I.92 – Changement de paradigme

03/04/2022

Le filet du pêcheur jeté sur la mer est comme un reflet, il ne remontera pas de vrais poissons. Sous le voile de l'ignorance, notre esprit est comme un « filet magique » que nous jetons sur des phénomènes vides de substance en pensant atteindre à leur connaissance ontologique...

Emportés par les forts courants des quatre grandes rivières, ligotés par les liens serrés des karmas si difficiles à éliminer, pris au piège dans les filets d'acier des conceptions d'un soi, les êtres sont ensevelis dans l'épaisse noirceur de l'ignorance 3AV

Selon la perspective du Mādhyamaka Prāsangika, au sens le plus profond de l'interdépendance, « tous les phénomènes n'ont d'existence qu'en tant que simples désignations sur la base de l'esprit » signifie que les phénomènes existent seulement en termes de dénomination. Ils ne sont pas autre chose que des «constructions mentales » que, par ignorance de la compréhension de leur véritable nature, nous percevons comme substantiels, autonomes, réels !

Où est la tasse dans les agrégats de la tasse, la voiture dans les composants de la voiture, le soi dans les agrégats de la personne, etc. ? La formulation pourrait suggérer que les agrégats existent de leur propre côté (la matière de la tasse, les composants de la voiture, les agrégats du corps, etc.), l'ignorance s'entendant alors comme la vision erronée qui nous fait prendre le mot pour la chose, la carte pour le territoire c.à.d. qu'il y a quelque chose alors qu'il n'y a « rien » !

Ce n'est aucunement le cas ! Les phénomènes n'ont pas d'existence véritable ne signifie pas qu'ils n'ont pas d'existence du tout ! Des affirmations comme « les phénomènes existent », « le corps n'est pas l'esprit, le corps est matériel, l'esprit immatériel » sont des assertions visant à nous éviter de tomber dans le piège nihiliste de la « vue du non-être », qui par le déni de l'importance de nos actions quant à notre devenir mondain et extra mondain nous enferre dans le samsāra.

Les phénomènes existent s'entend conventionnellement. Ultimement les phénomènes sont : vides d'existence intrinsèque (inhérente, de substance svabhāva ou de « base sous-jacente », il n'y a rien là-dehors, pas « d'existants premiers » par référence aux « existants seconds », objets épistémiques de la pensée) ; vide d'existence véritable (autonome) ; vide de réalité ontologique (le caractère épistémique des objets, simple désignation sur la base de l'esprit, ne possède pas de caractère ontologie, pas plus que l'esprit lui-même).

Si l'esprit était d'essence nouménale (immanente), transcendante à la matière (elle-même dotée d'une nature substantielle propre) le « soi philosophique » de la personne imputé à partir de la « saisie (innée) du soi » s'établirait en dualité du soi des phénomènes, croyance des courants de pensée du Vedanta et du yoga (purusha vs prakriti), l'âme versus le corps du dualisme cartésien.

Si la matière possédait une réalité ontologique, la mesure de l'électron serait celle d'un objet existant substantiellement, de son propre côté, en sa propre nature, révélatrice de caractéristiques comme « sa » localité ou « sa » vitesse. Or, l'électron-mesuré n'a d'existence que probabiliste, il n'existe que par désignation (la répartition de ces probabilités étant interdépendante de la mesure).

La nature de tous phénomènes est la vacuité signifie qu'il n'y a aucun phénomène qui existe de manière intrinsèque et indépendante, et que « ordre épistémique » n'est pas constitutif d'une ontologie. « La vacuité est libre de toute assertion » 3AV. L'affirmation n'est en rien nihiliste, car nous faisons l'expérience de son efficience sous ce que la philosophie bouddhiste tibétaine appelle la vérité conventionnelle, « les apparences sont des productions interdépendantes infaillibles » 3AV.

Puisque les phénomènes existent seulement en désignation, la causalité n'est pas un principe physique relatif à un univers matériel « réel » ! L'espace-temps n'est pas un contenant dont le contenu possède une réalité propre (ce ne sont là que des objets d'argumentation). Dans ce référentiel toutefois, les phénomènes sont dépendants de l'acte de désignation du connaisseur (karmiques pour les êtres ordinaires versus « non contaminées et non contaminant » pour les ārya bodhisattvas et les Bouddhas) dont le rôle est infaillible dans cette production interdépendante. « Le terme de causalité pourrait prêter à confusion, parce qu'il ne s'agit pas d'un déterminisme causal dans un monde constitué de phénomènes substantiels, mais plutôt d'une conditionnalité opérant dans l'instant » DEB-151.

Au sens philosophique le plus profond du Mādhyamaka Prāsangika - « tous les phénomènes n'ont d'existence qu'en tant que simples désignations sur la base de l'esprit » - se lit sous cette perspective comme le paradigme selon lequel le monde n'apparaît plus comme phénomène mais comme événement, lequel est relatif aux actions de l'agent. Autrement dit, « tous les événements n'ont d'efficience qu'en tant que co-production conditionnée infaillible (des actes de l'agent) sur la base de son état d'esprit ». « La loi des causes et effets est infaillible pour tous les phénomènes du samsara et du nirvāna » 3APC.

Pour expliquer comment les phénomènes dépourvus de réalité ontologique sont efficients, Nāgārjuna compare l'agent a une illusion créée dans une performance magique qui provoque une autre illusion. L'expression « performance magique » s'entend comme le fait que l'esprit pose les « objets épistémiques » comme réels (substantiels et véritables) en dualité de l'expérience sensible qu'il en a.

La nature des phénomènes ne possède pas un caractère « unitaire » propre à une substance. La vacuité est vide de réalité ontologique. Cette « dualité » n'a donc de pertinence qu'en termes de « vérité conventionnelle », c.à.d. comme isolat de la pensée conceptuelle, ou en tant que le dualisme de la forme-vide au vide-forme est posé à dessein (dans le raisonnement analytique de la vacuité) comme garde-fou pour éviter de tomber dans l'éternalisme ou le nihilisme.

Des assertions telles que « voir » ou « saisir directement » la vacuité ne sont pas à prendre au sens littéral. La vacuité n'a pas d'existence intrinsèque, véritable et ontologique ! Elle n'est pas de l'ordre du sensible et ne peut donc pas être perçue. La vacuité est seulement posée comme antidote contre la croyance en la réalité (substantielle, véritable et ontologique) des phénomènes dans le but de réaliser le non-soi de la personne et des phénomènes.

  • Comme un reflet dans lequel nous voyons une profondeur alors... qu'il n'y a pas de véritable profondeur ; dans lequel nous voyons des objets en regard de leurs parties et leurs parties en regard de leur tout alors... que le reflet est sans distinction de l'un au multiple ; dans lequel nous voyons des objets qui occupent une position dans l'espace et se déplacent dans le temps alors... qu'il n'y a pas de localité ni de temporalité dans un reflet ; l'existence inhérente et véritable ne sont que des « effets de perspective » ! Comme dans le rêve où nous faisons l'expérience de la «matérialité » du contact avec des objets et des êtres irréels et intangibles, la réalité ontologique est un « effet de perspective » dont l'efficience est, elle-même, un « effet de perspective » (illusion instillée par performance magique), dans le référentiel de l'esprit voilé par l'ignorance...

Dans la pratique de la méditation analytique sur le non-soi de la personne (et par extension sur le non-soi des phénomènes), il est prescrit de s'entraîner en période de post-méditation à voir les phénomènes tels des illusions ou devrait-on dire... « comme des événements ». Voir le monde comme un reflet est en effet particulièrement signifiant du caractère mutuellement inclusif de « voir les objets comme événement ». Lorsque l'on y pense, c'est en fait une évidence !

L'existence est semblable au tison brandi en cercle, au rêve, à la magie, à la lune réfléchie dans l'eau, au brouillard, à l'écho dans l'intérieur (des montagnes), au mirage, au nuage TGVS1-386

Qu'il s'agisse des dix comparaisons (upamāna) utilisées pour faire comprendre l'interdépendance (un mirage, la Lune réfléchie dans l'eau, un écho, une ombre, etc.) ou des analogies destinées à amener les esprits ordinaires à comprendre l'impermanence - « La matière est semblable à une boule d'écume, la sensation à une bulle d'eau ; la conscience à un mirage ; les volitions au tronc du bananier ; la connaissance à un filet magique » TGVS1-397 -, tous mettent en exergue le caractère fallacieux de la « vue de l'être » et du « non-être » qui devient une évidence lorsque saisit comme événement lequel, par définition, est insubstantiel, impermanent, interdépendant et dépourvu de tout caractère ontologique !

Qu'il s'agisse d'un mirage de chaleur projeté sur le sol, de la Lune réfléchie sur l'eau, de l'ombre d'un bâton, de l'écume sur l'océan, de la sensation du froid sur notre corps, de la mesure de l'électron, tous ces événements ne possèdent ni existence intrinsèque (substantielle), ni existence véritable (autonome), ni réalité ontologique en tant que « objets épistémiques » désignés par l'esprit. Leur nature ultime y compris est vide (« vacuité de la vacuité ») ! « Il faut considérer le Conditionné comme une étoile [filante] dans l'espace, des ténèbres, [la lumière d'] une lampe, du givre, une bulle d'eau, un rêve, un éclair et un nuage » TGVS1-386.

La lumière éclaire les objets qui se reflètent dans un miroir. Cet événement apparaît par un « jeu de perspective » relatif au caractère de la cognition du connaisseur. Sous la « saisie du soi » des phénomènes, les caractéristiques de ce reflet (profondeur, localité, temporalité, etc.) lui apparaissent comme des propriétés inhérentes et autonomes aux objets reflétés. Au caractère intrinsèque de cette vision se superpose la « saisie du soi » de la personne, sous laquelle l'observateur s'apparaît lui-même exister de manière substantielle.

