'éclat soudain d'un projecteur... la sensation d'être observé... comme si les murs n'étaient qu'un décor... comme si le monde n'était... qu'une pièce de théâtre dont vous étiez un simple acteur... Et si nous étions sur la scène d'un théâtre et jouions un rôle sans le savoir ?

Lorsque la représentation commence, les acteurs de théâtre savent qu'il s'agit d'une fiction. Chacun interprète le rôle d'un personnage issu de l'imagination de l'auteur. C'est le « jeu de l'acteur », au théâtre et au cinéma, qui donne vie aux personnages et nous les fait apparaître « vrais ». Les acteurs jouent des rôles qui les entraînent à éprouver de la joie et de la colère, à aimer et à haïr, à se battre pour des idées qui ne sont pas les leurs, à agir avec des intentions altruistes ou égoïstes, etc. Mais, aussi intensément qu'ils puissent « vivre ces vies », ils savent qu'il ne s'agit que de rôles, de personnages... qui ne sont pas «réels» !

Si les émotions perturbatrices comme la colère étaient naturelles dans le mental, l'esprit serait dans une perpétuelle irritation. Nous ne sommes irrités que dans certaines circonstances. Sans ces conditions préliminaires, la colère ne se manifeste pas. Les attitudes, comme la colère et l'attachement, peuvent être dissociées de la conscience principale PAA-57

Avant d'entrer en scène, l'esprit (rigpa) - la conscience en son « état naturel » ou son « mode d'être originel» - est pur, clair et lumineux, connaissance (jñāna) qui dépasse (les agrégats de toutes les formes de la cognition sensible et de toute connaissance conceptuelle) et transcende toute distinction entre «sujet connaissant, objet connu, acte de connaître » (dont la coproduction conditionnée constitue le «connaisseur de l'esprit » ou « l'esprit ordinaire »).

Mais, lorsqu'elle entre sur la scène du théâtre de la vie, la « conscience de Claire Lumière » se pare d'agrégats qui reçoivent un nom, le « moi nommé » et un rôle, lequel est déterminé en regard de ses précédentes interprétations (sa « carrière théâtrale karmique »). Ce « Matricule Opératoire Inventé » n'a d'existence qu'en tant que « simple désignation ». Ce n'est rien qu'un nom parmi les personnages de la pièce. L'esprit se revêt toutefois de ce « modus operandi » tel d'un costume (l'agrégat du corps), orné de coiffes et de traînes (l'agrégat des sensations), enrichi d'accessoires (l'agrégat des discriminations), paré de couleurs (l'agrégats des formations), tinté d'éclats tel un miroir (l'agrégat de la conscience)...

Par ignorance de sa véritable nature et de son caractère agrégé, l'esprit ordinaire en vient à oublier qu'il joue un rôle et par la force de l'habitude à interpréter son personnage, son « jeu d'acteur » se mue « je » ! Il en vient à se croire un individu autonome, un « soi » (Sujet Objectivement Intrinsèque), dont il éprouve jusqu'au sentiment (inné) de l'être. Il se comporte et réagit alors comme s'il était ce « soi » (Suffisant Objet d'Iniquité) à jamais insatisfait de son sort ! Mû par ses émotions perturbatrices, le karman de ses actes l'enchaînent au même rôle, lui fait rejouer les mêmes situations, et le drame Shakespearien recommence...

Si les émotions perturbatrices comme la colère étaient naturelles dans le mental, l'esprit serait dans une perpétuelle irritation. Nous ne sommes irrités que dans certaines circonstances. Sans ces conditions préliminaires, la colère ne se manifeste pas. Les attitudes, comme la colère et l'attachement, peuvent être dissociées de la conscience principale PAA-57

Pour réfuter la réalité du soi de la personne, nous devons déterminer de quelle manière il pourrait exister tel que nous en faisons l'expérience : c.à.d. identique aux agrégats ou différent d'eux - Chandrakirti, disciple de Nagarjuna, a établi une méthode d'analyse en septs points (sur la métaphore du chariot) qui n'en sont que les développements, « à partir du moment où nous reconnaissons la justesse de cette analyse, il suffit de l'appliquer à l'objet pour qu'il ne subsiste plus rien à quoi l'on puisse s'attacher comme ayant une entité véritable » EVM-369 -.

En observant la manière dont le « sentiment de soi » se manifeste en situation de danger physique immédiat, lorsque des actes délictueux sont commis à notre encontre, lorsque des critiques nous sont adressées, lorsque nous sommes l'objet d'un vol ou d'une anarque... Le brusque mouvement de recul instinctif qui se produit, le vif déni que nous émettons, la soudaine culpabilité qui nous assaille, l'angoisse qui nous saisit lorsque l'on se découvre floué, dépossédé de ses biens, la colère qui nous envahis... toutes ses réactions reflètent nos préoccupations mondaines : la peur de la souffrance ; de la perte ; de la critique ; du déshonneur.

Ce n'est pas notre corps, nos biens, notre renommée qui sont ainsi attaqués, c'est «moi» personnellement ! C'est « soi-même » qui est LA victime ! Le sentiment de ce « soi » qui nous submerge semble unitaire, identitaire, substantiel. Une fois saisit l'objet à réfuter (sous la saisie de cet « objet » !), il nous faut méditer analytiquement les modalités du « sentiment du soi » jusqu'à parvenir à la réfutation de la réalité de leur objet, dont la révélation de leur caractère erroné aura pour effet de produire la dissipation de son expérience subjective, ce qui correspondra alors à l'état de réalisation de la vacuité du non-soi.

Seul le développement de la sagesse de la « vision supérieure » (la vue de la véritable nature des choses) peut nous permettre de dissiper l'illusion d'un « je » réel, intrinsèque et autonome. Comment s'assurer que la sensation de l'espace, le « sentiment d'être l'espace » ou la sensation du sans-forme, ressenties dans les profondeurs de la méditation ne prouvent pas la réalité de leur objet ?

Faites la simple expérience suivante. Concentrez la focale de votre conscience sur l'espace qui vous entoure. Ne saisissez que l'espace, faites abstraction de ce qu'il contient, concentrez-vous uniquement sur l'espace, vide, transparent, pur... Au bout de quelques instants sur cette « vue modale », vous serez persuadé de la réalité de l'espace ! Maintenant, inversez la perspective. Concentrez la focale de votre conscience sur les murs, le sol et le plafond. Ne saisissez que la pièce, faites abstraction de ce qu'elle contient, concentrez-vous uniquement sur la pièce, sa forme, sa structure. Au bout de quelques instants sur cette « vue amodale », vous serez persuadé de sa qualité de contenant et conséquemment du fait que l'espace n'a d'existence qu'en tant qu'il apparaît comme contenu !

