I.93 – Rien n’a d’existence réelle, mais tout est là !

08/05/2022

Ce n'est pas le mystère qui amène à la compréhension du vide, c'est la compréhension du vide qui amène au mystère ! Lorsqu'il atteint à sa réalisation, l'esprit s'établit au-delà de toute désignation où il n'y a plus de mot pour exprimer que la nature des choses n'a même plus lieu d'être...

Les apparences sont des productions interdépendantes infaillibles et la vacuité est libre de toute assertion. Aussi longtemps que ces deux idées vous sembleront incompatibles, vous n'aurez pas encore saisi la pensée du Mouni 3AV

Que ce soit la première ou la énième fois que vous lisez cette citation de Lama Tsongkhapa extraite des «trois aspects de la voie », il est presque certain qu'elle vous paraisse absconse ! C'est souvent le cas avec les textes des grands maîtres bouddhistes qui ont atteint un haut niveau de réalisation, car leurs aphorismes condensent une grande sagesse en peu de mots. Pour un physicien, e=mc2 est une formule d'une grande concision et d'une grande beauté. Ce n'est toutefois pas de la forme des symboles ou de leur ordonnancement que ces formules tirent leur élégance et leur puissance, mais de l'esprit qui en fixe le sens !

Comme l'a dit Arthur C. Clarke, « Toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie », mais souvent, il n'y a pas à chercher aussi loin. Nul besoin que les coutures soient invisibles, le savoir occulte, les idées ésotériques. D'aucuns sont aussi à l'aise avec un téléphone portable que de mettre un pied devant l'autre leur est naturel, mais ils oublient qu'ils ont dû apprendre à marcher ! D'autres se disent bouddhistes, mais pratiquent peu ou de manière superficielle sans connaître la profondeur des enseignements... La différence entre comprendre et réaliser réside dans la saisir le vaste (la compassion) et le profond (la sagesse) au-delà du sens, lequel vient de l'esprit non de l'objet et des mots utilisés pour le définir, qui n'ont de valeur que nominale et conventionnelle.

Comme il serait merveilleux que tous les êtres puissent réaliser spontanément le sens des propos de Lama Tsongkhapa a la première lecture ! Comme il serait encore plus merveilleux que les mots expriment le subtil et qu'une équation résume tout l'enseignement du Bouddha, de sorte qu'à sa seule écoute, tous les êtres atteignent l'Éveil ! Qu'il serait au combien plus merveilleux qu'à la seule vue des phénomènes, nous saisissions leur vacuité et ne les croyions pas dotés d'une existence substantielle et autonome relevant d'une réalité ontologique !

  • Imaginez que vous êtes dans un « palais de miroirs »... Quelle que soit la direction dans laquelle vous regardez, il y a toujours un reflet de vous. C'est infaillible ! Sous quelque angle où vous portez le regard et de quelque manière que vous regardez, les miroirs renvoient votre apparence et la démultiplient autant de fois que leur jeu renvoie la lumière. Vous ne pouvez y échapper ! Que ce soit en vous déplaçant, en restant immobile, en vous asseyant ou sous quelques postures que vous adoptiez, les miroirs reproduisent toujours votre image à l'infini, laquelle production est totalement interdépendance de votre présence à cet endroit, comme votre ombre qui vous colle au corps...

  • Sortez de cette visualisation et regardez autour de vous. Tout ce que vous voyez que ce soit en intérieur ou en extérieur, chaque objet, chose ou phénomène est totalement dépourvu de substance (existence intrinsèque) autonome (existence véritable). Puisque tout est dénué de réalité ontologique, aucun phénomène ne peut exister indépendamment de la désignation qu'en fait l'esprit ! C'est infaillible ! Cela ne se limite pas à ce que nos consciences sensorielles perçoivent, cette relation d'interdépendance s'étend aussi à nos expériences...

Quel que soit l'objet sur lequel nous portons le regard, de quelque manière que nous le regardons, dans la lumière ou dans la pénombre, sa forme et son aspect (contours, dimensions, couleurs, etc.), tout de ce que nous pouvons en percevoir ne possède pas de réalité substantielle et autonome. Tous ces phénomènes n'ont d'existence qu'en dépendance de l'esprit ! C'est infaillible ! Tout ce que nous pouvons « connaître » ne provient pas d'une connaissance ontologique inhérente à un réel ontologique, mais de sa désignation par l'esprit, comme notre reflet démultiplié à l'infini dans le « palais des glaces » résulte simplement du jeu de la lumière reflétée dans les miroirs...

  • Aucun de ces reflets n'est vous ! Aucun de ces reflets n'a de caractère tangible, aucun n'a de substance, car aucun n'est fait de matière ! La profondeur dans un miroir n'est pas une profondeur réelle ! La position de votre corps dans un reflet n'a pas de localité réelle ! Le déplacement de votre reflet sur les miroirs ne s'inscrit pas dans une temporalité réelle ! La nature de ces reflets est vide de substance intrinsèque et immanente. Ces reflets n'apparaîtraient pas... si vous n'étiez pas là ! Votre image apparaît dans le miroir en dépendance de votre présence dans ce lieu, et sa démultiplication en dépendance de la réflexion de la lumière...
D'abord entraînez-vous. Comme avec les asanas du yoga pratiquez, pratiquez, pratiquez... (sur la base des conditions favorables), seule façon pour que tout arrive ! Méditez afin d'installer en vous la familiarisation avec le sens issu de votre analyse correcte (référez-vous aux textes des maîtres et aux enseignements que vous avez reçu du Dharma par un maître spirituel authentique), jusqu'à ce que le monde et votre esprit vous apparaissent sous un jour différent...

Lorsque nous regardons autour de nous, tout renvoie à l'esprit ! Non pas que tous les phénomènes soient de la nature de l'esprit, mais parce que tout ce que nous voyons et cela dont nous faisons l'expérience, existe seulement (en termes conventionnels) en dépendance du « connaisseur de l'esprit » ! Aussi fatal que du papier collant aux pattes d'une mouche ou l'ombre à notre corps, les apparences sont des productions interdépendantes INFAILLIBLES !

Et aussi infaillibles que soient les apparences, elles ne pourraient exister si elles n'étaient pas vides ! Lorsque vous regardez dans les miroirs, chaque reflet vous renvoie à vous ! Or, ce corps que vous voyez se refléter dans le « palais des glaces » est, lui aussi, d'ordre phénoménal et comme tel, il ne possède pas de réalité ontologique ! 

L'agrégat de votre corps existe seulement en production interdépendante ? 

  • Réponse 1. de son reflet dans le miroir ; 
  • réponse 2. de la désignation conventionnelle par votre esprit ; 
  • réponse 3. comme simple assertion.

Si vous avez répondu (1), vous croyez en l'existence d'un « samsāra extérieur » (l'univers physique). Pour vous, les phénomènes peuvent exister séparément de l'esprit dès lors que c'est en dépendance les uns des autres (le tout en regard de ses parties). Si vous avez répondu (2), votre vision est encore imprégnée de la vue de l'être (du côté de l'idéalisme du Cittrāmatrā). Vous croyez dans le postulat de la (seule) réalité ontologique de votre esprit comme base de désignation des phénomènes. Si vous avez répondu (3), vous comprenez qu'il ne peut y avoir d'apparences que relativistes et que cette relativité n'est possible que parce que « tout ce qui est relatif » est par nature vide de réalité ontologique !

La vacuité, vide de contenu, vide de tout concept, présente la caractéristique spécifique d'être vide d'elle-même (...) Les choses produites en relation sont vides, non seulement d'ātman, mais encore de nature propre (svabhāva), de caractère propre (svalakshana). Il ne s'agit plus de la vacuité de substance, de l'inexistence de principes permanents (...), mais de l'inexistence, en vérité vraie, du relatif comme tel : ce qui naît de causes ne naît pas en réalité NDV-24

L'agrégat de votre corps n'a pas plus de caractère réaliste que son reflet ! Comme un reflet (de l'autre côté du miroir) ou comme reflet (de ce côté-ci du miroir) sont mutuellement inclusifs. Si vous ne comprenez pas que « les apparences sont des productions interdépendantes infaillibles » est une assertion qui, du fait d'être produite en dépendance de l'esprit, est... « libre toute assertion » (revenir ici), et méditer encore la vacuité du soi des phénomènes et du soi de la personne par une analytique de la production interdépendance (revenez là) !

Si vous arrivez à le comprendre, vous devriez alors commencer à le « voir ». Non pas à voir la vacuité au sens littéral, car celle-ci est vide (« vacuité de la vacuité ») - son assertion sert d'antidote aux réponses 1 et 2 -, mais en post-méditation à saisir le sens de ce qu'à voulu dire Lama Tsongkhapa quant à la nature véritable des phénomènes. Ainsi, lorsque le sens émerge au-delà du concept de la vacuité méditée analytiquement (comme lorsque la technologie s'efface pour faire place à la magie) et que par-delà vous voyez l'illusion de la performance magique sans plus en être victime, alors vous commencez à comprendre l'interdépendance...

  • Regardez autour de vous... Tout ce que vous percevez (l'agrégat de la forme) qui revêt les déclinaisons de l'infinie diversité des apparences, tout ce avec quoi vous entrez en contact (l'agrégat de la sensation) sous les différentes modalités de l'expérience de la « matérialité », tout ce que vous reconnaissez (l'agrégat des discriminations) et différenciez sous les catégories des «trois sphères » (l'agent, l'acte, l'objet), tout ce sur quoi vous surajoutez un jugement de valeur emprunt de perturbations émotionnelles (l'agrégat des formations mentales), tout vous renvoie de manière infaillible... à la saisie subjective (de l'objet épistémique) de votre esprit (l'agrégat de la conscience mentale), ultimement libre d'assertion !

Vides de substrat, la matière et l'esprit ne s'opposent pas en dualité de par leur nature propre ! Vides de réalité ontologique, objet et pensée ne sont pas indépendants. Il n'y a ni « existants premiers » ni « existant seconds » dont l'existence ne soit conventionnelle, dépendante du connaisseur de l'esprit. Libre d'assertion, existant seulement en termes nominaux sous la désignation qu'en fait l'esprit, forme-vide et vide-forme sont sans discontinuité !