Cet événement (en sa possibilité et en sa manifestation) résulte de l'ignorance de l'esprit quant à la nature véritable des choses, qu'il perçoit comme phénomènes dans un rapport de dualité d'essence entre un «existant premier » versus un « existant second » (connaissable vs connaisseur), plutôt que comme un acte relatif à la conformation de son esprit dont le schéma mental reflète ses voiles, et qui en percevrait le caractère interdépendant s'il en réalisait la vacuité !

Voyons tous les phénomènes tels des illusions ou un rêve apparaissant mais ne possédant pas la moindre parcelle d'existence autonome. Voyant ainsi l'indéniable interdépendance entre agent et action, on doit s'entraîner à voir que ce qui apparaît est vacuité et que ce qui est vacuité apparaît, comme une illusion AAM-78

Voir le monde qui nous entoure et tout ce qui y apparaît comme un événement qu'est-ce que cela donne ? En termes scientifiques, la forme et les propriétés physiques sous lesquelles la matière nous apparaît sont conséquents des processus des niveaux inférieurs de « l'échelle du réel » (moléculaire, atomique, subatomique, quantique). Ce que nous percevons à notre niveau (sous les modalités sous lesquelles nous en faisons l'expérience de la « matérialité ») est comme un événement, lequel peut être qualifié « d'effet de surface ». Sous la perspective de la vacuité, il n'y a pas d'objets « réels » qui se meuvent, mais un événement qui, en dépendance de sa désignation à l'esprit, apparaît tel un objet existant intrinsèquement qui se meut de manière autonome...

L'électron-mesuré est un événement. L'électron-mesuré n'est pas le résultat de l'observation d'objets existants, de leur propre côté de manière autonome, et dont la mesure dénoterait les valeurs de leurs propriétés intrinsèques. La mécanique quantique est l'affirmation de la « non-substantialité de l'être des choses » et de l'interdépendance de l'existence des « objets matériels » ! « Avant que l'on ne mesure la position de l'électron, on ne peut donner sens à la question de savoir où il se trouve (...) L'acte que constitue la mesure est profondément entremêlé avec la création de la réalité même qu'on mesure » LMC-171.

Certes, cette « intrication » implique un observateur (l'instrument de mesure) -c.à.d. le faisceau de lumière utilisé pour éclairer l'électron de sorte à connaître sa position -, dont il semble logique de postuler qu'en sa qualité instrumentale, il doive posséder un caractère déterminé (sous-entendu une existence véritable) de sorte à ce que ce « pouvoir » rende possible la détermination de la localité de l'électron-mesuré. Sous cet angle, la mécanique quantique apparaît tenante de la position philosophie de l'école philosophique Cittrāmatra selon laquelle l'esprit (à l'exception de tout autre phénomène) est seul à posséder une existence véritable, exception grâce à laquelle il peut en faire... la désignation déterministe !

Cependant, la mécanique quantique ne peut être une description ou « cognition valide » en termes scientifiques de la manière dont les choses sont réellement et... ne pas être en phase avec la position du Mādhyamaka Prāsangika, dont la vision philosophique est arguée par les bouddhas comme le sens le plus profond de l'interdépendance ! Soi, elle est incorrecte, soit le rôle de déterminant de la mesure sur le caractère déterminé de l'observation est mal compris...

Lorsqu'il est dit (par interprétation trop littérale) que « l'observateur influence le résultat de l'observation», il ne faut pas y voir là une dualité entre une essence indéterminée (l'électron non mesuré) et une nature déterminée (un instrument de mesure conçu par un agent dont l'esprit existerait de manière intrinsèque) ! Que les propriétés de l'électron-non-mesuré revêtent un caractère « flou et nébuleux » avant la mesure, pour adopter un caractère défini au moment de la mesure, n'est pas signifiant d'une transition («saut quantique ») à une forme d'existence substantielle sous l'influence d'un déterminant autonome.

La nature de l'électron ne change pas, ce sont les probabilités de le localiser qui varient de zéro à 100% lors de la mesure ! La méprise vient de l'occultation du fait que l'électron est probabiliste et n'a de caractère déterminé (efficient) que sous le référentiel conventionnel de la mesure ! Qu'il soit mesuré ou non, l'électron n'a pas d'autre forme d'existence que comme un événement produit de l'interdépendance des probabilités de sa désignation (la mesure) - les propriétés de l'électron-mesuré (corpusculaires ou ondulatoires) étant relatives à la manière dont s'effectue la mesure -. Or, l'instrument de cette mesure (qui par extension de langage englobe l'agent et son esprit) est lui-même... un événement !

Il ne peut en être autrement puisque tous les phénomènes sont vides d'existence intrinsèque (de substance), véritable (indépendante) et de réalité ontologique. Ces phénomènes que sont l'électron, l'instrument de mesure, l'observateur sont des événements ! Le faisceau de photons utilisés pour localiser l'électron est dit « déterminé » par la conscience de l'observateur au sens où elle est, elle-même, un événement fait de moments interdépendants de conscience successifs.

Le désignant et le désigné (l'observateur et le résultat de la mesure, l'agent et ses actes), la désignation et son résultat (la mesure et son reflet, la pensée et son objet épistémique) sont vides de réalité ontologique et n'ont de caractère efficient (déterminant/déterminé) que conventionnellement par coproduction interdépendante. Il n'y a nul besoin de postuler une base réelle pour expliquer la manière dont les choses existent, mais tant que vous ne serez pas familiarisés avec l'idée que rien ne possède ultimement de « réalité ontologique », vous prendrez la mesure pour déterminant intrinsèque de la « réification » de la chose.

Lorsque ces deux n'alternent pas - Les apparences sont des productions interdépendantes infaillibles et la vacuité est libre de toute assertion -, mais sont simultanées et que la simple vision de l'infaillibilité de la production interdépendante détruit avec certitude tout mode d'appréhension de l'objet, l'analyse qui a trait à la vue est complète 3AV

Sous la vue la plus profonde du sens de l'interdépendance, la mécanique quantique coïncide pleinement avec le point de vue Mādhyamaka Prāsangika. Penser que la mécanique quantique avalise la position du Cittrāmatra ne traduit pas tant une approche réductionniste qui ne s'est pas abstraite de la « vue de l'être » (retranchée derrière la position de l'esprit comme déterminant entitaire) qu'une méprise quant à la compréhension... de la mécanique quantique !

Depuis des temps sans commencement, notre esprit est captif du schéma de pensée de la « saisie (innée) du soi » qui nous fait appréhender le monde comme phénomène et faire l'expérience de la « matérialité » sous des modalités dont nous arguons qu'elles sont l'affirmation de l'existence intrinsèque (substantielle) et véritable (autonome) des objets et de la personne. Dans ces conditions, il est difficile d'en réfuter la croyance implicite et de voir le monde comme une illusion, c.à.d. d'adopter le paradigme de la réalité vue comme événement, ou encore de saisir l'existence en interdépendance comme infailliblement efficiente du point de vue conventionnel (laquelle conception épistémique est vide d'ontologie).

  • Nous voyons le monde comme un jardin sec japonais où des rochers massifs sont entourés d'une mer de sable délimitée par un espace clos. Les rochers y font figure d'immuable, le tracé des vagues d'impermanence. Le vent, la pluie, la neige, y apparaissent tels des événements inconstants au milieu de phénomènes continus. Tout dans ce spectacle (y compris le spectacle lui-même) est comme un événement. Ce qui en différencie les aspects en leur « phénoménalité », c'est leur catégorisation : composé (les rochers, le sable) ; composé impermanent ou accidentel (les aléas climatiques) ; incomposé ou permanent (l'espace sans obstruction). Il est de fait impossible de trouver le « soi de la silice », le « soi des vagues », le « soi de l'espace », pas plus que l'on ne peut trouver en nous le « soi de la personne » qui contemple ce jardin sec en pensée ou en présence...

Ainsi, chaque « événement phénoménal » qui survient dans le monde (de l'infiniment petit à l'infiniment grand), apparaît en dépendance à « l'événement esprit » qui, sous l'événement « désignation conventionnelle », lui confère les aspects, modalités et caractères relatifs à « l'événement existence ».

Dans la « théorie des cordes », les propriétés des particules sont l'expression de la vibration de l'extrémité de cordes infinitésimales (à l'instar d la co-manifestation conditionnée qui fait apparaître les phénomènes comme manifestation par l'expression de la « conjonction de causes et de conditions » vides de substance).

Ce n'est là qu'une description conventionnelle dont la nature véritable est vacuité et qui n'a d'efficience (de caractère déterminant et déterminé) que sur le plan relatif de la « désignation », sans que sa connaissance épistémique soit constitutive d'une ontologie (idéalité de « l'esprit seul »).

Lorsque nous attribuons au monde empirique des caractéristiques telles que la cause et l'effet, nous ne travaillons pas sur la base d'une analyse métaphysique qui prouve le statut ontologique ultime des choses et leurs propriétés. Nous le faisons dans les limites de la convention quotidienne du langage et de la logique (...)

Tant que nous n'investissons pas les choses d'une existence indépendante et intrinsèque, les notions de causalité, d'identité et de différence et les principes de logiques demeurent soutenables. Cependant, leur validité est limitée au cadre relatif de la vérité conventionnelle TUA-76

Il importe toutefois de prendre certaines précautions avec cette vision. Si voir le monde comme événement permet de comprendre plus facilement le fait que les phénomènes sont dépourvus de substance et d'existence véritable, cela n'en demeure pas moins le paradigme d'une pensée... par objet ! Remplacer la notion de phénomène par celle de causalité (des actes de l'agent) reste une « pensée épistémique » limitée de par son instrumentalité dans sa capacité à saisir ce qui dépasse l'ordre du conceptuel. « Les phénomènes ne viennent à l'existence que conjointement avec des esprits qui appliquent des conventions conceptuelles et nominales à de simples expériences non caractérisées » JT.