Appliquez alors l'antidote à la « vue de l'être » et à la vue du « non-être », la sagesse qui réalise leur vacuité, jusqu'à développer la conviction que « L'espace n'existe pas parce qu'il n'a pas de caractère spécifique (...) si l'absence de rūpa (matière) était le caractère propre de l'espace, tant que rūpa ne serait pas né, ce caractère spécifique n'existerait pas. (...) Avant que rūpa n'existât, il devait y avoir un Dharma nommé espace ; éternel. Mais, si rūpa n'existe pas, il n'y a pas absence de rūpa, le caractère propre de l'espace n'existe pas, et l'espace n'existe pas non plus. L'espace n'est qu'un nom sans aucune réalité » TGSV-394.

Si le « Sujet Objectivement Intrinsèque » était identique aux agrégats... ceux-ci étant multiples - de par leur nombre, et pour chacun (sensations, discriminations, élaborations conceptuelles, consciences) de par son caractère composite -, il ne pourrait pas nous apparaître phénoménologiquement « unique » ! Si l'acteur était le personnage, il ne serait « substantiel » que pendant la durée de la pièce ! Il ne pourrait y avoir qu'un seul et unique acteur qui interprète son rôle et le personnage disparaîtrait avec lui à sa mort ! Si le personnage était « entitaire », il ne pourrait pas être interprété par différents acteurs, au même moment dans le monde...

Si le « Sujet Objectivement Intrinsèque » était identique aux agrégats... il devrait nous instiller un sentiment « personnel » qui ne pourrait conséquemment pas être éprouvé... de manière identique pour chaque être humain puisque nos agrégats sont différents ! Que le comportement des membres d'une même espèce soit similaire face à un même danger signifie, du point de vue « fonctionnaliste », que les mêmes données en entrée, soumises au même traitement, produisent le même résultat en sortie... quel que soit le type de support considéré !

Le « Sujet Objectivement Intrinsèque » ne peut pas non plus être différent des agrégats. Sans un acteur, le personnage ne peut pas « se produire » sur scène ! Le personnage ne peut pas exister sans un support (film animé, roman graphique, livre, etc.). Sans l'idée qui a germé dans l'esprit de son auteur, ce personnage ne serait jamais né ! Sans acteur (support), il ne pourrait y avoir de personnage, sans agrégats il ne pourrait y avoir de « Sujet Objectivement Intrinsèque » ! « Rien ne pourrait exister sans l'espace et pourtant l'espace n'est rien (...) Étant donné que l'espace n'est rien, il n'a jamais été créé » PMP-157.

Un personnage ne peut pas exister sans avoir de nom (y compris le dénommé « personne »...), mais son acteur peut jouer des émotions, des sentiments et donner l'impression que le personnage s'éprouve lui-même existant de manière intrinsèque et autonome. Le « moi » n'est pas le « soi », mais nous pouvons les confondre en les croyant consubstantiels. Le « sentiment du soi » apparaît comme le résultat de l'émulation d'une « vue mentale virtuelle » sur la base du « moi-nommé, comme la vue en relief d'une anamorphose est la projection tridimensionnelle de son aspect bidimensionnel.

La « saisie du soi » ne pourrait se produire sans la croyance en la réalité de son objet et pourtant cet objet n'est rien ! Étant donné que le « Sujet Objectivement Intrinsèque » est vide d'existence véritable ordinaire, il n'a jamais été créé ! « La nature de tous les phénomènes est vacuité : ils n'ont pas de caractéristiques, ne sont pas créés, ne cessent pas, ne diminuent pas, n'augmentent pas. A cause de cela, dans la vacuité, il n'y a ni forme ni "objets tangibles" (...) ni formations [élaborations conceptuelles] ni "objets de l'esprit" » EPS.

Comprendre le non-soi de la personne, c'est comprendre qu'il n'y a pas de soi substantiel et autosuffisant (intrinsèquement doué de conscience, qui observe en arrière-plan le théâtre cartésien de la conscience), «contrôleur des agrégats », « possesseur de l'expérience »... Comprendre le « non-soi » de la personne, c'est comprendre le vide d'existence véritable du « sentiment du moi », du moi-nommé, du « connaisseur de l'esprit », jusqu'à la conscience de « Claire lumière » ! « Découvrir la nature de l'esprit, c'est découvrir sa vacuité, son absence d'être en soi (...) incomposée, à la fois vacuité et luminosité » DEB-485.

L'acteur qui sur scène crie « je suis vivant ! » ou « je meurs ! » ne s'exprime pas en son nom, mais en celui de son personnage. Nous n'avons pas oublié que nous sommes un acteur sur une scène de théâtre qui joue un rôle fictif, nous l'ignorons ! Il n'est pas possible de réfuter une illusion avec une autre illusion, une sensation à l'aide d'une autre. La vue modale d'un contenu, la vue amodale d'un contenant ne se contredisent pas l'une l'autre, la sensation du chaud ne fait paraître irréelle la sensation du froid. La logique permet de réfuter la réalité de « l'objet » dont on saisit préalablement « l'expression phénoménologique». Trois topoi sont pour cela à identifier : le « soi », le « moi-nommé », l'esprit ou la conscience (le personnage, le nom du personnage et l'acteur).

Imaginez devant vous : à droite, une tasse remplie d'un onctueux chocolat chaud qui dégage de délicieuses fragrances de cacao (ou de café si vous préférez) ; au centre l'hologramme de cette même tasse visuellement identique ; à gauche, sa projection mentale (en surimpression ou en « réalité augmentée »). De prime abord, ces occurrences se distinguent de par leur caractère : concret, virtuel et imaginaire. La tasse vous paraît « réelle », son hologramme une « illusion » et sa visualisation un fait de conscience. Pour autant, l'expérience de la « matérialité » n'emporte pas toutes les modalités de la sensorialité (vous pouvez imaginer la senteur et le goût du chocolat ou du café en leur absence...). La distinction que nous opérons entre les modalités des phénomènes n'est pas ontologique, elle est subjective ! L'objet perçu, la pensée de cet objet et l'esprit qui le pense sont ultimement sans discontinuité de par leur nature qui est vacuité, et ne sont relativement pas sans (absence !) d'apparence et d'impression de discontinuité !