Si des objections surgissent dans votre esprit tel que « mais, nous voyons tous les mêmes choses là-dehors, c'est donc qu'il doit bien y avoir un univers existant distinctement de notre perception ? » ou « le monde est plus vaste que la conscience que nous en avons ! » ou encore « si cet univers n'existait pas avant que nous le désignions à l'existence, comment aurions-nous pu apparaître ? », c'est que vous n'avez pas encore réalisé ce que signifie... « libre d'assertion » !

D'abord entraînez-vous. Comme avec les asanas du yoga pratiquez, pratiquez, pratiquez... (sur la base des conditions favorables), seule façon pour que tout arrive ! Méditez afin d'installer en vous la familiarisation avec le sens issu de votre analyse correcte (référez-vous aux textes des maîtres et aux enseignements que vous avez reçu du Dharma par un maître spirituel authentique), jusqu'à ce que le monde et votre esprit vous apparaissent sous un jour différent...

« Tout est relatif », Einstein l'a démontré pour les phénomènes entre eux, mais l'infaillibilité dont il est question quant à la « production interdépendante » signifie ici l'irréductibilité entre le désigné et le désignant. Vides de réalité ontologique, nul phénomène, quelle que soit sa catégorie (composé, incomposé, non associé) ne peut provenir de rien, de lui-même, des deux à la fois, ou ni ne l'un ni de l'autre. L'existence conventionnelle comme simple désignation est l'affirmation même de la relation indivise des phénomènes à l'esprit. Aussi différente et singulière qu'elle puisse nous apparaître en ses avatars, « l'infinie diversité des infinies combinaisons de l'infinie multitude » des éléments qui composent l'univers est en lien de dépendance (d'existence) conventionnelle à l'esprit (lequel connaisseur ne saurait exister sans objet de connaissance !).

La conscience est « une succession d'actes de connaissance momentanés » DEB-150 et chacun des moments constitutifs de ce flux est en lien de dépendance avec le phénomène sur lequel il porte (pas de sujet sans objet). Les phénomènes existent comme simples désignations conventionnelles parce que l'esprit qui les désigne comme tels, lui-même, existe... comme désignant, et si tel est le cas, c'est parce que les phénomènes aussi... existent !

Cette relation n'est possible que parce que la nature de ce qu'elle relie est... libre d'assertion ! Cette relativité ne peut être qualifiée de « réelle » puisque ce qu'elle met en relation ce ne sont pas des «existants ontologiques » mais simplement conventionnels (dont la vacuité est libre d'assertion) ! Ainsi, la question de la « causalité » de l'existence du désignant en regard de celle d'un univers extérieur (originant son apparition et conditionnant sa forme) ne se pose pas dans les termes d'une ontologie, et n'a pas d'autre sens que conventionnel.

Formatés depuis des temps sans commencement à désigner, et conséquemment percevoir, les phénomènes sous la « saisie (innée) du soi », il est très difficile de comprendre « comment » les choses peuvent exister sous une perspective libre d'assertion... Nous pensons évidente l'ontologie de l'espace et du temps comme condition de notre expérience du monde. Le « palais des glaces » doit occuper un «espace » par nature libre d'obstruction pour nous permettre d'y évoluer, et la possibilité de voir notre corps s'y refléter dépend de l'existence du « temps », dont le caractère séquentiel (passé, présent, futur) rend son événement possible, lequel est l'expression même de l'interdépendance des phénomènes...

Pour Kant, l'espace et le temps sont les conditions a priori de la raison pure, l'élaboration d'un raisonnement logique prenant forme dans le temps. Sans la séquentialité du temps, comment pourrions-nous écouter les enseignements du Bouddha, y réfléchir et les méditer pour nous familiariser avec leur sens ? Or, si l'espace et le temps n'ont d'existence qu'en tant que désignation par l'esprit, c.à.d. dans un mouvement... ultérieur à sa pensée, comment l'esprit a-t-il pu apparaître (où et à quel moment ?) alors que la causalité... n'existait pas ?

Ce qui naît d'une cause n'est pas réellement existant ; naître en dépendance, ce n'est pas naître véritablement, ce n'est pas posséder d'existence propre. À ce titre, rien n'existe puisque tout relève de la relation de création et de dépendance, et si donc rien n'existe, il ne peut y avoir d'attribution d'une essence à nulle chose NDV-2

D'abord entraînez-vous. Comme avec les asanas du yoga pratiquez, pratiquez, pratiquez... (sur la base des conditions favorables), seule façon pour que tout arrive ! Méditez afin d'installer en vous la familiarisation avec le sens issu de votre analyse correcte (référez-vous aux textes des maîtres et aux enseignements que vous avez reçu du Dharma par un maître spirituel authentique), jusqu'à ce que le monde et votre esprit vous apparaissent sous un jour différent...

Le problème ne vient pas de la conception de la relativité du désignant au désigné mais de l'énoncé substantialiste de la question... Tant que nous n'aurons pas enlevés nos œillères de la « saisie (innée) du soi », espace et temps, matière versus esprit, sujet vs objet, phénomène vs conscience, nous apparaîtrons comme existants ontologiques, distincts en essence et en manifestation. Et ces questions demeureront des points d'achoppement au carrefour desquels la production interdépendante apparaîtra antithétique à la vacuité libre d'assertion.

Les mandalas de sable confectionnés par les moines bouddhistes sont le pendant des mandalas visualisés par les méditant du Vajrāyana. De prime abord, parcourir un dédale de miroirs « en vrai » et évoluer mentalement dans son équivalent imaginaire sont deux choses différentes, comme ce n'est pas la même chose d'imaginer donner une pièce à un mendiant et la lui donner véritablement ! Toutefois, pour qui « les apparences sont des productions interdépendantes infaillibles et la vacuité est libre de toute assertion » apparaît compatible, ce n'est en rien identique, mais ce n'est pas non plus différent ! « Ultimement, le mandala ordinaire de l'univers et le mandala de perception pure ne sont pas deux choses distinctes (...) C'est parce que les êtres ont un karman impur qu'ils perçoivent les apparences phénoménales comme le monde ordinaire » DEB-364.

Les pratiques ordinaires de la générosité, de la patience, etc. sont influencées par la « saisie (innée) du soi» de la personne (et ses émotions perturbatrices), a contrario des paramita cultivées par les ārya bodhisattvas, dont l'esprit qui a réalisé la vacuité est libre de l'illusion de l'existence de l'agent, de l'acte et de l'objet (le destinataire de l'action), vides de substrat et de réalité ontologique.

Le Bodhisattva sur la troisième terre perçoit directement le non-soi et donc pour lui tous les phénomènes des « trois sphères » reliés au corps (le corps coupé, celui qui le coupe, le moment et la manière dont il est coupé) sont perçus directement comme n'ayant pas d'existence véritable, comme un reflet [dans un miroir] IPPVB-163

Donner sans être soi-même libéré du désir-attachement, et sans avoir développé la « grande compassion » authentique envers tous les êtres sensibles est moins vertueux que d'imaginer leur donner en ayant développé la bodhicitta - certes, c'est moins utile dans l'immédiat pour le destinataire, mais ce sera bénéfique pour tous les êtres sensibles lorsque l'agent atteindra la bouddhéité ! -.

De plus, dans le bouddhisme, les actes de la pensée sont aussi importants en termes karmique et de réalisations spirituelles que les actes de la parole et du corps (puisque vides d'existence ontologique). Ni identique ni différent ! C'est bien de cela dont il est question, s'agissant de la relation d'interdépendance entre le désignant et le désigné de par leur nature libre d'assertion, lorsque Nāgarjunā élimine la notion d'existence (inhérente et autonome) et la notion de non-existence (néant), et lorsque le sῡtra du cœur énonce que dans la vacuité, « il n'y a ni apparition ni cessation » et de fait ni avant ni après ni simultanéité !

Autrement dit, l'espace et le temps ne sont pas des « existants premiers » causes et conditions de l'apparition d'êtres doués de pensées conscientes, pas plus que l'esprit qui les désigne à l'existence ne leur est antérieur ! Quant à leur apparition à tous deux, elle ne saurait également être simultanée ! Il est seulement possible d'énoncer (d'une manière conventionnellement valide) que, du fait de leur nature libre d'assertion, le temps existe en dépendance de l'esprit, lequel existe en dépendance du temps. C'est ainsi! Cela qui apparaît comme « opposé » pour les esprits voilés par la « saisie (innée) du soi », articulé autour de la dualité désignant/désigné, puisque dépourvu de caractère identitaire, nouménal et immanent, est en vérité, ultimement, sans discontinuité !

Tel est, en définitive, le sens de l'expression « absence de nature propre» (svabhāva-sῡnyata). Dans cette optique, un être contingent, un être causé, dépourvu de nature propre, ne possède strictement parlant aucune essence ; en dernière analyse, il n'existe pas ; ou plus justement il « ex-iste » dans son inexistence NDV-25

D'abord entraînez-vous. Comme avec les asanas du yoga pratiquez, pratiquez, pratiquez... (sur la base des conditions favorables), seule façon pour que tout arrive ! Méditez afin d'installer en vous la familiarisation avec le sens issu de votre analyse correcte (référez-vous aux textes des maîtres et aux enseignements que vous avez reçu du Dharma par un maître spirituel authentique), jusqu'à ce que le monde et votre esprit vous apparaissent sous un jour différent...

Lorsque nous considérons le monde, tout ce que nous percevons de quelque manière que ce soit (relativement à notre catégorie d'êtres du samsāra) et tout ce dont nous faisons l'expérience de la «matérialité » sous quelque modalité que ce soit, puisque libres d'assertion ne sont pas différents en nature, mais ne sont pas non plus identiques en termes d'expression conventionnelle !

Dans la vacuité comme au niveau atomique, il n'est pas possible de distinguer de « frontière » entre les objets et pour cause puisque tout phénomène est vide d'existence inhérente, et de fait vide de propriétés et de caractères substantiels. Voir les choses « comme événement » serait une description plus appropriée, car un événement est dépourvu de substance, mais il n'en demeure pas moins de l'ordre du conceptuel ! Dire que le monde est un événement qui apparaît, selon la vue de l'être comme une dualité entre des phénomènes existant de leur propre côté de manière intrinsèque et l'esprit (accédant à leur connaissance ontologique en sa qualité de connaisseur), ou selon la « vue juste » réalisant la vacuité comme « acte de connaissance », la production interdépendante est... infaillible !