D'autre part, l'entraînement à voir les phénomènes comme événement, dans l'optique de déconstruire le schéma de pensée qui par la « saisie (innée) du soi » nous fait percevoir les choses comme existant intrinsèquement (avec substance), véritablement (de manière autonome) et ontologiquement (comme une essence nouménale), ne permet pas à lui seul de réaliser le non-soi des phénomènes. La compréhension du vide de substrat de l'esprit ne surgit pas de la contemplation de la conscience comme événement (succession de moments de conscience), mais de l'analyse qui amène à réfuter le soi de l'agent, comme celle du sens le plus subtil de la production interdépendante ne provient pas de la perception des phénomènes comme événement, mais également du raisonnement analytique.

La méditation analytique est le moyen par lequel comprendre l'absence de réalité ontologique (y compris de la vacuité !). Mais, pour parvenir à réaliser la « vue juste », il nous faut détruire « tout point de focalisation» 3AV de sorte à atteindre l'état où « il n'existe plus aucun objet de fixation conceptuelle » 3APC !

Les choses et les phénomènes existent en co-dépendance, basés sur une relation avec un esprit connaissant et désignant, mais rien n'existe - y compris les caractéristiques fondamentales qui composent notre expérience - d'une manière indépendante, auto-engendrée JT

Il est donc essentiel de bien saisir que ce changement de paradigme ne peut intervenir (de manière utile dans le développement de l'esprit) qu'à partir du moment où, parce qu'il comprend la vacuité, l'esprit reconnaît dans la vue des phénomènes (matière et esprit) comme événement, l'expression de leur vacuité (vides de substance, d'existence indépendante et de réalité ontologique).

Penser les choses comme événement ne remplit le rôle de contrepoison de la vacuité à la « saisie (innée) du soi » que lorsque, par la familiarisation, cette évidence s'installe dans l'esprit. Qui plus est, voir le monde comme événement n'est pas l'aboutissement du développement de la sagesse qui réalise la vacuité au-delà du par-delà de toute conception... S'il rapproche de la « vue juste », ce changement de paradigme n'est pas la réalisation de l'ainsité !

Voir, parler et décrire le monde relatif comme événement (par définition vide de substrat interdépendant et impermanent) est plus pertinent que de tenir sur lui un discours comme phénomène, mais le choix de ce paradigme ne constitue pas une cognition plus valide ! Les deux paradigmes le sont tout autant dès lors que l'on prend la précaution d'expurger de l'idée de « phénomène » tout concept de substance, d'existence indépendante et de réalité ontologique.

L'influence de l'observateur en mécanique quantique est parfois traduite par la question « la Lune existe-t-elle dans le ciel lorsque personne ne la regarde ? ».

En mécanique quantique, tout dépend du contexte, c.à.d. de la manière dont l'observateur « interagit » avec l'objet via un dispositif expérimental. Selon les caractéristiques de la mesure, l'électron se comporte comme une onde ou comme une particule sans que ni l'une ni l'autre ne constituent sa véritable nature !

Il ne faut pas en déduire que les choses se comportent comme événement sous le regard de l'esprit ou comme phénomène en interaction avec des « existants premiers ». La Lune n'apparaît pas comme événement à l'observateur et comme phénomène en son absence ! Ces paradigmes ne décrivent pas l'ontologie du réel, mais la manière dont l'esprit conçoit et perçoit (jette son filet) sur les apparences. «Le problème est épistémologique. Comment conceptualisons-nous et comprenons-nous la réalité de façon cohérente ? » TUA-77.

D'ailleurs, certaines choses apparaissent à la fois comme phénomène et comme événement ! Les objets macroscopiques se comportent comme s'ils existaient « avec substance », alors qu'ils ne sont que des« effets de surface », résultats d'événements microscopiques interdépendants... Une horloge est le produit d'un assemblage de rouages sans existence intrinsèque, autonome et ontologique, mais pourtant, elle produit un événement efficient (« donner l'heure »).

La « dualité onde/particule » est le reflet des voiles de l'observateur, qu'il projette sur ce qu'il cherche à comprendre et pose comme un paradigme qui préside au résultat de l'expérience (le comportement atomiste, la « vue de l'être » vs le comportement ondulatoire, la perspective de la production interdépendante). Ondes et particules ne sont que l'expression de paradigmes, formulations conceptuelles qui désignent les choses à l'existence relativiste.

La forme-vide et le vide-forme sont des « isolats » conceptuels ou des manières de décrire la nature véritable d'existants vides de réalité ontologique. Voir les choses comme phénomènes ou comme événements relève simplement de paradigmes relatifs à l'isolat de la « vérité conventionnelle ».

Bien que la réalité du monde extérieur ne soit pas niée, elle est considérée comme relative. Elle est contingente du langage, des conventions sociales et des concepts communs. La notion d'une réalité prédonnée, indépendante de l'observateur n'est pas soutenable. Comme dans la nouvelle physique, la matière ne peut être objectivement perçue ni décrite en dehors de l'observateur - la matière et l'esprit sont codépendants TUA

Quelle que soit la forme sous laquelle les choses apparaissent comme objets à l'esprit voilé par l'ignorance, c'est toujours de manière nominale, par désignation sur la base d'une axiomatique. La classification philosophie bouddhiste tibétaine divise les phénomènes en « composés » (ou impermanents) et « incomposés » (ou permanents). La vacuité est considérée comme relevant de la seconde catégorie. Toutefois, ce n'est là qu'une description argumentaire ! La vacuité ne possède pas de réalité ontologique (« vacuité de la vacuité »). Dire que la vacuité est un « phénomène permanent incomposé » est une assertion !

Il en va de même du fait de penser la vacuité comme événement. La vacuité n'est pas un événement, ni un « non-événement » (phénomène permanent) - bien que « phénomènes composés » et « événements » soient mutuellement inclusifs, car ultimement vides de substance, d'existence autonome, de réalité ontologique -! Ce qui implicitement apparaît comme un événement, c'est la « saisie (innée) du soi » versus l'action (explicite) de poser la vacuité comme son antidote.

Lorsque l'on comprend que les phénomènes sont « vides », il est essentiel de ne pas arrêter là notre réflexion et de continuer à appliquer l'antidote de la vacuité, afin d'éviter d'être tenté de croire que l'idéalité de la désignation (les « existants seconds ») est constitutive d'une ontologie (« l'esprit seul »). Pour cela, il importe de méditer, sous l'éclairage de la compréhension du vide de toute ontologie, le fait que la déclaration selon laquelle « les apparences sont des productions interdépendantes infaillibles et la vacuité est libre de toute assertion » 3AV est, elle-même... une assertion efficiente en son référentiel de désignation, et simultanément... vide de réalité, ce jusqu'à en réaliser l'ainsité !

En science et en philosophie, l'élément moteur est l'étonnement. Leibniz se demanda « pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? » et Einstein s'étonna du fait qu'il nous soit possible de le comprendre ! Notre capacité à connaître le monde est plus complexe encore que sa nature même et il y a peu de chance pour que la philosophie et la science y répondent de notre vivant.

Et pourtant, le Bouddha Sakyamuni en donna la solution, il y a 2500 ans ! « La nature de tous les phénomènes est la vacuité ». Et la philosophie bouddhiste tibétaine du Mādhyamaka Prāsangika (plus particulièrement Nāgarjuna) de préciser le sens le plus subtil de l'interdépendance, « tous les phénomènes n'ont d'existence que sur la simple base de désignation de l'esprit ».

En saisir le sens fait à son tour naître l'étonnement, comme si répondre à la question nous plongeait dans le même état de stupéfaction que de la poser, et pour cause ! Non seulement, ce que nous désignons par le terme « phénomène » est vide d'existence intrinsèque (substance), d'existence véritable (autonome) et de réalité ontologique, mais l'aphorisme de Lama Tsongkhapa en condense toute l'étendue du saisissement en affirmant « les apparences sont des productions interdépendantes infaillibles et la vacuité est libre de toute assertion » 3AV.

Énoncée par un maître éveillé, la proposition est une « cognition valide » et donc... une assertion qui est admise comme valide par convention ! Et cette assertion pose infailliblement (en interdépendance de sa production par le connaisseur de l'esprit) que la vacuité, puisque « libre de toute assertion », n'est pas la connaissance d'une réalité ontologique ni un objet épistémique, mais une connaissance dont la nature est... libre de toute connaissance !

« La vacuité est libre d'assertion » est une assertion qui ne peut pas être prouvée par la vacuité comme la connaissance d'un existant extérieur « réel » puisqu'en sa nature ultime la vacuité est... libre d'assertion ! La vacuité est simplement « vraie » du point de vue conventionnel comme antidote au soi en tant que son assertion, qui est également un phénomène (« composé non associé, ni matière, ni connaisseur » IPPB-93), est une « production interdépendante infaillible » !

Infaillible veut dire que sa nature est vide d'existence intrinsèque (substance), d'existence véritable (autonome), de réalité ontologique. L'assertion « la vacuité est libre d'assertion » est une désignation sur la base de l'esprit dont la cognition est valide du fait précisément... qu'elle est libre d'assertion ! Si la vacuité possédait une réalité ontologique dont il était possible d'acquérir la connaissance, elle ne pourrait être libre d'assertion ! Et puisque cette désignation est une « production interdépendante », elle est également... vide d'assertion !

Autrement dit, il n'est pas possible de trouver en la vacuité, une assertion qui prouve... la réalité ontologique de la vacuité, ni en la production interdépendante une assertion qui prouve... la réalité ontologique de la production interdépendante ! Si c'était le cas, il ne serait pas possible pour les phénomènes d'exister, car c'est seulement parce que leur nature est « vide » de réalité ontologique que les phénomènes peuvent exister en dépendance du connaisseur de l'esprit ! Ainsi, la vacuité et la production interdépendante se démontrent-elles relativement. La vacuité affirme l'existence de la production interdépendante laquelle affirme (conventionnellement) l'existence de la vacuité, leur relativité affirmant la non-existence de leur réalité ontologique.