« Je suis, ici et maintenant, en train d'analyser le non-soi ». Cette phrase se veut l'affirmation : de mon existence ; de l'existence d'une localité et d'une temporalité dont le référentiel sert de cadre à l'expression du « sentiment de soi » ; dans (la conscience de) l'exercice d'une pensée analytique. Mais, où est le « je » ? Où se trouve le « Sujet Objectivement Intrinsèque » ? Y a-t-il véritablement quelqu'un qui « pense » ? Y a-t-il réellement un espace et une durée déterminantes des conditions de l'existence de ce soi ? 

A tout moment, une personne a un certain point de vue, et la localisation de ce point de vue (qui est déterminé de façon interne par le contenu du point de vue) est aussi la localisation de la personne [i]

L'affirmation de Descartes « je pense donc je suis » se veut la preuve de la réalité de l'être par la démonstration de « sa » capacité à (se) penser, relativement à la faculté d'en avoir conscience. L'impression phénoménologique de « soi », nous instille l'intime conviction que la possibilité même d'éprouver son sentiment inné est conditionné par l'existence du « Sujet Objectivement Intrinsèque », comme la raison pure implique les catégories a priori l'espace et le temps selon Kant...

En voyant la crémation d'un corps (fut-ce au cinéma), la question de la survie de l'esprit surgit. Comment «l'esprit de Claire Lumière » peut-il ne pas être détruit par le feu alors que les agrégats le sont ? La philosophie bouddhiste ne nous dit-elle pas que de la conscience est un courant d'instants impermanents? « Même si l'on parle communément de continuum de conscience, il ne faudrait pas concevoir la conscience comme une entité stable, mais comme une succession rapide d'actes de connaissances momentanés, succession rapide qui donne l'impression d'un écoulement continuel, tel un fleuve » DEB-150.

La question est inspirée par la « vue de l'être ». Si l'on considère que le feu, les agrégats et l'esprit sont réels, alors un problème se pose manifestement quant à la disparition du corps et à la persistance de l'esprit. Or, dans la vacuité, il n'y a « ni création ni cessation, ni vieillesse et mort, ni cessation de la vieillesse et de la mort » et conséquemment l'existence n'est ni acquise ni perdue ! Lorsque l'on comprend ce que signifie, véritablement, la vacuité, les phénomènes nous apparaissent alors comme dans un rêve. Le feu ne brûle pas réellement et le corps... n'étant pas réellement né, n'est pas... réellement détruit ! Quant à l'esprit, n'étant pas réellement existant, il ne peut donc pas subir « d'effets physiques » !

Le bouddhisme affirme l'existence de six catégories d'êtres du samsāra, dont certains tels que les esprits avides (pretas) ne « possèdent » pas de corps... Là encore, la formulation est trompeuse, car elle laisse entendre que le corps des êtres matériels seraient, eux, bien « réels »... alors que notre corps, celui des animaux, les objets qui nous entourent, au même titre que tous les Dharmas, sont vides de réalité, de nature et d'existence véritable !

La « matérialité » n'est pas le caractère propre d'une substance nouménale, c'est la modalité sous laquelle nous faisons l'expérience des phénomènes relativement à nos capacités karmiques. Ultimement, les agrégats de nos corps biologiques sont sans discontinuité de nature aux agrégats du corps des esprits avides. Ce qui ne veut pas dire que, relativement, ils peuvent interférer ! Les modalités sous lesquelles les êtres migrateurs font l'expérience de la « réalité conventionnelle » reflète le type d'erreur que leur esprit commet, par ignorance, quant à la nature des phénomènes.

En commettant l'erreur de croire que vous existez comme une entité complètement indépendante (ce qui s'oppose à l'idée d'interrelation avec les autres et les choses), vous êtes conduit à faire une distinction arbitraire entre les autres et vous-même. En retour, cela vous encourage à vous attacher à ce que vous percevez comme relevant de vous, et à résister à ce qui apparaît comme dépendre des autres PAA-30

Tel l'acteur qui se fond dans son rôle en donnant vie à son personnage jusqu'à ne plus se distinguer lui-même, tant que l'esprit est sous l'emprise de l'ignorance, le « sentiment du moi » est présent à (dans) la conscience, sous une forme exacerbée, exaltée, ou de manière liminaire. A chaque instant, une personne fait l'expérience de la « matérialité » et les modalités de cette expérience (déterminées par son contenu) sont aussi les modalités de sa désignation. Il n'y a pas de « personne » existant intrinsèquement et qui possède un point de vue, c'est la personne elle-même qui est un point de vue !

Qu'est-ce que l'on appelle la « personne » ? 

Les cinq agrégats ne sont pas la personne et, parmi eux, la «conscience mentale » n'est pas le moi ! La personne est un simple nom (« moi-nommé ») qui n'a d'existence que du fait de cette désignation. Au moment de la mort, les agrégats se dissolvent les uns après les autres (du plus grossier au plus subtil). Au final, ne reste que le niveau le plus (infra-)subtil de la « conscience mentale », de nature claire et lumineuse. C'est cela qui est nommé « simple moi » et qui passe de vie en vie...

Il n'y a plus alors de « conscience » au sens conventionnel (c.à.d. plus de sujet conscient de son existence), seulement une désignation. Or, puisqu'il ne peut y avoir de sujet sans objet ni d'objet sans sujet, un phénomène ne peut pas exister seulement en tant que nom... en l'absence de l'esprit qui le désigne ! Comment une chose qui n'a d'existence qu'interdépendante, sur la base de sa désignation par autre chose, pourrait-elle exister indépendamment de cela qui la désigne ? Et comment ce qui n'est qu'un «simple moi », une simple étiquette, pourrait-il se réincarner en un être doué de conscience ?

La désagrégation des cinq skandhas au moment de la mort ne signifient pas leur disparition dans le néant, mais leur « dissolution » dans (sous la forme de) la « conscience de Claire Lumière » où ils résident à l'état de potentiels ! « L'esprit de Claire Lumière » (« conscience de potentiel de point zéro ») n'est donc ni d'ordre entitaire ni... véritablement de l'ordre d'une « simple » désignation. Pour reprendre le terme de la mécanique quantique qui désigne l'état (cohérent) de l'électron-non-mesuré, ce serait plutôt comme une «fonction d'onde » qui regroupe l'ensemble des potentiels de manifestation conditionnée du fait de son karman, telle une graine attendant d'être replantée dans une nouvelle terre...