En « vérité conventionnelle », nous cherchons à réduire les choses à un caractère univoque par le choix des mots que nous employons pour les décrire alors que la polysémie du langage rend l'exercice utopique, comme les physiciens cherchent à décrire les composants fondamentaux de la matière sous forme de particules alors que la nature véritable des phénomènes rend la démarche chimérique - puisqu'il n'y a pas « d'objets » qui se meuvent, seulement du « mouvement » qui nous apparaît comme « objet » -. Il n'est donc pas étonnant que la vision de la non discontinuité de la forme au vide apparaisse comme... schizophrénique !

Lorsque nous commençons à saisir ce que cela signifie véritablement le fait que les objets (physiques extérieurs) et la pensée épistémique (conscience mentale) de ces objets sont en vérité, ultimement, sans discontinuité de par leur nature « libre d'assertion », il devient de plus en plus difficile de discerner s'arrête un phénomène et commence (l'acte de) sa connaissance, tant la distinction entre « événement» et « conscience » s'estompe jusqu'au point de se confondre...

Sous la vue de l'ainsité (c.à.d. la production interdépendante libre d'assertion), tout phénomène se révèle comme « événement de conscience » et tout « acte de connaissance momentané » se révèle comme phénomène ! Ainsi, l'existence du désigné sous la forme d'un « existant » intrinsèque, autonome et ontologique, apparaît être la conséquence de l'ignorance qui nous le fait paraître distinct en essence par dissociation (en dissonance) à l'esprit qui les désigne.

Tant que cette intuition ne s'impose pas spontanément, l'analyse qui a trait à la « vue juste » n'est pas correctement établie, et peut être source de méprise. Ainsi, ce n'est pas que l'acte de connaissance inclut le phénomène qu'il désigne, ce qui serait réduire toutes choses à l'existence de « l'esprit seul » ... Sans discontinuité n'est pas signifiant d'une seule et même chose ! Même si cela apparaît différent selon la perspective (forme et vide pouvant être conventionnellement désignés comme des isolats conceptuels), leur nature est ultimement « libre d'assertion ». « Ni identiques ni différentes », c'est à cette réalisation que doit aboutir la compréhension juste de « l'infaillibilité de la production interdépendante » des phénomènes comme « actes de connaissance » libres d'assertion. Et atteindre à cette évidence, c'est passer au-delà du par-delà de cette assertion...

Selon la perspective du bouddhisme, puisqu'il n'y a pas de « cause première », nous avons vécu d'innombrables vies depuis des temps... sans commencement ! Étant donné également que nos parcours karmiques respectifs sont différents, il n'est pas étonnant que chacun ait des capacités différentes, que d'aucun saisisse plus facilement les enseignements du Dharma comme s'ils leur paraissaient les « avoir appris puis oubliés » - ce qui est aussi valable sur le plan mondain avec les aptitudes manifestées par les génies de la musique, des mathématiques, etc. -. Cela provient de nos actions passées qui ont imprégné de leurs empreintes notre « continuum mental ». En cultivant une éthique vertueuse, il est ainsi possible de bénéficier à nouveau d'une « précieuse vie humaine », de ne jamais être séparés de maîtres spirituels authentiques, etc. Toutefois, sauf à avoir des réalisations spirituelles, encore faut-il en (re)prendre conscience...

Le corps humain devient le grand navire des méritants qui aspirent à la liberté, mais il entraîne également vers les mondes de douleur ceux qui accumulent les crimes et le vil karma. Il est à la croisée de chemins pour monter ou descendre OCM-114

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Selon la philosophie bouddhiste, il existe « trois mondes », du désir, de la forme et du sans-forme, qui sont des subdivisions du samsāra lesquelles correspondent respectivement : aux êtres migrateurs (la quasi totalité) soumis à leurs émotions perturbatrices ; aux êtres sensibles ayant le « calme mental » et donc détachés des perturbations des objets des sens ; aux êtres dont les voiles recouvrant l'esprit sont extrêmement diffus, mais toujours présents et non épurés. Ces « trois mondes » correspondent à des niveaux de méditation de plus en plus subtils, dans la plongée desquels le degré de suggestibilité aux émotions diminue jusqu'à devenir inaudible. Pour autant, le monde du sans-forme n'est pas le nirvāna ! Ces mondes font parties du samsāra dit « supérieur » par opposition au samsāra « inférieur » (où résident les animaux, les esprits avides, et les esprits infernaux).

Toujours sous la perspective de la multiplicité des incarnations karmiques, il est donc parfaitement possible que nous ayons également déjà atteints plusieurs fois le monde de la forme et celui du sans-forme lors de nos existences passées, et que nous possédions ainsi une certaine prédisposition à y revenir... Une aptitude qui, parce qu'elle consiste en une pacification seulement mondaine de l'esprit, n'est pas le «calme mental » authentique, et doit donc être... réapprisse !

Certaines personnes pourraient ainsi avoir plus de facilité que d'autres - si l'on considère un délai de six mois de pratique (avec les conditions favorables) pour atteindre le « calme mental » authentique - pour concentrer leur esprit sur un objet mental, voire à fixer leur conscience mentale sur le « sans-forme » tel l'espace ou le « vide ». Toutefois, il est essentiel de d'abord bien comprendre ces termes de la lexicologie bouddhisme tibétaine, entre autres les catégories de phénomènes (composés impermanents, non-composés permanents, etc.).

Le sutra du cœur commence ainsi. « Le bienheureux Victorieux résidait au pic du Vautour près de Rajagriha, accompagné d'une grande assemblée de moines et de bodhisattvas. Le Bhagavan était alors absorbé dans le samādhi appelé radiance profonde » EPS. Le terme radiance profonde signifie méditation sur la vacuité. Or, la vacuité est en sa nature « libre d'assertion ». Il importe donc de préciser sur quel «objet» de méditation était concentré le Bouddha Sakyamuni, lequel état (comme nous le fait comprendre le texte de Lama Tsongkapa sur les « trois aspects de la voie »), initié par l'entraînement à la concentration du « calme mental » authentique, consiste en l'au-delà du par-delà de tout concept et de toute conceptualisation et donc de tout objet de la conscience mentale !

La méditation de concentration sur un point consiste à fixer son esprit sur un objet. Il ne s'agit pas d'un objet physique perçu par nos consciences sensorielles, mais d'un objet de la conscience mentale (propre à notre phénoménologie intérieure), c.à.d. une construction de l'esprit produite par représentation ou par description. Il est également possible de poser l'esprit sur le « sans-forme », comme l'espace, et d'en éprouver la sensation, voire le sentiment « d'être l'espace »... Or, ne nous y trompons pas, il s'agit là... d'un objet épistémique (comme le démontre l'analyse de Nagarjuna du caractère « non-né » et donc inexistant de l'espace, cf. TGSV-394).

L'on ne peut pas plus se concentrer sur le « vide du néant ». Un tel vide ne peut exister, car si un tel néant existait, il posséderait... une réalité ontologique et ne serait donc alors aucunement vide... au sens de la vacuité ! Le vide ne peut être « vide » que dépourvu de réalité ontologique, ce qui le rend de fait... inexistant ! Du point de vue substantialiste, toute chose pour « exister » doit posséder des propriétés et des caractéristiques qui lui sont propres, autonomes et ontologiques, lesquelles doivent également être connaissables par l'esprit, car si une chose ne peut être connue, comment peut-on alors prouver... qu'elle n'existe pas ?

Par définition, ce qui est « vide de toute conception » est impossible à concevoir et donc inconnaissable. Et puisque tous les phénomènes n'ont d'existence que comme simple désignation, comment l'esprit pourrait-il établir une relation de dépendance avec ce qui... ne peut se concevoir d'aucune manière ? Dès lors qu'il est possible de concevoir une chose, c'est qu'elle n'est pas de l'ordre du néant. Le vide/néant n'est pas un vide réel, c'est un objet épistémique ou dit autrement le néant « fait objet » est le produit de la « vue extrême » de l'être.

Méditer sur le vide comme sur l'espace, c'est méditer sur une représentation. Si par néant, l'on entend par là «sans aucune pensée », il ne peut non plus s'agir d'une absence d'activité de l'esprit. Si l'esprit s'arrêtait véritablement de fonctionner, comment nous serait-il alors possible de savoir... ce qui se passe pendant qu'il s'est arrêté de fonctionner ? L'on n'est conscient que « d'objets de connaissance momentanés ». Il ne peut donc y avoir conscience après « l'arrêt de la conscience » ni de conscience avant ! La conscience est sans commencement ni fin !

D'abord entraînez-vous. Comme avec les asanas du yoga pratiquez, pratiquez, pratiquez... (sur la base des conditions favorables), seule façon pour que tout arrive ! Méditez afin d'installer en vous la familiarisation avec le sens issu de votre analyse correcte (référez-vous aux textes des maîtres et aux enseignements que vous avez reçu du Dharma par un maître spirituel authentique), jusqu'à ce que le monde et votre esprit vous apparaissent sous un jour différent...

Ce qui ne veut pas dire que l'on ne puisse éprouver le sentiment du vide, comme celui de l'intime conviction d'être l'espace ! « Être l'objet » de ce sentiment revient à saisir sa propre conscience comme objet épistémique, cognition qui sur la base de la performance magique induite par la croyance en l'existence entitaire du Soi de la personne nous instille l'intime conviction de méditer... sur le vide/néant !

« Méditer la vacuité », c'est réaliser que le vide d'existence ontologique ne peut pas faire (ni être) l'objet (épistémique) d'un « acte de connaissance momentané » (caractéristique de la conscience) - vide de substance (« vacuité de la vacuité »), la vacuité se saisit comme antidote à la croyance dans l'existence intrinsèque (substantielle) et véritable (autonome) des phénomènes -.

Parce qu'elle est d'abord analytique, la méditation sur la vacuité n'est pas « vide d'assertion » quant à la nature des phénomènes, elle est « libre d'assertions » substantialistes, autonomistes et ontologiques (y compris relativement à elle-même) ! Dans son union au « calme mental » authentique, elle devient la sagesse qui, au-delà du par-delà de toute assertion, réalise l'infaillibilité de la production interdépendante sans discontinuité à la vacuité libre d'assertion.

L'esprit ordinaire, dualiste, confus et tourbillonnant, jouet de l'illusion et producteur de confusion, est constitué d'une trame d'impulsions momentanées de pensées et de passions.