Nous ne pouvons pas parler de la réalité d'une entité discrète en dehors du contexte de son ensemble d'interrelations avec son environnement et d'autres phénomènes, parmi lesquels le langage, les concepts et d'autres conventions.

Ainsi, il n'existe pas de sujets sans les objets par lesquels ils sont définis, pas d'objets sans sujets pour les appréhender, pas d'agents sans actions (...)

L'existence des choses et des événements est non seulement complètement contingente, mais selon ce principe, leurs identités mêmes sont entièrement dépendants d'autres choses et événements TUA-72

L'hydroponie permet de faire pousser des plantes sans terre. Ce type de culture ne fait toutefois pas, véritablement, pousser les plantes sans support. La terre est remplacée par un substrat qui présente des qualités comparables en termes de support de germination et de croissance. Il n'en demeure pas moins surprenant de voir des plantes germer et se développer en dehors de toute base solide...

L'assertion « la vacuité est libre de toute assertion » est une métacognition, c.à.d. une connaissance qui porte sur une connaissance. Or, pour qu'elle soit portée, il lui faut un support, ce dont elle est dépourvue puisque tout est vide de substance ! La vacuité est vide de base sous-jacente. Il n'y pas « d'existants premiers » qui possèdent des caractéristiques de l'ordre de la substance et... de l'ordre du «connaissable » par le « connaisseur de l'esprit ». L'on ne peut donc que s'étonner de la possibilité d'en établir... la méta connaissance ! Et ça ne s'arrête pas là - ce serait postuler la réalité de l'esprit comme condition de la formulation d'une méta connaissance en l'absence de toute base de connaissance -.

Une plante peut pousser en dehors de la terre, mais elle présentera encore des racines, des tiges, des feuilles, des fleurs, dont nous pourrons avoir la conscience visuelle, tactile, olfactive, voire gustative. Son apparence et les modalités relatives sous lesquelles nous faisons l'expérience de sa « matérialité » sont infaillibles en termes de « production interdépendante ». Or, cette infaillibilité est elle-même... une assertion! Forme, couleur, aspect, apparence, ne sont que des désignations. La plante n'a d'existence que comme assertion et, puisque sa nature véritable est « la vacuité libre de toute assertion », alors cette plante n'a d'existence qu'en tant qu'elle est une... méta connaissance relative sans substrat ou objet réel !

L'idée d'un absolu possédant une base sous-jacente substantielle, existant de manière indépendante et constitutive d'une réalité ontologique, est une fausse vue. Autrement dit, il n'y a « d'absolu » qu'en termes... relatifs ! L'assertion « la vacuité est libre d'assertion » est une cognition valide conventionnement (vraie relativement) en tant que ce qu'elle affirme être « la nature véritable des choses » ne peut être trouvée nulle part en tant que « soi » (résidant ou constitutif) d'une vacuité qui serait elle-même de l'ordre du connaissable.

Ainsi, en va-t-il également de « la loi de causalité » (du karman), infaillible dans le référentiel de la « vérité conventionnelle », alors que la cause et l'effet n'ont de « réels » que le caractère déclaratif, ultimement libre de toute assertion. Tout acte est par nature vide de substance. Il serait erroné de supposer que la cause et l'effet possèdent des qualités nouménales du simple fait de leur efficience. Ils ne sont, conventionnellement, efficients que parce que leur assertion est infaillible car établie mutuellement en coproduction interdépendante.

La nature de l'observateur qui regarde pousser la plante est également vide d'un soi substantiel, autonome et ontologique à différents sens : « saisie (innée) du soi » comme sentiment émulé sur la « vue de l'ensemble périssable » versus la « conscience de Claire Lumière ». Ses agrégats, sa personne, son esprit n'ont eux-mêmes d'existence que comme assertion ! La métacognition affirmant la nature véritable des phénomènes comme étant « libre de toute assertion » n'est pas posée par un esprit dont la substantialité lui conférerait la position idéale pour en établir l'assertion, mais par coproduction interdépendante ! Étonnante « performance magique » dont l'illusion produit une illusion...

Observer la germination et la croissance d'une graine en plante, c'est à travers l'expression de la cause et l'effet être le témoin de l'infaillibilité de la coproduction interdépendante dont l'action est traduite par Lama Tsongkhapa par une autre assertion aussi étonnante, selon laquelle la perception du caractère indubitable de la causalité « de tous les phénomènes dans le samsara détruit entièrement tout point de focalisation » 3AV, ou selon une autre traduction abouti à la compréhension où il « n'existe plus aucun objet de fixation conceptuelle » APC.

La réfutation de l'existence véritable (autonome) du soi des phénomènes consiste ici dans le dépassement de la saisie (et de la conception) du soi de la personne par la méditation analytique qui « détruit avec certitude tout mode d'appréhension de l'objet » 3AV. Le « calme mental » authentique permet de rester, indéfiniment, concentré sur un point de son choix (samādhi) sans aucune perturbation mentale, de sorte à développer la sagesse par la méditation analytique. « Le Bhagavan était alors absorbé dans le samadhi appelé radiance profonde » EPS.

Toute conscience est conscience de quelque chose, disait Husserl c.à.d. qu'il n'y a pas de conscience sans objet. Or, la vacuité est libre d'assertion, de tout objet de pensée conceptuelle, de tout contenu phénoménologique de la « conscience mentale ». Le samādhi d'absorption dans la (saisie de la) vacuité n'est pas au-delà de tout « point de focalisation » ou de « fixation conceptuelle », induit par... la concentration de l'esprit « en un point » ! Méditer la vacuité ne consiste pas à « fixer l'esprit sur le vide » mais, par l'analyse de la non-existence de l'existence de la vacuité comme objet, à nous faire saisir que la nature de tous les phénomènes est vide de réalité ontologique !

Un effet n'est infaillible que parce que la relation qui le relie à une cause (ou à une série de causes) est infaillible ! Le processus qui concentre l'esprit jusqu'à lui permettre d'atteindre un point au-delà de tout «mode d'appréhension par objet »(libre de toute assertion) est établit par une relation causale infaillible... libre de toute causalité ! Autrement dit, le samādhi de « radiance profonde » est libre de toute assertion (apparence conventionnelle), mais puisqu'il est établi en relation infaillible, il est également non vide d'efficience causale !

Pour le cultivateur, l'action d'ensemencer une graine, de l'arroser, de la faire germer, pour la graine l'action de croître, pour la plante celle de pousser, pour la fleur celle d'éclore, sont des causes infaillibles qui engendrent les effets infaillibles de la « production interdépendante » de la plante (vides de substance), dont les propriétés et caractéristiques conventionnelles (vides de réalité ontologique) sont relatives à la désignation « plante », et dont la nature véritable est infailliblement libre de toute concentration (assertive) épistémique et phénoménale.

Dit autrement, l'agent et ses actes sont vides ! Ce « vide » s'entend pour les cinq agrégats comme la réfutation de toute existence substantielle et autonome, ainsi que de réalité ontologique, et pour les actes de l'agent comme l'absence de caractère accidentel (contingent de l'existence), tel que l'exprime le sutra du cœur par l'assertion selon laquelle dans la vacuité, il n'y a ni apparition ni disparition, ni cessation ni transformation. « La nature de tous les phénomènes est la vacuité : ils ne sont pas créés, ne cessent pas, ne diminuent pas, n'augmentent pas (...) à cause de cela, dans la vacuité, il n'y a ni vieillesse et mort, ni cessation de la vieillesse et de la mort, ni souffrance ni cessation de la souffrance » EPS.

Simultanément, l'agent et ses actes sont des productions interdépendantes infaillibles, exprimées par le karman et les « douze liens d'interdépendance », qui maintiennent les êtres migrateurs dans les filets de l'existence conditionnée. Nos actes ont des effets infaillibles ! Il n'y a nul autre ennemi que soi-même et nul autre protecteur que soi-même a dit le Bouddha. Nous seuls détenons le pouvoir de nous libérer de la souffrance et d'atteindre au véritable bonheur, nous seuls pouvons créer les causes infaillibles de notre libération.

Par comparaison avec la nature des phénomènes, la nature de la causalité des actions de l'agent peut se définir en tant que pendant : du « vide d'existence intrinsèque » (substance) comme un vide de force substantielle ; du « vide d'existence véritable » (autonome) comme un vide de pouvoir autonome ; du pendant du « vide de réalité ontologique » comme un vide de puissance réelle. Et pourtant, l'infaillibilité de la causalité n'est pas seulement valide comme assertion, elle est efficiente au-delà de la rhétorique et de l'épistémologie !

L'ignorance qui origine la chaîne de causalité des « liens d'interdépendance » cesse lorsque l'esprit réalise la vacuité, soit au moment où la vue juste manifeste son effet qui est de ne plus produire de « projection karmique » ! « Il n'y a pas de saisie une fois vue la vérité ; libéré de la soif, il n'y a aussi plus d'existence conditionnée » EVE-101. Mais, il y a toujours un agent à partir de la voie de la vision du Mahāyāna, sauf que ses actes... n'on plus d'effet karmique ! Cette neutralité des actions des ārya bodhisattvas n'est pas synonyme de « cessation » de la cause et de l'effet, mais l'expression d'une force animée par le pouvoir de la sagesse et de la compassion et alimentée par la puissance de « l'esprit l'Éveil ».

Tous les états d'esprits sont de trois natures, non vertueux, vertueux, ou neutre, selon que les actes auxquels ils nous entraînent sont causes de souffrance, de bonheur ou d'un état équanime. L'aspiration pour la connaissance est vertueuse lorsque son objet est la compréhension de la voie pour atteindre la libération, non vertueuse s'attachant aux opinions mondaines, et neutre quant aux autres (telles les sciences pures, les neurosciences, la philosophe de l'esprit, etc.).