L'esprit est donc soit actif (dans « l'état antérieur », c.à.d. la vie) soit inactif (dans le bardo). « L'esprit ordinaire » est un agrégat dont l'activité de cognition est constituée par la « conscience-effective » (l'esprit) et par les « facteurs mentaux ». Par analogie, les données en entrées (captées par les «consciences sensorielles ») sont traitées par le programme de l'ordinateur pour fournir un résultat en sortie (les actions de nos trois portes). L'arrêt de l'ordinateur ne fait pas disparaître le programme qui peut fonctionner sur d'autres machines.

L'activité de l'esprit agrégé, jusqu'au moment où il bascule à l'état de potentiel dans le bardo, où cesse alors toute cognition consciente, revêt différents états de conscience. Dans les plus profonds (le samādhi des dhyāna de la méditation), la dualité entre le sujet et l'objet se dissipe. Dans la vacuité, il n'y a ni transition ni transformation. La connaissance de la Prajñāpāramitā est un état au-delà du par-delà de toutes élaborations conceptuelles où, conséquemment, le sujet est ultimement sans discontinuité à l'objet...

Il y a comme un effet miroir entre la « conscience-effective » et la « conscience-potentiel » versus le « moi-nommé » et le « Sujet Objectivement Intrinsèque ». « L'esprit ordinaire » acquiert une effectivité à partir du potentiel de « Claire Lumière » et le « sentiment du moi » est émulé (en une « vue mentale virtuelle ») à partir du « moi en désignation »... et tous sont des points de vue !

Tel un acteur de théâtre s'éprouvant « je » à travers le jeu de son personnage, la personne (le « moi-nommé ») a un certain point de vue sur « l'ensemble périssable » (la vue de ses agrégats) et le sentiment que le « simple-moi » éprouve à cette saisie (qui est déterminé de façon interne par le contenu phénoménologique de ce point de vue) est aussi le « soi de la personne ». A chaque instant de « l'état antérieur », l'esprit a un certain point de vue sur sa cognition (l'activité interdépendante des cinq agrégats) et la perspective qui le fait se percevoir objet à sa propre connaissance (déterminée de façon interne par le contenu de ce point de vue) est aussi la perspective qui le fait se saisir sujet.

Toutefois, l'élément clé n'est pas dans le « point de vue » en lui-même, mais dans le processus de transformation qui entraîne au renversement du point de vue. Comme une anamorphose se révèle lisible en passant de deux à trois dimensions, l'expression du potentiel de « l'esprit de Claire Lumière » s'exprime à travers l'activité des agrégats par un changement de « point de vue ».

La conscience est l'événement par lequel le « connaisseur » se connaît lui-même « se connaissant », c.à.d. lorsque la vue de son propre « point de vue » s'apparaît comme un point de vue, telle la personne qui se regarde dans un miroir prend conscience du fait... qu'elle se regarde dans le miroir.

En regardant dans le miroir, vous prenez instantanément conscience que vous êtes en train de vous regarder dans le miroir. Vous ne mesurez pas le caractère décalé de l'événement du fait de la vitesse de la lumière et du traitement cognitif cérébral de la reconnaissance de votre propre visage. Mais, ralentissez la scène et décomposez chacun de ces moments : la lumière se déplace centimètre par centimètre jusqu'au miroir... l'image s'y dessine onde par onde... son reflet revient à votre cerveau... qui en traite l'information... qui émerge à votre conscience comme la reconnaissance de votre visage. Sous cet angle, il apparaît que le point de vue « du » miroir conditionne le point de vue « sur » le miroir. Dans la chronologie de l'événement, le connaisseur précède la connaissance, mais sous l'abord phénoménologique l'acte de conscience paraît antérieur à son objet !

A chaque instant, une personne est un certain point de vue et la conscience de ce point de vue (qui est déterminée de façon relativiste par le reflet du point de vue de son objet) est aussi la conscience de la personne. Le point de vue de l'esprit ordinaire est une perspective biaisée (par l'ignorance) qui le fait saisir l'existence d'un « soi » des phénomènes, unitaire, entitaire et substantiel.

Dans la vacuité, il n'y a ni avant ni après, ni apparition ni disparition... ni passé ni présent ni futur... ni catégories a priori de l'espace et du temps de la pensée consciente ! A cause de cela, à tout moment, l'esprit effectif a un certain point de vue et la conscience (conventionnelle) de ce point de vue (qui est déterminée de façon relativiste par l'objet, reflet, de ce point de vue) est aussi la conscience du «possesseur d'objet ». Ainsi, localité et temporalité, sujet/objet, connaissant - connaissable - connu, sont relatifs au point de vue de la pensée !

Sous cette approche par « point de vue », le « moi-nommé » est un autre nom mis pour désigner « l'esprit effectif » qui est à distinguer de l'objet à réfuter, le « Sujet Objectivement Intrinsèque », comme l'acteur l'est du personnage. Ce « simple moi » n'est pas à réfuter, « simple désignation sur la base des agrégats, on n'affirme en rien qu'il n'existe pas au niveau conventionnel » AAM-76.

Aux questions, « qu'est qui passe de vie en vie et qui atteint l'Éveil ? » une réponse correcte est de dire le «simple moi », « c'est bien lui qui accumule des actions positives et négatives et qui en expérimente les effets, c'est aussi lui qui tourne dans le samsara et qui atteindra la libération » AAM-76. Mais, une réponse plus complète (qui tient compte du « point de vue ») est de dire « l'esprit en son état de potentiel » s'agissant de la réincarnation et « l'esprit effectif » s'agissant de la libération du samsāra et de l'atteinte de l'état de Bouddha. Et pour être plus précis encore, c'est « l'effectivité de l'esprit » purifié des voiles de l'ignorance et des émotions perturbatrices dont la connaissance transcende la dualité sujet-objet, laquelle ne signifie pas la dissolution du « connaisseur » et du « connu », mais leur indiscernabilité dans la vacuité, où sujet et objet, de par leur nature, apparaissent, ultimement, sans discontinuité ni obstruction.