Découvrir la nature de l'esprit, c'est découvrir sa vacuité, son absence d'être en soi.

Lors de la dissolution de l'esprit ordinaire, entre deux pensées, se manifeste une présence vide et lumineuse, sans objet, qui transcende tout ce qui appartient au domaine de la pensée DEB-484

Cette « présence vide qui transcende la pensée » évoque la perception amodale de la pièce manquante au milieu du puzzle ou de l'espace entre des piliers que l'esprit interprète tel un « existant » (substantiel, autonome, ontologique), comme si la nature avait à ce point horreur du vide qu'elle voyait dans tout vacuum un être en soi ! L'opposition des termes, « présence vide », est un oxymore dont la figure de rhétorique n'est pas une allégation de l'existence de l'esprit au-delà de l'esprit. De même que «transcender la pensée » n'a pas un sens ontologique, mais se veut au contraire l'affirmation de la vacuité de la nature de l'esprit !

D'abord entraînez-vous. Comme avec les asanas du yoga pratiquez, pratiquez, pratiquez... (sur la base des conditions favorables), seule façon pour que tout arrive ! Méditez afin d'installer en vous la familiarisation avec le sens issu de votre analyse correcte (référez-vous aux textes des maîtres et aux enseignements que vous avez reçu du Dharma par un maître spirituel authentique), jusqu'à ce que le monde et votre esprit vous apparaissent sous un jour différent...

Perception sensible, pensée conceptuelle, intuition, la cognition peut transiter par différents vecteurs et revêtir différents modes, mais elle est toujours de l'ordre de la connaissance. Le caractère infaillible de la production interdépendante n'a pas seulement pour sens le plus profond la relation irréductible de l'existence des phénomènes en « désignation par l'esprit », il signifie que tout ce qui apparaît comme phénomène constitue également... un événement de conscience ! Existence et connaissance sont des termes mutuellement inclusifs !

La conscience étant sans commencement ni fin ne se départage donc pas de la production interdépendante ! Toute « saisie consciente », fusse-t-elle purement expérientielle, est un acte de connaissance. Rien n'a d'existence qui ne soit pas connaissable, et rien qui serait inconnaissable n'a d'existence ! Méditer sur la vacuité, ce n'est pas aller au-delà du par-delà de toute connaissance, c'est réaliser la sagesse qui connaît la nature véritable des phénomènes. Découvrir la nature de l'esprit n'ouvre pas sur un vide de connaissance, mais sur la découverte que l'esprit est libre d'assertion substantialistes, autonomistes et ontologiques !

Rendre perceptible l'imperceptible vérité, comprendre que tout échappe à la compréhension, c'est là le sens réel de la Voie du Milieu ; Voie au contenu invisible car situé nulle part. Le signe de la vacuité, qui n'a pas de localisation particulière, agit comme une dialectique perpétuelle de la négation ; son mouvement ne connaît pas de terme car il n'a jamais commencé ; n'ayant jamais commencé, il n'est jamais apparu ; n'étant jamais apparu, il fut toujours présent ; étant toujours présent, il est et demeure non visible ; invisible dans sa visibilité, il a son séjour dans le Parfait Silence NDV-13

Sous la « saisie (innée) du soi », l'esprit ordinaire est voilé par le filtre des « trois sphères » qui lui fait saisir comme des « existants » intrinsèques, autonomes et ontologiques, le connaisseur de l'esprit, l'objet de sa cognition, et l'acte de sa connaissance. Sous ce prisme, les choses se présentent à l'esprit sous l'aspect de phénomènes « existant matériellement » de leur propre côté. Le caractère physique d'un événement résulte d'un « jeu de perspective », produit du niveau atomique d'un univers constitutif d'un référentiel d'espace-temps relativiste. Le connaisseur en perçoit la manifestation, dont il construit une représentation mentale relativement à ses propres capacités de cognition. Ce qui résulte de sa conceptualisation est constitutif « d'objets épistémiques », et lui-même se saisit comme existant ontologique, autonome et substantiel. Sous la « vue de l'être », le territoire, la carte et le géomètre sont discontinus en nature et en activité !

D'abord entraînez-vous. Comme avec les asanas du yoga pratiquez, pratiquez, pratiquez... (sur la base des conditions favorables), seule façon pour que tout arrive ! Méditez afin d'installer en vous la familiarisation avec le sens issu de votre analyse correcte (référez-vous aux textes des maîtres et aux enseignements que vous avez reçu du Dharma par un maître spirituel authentique), jusqu'à ce que le monde et votre esprit vous apparaissent sous un jour différent...

Lorsque l'on comprend véritablement ce que cela signifie le caractère infaillible de la production interdépendante, l'on saisit que tout ce qui apparaît comme « phénomène » ne peut manquer de se produire en tant qu'il est également un « acte de connaissance momentané », ou autrement dit tout événement physique est un « effet de perspective » d'un événement de conscience !

Les propriétés et caractéristiques comme la profondeur, la localité, la temporalité, etc. qui paraissent inhérentes au reflet dans un miroir résultent d'un « effet de perspective » physique (relatif à l'interdépendance du phénomène de réflexion de la lumière) qui ne se conçoit pas indépendamment de la position de l'observateur c.à.d. du connaisseur de l'esprit, ce qui fait du phénomène nommé « reflet » ... le produit d'un « effet de perspective » relatif à sa cognition !

Lorsque l'on comprend véritablement ce que cela signifie l'infaillibilité de la production interdépendante, l'on saisit que tout « acte de connaissance » est également un « effet de perspective » qui ne peut manquer de se produire en regard de la simple désignation de ce phénomène par l'esprit... lequel se saisit lui-même comme « objet épistémique » (telle une illusion instillée à partir d'une illusion elle-même induite par « performance magique ») !

Sans garder la moindre trace d'un objet de référence sur lequel méditer, ne vous laissez pas dériver, même un seul instant, dans la profusion des pensées confuses ordinaires. Au contraire, dans toutes vos activités, tout en maintenant votre attention sans distraction, entraînez-vous à reconnaître toutes les images, les sons et toute expérience des sens, comme étant le jeu irréel de l'illusion LJ

Méditer la vacuité, c'est ne pas confondre la nature de l'esprit et son activité, « ni identiques » tel le reflet du miroir ou l'espace de son contenu, mais également « ni différents » car ne pouvant se concevoir l'un sans l'autre. Ainsi, sous « la vue juste » de la sagesse qui réalise la vacuité, la nature libre d'assertion du territoire, de la carte et du géomètre sont ultimement sans discontinuité !

Réalisant que les apparences sont des productions interdépendantes infaillibles, l'on saisit que le vide de réalité ontologique des phénomènes/événements ne peut manquer de se produire autrement qu'en dépendance de leur désignation comme événement/connaissance. L'on passe ainsi de trois à deux sphères ! Réalisant le non-soi du connaisseur, dont l'existence est relative à l'objet sur lequel porte ses actes de connaissance, l'on passe ainsi de deux à une sphère ! En réalisant que la succession de ses moments de cognition sont vides de réalité ontologique, l'on passe ainsi d'une sphère à... la vacuité libre d'assertion !

Il n'y a pas d'objet sans sujet qui, vides d'existence intrinsèque, ne peuvent exister autrement qu'en interdépendance. Événement phénoménal et événement de connaissance sont deux aspects de l'interdépendance, dont la production infaillible révèle le vide-forme à la forme-vide de ses manifestations...

Nirvāna et saṃsāra ne sont point deux choses opposées, mais une seule et même chose vue sous deux aspects différents par des spectateurs dont le degré d'acuité visuelle mentale diffère ESBT-117

Ainsi libéré des « trois sphères » de l'agent, de ses actes et de leurs objets, qui ne l'entraîne plus, sous l'emprise de « l'agir comme soi » à créer de karman, l'arya bodhisattva peut dès lors cultiver les paramitas ou vertus transcendantes... à la pensée qui conceptualise la cognition substantialiste, autonomes et ontologiques.

  • Réfléchissez d'abord aux étapes qui amènent à ce point du raisonnement (depuis l'article I.86). Prenez le temps de méditer l'interdépendance et la vacuité par votre propre analyse, jusqu'à ce que la compréhension s'installe, jusqu'à changer de paradigme ! Ne vous fixez pas d'objectif ni de délai. Lâchez prise sur la nécessité de comprendre « tout de suite » ... Analysez, méditez, observez, le monde, votre esprit... Le moment venu, lorsque votre esprit sera mûr, vous le saurez, simplement. L'évidence émergera naturellement...
D'abord entraînez-vous. Comme avec les asanas du yoga pratiquez, pratiquez, pratiquez... (sur la base des conditions favorables), seule façon pour que tout arrive ! Méditez afin d'installer en vous la familiarisation avec le sens issu de votre analyse correcte (référez-vous aux textes des maîtres et aux enseignements que vous avez reçu du Dharma par un maître spirituel authentique), jusqu'à ce que le monde et votre esprit vous apparaissent sous un jour différent...

Il est absolument nécessaire d'avoir d'abord l'habitude dans les attitudes de renoncement et le désir d'atteindre la bouddhéité pour tous les êtres sensibles ; alors, laissez de côté pour le moment toutes ces pratiques supposément profondes, les enseignements secrets, etc.

Une fois que vous avez réussi à développer ces attitudes, chacun des gestes que vous posez vous mène malgré vous à la libération et à l'état omniscient. C'est donc un signe de totale ignorance à propos de l'essence de la voie quand une personne ne considère pas que ces pensées devraient occuper son temps de méditation EHS

Il vous est possible de comprendre la vacuité et l'interdépendance, de changer de paradigme sur le monde, votre esprit, votre relation aux autres (y compris avec ceux qui suscitent en vous de l'animosité pour leurs actes...) avant de réaliser le « calme mental » authentique, la « vue juste » et la compassion universelle pour tous les êtres sensibles. Cependant, pour atteindre au bonheur ultime de l'Éveil, commencez d'abord par cultiver le renoncement, porte d'entrée du Mahāyāna.

D'abord entraînez-vous. Comme avec les asanas du yoga pratiquez, pratiquez, pratiquez... (sur la base des conditions favorables), seule façon pour que tout arrive ! Méditez afin d'installer en vous la familiarisation avec le sens issu de votre analyse correcte (référez-vous aux textes des maîtres et aux enseignements que vous avez reçu du Dharma par un maître spirituel authentique), jusqu'à ce que le monde et votre esprit vous apparaissent sous un jour différent...