La connaissance scientifique n'est pas directement source d'afflictions mentales, mais elle peut devenir une forme insidieuse de désir-attachement lorsqu'elle se transforme en soif irrépressible de comprendre. Et même si elle n'entraîne pas à l'addiction, vouloir comprendre la nature des phénomènes peut être douloureux dès lors que la conception que l'on a de cette nature est basée sur le postulat de la réalité ontologique, autonome et substantielle de l'être des choses. C'est sans fin que chaque nouvelle pièce du puzzle fait surgir de nouvelles questions, sans cesse plus épineuses et plus complexes dans leur résolution, comme si la réponse était une ligne d'horizon fuyante à jamais impossible à atteindre...

La méditation analytique du non-soi des phénomènes, nous amène à réaliser la futilité de la quête de connaissance d'un soi ontologique qu'il est impossible de trouver nulle part. A contrario, la contemplation analytique du vide d'existence nouménale d'un soi immanent (du désigné et du désignant), nous libère par la compréhension que sa nature véritable (« libre de toute assertion ») est une assertion infaillible en sa « production interdépendante » elle-même libre d'assertion. « Cette simple vue de l'inéluctabilité des origines interdépendantes fera naître une certitude qui élimine toute conception erronée » 3AV.

Saisir l'infaillibilité de la production conditionnée (la forme-vide) à la saisie de l'infaillibilité de sa nature «libre de toute assertion » (le vide-forme), écarte les « vues extrêmes » de l'éternalisme et du nihilisme vers lesquelles nous entraîne une connaissance conçue comme « connaissance d'un connaissable », « lorsque vous savez que les apparences écartent les extrêmes de l'existence et que la vacuité dissipe l'extrême du nihilisme et comment la vacuité apparaît comme la cause et l'effet, vous ne serez jamais plus asservis par les fausses vues » 3AV.

Comprendre que « la vacuité est libre de toute assertion » comme la définition de la nature ontologique de la vacuité, c'est par acception modale considérer les phénomènes comme « non-être » ! Comprendre «l'inéluctabilité des origines interdépendantes » comme l'infaillibilité de l'assertion « la vacuité est libre de toute assertion », c'est par l'acception amodale (de cette métacognition) voir que tous les phénomènes sont, à la fois, vides et existant relativement (avec efficience dans le référentiel de la vérité conventionnelle »).

Dès lors, l'insatisfaction instillée par l'impossibilité de trouver le soi nouménal des phénomènes fait place à la sérénité et à la joie, illuminée de certitude. Sérénité au fait de savoir qu'il n'est plus nécessaire de « se torturer les neurones » pour essayer de définir comme objet épistémique la nature véritable des phénomènes, puisque celle-ci est libre de toute assertion ! Joie quant au fait de connaître la réponse à nos questions en découvrant que celle-ci n'est pas un Himalaya inaccessible, mais un Mahāyāna réalisable, non pas un « filet magique » mais une connaissance au-delà du par-delà de toute connaissance (Prajñāpāramitā) consistant en l'union de notre esprit à la vacuité libre de toute assertion !

Le bouddhisme établit une différence entre la matière et l'esprit, au point d'en être parfois trop... littérale ! Ainsi, l'école de pensée Vaibashikas (hīnayāniste), définit les composés matériels relativement à deux caractéristiques, la « forme contour » et la couleur. Également surnommés « Tenants des particularités », ils affirment que l'ombre parce qu'elle possède une forme et une couleur serait par définition de la matière ! Une croyance qui ne résiste pas à l'examen scientifique, encore moins à l'analyse du Mādhyamaka Prāsangika. Toutefois, ne croyons-nous pas nous-mêmes en la « profondeur » du reflet dans un miroir, comme nous croyons réelle la « localité » et la « temporalité » des apparences alors qu'elles sont vides ultimement de toute réalité ontologique ?

Concernant la manière de cultiver « l'esprit d'Éveil » (« cause du parfait bonheur de l'insurpassable éveil » 3AV), Lama Tsongkhapa fait une description réaliste de la condition des êtres migrateurs dans le samsāra, dont l'allégorie pourrait être la transcription d'un rêve tant la comparaison fait écho à des expériences pouvant y êtres vécues qui, bien qu'elles soient le pur produit de l'imaginaire onirique, présentent un caractère indéniablement tangible pour le rêveur ! « Emportés par les forts courants des quatre grandes rivières, ligotés par les liens serrés des karmas si difficiles à éliminer, pris au piège dans les filets d'acier des conceptions d'un soi, les êtres sont ensevelis dans l'épaisse noirceur de l'ignorance » 3AV.

Cette adversité qui nous assaillit est-elle réelle ou fictionnelle ? Qui devons-nous libérer, le rêveur de souffrances fictives ou l'esprit en proie à l'illusion d'un rêve qui le malmène par ignorance de sa véritable nature des agrégats ? N'est-ce pas la réflexion que nous nous faisons au réveil ? « Ce n'était que cela ! ».

Pour entrer dans la voie, nous devons développer le renoncement aux merveilles et bonheurs du samsāra, lesquels sont un envoûtement contaminé. Puisque la nature de tous les phénomènes est la vacuité « libre de toute assertion », il n'y a donc pas de « filets d'acier » (existant intrinsèquement) qui constitueraient une prison véritable (existant de manière autonome), de laquelle un outil réel (comme la clé de sa connaissance ontologique) pourrait nous libérer des chaînes réelles.

Ces « forts courants » qui nous emportent dans « l'épaisse noirceur » de la nuit de notre ignorance ne possèdent pas de caractère substantiel. Relativement, cette adversité n'est rien d'autre que cela, le produit d'assertions erronées et de jugements partiaux, instillées par les « préoccupations mondaines », impulsés par la préoccupation de l'ego à son chérissement, induit par la « saisie (innée) du soi » ! Dans la vacuité, il n'y a ni, ultimement, ni samsāra ni nirvāna ! A cause de cela, la libération consiste à développer la sagesse qui réalise que cette prison conceptuelle (la conception du soi) n'a de pouvoir sur notre esprit que parce que nous la désignons infailliblement comme tel, de sorte à en « couper la racine » en changeant de paradigme...

Les phénomènes composés et leurs propriétés matérielles (formes, dimensions, couleurs, poids, etc.), l'espace et le temps, les modalités de l'expérience de la « matérialité » (chaud, froid, etc.) sont comme les ombres macroscopiques d'un « jeu de perspectives » projetés de mouvements atomiques... Les apparences conventionnelles sont l'ombre de nos assertions, infaillibles en leur co-production interdépendante désignées par l'esprit, causalement efficientes car assertives de la croyance en leur réalité ontologique.

En tant qu'agent, nous nous pensons distincts de nos actes. Dans le courant des traditions spirituelles du Vedanta et du yoga, l'esprit est une entité autonome (le Soi) qui d'incarnation en incarnation subit, fataliste, les effets de ses actes passés. Dans nos échanges avec les autres, il est essentiel de se rappeler que la personne n'est pas ses actes. L'ennemi, ce n'est pas l'autre, ce sont ses (et nos propres) perturbations mentales ! Toutefois, il importe ici de nous abstraire de cette perspective identitaire et d'élargir notre champ de perception...

Les « actes » conçus comme l'expression tangible de la force propre d'un « agent », lui-même vu comme entitaire, est une vision réductionniste, biaisée, induite sur la base de la cognition erronée d'un soi. L'agent et ses actes sont « vides » de réalité ontologique, leur nature véritable est « libre de toute assertion » et cette assertion métacognitive, formulée en interdépendance du connaisseur de l'esprit, est de fait causalement infaillible.

Ainsi, les « filets d'acier » du samsāra sont-ils vides de substance et d'existence autonome sans être dépourvus de force, de pouvoir et de puissance, comme l'air impalpable qui sous la force insubstantielle du vent emporte tout sur son passage... Ultimement, il n'y a personne à libérer et il n'y a pas de prison ! Et simultanément, il n'y a pas d'effet sans cause ni d'actes sans agent !

Tel le vol de nuées d'étourneaux dans les arabesques aériennes desquelles notre cerveau interprète les figures par paréidolie comme des formes structurées, il n'y a pas d'objets qui se meuvent, mais seulement du mouvement qui, selon l'angle, la perspective et le prisme de la « vue de l'être » apparaissent comme des objets dotés de substance, autonomes et possédant une réalité ontologique.

En tant qu'êtres doués de conscience, nous nous pensons distincts du contenu de notre phénoménologie mentale. Selon la philosophie bouddhiste tibétaine, la conscience est un « courant » fait de moments de conscience successifs, qui tel un fleuve s'écoule sans commencement ni fin. A l'instar des ballets aériens de nuées d'oiseaux ou des chorégraphies sous-marines de bancs de poissons, le « connaisseur de l'esprit» n'est pas une entité substantielle autonome, mais un ensemble d'éléments composites dont les agrégats constitutifs sont eux-mêmes insubstantiels et dépourvus de réalité ontologique. Et cela va encore plus loin...

En tant que « êtres migrateurs », notre existence conditionnée est la « projection karmique » de nos actes passés. Notre corps, nos capacités, nos conditions de vie, notre devenir, etc. sont l'expression des karman accumulés dans nos vies antérieures qui égrènent leurs fruits (positifs et négatifs) depuis des vies sans commencement. Seuls les Bouddha peuvent embrasser toute la complexité de l'infinie diversité de l'infinie combinatoire des croisements qui en constituent le réseau « global, vaste et profond », où le détail le plus infime se décompose en détails encore plus subtils jusqu'à la vacuité libre de toute assertion...