Ainsi, le sens de « moi-nommé » ne recouvre donc pas l'idée d'une simple étiquette (objet connaissable dépourvu de conscience), mais désigne plutôt un référentiel relativiste, « le point de vue de la conscience-effective » versus « le point de vue de la conscience de potentiel ». Ce même terme sert aussi d'axe d'articulation avec le soi de la personne, comme la vue en 2D et en 3D d'une anamorphose, l'objet et son reflet dans le miroir ou le vide et la forme...

Le développement de la « vision supérieure » (supérieur au « calme mental ») qui amène à la réalisation du non-soi de la personne, procède d'un entraînement qui comprend deux phases, la « méditation analytique» et la post-méditation. La première consiste 1. à déterminer l'objet à réfuter, c.à.d. le « Sujet Objectivement Intrinsèque », en se remémorant une situation au cours de laquelle le « sentiment (inné) du moi » est particulièrement prégnant (danger, exaltation, joie mondaine, orgueil, etc.) ; 2. à déterminer l'ensemble des possibilités sous lesquelles le soi pourrait exister : identique ou différent des agrégats ; 3 et 4. à déterminer que le soi ne peut pas se confondre ni être totalement séparé des agrégats.

Cette méditation analytique doit être faite, avec patience et persévérance, jusqu'à ce qu'il devienne clairement évident à notre esprit que le « soi de la personne », dépourvu de réalité, de nature et de caractère propre, est totalement inexistant !

Quand nos émotions, nos attitudes et nos idées conflictuelles cessent, les actes nuisibles qui en découlent disparaissent aussi...

Quand ils naissent, ils naissent dans l'espace ; quand ils se dissipent, ils se dissipent dans l'espace.

L'appréhension juste de l'état de nos propres esprits permet de saisir la manière de dissiper les idées et nos penchants mal fondés dans la sphère profonde de la réalité PAA-61

Lorsque la vérité devient réalisatrice du non-soi, le sentiment du soi (simple « vue mentale virtuelle ») se dissout et le vide qui apparaît manifeste un état « d'équanimité méditative analogue à l'espace ». Littéralement, la présence modale du soi au sein de la conscience du méditant fait place a un vide amodal semblable à l'espace, dont les caractéristiques (pur car incomposé, indivisible car non-produit, indivisable car non-né) se substituent à celles du soi de la personne.

L'analyse du non-soi des phénomènes procède du même principe. « Appliquez la même discrimination que vous avez pour le moi à tout le reste » AAM-80. A chaque instant, une personne a un certain « point de vue » sur les Dharmas et la localisation de ce point de vue (déterminé de façon phénoménale par le contenu du point de vue) est aussi la localisation du « soi du phénomène ».

La seconde phase, post-méditative constitue une autre forme d'entraînement qui consiste à voir tous les phénomènes comme des illusions ou comme les dix points de (vue de) comparaison. La comparaison des Dharmas avec un reflet (de la Lune sur le lac ou dans un miroir) est des plus pertinentes, mais l'on ne mesure pas pleinement ce que signifie le fait que les phénomènes (les objets qui nous entourent, le monde et y compris nos propres agrégats) sont comme un reflet...

Visualisez à nouveau les trois tasses (réelle, virtuelle, imaginaire) et voyez-les se refléter dans un miroir (y compris la tasse imaginaire !). S'il était possible de filmer l'espace sur une pellicule analogique et d'en projeter le film sur un écran aussi infrangible que l'espace, nous ne verrions aucune différence avec l'espace ! En apparence, il n'y aucune différence entre le reflet renvoyé par un miroir et ce qui s'y reflète - hormis l'inversion des effets de la profondeur[ii] -, au point de sembler constituer un monde à part, « réel » en lui-même (l'autre côté du miroir d'Alice).

Quel que soit son mode de manifestation, la tasse est là où elle est désignée et cette désignation, en tant que point de vue constitutif d'un acte de connaissance réflexive de l'esprit, est aussi la saisie de ses modalités de manifestation. Ainsi, la manière de voir les phénomènes en post-méditation est un antidote à la saisie des modalités de l'expérience de la « matérialité » comme expression des caractères propres à leur nature intrinsèque et autonome.

A chaque modalité un antidote : comme une bulle d'écume contre la substantialité de la matière, comme une bulle d'eau vs la sensorialité perceptive, comme une écorce vide vs la partialité des discriminations, comme un mirage vs la subjectivité des élaborations conceptuelles, comme une magie vs les consciences.

Mais le « roi des points de vue » (l'analogie qui se rapproche le plus de ce que cela fait de saisir directement la vacuité), celui qui subsume toutes les méthodes, consiste à voir les phénomènes comme un reflet, c.à.d. à inverser complètement la perspective entre « ce côté-ci » et « l'autre côté » du miroir, pour substituer aux caractères préconçus des Dharmas les aspects reflétés par un miroir.

De façon plus simple encore, on peut le voir comme le jeu du « portrait chinois ». Si la matière est un reflet, elle ne possède pas de substance ! Telles qu'elles nous apparaissent à notre échelle, les formes et leur géométrie, les dimensions et leurs grandeurs, la lumière et ses aspects, les couleurs et leurs nuances, sont un « effet de seuil » ou « de surface ». A l'instar du « Sujet Objectivement Intrinsèque », que l'analyse des cinq agrégats ne permet de trouver nulle part, si l'on recherche le soi de la forme, le soi de la longueur, le soi de la largeur, le soi de la couleur, etc. dans les tréfonds de la matière jusqu'au niveau quantique, l'on ne trouvera nulle part une chose correspondante à leur substance qui existe intrinsèquement !

Voir la forme comme un reflet (à l'instar du « jeu de lumière » d'un hologramme) qui présente en apparence le caractère d'une « substantialité » propre et autonome (jusqu'à ce qu'on la découvre impalpable et intangible), permet de saisir (par l'émulation analogique de la saisie de sa vacuité) que l'expérience de cette modalité n'est en rien l'expérimentation d'une « matérialité » propre à l'être des choses, mais un « point de vue » désigné par l'esprit.

Le monde et les objets qu'il contient (y compris l'agrégat de notre corps) ne sont qu'un décor à l'instar du costume dont se pare un acteur de théâtre sur scène et de l'identité du personnage qu'il adopte le temps d'une représentation.