  • Entraînez-vous également en post-méditation ! Par exemple, marchez en pleine conscience et faites un raisonnement comme celui-ci : tout ce qui apparaît comme phénomène, toutes les apparences que je perçois (formes, contours, couleurs...), toutes les activités que j'expérimente (marcher, respirer, réfléchir...), toutes les modalités sous lesquelles je fais l'expérience de la «matérialité », rien de tout cela n'a d'existence inhérente (tout est vide de substance), rien de tout cela ne possède de réalité ontologique, et ne peut donc exister par lui-même...

  • Ainsi, tout ce qui m'apparaît comme « phénomène », pour exister, ne peut manquer de se produire en dépendance de la connaissance que j'en ai. Vide d'existence propre, tout phénomène est un événement et tout événement (pour ce qu'il a de physique en apparence) est un « acte de connaissance » ! Lorsque je perçois ce qui m'entoure, je ne peux me départager du sentiment de voir là un « événement de conscience », l'expression de l'esprit...

  • Or, l'esprit, la conscience, est « une succession rapide d'actes de connaissance momentanés ». Tout ce qui apparaît comme un objet mental, toutes les aspects phénoménologiques que peuvent revêtir ces « actes de connaissance » (pensée, image, son intérieur, etc.), toutes les modalités sous lesquelles je suis conscient « d'être conscient », rien de tout cela n'a d'existence inhérente (la conscience est vide de substance), rien de tout ce qui m'apparaît à la conscience sous la « saisie (innée) du soi », telle que « ma » conscience ou « mon » esprit, ne possède de réalité ontologique, et ne peut donc exister par soi-même ! Ainsi, l'événement « phénomène » et l'événement «conscience du phénomène », pour exister, ne peuvent manquer d'être interdépendants ! C'est infaillible !

De même que la « co-manifestation conditionnée » est l'expression phénoménale d'une conjonction de causes et de conditions vides d'existence inhérente, puisque les phénomènes ne peuvent exister seuls (ce qui vaut pour la conscience, car il ne peut y avoir de sujet sans objet), sont constitutifs d'actes de connaissance. Ainsi, les apparences sont l'expression d'un « effet de perspective » relatif à leur désignation par l'esprit, laquelle perspective est... un événement de conscience qui est la forme de l'acte de pensée du connaisseur !

L'esprit n'est pas distinct de son activité comme un « existant premier », entitaire et nouménal dualiste (le Soi philosophique). De par sa nature libre d'assertion, la « succession rapide des actes de connaissance momentanés » qui forme la conscience ne peut manquer de se produire comme événement. Lequel événement-conscience, par un « effet de perspective » - de la performance magique du retour de la conscience sur son objet épistémique - s'apparaît à lui-même substantiel, autonome et ontologique sous la saisie du « soi de la personne », laquelle n'est que... simple désignation ! « Les apparences sont des productions interdépendantes infaillibles et la vacuité est libre d'assertion » 3AV.

Les apparences conventionnelles sont des effets de perspectives(vides de réalité ontologique) d'une production dépendante de la désignation à l'esprit dont le « jeu » ne peut manquer de produire (suivant un angle de vue qui inclut le connaisseur) : l'événement « phénomène », sous l'infinie diversité de l'infinie combinaison (de l'infinie multitude) de l'agrégat de la forme ; qui est en même temps l'événement « acte de connaissance », sous l'expression des quatre autres agrégats (sensations, discriminations, formations, conscience).

  • Refaites ce raisonnement jusqu'à ce que vous saisissiez l'évidence que tout est « vide d'existence intrinsèque », jusqu'à ce que vous perceviez la clarté du « vide de réalité ontologique », jusqu'à ce que tout vous apparaisse clair comme de l'eau, transparent comme une bulle, pur comme l'espace... Que partout où vous portiez le regard, sur l'espace, les objets, votre propre corps, vous perceviez avec une lumineuse clarté tel un diamant leur « vide de réalité ontologique » ... Que l'étendue de l'espace, la localité des objets qui l'occupent, l'écoulement du temps, au ressentir de votre marche en pleine conscience, se révèlent présence vide (de réalité ontologique), libre d'assertion en leur (et votre) nature véritable...

La doctrine nāgārjunienne de la vacuité est, avant toute chose, une formidable entreprise de libération, la mise en œuvre d'un processus réel de compréhension de la nature véritable (...) 

Mystère incompréhensible de l'invisible détachement du sῡnyata ; doctrine du vide, vide d'elle-même, absente de sa présence, existante dans son inexistence NDV-12

Observez l'espace. Pouvez-vous mesurer l'étendue qui s'étire là devant vous, l'étendue qui s'étale là derrière vous, l'espace qui s'expand là autour de vous ? Incomposé, l'espace est dépourvu de substance. Sans obstruction, l'espace est intangible. Non né, l'espace est insaisissable. Il en va de même de tous les phénomènes dont on ne peut ni mesurer, ni caractériser les propriétés, car celles-ci sont vides de réalité ontologique ! La forme-contour est vide, les couleurs sont vides, la sensation du froid et du chaud, tout est vide ! L'espace et le temps, la matière et ses aspects, l'esprit et ses états, n'ont pas plus de réalité ontologique et d'existence intrinsèque que la profondeur du reflet dans un miroir !

Tout ce qui apparaît comme manifestation, parce que vide réalité ontologique, ne peut manquer de se produire comme « événement de conscience » en dépendance du connaisseur, sous « l'effet de perspective » de sa simple désignation - lequel « effet de perspective » n'a ni commencement ni fin, seul change son caractère (contaminé ou non contaminé) selon l'état de l'esprit -.

Puisqu'il n'y a aucun phénomène qui ne soit aussi un « acte de connaissance », y compris la vacuité qui n'a d'existence que comme simple désignation - antidote à la croyance en la réalité ontologique des phénomènes -, l'objet et la pensée de l'objet, parce que vides de réalité ontologique, sont ultimement sans discontinuité. A cause de cela, rien ne peut être affirmé « existant » ou « inexistant » ! Libre d'assertion quant à une définition positive (« cela est »), libre d'assertion quant à une définition négative (« cela n'est pas »), il n'est tout simplement pas possible (ultimement) de dire qu'une chose existe ou n'existe pas parce qu'il n'est tout simplement pas possible de lui trouver une réalité ontologique !

Puisqu'il n'y a aucun « acte de connaissance » qui ne peut manquer d'être produit en dépendance d'un événement-phénomène (y compris la vacuité d'existence intrinsèque des apparences), la conscience et son objet épistémique, parce que vides de réalité ontologique, sont ultimement sans discontinuité. A cause de cela, rien ne peut être affirmé « réel » ni infirmé « irréel ». Libre d'assertion quant à une définition de « ce qui vrai », libre d'assertion quant à une définition de « ce qui est faux », il n'est tout simplement pas possible (ultimement) de dire qu'une chose est irréelle (le vide ou le néant), parce qu'il n'est tout simplement pas possible de dire que d'autres (l'espace, la matière, l'esprit) sont réelles !

Le bodhisattva ne peut admettre l'idée de réalité : elle est fausse ; il ne peut pas non plus admettre l'idée que la réalité n'existe pas. En conséquence, c'est dans une intention précise que le Tathāgata a déclaré:

Ceux qui savent que les nombreuses réalités du Dharma sont comparables à un radeau se détachent de l'idée même de ces réalités et à plus forte raison de l'idée que ces réalités sont irréelles SD-20

« La vacuité est libre d'assertion » est une assertion qui, parce qu'elle ne peut manquer d'être produite en dépendance, est... libre d'assertion ! Dire que la conscience qui saisit la vacuité revêt l'aspect d'un acte de connaissance « claire comme de l'eau, pure comme l'espace, d'une clarté lumineuse telle un diamant » est un signe de l'émergence de la sagesse et... une simple désignation !

C'est « saisie » n'est donc pas libératrice au sens définitif du nirvāna - c.à.d. de la réalisation plénière de la vacuité à la voie de la vision du Mahāyāna qui « coupe la racine de l'existence conditionnée » et met ainsi fin à toutes souffrances -. Pour autant, lorsque les opposés se dissipent, que les contraires s'annulent, les uns après les autres, que les idées d'existence et de non-existence, de réalité et d'irréalité, de vrai et de faux, n'apparaissent plus duelles, la conscience s'égalise dans l'équanimité qui (sans encore transcender toute conceptualisation) saisit les phénomènes sans discontinuité à sa pensée, et éprouve comme une sensation de légèreté, de souplesse cognitive et sensorielle, d'apesanteur conceptuelle...

Avec cette épure notionnelle se dissout le paradoxe des « catégories a priori » d'une causalité extérieure à l'esprit - laquelle ne peut l'originer puisque l'esprit est... ce qui la désigne à l'existence ! -, dont le hiatus démontre la nécessité de sortir de la « vue de l'être » pour réaliser la vacuité. Lorsque l'esprit se saisit vide d'existence intrinsèque, à la saisie du vide de réalité ontologique (de l'espace et) du temps, l'idée d'une causalité véritable se révèle alors libre d'assertion quant à une définition réaliste d'une pensée posée comme un « existant second » qui serait originé par l'existence intrinsèque (de l'espace et) du temps. A l'instar de tout phénomène, la causalité qui semble régir le monde physique extérieur n'a d'existence (conventionnelle) qu'en tant que « simple désignation », ultimement vide de réalité ontologique, donc libre de toute assertion ! « Ce qu'on appelle véritable continuum de pensée, le Tathāgata l'a déclaré n'être pas un continuum. Parce que la pensée passée n'est pas saisissable, pas plus que la pensée future, et la pensée qui surgit au présent ne l'est pas davantage » SD-39.

Ainsi se résout cet apparent paradoxe : il n'est pas possible de dire de l'espace et du temps qu'ils sont les catégories a priori de la pensée rationnelle, parce qu'il n'est tout simplement pas possible de trouver un espace-temps possédant une réalité ontologique ! Et il n'est pas possible de dire que, pour advenir, l'esprit qui produit cette pensée rationnelle doit être originé par une causalité intrinsèque qui repose sur des « conditions a priori », parce qu'il n'est tout simplement pas possible de trouver un esprit qui existerait de par sa propre réalité ontologique ! Pour autant, il n'est pas possible de dire de l'espace, du temps et de l'esprit qu'ils sont... irréels, parce qu'il n'est tout simplement pas possible de dire d'un phénomène produit en dépendance qu'il est... réel !