Il n'y a pas d'agent qui ne soit le produit d'actes, ni d'acte qui, au niveau le plus infinitésimal et subtil, ne soit lui-même... un agent ! Tel un nuage (qui semble) fait de points à l'entrecroisement de lignes (qui apparaissent) faites de points sans dimension... L'agent est comme une illusion de perspective qui émane du jeu d'une illusion, laquelle apparaît comme phénomène composé impermanent (substantiel et autonome), existant de manière ontologique sur la base de la performance magique de la « saisie du soi».

Tout est issu de causes. La conscience n'est pas une simple collection d'instants de conscience sans rapport entre eux qui se suivent sans raison - ce n'est pas parce que nous n'en percevons pas la cohérence que cette succession n'est pas causalement chaînée -. La conscience est « une succession rapide d'actes de connaissance momentanés » DEB-150 qui s'enchaînent... en parallèle ! Elle n'est pas constituée d'un seul et unique acte de connaissance sans cesse répété, mais de sources multiples issues des consciences sensorielles et mentale.

Par analogie, imaginez un groupe d'archers qui, au même moment, décochent leurs flèches sur l'ennemi. Du fait de leur force respective, de la tension de leur arc, de leur position, de leur habilité (et d'autres conditions comme la force du vent, etc.), ces flèches ne vont pas atterrir au même instant et au même endroit. Pourtant, du « point de vue de l'observateur » (celui qui les voit se précipiter sur « soi »), elles apparaîtront... telle une nuée animée d'un même comportement !

Sous l'effet d'un « jeu de perspective », la succession rapide des actes de connaissance apparaît intérieurement (par un effet de « décalage relativiste » qui fait paraître globale leur vitesse de déplacement respective), comme un ensemble cohérent constitutif d'un « objet épistémique » (le sujet), dont la saisie relativiste entraîne à son tour l'émulation d'une phénoménologie mentale (tel un phénomène de paréidolie interne), dont émerge le sentiment de la conscience de sa propre existence comme sujet.

L'aspect de la conscience qui perçoit se nomme aspect subjectif et l'objet qu'elle perçoit se nomme aspect objectif [la définition est spécifique aux « 37 facteurs d'Éveil » des Bouddhas, mais pertinente puisque la conscience possède en elle... la potentialité d'un Bouddha]. 

L'omniscience se divise en deux : les aspects du sens (soit l'objet ou objectifs) et les aspects de la conscience (subjectifs), pour la raison qu'il y a un sujet qui perçoit l'objet (ce qui est perçu). IPPB-124

De fait, le connaisseur de l'esprit et l'existence conditionnée des êtres migrateurs sont telles les deux pôles de la Terre, des aspects différenciés ou « isolats » d'une seule et même chose dont la forme est relative au point de vue considéré.

Ainsi, la déclaration de Lama Tsongkhapa sur le développement de la bodhicitta, décrit la condition existentielle des « êtres ordinaires » (prisonniers de leurs émotions perturbatrices), sous l'heuristique du fonctionnement cognitif de leur esprit voilé, relativement à leur captivité dans le samsāra, sur la base de la « fausse vue » de la conception d'un soi de la personne et des phénomènes.

Sous cet angle, les « quatre grandes rivières » représentent selon le caractère causal de la propulsion des êtres migrateurs dans le samsāra : la force du désir, le devenir, les fausses vues et l'ignorance ; et selon leur caractère résultant : la naissance, la vieillesse, la maladie et la mort ; lesquels sont également le reflet des trois sortes de souffrance (« du changement », « de la souffrance », et de la souffrance omniprésente), dont la réflexion a pour but d'inspirer la compassion. « Nées sans fin dans l'existence cyclique et tourmentées incessamment par les trois sortes de souffrances, vos mères sont prises dans une situation difficile. Réfléchir à leur condition fait naître la suprême intention » 3AV.

Shakespeare fait dire à Prospéro dans la Tempête « nous sommes faits de l'étoffe dont sont tissés les songes ». Ainsi, le connaisseur de l'esprit est tissé d'actes de connaissance momentanés et l'agent de ses actes. Les deux forment une trame dont les fils sont étroitement entremêlés entre les deux pôles du savoir et de l'être. Ignorant l'étendue et la complexité du réseau « vaste, global et profond » de l'interdépendance dont ils sont la co-manifestation conditionnée, voilés par l'ignorance, nous n'en voyons que des bribes, que par ailleurs nous percevons comme des isolats distincts de l'esprit et de l'agent, tel le sommet de montagnes abstraits de la chaîne dont elles ne sont que la partie émergente.

Tout est composé d'événements interdépendants, de phénomènes en interaction continuelle, sans essence fixe ou immuable, entretenant des relations dynamiques constamment changeantes. Les choses et les événements sont vides en ce qu'ils ne possèdent pas d'essence immuable, de réalité intrinsèque ou d'être absolu conférant l'indépendance TUA-52

Non seulement, l'agent est tissé de ses actes, mais aussi de ceux des autres ! Le karman est strictement individuel. Il n'y a pas de karman collectif, seulement la maturation coïncidente de karman individuels (telle pandémies et guerres). Nous sommes notre propre ennemi, notre propre protecteur et... le témoin (des effets) de nos actes. Pour autant, nous ne devons pas notre bonheur à nous seuls !

Si je bénéficie de la « précieuse vie humaine », c'est parce que j'en ai acquis les mérites dans mes vies précédentes. A eux seuls, ces mérites ne m'auraient pas permis de la concrétiser ! C'est grâce aux bontés de mes parents que j'ai pu accéder à l'incarnation et en arriver là où j'en suis. Et si j'ai pu accumuler les bienfaits dont je bénéficie, c'est grâce aux êtres sensibles, car sans eux envers qui aurais-je pu accomplir des actes vertueux dans mes vies passées ?

L'intrication entre l'agent, ses actions et les actions des autres, est beaucoup plus vaste, globale et profonde que la vue superficielle (réductionniste) que leur perception duelle nous permet d'en concevoir sous la vue de l'être. Ce qui fait du karman, le phénomène le plus complexe à réaliser - uniquement saisissable à l'omniscience des Bouddhas -, car de même que chaque instant dans l'univers est l'aboutissement de tout ce qui l'a précédé jusqu'à présent, chaque moment de connaissance, chacune des actions produites par l'agent sont infailliblement le résultat de moments antérieurs de conscience autant que « les causes et les effets de tous les phénomènes dans le samsāra et au-delà sont infaillibles » 3AV.

Et croyant voir des « agents » en action tels des objets qui se meuvent là où il n'y a que l'interdépendance, nous demeurons centrés sur nos préoccupations, piégés dans nos assertions perturbatrices qui inhibent la compassion pour autrui.

L'agent n'a pas d'existence intrinsèque. Ce n'est qu'un simple nom qui désigne un entrelacs de causes et de conditions qui, sous la perspective de la conception d'un soi, apparaît comme un individu autonome. Mais, s'il ne possède pas de réalité ontologique et que sa conscience est un lacis tressé par « une succession d'actes de connaissance momentanés » - qui dessinent une figure d'interférence épistémique sous l'effet relativiste de leur vitesse d'enchaînement - de son point de vue subjectif, l'agent... se perçoit exister comme personne !

L'agent vit, respire et souffre... indéniablement ! Ses ressentis corporels et les perturbations émotionnelles qui affligent sa phénoménologie interne sont aussi infaillibles en leur coproduction conditionnée que la vacuité de sa nature véritable est libre de toute assertion au-delà de la « saisie du soi ». Et nous devons aussi infailliblement notre existence actuelle et celle de toutes nos vies passées - simple apparence d'agrégats tissés d'une conjonction de causes et de conditions karmiques de projection et d'expérience - aux innombrables bontés des êtres sensibles qui, tous, ont été les mères tisserandes de l'entrelacement sans commencement de ce réseau « vaste, global et profond » de l'interdépendance.

Lorsque la vue juste du vide-forme (la vacuité « libre d'assertion » comprise comme assertion infaillible en sa production causale) n'alterne pas avec la vue juste de la forme-vide (la production dépendante infaillible comprise comme une assertion libre de toute assertion), mais sont simultanées, et que « la simple vision de l'infaillibilité » de la production interdépendante des souffrances de l'agent « détruit avec certitude » toute indifférence quant au sort des êtres sensibles, l'aspect de la voie qui a trait à la compassion est acté.

Lorsque l'analyse des trois aspects de la voie (renoncement, bodhicitta, vue juste) se trouve ainsi close, l'entraînement de l'esprit peut dès lors déboucher sur leur réalisation, telle que l'écrit Lama Tsongkhapa dans la dernière strophe de son texte. « Lorsque vous avez correctement saisi l'essence de ces trois principaux aspects de la voie, mon enfant, recherchez l'isolement et fortifiez votre persévérance afin d'accomplir rapidement votre bien-être éternel » 3AV.

Cette sage recommandation de « rechercher l'isolement » fait écho au texte d'un autre grand maître, Gyalsé Ngultchou Thogmé, qui prescrit aux bodhisattvas (sur la voie de l'accumulation et de la préparation) de s'isoler du quotidien mondain afin d'éviter à leur esprit toute affliction susceptible d'être déclenchée par les préoccupations mondaines. « Loin des lieux néfastes, les émotions négatives peu à peu s'évanouissent ; Loin des distractions, une conduite vertueuse naturellement se développe ; De l'esprit clair surgit la confiance dans les enseignements : S'établir dans la solitude, c'est agir en bodhisattva » 37.

A ce stade du développement de l'esprit, la solution idéale (en apparence) serait de quitter la société, en se retirant dans un monastère ou comme Milarepa de « méditer au désert » loin de toute adversité (dans les relations avec les autres), pour nous concentrer sur notre réalisation. Autrement dit, « retirez-vous dans la solitude et développez la force de l'effort » 3APC, c.à.d. cultiver « l'effort joyeux » à la pratique dans l'éloignement de l'agir mondain. Toutefois, rechercher l'isolement après avoir déconstruit notre vision des choses et changé de paradigme aux fins de... saisir les choses telles qu'elles sont peut paraître paradoxal ! De plus, la solitude n'est pas le plus propice au développement de la compassion...