Si la sensation est un reflet, elle n'est pas perceptible ! Le reflet du feu ne chauffe pas, le reflet de la glace ne refroidit pas, le reflet d'une brûlure par le chaud ou d'une morsure par le froid n'est pas douloureux, le reflet d'un onguent sur le reflet d'une peau meurtrie ne produit pas de bienfait médicinal... Si l'on recherche au creux de la matière de notre corps, au niveau moléculaire et atomique, l'on ne trouvera nulle part la sensation brûlante du feu ou la sensation douce de l'eau. Mais, l'on ne trouvera pas non plus ces sensations en-dehors de nos agrégats !

Voir les sensations comme un reflet (à l'instar du ressenti éprouvé en rêve en l'absence de déclencheurs extérieurs à l'esprit du rêveur), permet de réfuter la « sensorialité » comme modalité de l'expérience d'un sensible réel, et de démontrer (par analogie de sa vacuité à la vacuité du reflet) son caractère de désignation par l'esprit sur la base de « la vue de l'ensemble périssable ».

Il est assez facile de réfuter la « concrétude » des phénomènes en les voyant comme un hologramme (il suffit d'imaginer que l'on passe la main au travers pour réaliser leur vide de substantialité). Il est plus difficile de réfuter la « sensibilité » de nos perceptions lorsque le toucher se heurte à la « solidité », à la «dureté » et à la « résistance » des objets versus l'absence d'obstruction d'une reflet tel l'espace incomposé... Cependant, si l'on recherche dans l'agrégat de la matière, l'on ne trouvera rien qui souffre ! Certes, une blessure affecte l'intégrité de notre corps, mais la douleur est une représentation mentale. Voir la sensation comme un reflet, c'est comprendre que la matière, puisque dénuée de conscience, ne peut pas souffrir, et conséquemment conclure que la souffrance vient de la croyance en l'existence du «Sujet Objectivement Intrinsèque ».

Concernant les expériences des trois autres skandhas - l'intentionnalité pour l'agrégat de la discrimination, la conceptualité pour l'agrégat des formations, la conscientialité pour l'agrégats des consciences -, il est possible de les traiter globalement à l'aide de l'antidote de « voir les phénomènes comme un reflet ».

Si la réalisation du non-soi (de la personne et des phénomènes) emporte la réalisation de la vacuité de leurs pensées, s'entraîner à voir les phénomènes comme un reflet en post-méditation n'a toutefois pas pour fin de compléter la méditation analytique. La réalisation de la vacuité naît de l'union des deux méthodes, « méditation analytique » et « calme mental » - l'atteinte de Samatha étant le prérequis à l'accession à Vipāssyana -. La manière de regarder est déterminante, elle doit être intelligente ! Il ne s'agit pas simplement de voir les phénomènes comme des illusions, mais de porter un regard analytique sur le caractère trompeur des apparences.

Pendant la méditation analytique, il s'agit de questionner l'objet à réfuter pour en déterminer le vide d'existence véritable et en post-méditation de s'entraîner à le voir tel en regardant les phénomènes sous le discernement de la sagesse. Ce qui est perçu est ce qui peut être conçu... Concevons les phénomènes comme un hologramme afin de percevoir leur insubstantialité, considérons-les comme un reflet afin de saisir leur l'intangibilité. Trois objets sont donc à réfuter : le phénomène, la pensée du phénomène, le sentiment induit par ce phénomène, soit nos agrégats, la vue de nos agrégats (« la vue de l'ensemble périssable ») et le « sentiment (inné) du soi ». Si la réalisation du non-soi de la personne entraîne la dissipation de son sentiment tel n'est pas le cas du non-soi des phénomènes.

Un Madhyamika-Prasanguika se définit comme un tenant de la voie du milieu qui n'affirme pas d'existence véritable même au niveau conventionnel

Tous les phénomènes ne sont que de simples apparences au niveau conventionnel ; on ne peut absolument pas les trouver dans leurs bases de désignation. Tous les phénomènes ne possèdent pas d'existence autonome, réelle, naturelle, véritable ou ultime IPPVB-62

La réfutation du soi des phénomènes n'est pas la négation de leur existence conventionnelle ! La nature des phénomènes est ultimement vide de réalité propre (comme un reflet dans un miroir), mais ils nous apparaissent relativement en interdépendance de leur désignation par l'esprit. Autrement dit, ce qui se reflète dans un miroir est également de l'ordre d'un reflet ! Réaliser l'ainsité, c'est saisir simultanément la forme-vide et le vide-forme, tel « le reflet de l'eau dans l'eau ». « S'il n'y a aucun phénomène qui existe qui ne soit pas interdépendant, il n'y a donc aucun phénomène qui existe qui ne soit pas vacuité » AAM-78.

Nous pouvons visualiser des objets en trois dimensions, des lieux et des mondes entiers au sein de notre conscience mentale et nous imaginer naviguer au milieu d'eux... Nous pouvons visualiser le stupa de Bodhnat à Katmandou et imaginer circumdéambuler dans le flot des pèlerins... ou explorer des palais de mandalas mentaux comme si nous y évoluions « réellement »... Nous oublions toutefois qu'il s'agit de productions mentales et que tout ce qui apparaît dans notre esprit (tout le contenu de notre phénoménologie mentale, pensées, images, sons, etc.) est, comme un reflet. Dépourvu de substance tout cela est purement virtuel !

Dans le rêve, plus encore, nous ressentons le sol sous nos pas, le poids des objets entre nos mains, nous faisons l'expérience de voler, subissons les attaques de créatures cauchemardesques, etc. Que ce soit dans notre imaginaire ou dans les rêves, les modalités de l'expérience de la « matérialité » et celles du ressenti de la « sensorialité » ne sont en rien différentes du reflet dans un miroir ! Ainsi, concevons toutes nos représentations mentales, l'espace de notre mental et notre conscience mentale elle-même comme un reflet vide de substance.

Etendre notre vision des phénomènes des apparences à leurs représentations, nous permets de concevoir plus aisément que les phénomènes et la pensée des phénomènes sont, ultimement, sans discontinuité en nature. Entre la tasse dans ma main, le reflet de la tasse dans le miroir, la visualisation de la tasse se reflétant dans le miroir, tous sont, ultimement, sans obstruction comme le reflet d'un reflet.