Le Tathāgata ne se trouve pas en possession de quelque réalité de bouddha complètement révélée dans l'Éveil insurpassable, authentique et parfait. Il n'a pas davantage enseigné quelque doctrine que ce soit. Pourquoi ?

Parce que cette réalité du Tathāgata et cet enseignement ne sont pas des objets saisissables : indicibles, ce ne sont ni des réalités ni des irréalités, parce qu'on reconnaît les êtres sublimes à l'inconditionné SD-20

Lorsque l'on saisit pleinement le sens de cette épure notionnelle, l'on réalise que le vide ontologique subsume y compris la pensée. A manier si allègrement la logique (de la philosophie du Mādhyamaka Prāsangika) qui récuse les unes après les autres la validité de nos croyances sur la nature réaliste des phénomènes, nous pourrions être tentés de l'ériger en vérité ! « Ce que le Tathāgata dit être une idée parfaitement juste, il déclare aussi que ce n'est pas une idée » SD-29.

Il n'est pas possible de dire de ce qui démontré plus haut que tout est « vrai » selon la logique de la doctrine du Bouddha, parce qu'il n'est tout simplement pas possible de démontrer ce qui est... libre d'assertion conceptuelle ! L'on ne peut pas plus démontrer que cette démonstration est fausse, parce qu'il n'est tout simplement pas possible de réfuter ce qui est libre d'assertion ! « Dans le Dharma enseigné par le Tathāgata quand il se fut parfaitement et complètement éveillé, on ne trouve pas plus de vérité que de mensonge » SD-31.

Cependant, parce qu'il n'est pas possible d'affirmer que cet argumentaire est vrai ultimement puisque la « vérité ultime » est au-delà de toute assertion, et qu'il n'est pas non plus possible de lui opposer une réfutation libre d'assertion, n'est-ce pas alors que ce raisonnement peut être... conventionnellement déclaré « vrai » ?

Oui et... puisque la « vérité conventionnelle » est ultimement libre d'assertion, cette démonstration ne peut donc pas être considérée comme « vraie », pas plus qu'elle ne peut être considérée... comme « fausse », pas plus qu'il n'est possible d'affirmer ou d'infirmer l'existence ou la non-existence des phénomènes !

Produite sur le modèle de la méthode Mādhyamaka Prāsangika, c'est parce que ce raisonnement ne cherche pas à affirmer la logique de son argumentaire, ni à infirmer qu'il puisse atteindre la « vérité », qu'il est un guide précieux vers le par-delà de toute assertion. La vérité est une désignation libre d'assertion au-delà de toute ontologie. « Le nom de Tathāgata désigne l'authentique ainsité (...) si quelqu'un venait à dire que le Tathāgata a vraiment réalisé l'Éveil, cette personne parlerait faussement. Parce que le Tathāgata n'a rien réalisé de tel qu'une réalité qui serait un plein Éveil manifeste, parfait, authentique et insurpassable » SD-37.

Lorsque l'épure notionnelle fait apparaître la production interdépendante claire comme de l'eau, pure comme l'espace, lumineuse telle un diamant, ce n'est pas encore... la « vue juste » de la vacuité libre d'assertion des ārya bodhisattvas, ni la clairvoyance « libre d'assertion par-delà toute assertion » des Bouddhas dont la réalisation n'est pas ultimement... une réalisation ! « Le Tathāgata se trouve-t-il en possession de réalité de bouddha dans l'Éveil authentique ? Dans cet état on ne peut concevoir la moindre réalité, on ne fait que parler d'Éveil » DB-43.

Cet acte de connaissance inconditionnelle libre de tout objet épistémique va au-delà de la pensée réfléchie, elle englobe phénoménologie mentale, perceptions, sensations, et inclut les modalités de l'expérience de la « matérialité »...

Les bodhisattvas devraient cultiver un esprit libre de toute fixation ; ils devraient cultiver un esprit qui ne se fige sur rien ; ils devraient cultiver un esprit qui ne s'appuie sur aucune forme ; ils devraient cultiver un esprit qui ne prend pas appui sur les sons, ni sur les odeurs, ni sur les saveurs, ni sur les tangibles, ni sur les phénomènes mentaux SD

Voyez le monde. Si vous vous demandez pourquoi il a l'apparence que vous lui voyez (et les modalités sous lesquelles vous en faites l'expérience) plutôt que d'autres, vous posez l'existence d'un « champ des possibles ». Vous affirmez que (la fonction mathématique) de « l'onde de probabilité » de l'électron est un «existant premier » dont la mesure a pour effet de réifier son objet (premier) parmi un ensemble « existant ». Ce n'est pas correct de penser de la sorte ! Que la vacuité soit libre d'assertion signifie que « l'un », «l'unité», « l'identité », et par opposition le « multiple », n'ont pas d'existence ontologique et, qu'il n'existe donc pas de réel « champ de réels possibles » ! Il n'est rien qui se puisse concevoir comme réel dans «l'un » et le « multiple » ou « l'infinie diversité de l'infinie combinaison (de l'infinie multitude) ». Ce ne sont là que désignations !

De l'objet à la pensée de l'objet, de la perception à la sensation, de la représentation mentale à la conceptualisation comme « objet épistémique », ces différentes modalités de la désignation sont toutes sans discontinuité, car leur nature est ultimement vide de réalité ontologique, ni existant ni non-existant ! La production interdépendante est libre d'assertion au-delà de toute réalité ontologique, libre d'assertion par-delà toute assertion. « Ce que le Tathāgata appelle saisie d'objet global n'est qu'une désignation. N'étant qu'une désignation conventionnelle, le phénomène qu'elle désigne est au-delà de toute expression et cependant, les êtres [ordinaires] s'y attachent [comme à une réalité] » SD.

Toute chose existe seulement en désignation, et tout phénomène est l'expression sous forme d'événement d'un « effet de perspective » relatif à cette désignation, laquelle n'est pas signifiante de l'existence intrinsèque d'un désignant ou d'un connaisseur « réel » ! Les flocons de neige sont l'apparence phénoménale d'une « co-manifestation conditionnée » expression d'une conjonction de causes et de conditions interdépendantes, vides d'existence intrinsèque. Désignation et manifestation sont des isolats perspectivistes de l'interdépendance, libres de toute assertion ontologique quant à leur réalité et irréalité substantielle, et donc aussi... quant à l'existence d'un désignant entitaire et nouménal !

C'est bien ainsi que les êtres réellement engagés dans la voie des bodhisattvas devraient connaître tous les phénomènes, les considérer et les envisager de manière à ne pas rester fixés sur le concept de phénomène.

En effet, ce qu'on appelle concept de phénomène au sens fort du terme, le Tathâgata l'a déclaré n'être pas un concept. Le concept ou l'idée de phénomène n'est rien d'autre qu'une désignation SD-52

Il se peut que les concepts « d'existence intrinsèque », « autonome » (véritable) et de « réalité ontologique » résonnent différemment en vous. Toutefois, lorsque le sens de leur « vide » surgit, la compréhension de la vacuité s'abstrait de tout concept et l'épure de toute conceptualisation se mue en évidence. La saisie du soi des phénomènes laisse alors place à une clarté lumineuse... « Plus on intègre la métaphysique nāgārjunienne (...) plus la théorie se fait transparente jusqu'à disparaître, jusqu'à s'effacer et enfin devenir comme n'étant pas » NDV-12.

Et c'est dans le vacuum de ce mystère, formé par la méditation analytique, que la vacuité se fait saisie à l'esprit. Et c'est aussi par l'analyse rationnelle et la familiarisation avec le sens par-delà le sens qu'il est également possible de réaliser la vacuité du « soi de la personne ». La difficulté est toutefois plus grande, car c'est de la conscience que nous avons de nous-mêmes dont il s'agit de saisir que le sentiment (innée) du caractère entitaire, unitaire et nouménal de son objet n'est pas... la preuve de sa réalité intrinsèque, autonome et ontologique !

Tout phénomène est un « effet de perspective » d'un événement de conscience, succession rapide d'actes de connaissance momentanés qui ne comprend pas la moindre part infinitésimale de conscience entitaire ! Or, ce n'est toutefois pas l'impression de ce que cela fait d'être conscient, lorsque nous observons le monde, au moment de l'expérience de sa « matérialité », au plus fort de la « saisie du soi» au ressentir de la colère ou de la souffrance...

Ce « sentiment de soi » est particulièrement prégnant dans la construction d'un raisonnement logique qui nous instille l'intime conviction qu'elle ne saurait se concevoir sans un « agent » substantiel doué de la faculté de penser. Un pot en terre ne peut se façonner sans potier, ni surgir sans cause, d'autant plus s'il résulte de la première, ni apparaître sans aucune de ces deux conditions ! Mais, si l'on examine avec soin les agrégats du potier, de la plus infime particule de matière au plus subtil contenu mental, peut-on seulement trouver le moindre indice de la plus petite présence d'un « noyau ultime » de pensée autonome ?

L'argumentation logique de la philosophie bouddhiste tibétaine, un vase de terre cuite, ne semblent pas (en apparence) pouvoir être produits en-dehors du dessein d'un « agent » doué de conscience et d'intelligence. Ce n'est pas le cas d'une pousse de riz dont la « causalité » de la germination s'explique par la « production interdépendante » qui provient de la dépendance de causes et de conditions... vides de pensée ! « Sans graine, la pousse ne surgira pas ; de même jusqu'à la fleur qui, si elle manque, ne permettra pas la production du fruit. Mais la graine ne pense pas qu'elle va produire une pousse, jusqu'au fruit qui ne pense pas qu'il a été produit par le pouvoir de la fleur » SD-71.

Tant que nous ne l'avons pas réalisé de manière « définitive », nous ne cessons jamais d'approfondir le sens de l'assertion « les apparences sont des productions interdépendantes infaillibles et la vacuité et libre d'assertion » : outre que, tout phénomène n'ait d'existence que comme simple désignation (conceptualisation) ; que celle-ci ne soit produite ni à partir de rien, ni à partir d'elle-même, ni à partir des deux, ni à partir d'aucun des deux ; l'on découvre aussi que la production interdépendante implique « la dépendance de causes et de conditions » qui, vides d'une désignation (intelligente, volontaire et consciente) remplissent un simple rôle fonctionnel dans la chaîne de la « coproduction conditionnée » !