L'essence du Mahāyāna est de travailler à nous libérer du samsāra et de faire naître en nous les réalisations qui nous permettrons, ultimement, d'aider les êtres sensibles à se libérer de leurs souffrances et à s'établir dans la félicité de la Bouddhéité. Mais, l'esprit de la voie, c'est aussi d'utiliser les circonstances adverses et défavorables lorsqu'elles surviennent (« mêmes si d'indésirables souffrances pleuvent abondamment sur nous... » EVE-296), comme moyen de développer les vertus transcendantes (paramita) afin de réaliser l'Éveil !

L'on nage plus vite en s'aidant de la force du courant, mais il est aussi possible d'atteindre l'autre rive... en nageant à contre-courant et malgré les remous ! De plus, comment souhaiter aider les êtres sensibles en pensant d'abord à soi, alors que tant souffrent à chacun instant, de la maladie, de la guerre, etc. ? Il y a trois manières de développer « l'esprit d'Éveil » selon le Lamrim, tel un roi, un berger ou un batelier : par le désir d'atteindre d'abord soi-même la Bouddhéité ; après y avoir établi tous les êtres ; ou en souhaitant l'atteindre en même temps.

Inversons la perspective et au lieu de demander contre quoi l'isolement protège, interrogeons-nous sur ce qu'il permet d'après la prescription aux bodhisattvas de s'établir dans la solitude : le développement de l'éthique, la pacification de l'esprit, la clarté de l'analyse ; autrement dit, ce qui est obtenu par l'entraînement... aux deux méditations, de concentration et analytique ! Sous cet angle, développer la force de l'effort dans l'isolement se lit ainsi comme la recommandation (lorsque l'analyse ayant trait à la vue juste est achevée) de demeurer, dans l'agir, l'esprit concentré au-delà de tout point de focalisation (l'union du « calme mental » et de la « vision supérieure ») sur la vacuité libre d'assertion.

La vacuité n'a pas d'existence intrinsèque. Elle ne se voit pas, car elle n'a pas de réalité ontologique. «Libre de toute assertion », sa saisie n'est pas de l'ordre du conceptuel ni du perceptible. La vacuité est seulement posée comme antidote à la croyance en l'existence substantielle et autonome des phénomènes. A partir du moment où l'esprit, à l'issue de son analyse, comprend la « vue juste », il doit... cesser d'analyser pour la réaliser ! Autrement dit, laissons derrière nous le radeau qui a pour seule utilité de traverser la rivière...

Si l'unification de l'esprit au-delà de tout « objet épistémique » et par-delà toute assertion conceptuelle s'obtient par la méditation - et se maintient, ultimement, dans l'esprit des Bouddha -, il demeure intermittent pour les pratiquants qui sont encore sur la voie du Mahāyāna. En période de post-méditation, particulièrement celle qui encadre la méditation visant à réfuter le « soi de la personne », outre de s'entraîner à voir tous les phénomènes comme un reflet (ou comme un rêve), et quelque soit le type d'activité dans lequel il est engagé (dans un cadre mondain, monastique ou anachorétique), le pratiquant ne peut s'abstraire de l'expérience de l'agir... mais il peut s'appliquer à parfaire son développement spirituel !

Cela semble antinomique à première vue. A l'instar du continuum de conscience, constitué d'une succession hétéroclite d'actes de connaissance (asynchrones et sériels) momentanés, le « courant de l'agir» est un fleuve perpétuellement agité des remous des actions des êtres sensibles, dont les trajectoires s'entrechoquent à la croisée des ambitions de leurs existences conditionnées. Or, ce dont il s'agit précisément de s'abstraire, c'est de la « fixation conceptuelle » de la saisie du soi de sorte à dépasser toute assertion quant à l'agent et à ses actes...

Là où la philosophie du yoga vise la « cessation des activités du mental » dans l'union à Soi au sein de l'agir, la voie bouddhique expose le chemin de l'agir décohéré de la « saisie (innée) du soi », où demeurer l'esprit concentré dans le « non-agir comme soi » (au-delà de tout point de focalisation), en synergie avec la vacuité de « l'agir comme non-soi »(libre de toute assertion).

  • Remémorez-vous une situation dans laquelle vous êtes à l'épicentre de tensions, submergé, saturé, écrasé par la pression et les injonctions contradictoires... où vous êtes sujet à une attaque personnelle de votre entourage, professionnel, familial... où vous vous sentez dénigré, blessé (volontairement ou non) ... Ce que vous ressentez de manière particulièrement vive et douloureuse, c'est la « saisie (innée) du soi », le « moi » assailli, le « je » agressé, l'ego injurié !

  • Réfléchissez ! Ce « soi » qui crie sa douleur, hurle sa colère, vomit son aversion, qui réclame personnellement réparation pour l'injustice subit, ce « soi » que vous prenez pour « vous », que vous identifiez à votre personne, ne se trouve nulle part dans vos agrégats ! Personnage fictif joué par un acteur qui lui-même n'est qu'une étiquette mise en désignation, ce « soi » dont vous éprouvez la souffrance cruelle est, ultimement, vide d'existence intrinsèque (de substance), d'existence véritable (autonome) et de réalité ontologique !

  • Ce « soi » affabulé, ressenti sur la base du sentiment implicite de sa « saisie innée », n'est qu'une pure mystification induite par l'ignorance, de la performance magique de laquelle surgit l'illusion d'un agent identitaire, conçu comme entitaire, unitaire et nouménal, lequel nous instille à son tour l'ensorcellement du désir-attachement pour les merveilles et les bonheurs contaminés du samsāra...

Ainsi, les « trois aspects de la voie » constituent des changements de paradigmes du connaisseur de l'esprit qui entraînent la modification du comportement de l'agent : le renoncement est la déconstruction de « l'agir comme soi » par l'adoption du modèle (éthique) du « non-agir comme soi » ; la vue juste est la destruction de la « saisie (innée) du soi » par l'adoption de « l'agir comme non-soi » (à la réalisation de la vacuité du soi) ; l'esprit d'Éveil est la réalisation de la bouddhéité par l'adoption du modèle (altruiste) du « para agir comme non-soi » (par compassion pour le bien de tous les êtres sensibles).

La recherche du bonheur égoïste de l'agent est la cause karmique infaillible de toutes ses souffrances, mais pour « l'agent ordinaire » (qui n'a pas réalisé le non-soi) adopter le point de vue consistant à « agir comme non soi » en réponse aux circonstances adverses peut toutefois être perçu comme une atteinte à son libre-arbitre ! Avez-vous remarqué que la « saisie du soi » est plus forte et les afflictions qu'elle engendre plus douloureuses à proportion de l'atteinte de votre capacité de décision ? 

Dans le monde du travail, la frustration et la colère instillées par la charge de travail, l'urgence, le manque de moyen, de personnel, d'autonomie, qui conduisent à l'épuisement professionnel sont d'autant plus grandes lorsque la « saisie du moi » est exacerbée par un sentiment de contrainte, d'inefficacité, d'impuissance, accentuées par l'inertie d'une hiérarchie elle-même prise dans la cécité de l'agir comme soi... Mais, en quoi le renoncement à cet agir serait-il un abandon de toute velléité de décision et l'abdication du libre-arbitre ? Peut-on seulement parler « de capacité d'autodétermination » pour l'esprit sous l'emprise de vues fausses, erronées ou extrêmes, initiées par la « saisie (innée) du soi » ?

La réalisation du non-soi de la personne n'est aucunement la cessation de l'agent dont l'existence n'est pas inhérente à l'ignorance ! Le renoncement ne peut être forcé, c'est un choix délibéré dont l'expression spontanée et authentique est le résultat d'un changement de perspective volontaire, à l'appui de la contemplation et de la réflexion sur les souffrances du samsāra, qui fait naître le désir d'en être libéré. Il n'est donc aucunement un « abandon » du libre-arbitre de l'agent !

L'agir reflète le connaître. Si les racines sont empoisonnées, la plante aussi... Si la connaissance est contaminée par les voiles de l'ignorance et des émotions perturbatrices, les actes le sont aussi. A l'inverse, si la connaissance est valide, les actes le sont également. « Agir comme soi » et « para agir comme non-soi» sont aux antipodes. Il n'y a pas d'action juste sans connaissance juste !

L'agent aveuglé par l'ignorance et la recherche de son plaisir égoïste, agit-il véritablement en pleine conscience ? Animé par les préoccupations mondaines, l'agent qui accumule du karman négatif, dont les fruits l'impulsent à commettre à nouveau les mêmes méfaits dans un cycle sans fin, fait-il réellement preuve de libre-arbitre ? 

Sujet de la peur, revendiquant son droit à ne pas être vacciné au risque de nuire à quiconque par la préoccupation égoïste de son sort agit-il de manière juste ? Alimentant son obscurantisme aux théories du complot, l'agent dont la pensée est biaisée a-t-il une connaissance valide du vrai et du faux ? 

Mû par l'orgueil, la folie des grandeurs et l'absence totale de compassion, l'agent qui lance ses armées à l'assaut d'un pays en tirant sans distinction sur des civils qu'il prétend être de la même nationalité, agit-il de manière juste (sans se créer du karman négatif) pour une raison valide inférée d'une connaissance valide ?

Est-ce qu'une réelle liberté impliquerait tout simplement de faire, de dire ou de penser tout ce que l'on veut ?

Être libre signifie avoir la possibilité de créer son bonheur sans entraves ou obstacles.

Faire uniquement ce qui nous plait, sans se préoccuper de ce que les autres pensent, ni de s'imposer de limites ni aucune discipline ou de poser des actes négatifs sans conscience et de ne pas ressentir de gêne ou de honte pour nos actes, n'est pas de la liberté. Agir ainsi c'est être dominé par le pouvoir de ses propres perturbations mentales.