Commençons par inverser la perspective c.à.d. à concevoir que cela qui se reflète dans le miroir est le reflet et ce qui s'y reflète la réalité ! Adopter ce point de vue permet de prendre véritablement la mesure de ce que signifie le fait que tous les phénomènes sont comme un reflet. L'image dans le miroir présente les mêmes caractères que les objets s'y reflétant (formes, dimensions, volumes, profondeur, distance, localité, etc.). Or, ce n'est là qu'apparence vide de réalité ! La troisième dimension est absente d'un reflet, il ne contient pas de volume, ni de profondeur, ce sont là des effets de perspectives, des « points de vue » ! Il n'y a pas non plus de quatrième dimension, ni de localité et de temporalité, seulement des « points de vue » qui sont déterminés de manière relativiste par désignation de l'esprit...

Imaginez que vous soyez un habitant qu'un univers à deux dimensions et que vous voyez soudain un objet à trois dimensions traverser votre espace. Vous ne le pourriez le voir comme tel car votre instrument de perception, façonné par votre environnement, ne le permettrait pas. Vous verriez une sphère traversant un plan comme nous pouvons voir un film, image par image, sur une pellicule ou... comme une reflet dans un miroir c.à.d. avec les apparences de profondeur et de perspective qui ne seraient que... des illusions de profondeur et de perspective dépourvues de l'existence véritable d'une réelle profondeur et perspective !

Dans notre conscience mentale également, l'espace à l'intérieur duquel nous évoluons en imagination ou en rêve n'est qu'un « point de vue » dépourvu des caractères que nous considérons comme propres à la nature d'un espace-temps autonome, base de référence des phénomènes. Percevoir la pensée des objets comme un reflet (dans la continuité de la conception des phénomènes comme tels), entraîne ainsi, au-delà de la réfutation des modalités d'une expérience de la « matérialité » qui se voudrait la preuve de la substantialité du soi de la forme, à réfuter y compris jusqu'à l'existence de la localité et de la temporalité!

Concevez tout phénomène comme un reflet dans un miroir en y appliquant la même analyse qu'au soi de la personne : ce qui se reflète dans le miroir n'est pas identique au miroir car celui-ci ne refléterait qu'un seul phénomène ; le reflet n'est pas non plus différent du miroir comme l'acteur du personnage ou la vue de nos agrégats de la saisie du « Sujet Objectivement Intrinsèque ». Plutôt, demandez-vous où se trouve le reflet ? Pouvez-vous le trouver comme un endroit particulier et un moment précis existant véritablement en eux-mêmes ?

Dans la vacuité, il n'y a ni apparition ni disparition, ni transition ni transformation. A cause de cela, dans la vacuité (comme dans un reflet), il n'y a ni localité ni temporalité ! Ultimement, tout lieu et tout instant sont sans discontinuité, mais pas relativement sans absence (d'apparence !) de discontinuité.

D'où proviennent ces apparence ? De l'interdépendance ! Où est la forme de la tasse dans l'agrégat de la tasse, le bruit du verre brisé dans le verre brisé, les aboiements d'un chien, la voix humaine, dans les ondes produites dans l'air ? Sauriez-vous les distinguer à la seule vue des courbes de fréquences sonores ?

La tasse, le verre brisé, les aboiements d'un chien, etc. n'ont d'existence que simplement nominative en désignation par l'esprit. Le signifiant des mots n'est nulle part dans les mots, et pourtant il n'est ni identique ni différent des mots ! La forme est vide, le son est vide... L'interdépendance n'a pas de cause première. Le son est un écho, réverbération d'un son lui-même produit de l'interdépendance de causes et de conditions vides de réalité propre.

La neige n'est nulle part dans la neige. La « neige » n'est que le mot que nous utilisons (dans notre langue et dans notre culture) pour désigner la « réunion d'un ensemble de causes et de conditions » dont l'expression manifestée se présente sous le phénomène que nous désignons... par le mot « neige » et qui cesse d'apparaître en tant que tel lorsque cesse sa coproduction conditionnée...

Le silence également est vide d'existence véritable ! A l'instar de l'espace, selon la manière de nous le représenter, le silence peut nous apparaître sous une forme amodale comme l'absence de bruit ou sous une vue modale comme un être en soi. Or, de même que l'espace est incomposé, le silence est non-produit et non-né ! Et il n'y a donc pas plus de silence extérieur que pourrait capter nos oreilles que de silence mental intérieur dans la sphère de notre esprit !

Ainsi, pour nous entraîner à saisir la vacuité des phénomènes, concevons-les comme un hologramme, ainsi pour saisir le vide d'existence propre du son, considérons-le comme un écho, ainsi pour saisir le non-soi de nos consciences sensorielles et mentale (et de notre « espace mental »), ainsi que la vacuité de l'agrégats des discriminations et corrélativement des élaborations conceptuelles, ainsi examinons nos pensées comme un reflet, vide de localité et de temporalité.

En voyant le caractère insubstantiel, impalpable et intangible de nos agrégats, concevons le non-soi de notre personne comme l'ombre de nos agrégats. Voyons ainsi le « Sujet Objectivement Intrinsèque » pareil à une ombre projetée sur le sol qui, à mesure qu'elle s'allonge sous la lumière du discernement de sa vacuité d'existence véritable, dissout le ressenti de son sentiment, pulvérisé en d'infimes fragments comme la cendre d'un volcan emportée par le vent, jusqu'à ce qu'il ne reste rien qu'un vide analogue à l'espace, dans la contemplation méditative de l'équanimité de laquelle l'esprit s'absorbe serein, libéré du poids de son fardeau.

Adopter cette perspective en post-méditation permet de nous familiariser avec la compréhension issue de la réfutation du non-soi de la personne et des Dharmas développée pendant la méditation analytique. Toutefois, pour que la saisie de la vacuité d'existence propre de la souffrance se fasse réalisatrice de la délivrance définitive de nos tourments, la réflexion sur l'interdépendance des phénomènes doit inspirer le point de vue conventionnel du non-soi.

D'où viennent les émotions perturbatrices qui surgissent lors du bris du silence ? Si elles provenaient des bruits de l'activité sociale environnante, tout type de son serait constamment insupportable, y compris le son de notre propre voix ! Pour trouver la paix, nous devrions vivre reclus, au désert, dans le silence le plus total. Aucune sonorité ne trouverait grâce à nos oreilles et nous devrions nous priver y compris des musiques qui nous ravissent et nous emportent ! La raison pour laquelle nous aimons certains sons et en détestons d'autres provient de la même raison pour laquelle nous aimons le silence et détestons le bruit... la croyance implicite dans la réalité propre du son, du bruit et du silence !