Le caractère infaillible de la production interdépendante réside en cela que les apparences qui sont (potentiellement susceptibles d'être) adoptées dans leurs (infinie diversité, combinaison et multitude de) manifestations par « les effets de perspective » de (l'événement de) la désignation - que ce soit de la pensée logique, du vase du potier ou de la pousse de riz -, puisque vides d'existence intrinsèque ne peuvent manquer de se produire (relativement au désignant) en dépendance de causes et conditions vides de réalité ontologique !

C'est donc parce que leur nature est « libre d'assertion » quant à toute conception d'un agent (entitaire, nouménal et autonome) que cette production de causes et de conditions interdépendantes peut ainsi produire tout phénomène. « Qu'est-ce que l'ignorance ? Ce qui perçoit ces éléments comme unique, les conçoit comme éternels, consistants, immuables, comme un "soi", un être doué d'esprit, un individu, une personne, un être humain, un dénommé "moi", un soi-disant "mien", bref, toute une variété de méprises : voilà ce que l'on nomme ignorance » SD-71.

La philosophie bouddhiste tibétaine distingue la conscience et la « saisie (innée) du soi ». La première recoupe la perception des six consciences « sur la base de leur condition souveraine (...) de leur propre force » FRS. Les objets de la conscience (ou de la phénoménologie mentale comme représentation) sont des « forme imaginée, nominale, imputée » FRS par opposition aux formes sensibles des phénomènes perçus par les « consciences sensorielles ».

Dans le Dzogchen, la conscience est définie comme substrat, « base de tout », ou réceptacle (ālaya). Sous cette acception, la conscience comme caractère (« continuum de conscience ») se distingue de son contenu, comme les vagues à la surface de l'eau. Perturbée par le voile cognitif de l'ignorance, la conscience mentale « prend la conscience substrat comme objet et la voit comme dotée d'un soi qu'elle identifie comme le je » FRS.

Cette « conscience bicamérale », établie sur la dualité entre son support et son contenu, rappelle la théorie de « l'éther[i] » transmetteur de la lumière (réfutée par Einstein), et s'oppose à l'idée d'une conscience formée par une « succession rapide d'actes de connaissance momentanés » DEB-150, laquelle se saisissant comme objet épistémique se prend elle-même pour existant intrinsèque. Il n'y a pas de fleuve sans eau ni de conscience sans contenu. « La conscience mentale se produit toujours, excepté dans les deux recueillements [samādhi], la torpeur et la défaillance exempts de pensées » DEB-151. C'est par un effet de perspective que le « courant de conscience », ignorant sa vacuité, devient conscience de soi en interprétant sa continuité (par occultation de la pensée de son objet) comme le signifiant d'un Soi intrinsèque, autonome et ontologique.

L'ignorance désigne cette occultation de la sagesse qui, confondant le réel et l'illusoire, tient pour juste la vision erronée. Chacun de ces douze éléments [de l'existence conditionnée] a des causes et produit des effets. Il n'est ni éternel ni nul ; il n'est pas conditionné mais n'est pas inconditionné non plus ; ce n'est pas une entité psychique ni un pur phénomène d'extinction ou de cessation. Chacun de ces éléments est originellement et naturellement porteur de ce qu'il produit sans interruption, à l'image des rivières et des fleuves dont les flots roulent sans jamais s'arrêter SPR-93

C'est de cette méprise quant à la « saisie du soi », qui imprègne notre esprit du voile cognitif de la « vue de l'être » (laquelle projette la croyance en l'existence d'un agent autonome dans le processus d'élaboration de la pensée conceptuelle), dont nous devons nous libérer par l'examen analytique de « l'illusion induite par l'illusion instillée par performance magique »... Autant dire que cela exige de nous quant au développement de notre esprit par l'épure de toute assertion (et de tous voiles perturbateurs émotionnels et karmiques), un effort plus important encore que celui que fournissent les saumons lorsqu'ils doivent remonter le fleuve vers l'amont contre la force du courant, car il s'agit de déconstruire le sentiment même qui nous fait « être conscient comme soi »...

Ralentir la vitesse de défilement des images l'illusion du mouvement du cinéma. Mais, si l'on ralentit le flux des « actes de connaissance » qui la composent, la conscience risque de s'évanouir ! Dès lors qu'on tente de saisir « comme objet », la conscience se dissout comme « sujet » ! Comment, à travers la subjectivité de son expérience, sur laquelle s'ajoute par effet de perspective le sentiment de la « saisie du soi », pouvons-nous réaliser que la conscience est vide d'existence inhérente, sans... détruire cela même qui la fait apparaître comme conscience ?

Il importe de préciser que le terme connaissance dans « actes de connaissance » se rapporte aux informations brutes transmises par les consciences sensorielles et n'induit pas l'idée d'un connaisseur antérieur à un « acte de connaissance » subséquent ! Le connaisseur de l'esprit ne peut être antérieur aux « actes de connaissance » qui le constituent, comme la causalité (physique) ne peut originer l'esprit puisque celle-ci dépend pour exister... de sa désignation par l'esprit !

Aucun des « actes de connaissance momentanés », dont l'enchaînement incessant en un mouvement rapide induit l'illusion d'un objet qui se déplace - laquelle produit l'émulation d'une conscience qui se saisit comme « agent » par l'effet relativiste de son aperception épistémique -, aucun de ces événements (qu'il soit produit en dépendance de causes ou en dépendance de conditions) ne possède de réalité ontologique, substantielle et autonome ! Rien dans ce mouvement vide n'est une entité indivise, entitaire et nouménale !

A distinguo de la vision bicamérale, c'est « l'effet relativiste » de la vitesse de ce flux d'informations, dont le mouvement adopte la forme d'un continuum lequel apparaît comme un objet épistémique au sein de ce flux, qui induit l'émulation d'une « vue subjective » de la conscience comme connaisseur !

L'apparition de la conscience de soi est un « effet de perspective » produit de causes et de conditions qui, à partir d'un courant vide de réalité ontologique, vide d'élément entitaire, unitaire, indépendant et autonome, en vient à se saisir comme agent conscient, dont la vacuité libre d'assertion rend par ailleurs conjointement impossible... de réfuter l'existence au même titre que la non-existence !

Tout paraît en mouvement sous la vue de l'impermanence. Comprenant qu'il n'y a pas d'objets substantiels qui se meuvent de manière autonome, seulement les apparences manifestées de la production interdépendante, nous pourrions croire que, pour exister, tout phénomène dépend de la combinatoire incessante de conjonctions de causes et de conditions. Or, « vide de réalité ontologique » signifie que, puisqu'il n'y a aucun objet qui existent réellement, il ne peut par conséquent pas non plus y avoir de... véritable mouvement !

S'agissant de se libérer du samsāra, la question n'est pas de savoir « comment en sortir ? », mais qu'est-ce qui nous fait croire que nous sommes dans un monde « réel », que notre vie est « réelle », que notre « incarnation » est réelle ?

Si nous sommes dans le samsāra - la préposition « dans » indiquant un lieu est impropre à qualifier la nature du samsāra et de notre condition existentielle -, c'est à cause de l'ignorance de la nature véritable des phénomènes. Lorsque nous développons la sagesse qui réalise la vacuité, il devient clair que puisqu'il n'y a aucun phénomène qui ait de réalité ontologique, alors, pas plus que notre corps, la matière et notre esprit ne sont « réels », ni le samsāra ni le nirvāna, et ni le Bouddha lui-même... ne sont réels - pour la même raison, il n'est pas non plus possible de dire qu'ils sont irréels - ! C'est parce que rien n'a de réalité ontologique que tout peut exister (conventionnellement) en dépendance de causes et de conditions, elles-mêmes vides de réalité ontologique !

Cela reste toutefois une assertion, car la vacuité étant « libre d'assertion », elle ne peut être décrite... par aucune assertion ! Dire que nous avons vécu des vies « sans commencement » est une simple assertion vide de réalité propre quant à la « réalité » présumée du temps. Synonyme de « production interdépendante », l'expression signifie simplement qu'il n'y a pas de « cause première » à l'origine du samsāra. Comment ce qui n'a d'existence que comme simple désignation, puisque dépourvu de réalité ontologique, pourrait-il avoir une origine ?

Cependant, même s'il n'y a ni début ni fin, ni création ni destruction, dans la vacuité, puisque le samsāra est causé par l'ignorance et que celle-ci a une fin (le nirvāna), alors le cycle des existences conditionnées... a un terme ! Le nirvāna !

La réalisation de la vacuité n'est somme tout que l'affaire d'un... changement de perceptive (ou de paradigme) révélatrice de la véritable nature des phénomènes, mais qui n'a rien d'aisé puisque l'ignorance est ancrée dans notre esprit depuis « des temps sans commencement » ! Les phénomènes étant vides de réalité ontologique, les maillons de la chaîne de « coproduction conditionnée » ne sont donc ni en activité incessante ni... sans absence d'activité incessante ! Ce n'est là que désignation ! Les phénomènes peuvent seulement être « dits exister » ou ne pas exister, être ou non en mouvement, mais rien ne l'est réellement ! « Ces éléments ne naissent pas, ne cessent pas, n'agissent pas, ne créent pas de conditions, ne saisissent pas, sont tels quels et vrais sans distorsion aucune (...) Ce sont des causes et pourtant ne sont pas des causes tout en n'étant rien d'autre que des causes, les causes mêmes de leur existence » SPR-88.

Or, puisque tout ce qui existe n'a pas « d'existence réelle », l'on pourrait penser qu'il n'y a nulle nécessité à ce que ce qui apparaît comme simple désignation, en dépendance de causes et de conditions « ni réelles ni irréelles », doive dépendre de critères de « validité », à l'instar d'une expérimentation scientifique valide qui reproduite dans les mêmes conditions donnera toujours le même résultat ?

Vides de réalité ontologique, les apparences ne peuvent constituer des critères de réfutation réels, mais rien n'interdit de les désigner comme tels ! La nature de tous les phénomènes étant la vacuité libre d'assertion (lesquels peuvent ainsi être désignés à la fois comme existant et non-existant), il n'est donc pas impossible de désigner un « référentiel » qui soit déterminant de « règles de validité » conventionnelles (logique, philosophique, mathématique, etc.).