Lama Samten, 108 Questions & Réponses

Le libre-arbitre est une construction de l'esprit voilé qui, en se subordonnant au désir-attachement et à l'aversion s'enferme dans « l'agir comme soi », croit ses droits et sa liberté menacées, alors que s'opposer à ce qui lui apparaît (par méprise et ignorance) comme « privatif de liberté » a pour effet infaillible de renforcer l'emprise de la « saisie (innée) du soi » et donc sa souffrance !

La capacité à décider se mesure au résultat. Une vanne thermostatique réagi à son environnement et pourtant ne fait pas de choix autonome ! La liberté au sens bouddhique s'entend comme libération de la souffrance, le nirvāna, qui coïncide avec la réalisation de la vacuité. La noble vérité de la souffrance est révélatrice de l'esprit plongé dans l'obscurité de l'ignorance, sa réalisation de l'agent extraordinaire mû par compassion pour le sort de tous les êtres sensibles.

Sous la perspective Mahāyāna, le développement de la capacité de l'agent à s'autodéterminer sur la base d'un discernement valide et vertueux peut être vu comme la pratique des « trois aspects de la voie » : 

  • le renoncement à « l'agir comme soi » de l'agent ordinaire mû par la saisie du soi et « le non-agir comme soi » ouvre la porte à (1) la voie d'accumulation et l'amène à
  • (2) la voie de préparation ; la vue juste du « non-agir comme soi » de l'agent ordinaire qui respecte le karman et de « l'agir comme non-soi », ouvre la porte à
  • (3) la voie de la vision ; la bodhicitta de « l'agir comme non-soi » de l'agent extraordinaire (arya qui a réalisé la vacuité) ouvre la porte à
  • (4) la voie de la méditation (de l'agent extraordinaire, arya bodhisattva, sur les dix terres des paramita), qui par le « para agir comme non-soi » ouvre la porte à (5) la voie au-delà de tout apprentissage, l'état de Bouddha (agent à la connaissance omniscience).

Dans le bouddhisme, le mandala de sable est une pratique qui vise, entre autres, à se familiariser avec l'impermanence. Les moines passent des journées entières à confectionner de magnifiques mandalas de sable - représentations des qualités des Bouddhas, lesquelles sont visualisées sous forme de « palais mentaux » en méditation - pour... les balayer d'un revers de main une fois achevés ! Songez aux réactions qui surgissent en vous lorsque ce que vous avez construits avec beaucoup de patience, de temps, d'efforts et d'énergie est soudain détruit par un événement impondérable ou par l'intention malveillante d'un tiers...

Dans la tradition du vedanta, le mental indiscipliné est comparé à un singe fou, ivre, piqué par un scorpion et habité par un démon[i] ! A quoi l'on peut ajouter... tombé dans un fleuve agité de turbulences, entraîné depuis des temps sans commencement par des rapides vers une cascade bouillonnante qui le précipite sans fin dans un nouveau cycle de souffrances ! Telle est la situation existentielle (conditionnée) de l'agent ordinaire emporté par l'égocentrisme de « l'agir comme soi », tissé du courant du samsāra, noué des conséquences de ses actes...

Pour l'agent ordinaire le libre-arbitre ne se mesure pas au résultat. Peu lui importe que ces choix soient basés sur une cognition invalide, ne soient ni les meilleurs, ni les plus justes dès lors qu'il a la possibilité... de faire des choix ! Laquelle répond à un désir de bonheur légitime, perverti quant à son objet, son aspect, sa qualité et sa forme par la vision fallacieuse du dictateur autocratique de la « saisie (innée) du soi », qui l'assujetti à un agir tyrannique sous l'aiguillon d'impulsions incontrôlées, irréfléchies et irrationnelles quant aux conséquences karmiques de ses actions sur autrui, causes de sa propre géhenne sans fin...

Dans le bouddhisme, il n'est pas nécessaire de pratiquer des méditations dédiées à chaque déité, car elles participent toutes de la même énergie et des mêmes vertus transcendantes. En réaliser une, c'est les réaliser toutes ! Toutefois, il importe de pratiquer la même technique au quotidien pour développer l'esprit par les qualités de l'entraînement à l'éthique, à la concentration et à la sagesse.

L'esprit est un courant changeant et la stabilité authentique un long chemin. Pour évoluer, il faut s'observer afin de prévenir ses réactions. Or, l'esprit ordinaire est prompt à se juger. Il peut donc arriver d'être insatisfait de sa pratique. Ne le soyez pas ! La répétition est le moyen de s'entraîner à se détacher de toute attente et de tout jugement quant au résultat. Nous devons apprendre à laisser de côté toute assertion pour entrer dans le courant de « l'agir comme non-soi » où l'esprit devient clair comme de l'eau versée dans l'eau...

Être impuissant à agir, ne pas avoir d'autre choix que d'agir de manière imposée, voir quelqu'un nuire aux autres sans rien pouvoir faire pour l'en empêcher, où agir librement mais voir le résultat de ses actions jeté, piétiné ou détruit plonge l'agent ordinaire dans de profondes afflictions. Imaginez-vous dans ces situations, puis posez-vous la question : « qui est impuissant à agir ? ».

Une semblable confusion, comment se conçoit-elle ?

Le manque de compassion est bien l'énorme faute

Avec l'aveuglement stupide qui tout obscurcit.

Pourquoi cultiver ainsi des méfaits

Par désir excessif de commettre telle ou telle action ?

De quoi peut bien être faite l'horreur de telles coutumes ?

Face à la tristesse qui submerge soudain,

Que faire pour s'éloigner soi-même de ces meurtres ? OCM-914

En voyant les souffrances des êtres migrateurs prisonniers du samsāra et en réfléchissant sur leurs causes, vous comprenez que votre propre enchaînement au cycle de l'existence conditionnée vient de ce « soi » auquel vous assujettissez aveuglément de corps et d'esprit ! En cultivant le renoncement, vous changez de perspective et adoptez le paradigme du « non-agir comme soi ». Vous vous détachez alors des frustrations inspirées par un libre-arbitre biaisé...

En méditant sur la vacuité, vous comprenez que vos souffrances viennent de la « saisie (innée) du soi ». En cultivant la vue juste, vous réalisez que « l'agent et ses actes » sont vides (de réalité intrinsèque, autonome et ontologique) et adoptez le paradigme de « l'agir comme non-soi ». Vous saisissez alors que l'insatisfaction instillée par l'usage de votre libre-arbitre est aussi... vide de réalité propre que le « soi » de la personne !

En voyant les êtres sensibles aux prises à d'intolérables souffrances, alors que tous ont été vos mères bienveillantes depuis des vies sans commencement, et que vous réfléchissez à leur innombrables bontés, vous vous détachez de votre sort pour œuvrer au bonheur des êtres migrateurs prisonniers du samsāra. En cultivant l'esprit d'Éveil du Mahāyāna et en adoptant le paradigme de « para agir comme non-soi », vous saisissez alors que ce choix vertueux et éclairé est la pleine légitimité de votre capacité d'autodétermination !

  • Prions humblement pour tous les êtres sensibles, quel que soit leur camp, qui meurent à chaque instant dans des guerres aveugles et des conflits vides de sens. 
  • Regardons l'impensable en face, car la vue de la mort violente et terrible qu'ils endurent par rétribution des fruits de leurs karman négatifs, la pensée des insupportables souffrances de leurs proches, qui tous furent (et sont) nos parents depuis des vies sans commencement, et la pensée de l'infaillibilité de la causalité des actions de ceux qui les entraînent aux abîmes en se condamnant eux-mêmes à subir d'effroyables et indicibles souffrances, sont autant de souffles, de cris et de pleurs dont les échos du martyre font résonner nos esprits de compassion et d'amour à l'adresse de tous les êtres sensibles prisonniers du samsāra...

Je lance des prières aux maîtres du refuge.

Que leur grâce disperse les peurs des séjours misérables !

Ceux qui sont allés tuer

Pour se nourrir de chair et de sang,

Grillent dans les huit enfers brûlants.

S'ils n'oubliaient pas les actions positives,

Une chance de liberté resterait possible. OCM-1032


Namasté

Tashi delek

བཀྲ་ཤིས་བདེ་ལེགས།


Références :

3AV : Les trois aspects de la voie, Lama Tsongkhapa https://www.centreparamita.org/?navig=/Boutique/Sadhanas 

3APC : Les trois aspects principaux du chemin, Lama Tsongkhapa https://www.lotsawahouse.org/fr/tibetan-masters/tsongkhapa/three-principal-aspects 

37 : Les Trente-sept Pratiques des Bodhisattvas https://www.institutvajrayogini.fr/pdf/Les_37_pratiques_des_bodhisattvas_trad_Ch.Charrier_Editions_Vajra_Yogini.pdf 

AAM : Apprendre à méditer, Lama Samten https://www.centreparamita.org/gallery/view_album.php?set_albumName=album04 

EPS : L'essence de la perfection de la sagesse (« le soutra du cœur ») - Sadhana n°18 https://www.centreparamita.org/?navig=/Boutique/Sadhanas 

FFR : La foi fondée sur la raison, le Dalaï-lama https://www.babelio.com/livres/Dalai-Lama-La-foi-fondee-sur-la-raison-Une-approche-de-la-V/1023866 

JT : Je Tsongkhapa https://stringfixer.com/fr/Je_Tsongkhapa 

OCM : Œuvres complètes Milarépa https://www.decitre.fr/livres/oeuvres-completes-9782213628974.html 

[i] https://www.google.fr/books/edition/La_magie_du_sommeil/KsVaDwAAQBAJ?hl=fr&gbpv=1&dq=singe+fou+ivre+piqu%C3%A9+par+un+scorpion&pg=PA234&printsec=frontcover