Lorsque vous entendez un bruit, entre le moment de sa perception et celui où l'on identifie sa provenance, il est possible de discerner un état mental dénué de pensée (...) À ce moment-là, vous percevez le son comme un reflet de la luminosité et de la cognition de l'esprit. Vous pouvez alors appréhender la nature fondamentale du mental (...) avec le temps, l'esprit apparaît sous la forme d'une eau claire PAA-61

Une vague n'est ni exclusivement un creux ni exclusivement une crête. Bosses ou trous, peu importe l'état du chemin, nous devons tout autant faire attention à ne pas nous y prendre les pieds pour ne pas trébucher et tomber. Entre une courbe concave et un courbe convexe, somme toute, il n'y a de différence que dans la perspective que nous en avons. Les aboiements des chiens errants la nuit autour du stupa de Bodhnat ne sont pas les hurlements d'un loup à la pleine Lune. Ils ne sont pas continus. Entre les sons, il y a des intervalles (certes courts) de silence. Mais, pourquoi notre esprit se fixe-t-il sur les périodes de sons plutôt que sur les interruptions du silence ? Pourquoi, dans ces circonstances, le silence a-t-il plus de valeur à notre esprit (non à nos oreilles) que le son ?

Le silence et l'espace sont des phénomènes incomposés, indivisibles car non produits, indivisables car non-nés. Mais selon la manière de les percevoir, ils nous apparaissent soit sous une vue amodale délimitée par des formes sensorielles adjacentes (un pièce qui manque dans un puzzle), soit sous une vue modale en tant qu'être propre (le vide substantiel formé par la pièce manquante). Tout est le produit de causes... interdépendantes. La neige tombe en raison de la réunion d'un ensemble de causes et de conditions particulières, mais aussi du fait de... l'absence d'autres conditions qui, si elles étaient réunies (comme la proximité de la Terre au soleil) contrecarreraient la conjonction des causes qui manifestent la neige. Ainsi, le silence est-il indissociable de l'absence de bruits comme l'espace de la non-obstruction des objets ! Toute expression d'ensembles de causes et de conditions est relative à d'autres ensembles de causes et de conditions interdépendantes, et toutes sont vides de réalité propre.

Concentrer le mental sur un seul facteur supprime l'opportunité d'avoir une plus grande ouverture d'esprit. Quand nous percevons les objets comme existant de manière intrinsèque, au lieu de mesurer les nombreuses conditions dont ils dépendent, pour les voir tels qu'ils sont véritablement, l'exagération s'installe PAA-35

Lorsque nous sommes acculés par des obstacles récurrents, assaillis par une adversité retorse, contraints par une affliction irréductible, nous nous sentons écrasés entre les presses d'un étau. Tel l'effondrement gravitationnel d'une étoile en fin de vie, le monde s'écroule sur nous. L'angoisse nous envahis à proportion de l'exacerbation du « soi ». Rien d'autre dès lors ne compte que (le sentiment du) « moi » ! Agressés, nous ne voyons plus que l'agresseur, aux abois nous n'entendons plus que les aboiements... « Voyant l'indéniable interdépendance entre agent et action, on doit s'entraîner à voir que ce qui apparaît est vacuité et que ce qui est vacuité apparaît comme une illusion » AAM-79.

Identifier l'objet à réfuter, cela commence ainsi par susciter un état d'esprit comparable au sein de la méditation analytique (le « sentiment du moi ») afin d'en démontrer le non-soi. Concevoir la forme comme un hologramme, considérer le son comme un écho, interpréter la phénoménologie de la forme du son comme des reflets, appréhender le (sentiment du) « Sujet Objectivement Intrinsèque » comme une ombre, permet d'approcher par analogie la saisie de la vacuité de leur existence véritable. Ainsi, élargir notre perspective, en ouvrant notre point de vue à l'interdépendance de la coproduction conditionnée, où la forme et le vide sont saisies simultanément dans leur ainsité, permet d'atteindre à sa réalisation directe.

Dans l'espace où votre propre rigpa qui se connaît de lui-même s'élève spontanément, libre de toute saisie, reposez et détendez-vous, sans aucune manipulation ou fabrication. Quelles que soient les pensées qui s'élèvent, reconnaissant leur essence, laissez-les toutes se libérer en tant que manifestation de votre nature intrinsèque TDL-46

Namasté

Tashi delek

བཀྲ་ཤིས་བདེ་ལེགས།


Références :

AAM : Apprendre à méditer https://www.centreparamita.org/gallery/view_album.php?set_albumName=album04 

COLL : Collection de sujets, cognitions et connaissance raisons et raisonnements https://www.centreparamita.org/gallery/view_album.php?set_albumName=album04 

DEB : Dictionnaire Encyclopédique du bouddhisme, Philippe Cornu https://www.decitre.fr/livres/dictionnaire-encyclopedique-du-bouddhisme-9782020822732.html 

EBSI : Éloge au bouddha pour son enseignement sur l'interdépendance - Sadhana n°19

https://www.centreparamita.org/?navig=/Boutique/Sadhanas 

EPS : L'essence de la perfection de la sagesse (« le soutra du cœur ») - Sadhana n°18 https://www.centreparamita.org/?navig=/Boutique/Sadhanas 

ESBT : Alexandra David Neel - Les enseignements secrets des bouddhistes tibétains https://archive.org/details/AlexandraDavidNeelLesEnseignementsSecrets/page/n1 

LCE : La conscience expliquée, Daniel C. Denett https://www.babelio.com/livres/Dennett-La-conscience-expliquee/96136 

PAA : Penser aux autres, sa sainteté le Dalaï Lama https://www.babelio.com/livres/Dalai-Lama-Penser-aux-autres--La-voie-du-bonheur/519459 

TDL : Texte de Lojong https://www.lotsawahouse.org/Downloads/Textes-de-Lojong.pdf 


[i] https://www.youtube.com/watch?v=LKJJpvdqkFA 

[ii] https://www.vulgarisation-scientifique.com/wiki/Pages/Pourquoi_un_miroir_n_inverse-t-il_pas_le_haut_et_le_bas