Dans le référentiel de la géométrie euclidienne un contenu ne peut pas dépasser le volume de son contenant dont il détermine la limite. Pour l'esprit ordinaire, sous la vue substantialiste de l'être, haut versus bas, intérieur vs extérieur, l'instant qui précède vs l'instant suivant, sont opposés. L'infiniment grand contient l'infiniment petit dans un emboîtement crescendo de « poupées gigognes ». Mais, puisque les phénomènes sont vides de réalité ontologique, l'espace qui nous entoure n'a pas plus de profondeur (ni d'existence) « réelle » que le reflet dans un miroir n'a de profondeur, de localité ou de temporalité «véritables » !

De fait, rien n'ayant d'existence autrement que comme simple désignation (où comme reflet), rien ne possède de ce fait une « réalité ontologique » qui interdise (par assertion mathématique) à un contenu d'être plus grand que son contenant ! Dans les conditions relativistes extrêmes des trous noirs et du Big Bang, un point peut ainsi posséder une dimension... nulle et contenir... une masse infinie !

Tout ce qui est en haut est comme ce qui est en bas énonce Hermès Trismégiste pour exprimer l'interdépendance du macrocosme au microcosme dans sa « Table d'émeraude[ii] », écho au sῡtra de la pousse de riz. « Il est vrai, sans mensonge, très véritable : ce qui est en bas, est comme ce qui est en haut... », deux isolats ? « Pour faire les miracles d'une seule chose... », la vacuité ? « Toutes choses ont été et sont venues par la médiation d'un... », en désignation ? « Toutes les choses ont été nées par adaptation... », production interdépendante ? « Il monte de la terre au ciel et descend en terre... », de la forme-vide au vide-forme ? « C'est la force de toute force... », la sagesse ? « Elle vaincra toute chose subtile et pénétrera toute chose solide », l'extrême du nihilisme et de l'éternalisme ?

Pour autant, l'identité de ce qui apparaît comme opposé doit être modérée par l'éclairage de la sagesse qui comprend la vacuité, car bien que vides de réalité ontologique, les phénomènes n'en sont pas moins existants ! L'on ne peut réfuter leur inexistence en raison du fait qu'ils sont... dépourvus de réalité ontologique ! L'objet ne doit pas être confondu avec la pensée épistémique de l'objet, ni le courant de conscience avec son contenu (les « actes de connaissance » qui le constituent). Ni identiques en apparence (« vérité conventionnelle ») ni différents en nature véritable (« vérité ultime »), ils sont sans discontinuité...

  • Revenons à notre « palais des glaces » mental. Imaginez que vous entrez dans une pièce totalement vide et entièrement blanche du sol au plafond. Un miroir occupe toute son étendue latérale sur lequel se reflète vos agrégats. Approchez vous du miroir, asseyez-vous en posture de méditation et observez. Inspirez et expirez lentement... jusqu'à ne plus sentir votre respiration, jusqu'à ne plus sentir la présence de votre corps... Continuez à fixer le miroir. Que voyez-vous ?

  • Sans la sensation de votre corps, comment pouvez-vous savoir que ce qui se trouve « devant » vous est votre reflet... que ce n'est pas vous le reflet ? Comme dans une illusion d'optique pour laquelle le cerveau hésite entre une vue en creux et une vue en relief, après quelques instants vous pourriez ne pas être en capacité d'affirmer... qui est qui ! Quel que soit votre choix, vous vous tromperez car les deux images/phénomènes que vous percevez ne sont elles-mêmes simplement rien d'autre que... les reflets d'autres miroirs, et ainsi de suite, sans véritable commencement ! Toutes les apparences sont des productions interdépendantes infaillibles (vides de réalité ontologique) et la vacuité est libre d'assertion ...

Celui qui voit la production interdépendante - ni produite ni manifestée, ni créée ni composée, inconcevable ; inexistante, sans contenu ni substance ; dépourvue d'essence ; impermanente, vide, dépourvue de soi - ne se demande plus à propos du passé :

Étais-je moi dans le passé ou n'étais-je pas moi ?

De même, il n'imagine pas ce qui va suivre en se demandant : Serai-je moi à l'avenir ou ne serai-je pas moi ?

Quant au présent, il n'y réfléchit pas non plus en pensant : Qu'est-ce que ceci ? Étant ceci, qu'est que cela deviendra ? SPR-82

Puisque la conscience est produite en dépendance de causes et en dépendance de conditions vides d'existence intrinsèque et que nul phénomène n'a de réalité ontologique, le connaisseur de l'esprit est... sans commencement ni fin ! Passé et futur ne sont pas « réels », pas plus que le « moment présent », pas plus que la profondeur de l'espace dans un reflet n'a d'existence véritable ! Or, puisque rien ne possède de réalité ontologique, il n'est pas non plus possible de qualifier l'espace et le temps, notre corps et son reflet, le continuum de notre conscience, « d'irréels » ! Ils existent seulement comme « effets de perspective », admis comme vrai ou faux dans le référentiel de leur désignation conventionnelle.

Selon Arthur C. Clarke, l'histoire est un « jeu de perspectives » entre les faits mis en avant par ceux qui la racontent et les faits occultés par ceux qui la font. Méditer « le calme mental », c'est fixer un « objet épistémique » sur l'écran intérieur de notre conscience. A force d'entraînement, cette image demeure stable et claire aussi longtemps qu'on le souhaite sans avoir à faire d'effort pour l'y maintenir...

  • Observez votre esprit... Voyez le flux d'informations mentales qui s'y écoulent constamment. Une perception en remplace une autre, se superpose, s'entremêle sans arrêt. Même le silence, la solitude et l'absence de pensée sont des actes de connaissance ! Tout phénomène est un «événement phénoménologique » ! Parce que leur nature est la vacuité, l'objet et sa pensée épistémique sont sans discontinuité autre que d'apparence nominale et conventionnelle ! En-deçà de ce courant composite et fluctuant, la conscience comme sentiment d'être conscient de soi apparaît stable dans l'occultation de la « persistance rétinienne mentale » de l'illusion d'une illusion qui nous saisit de sa performance magique ...

C'est ainsi que la terre, l'eau, le feu, le vent, l'espace et le temps, de même que la graine, la fleur et le fruit - toutes ces choses naissent les unes des autres. Elles ne sont pas les mêmes et cependant elles ne sont pas séparées, car elles sont inépuisables et indéfectibles SPR-90

Regardez à nouveau le reflet dans le miroir... A qui appartient-il ? « A moi » dit l'agent qui vit l'histoire ! « A personne » répond l'agent désocculté de ses voiles ! La position de votre reflet dans l'espace reflété, l'espace occupé par votre corps, l'espace environnant dont l'étendue est libre d'obstruction (qui sous la «saisie (innée) du soi » vous apparaissent substantiels) ne sont qu'apparences, « effets de perspective » produits en dépendance d'événements de conscience qui, vides de réalité ontologique, ne sont que de simples désignations par l'esprit !

Ces formes que vous percevez comme des phénomènes par vos consciences sensorielles vous semblent (logiquement, relativement à votre expérience) ne pas pouvoir apparaître tels sans une conscience qui en serait « l'observateur ». Or, puisque cela que vous percevez comme phénomène et votre conscience sont tous deux vides (d'existence inhérente, autonome et de réalité ontologique c.à.d. sans aucun caractère ni pouvoir de perception propre), ces espaces de vides-formes amodales vous les saisissez sous l'apparence « d'existants substantiels » en dépendance de la saisie de l'espace modal de la forme-vide de votre conscience comme « existant intrinsèque » !

Lorsque vous réalisez que les phénomènes et la conscience que vous en avez ne sont (de par leur liberté d'assertion) qu'effets de perspectives, tout en réalisant simultanément leur différence conventionnelle, vous ne discriminez plus alors de discontinuité entre ce qui apparaît comme étant là-dehors et ce qui apparaît comme étant là-dedans (entre l'objet et sa conscience, la forme et le vide), entre l'espace perçu comme événement phénoménal et « l'événement de la perception de l'espace » perçu comme acte de conscience...

  • Pratiquez la « méditation analytique » (et pour cela cultivez le « calme mental » authentique) afin de réfléchir au sens des précieuses et profondes paroles de lama Tsongkapa « les apparences sont des productions interdépendantes infaillibles et la vacuité est libre d'assertion ». En post-méditation, appliquez-vous à regarder tous les phénomènes (y compris votre conscience) comme un reflet. Entraînez-vous conjointement à vous familiariser avec la compréhension du vide et à voir chaque « acte de connaissance » qui constitue le courant de votre conscience, chaque situation, chaque geste et chaque action, comme un reflet...

  • Imaginez que le monde est un « palais de miroirs » et que tout ce qui s'y déroule, tout ce dont vous êtes le témoin, l'acteur ou l'objet, est un « effet de perspective » ... Voyez toutes choses comme vides d'existence intrinsèque, voyez l'espace et le temps comme vides de réalité ontologique, voyez la matière et votre corps comme vides de substrat, voyez votre esprit et vos pensées « clairs comme de l'eau, transparents comme une bulle, purs comme l'espace » ...

  • Assertion libre de toute assertion, tout ce qui apparaît, tout ce qui est apparu, tout ce qui jamais apparaîtra, tout ce qui est dit « exister » (ou ne pas exister) n'a d'existence que comme simple désignation : les directions, les dimensions, les formes, les couleurs, la localité, la temporalité, « l'ici et maintenant », tous les phénomènes sont comme un reflet vide de substrat et de réalité ontologique...

  • Toute apparence est un « effet de perspective » lequel est aussi un événement de conscience... L'espace sans obstruction et l'espace de votre mental, bien que différents en termes « d'apparence conventionnelle », puisque vides de réalité ontologique sont, en nature ultimement, sans discontinuité...

Il n'existe aucune réalité qui passe du présent au passé, mais seulement les produits de l'illusion créée par les causes qui, elles, sont l'effet karmique des actions. Il en est comme d'un visage reflété dans un miroir : le visage apparaît dans le miroir sans s'y être introduit. Il s'y manifeste consécutivement aux causes qui, elles-mêmes, ne sont que des idées trompeuses SPR-95


Namasté

Tashi delek

བཀྲ་ཤིས་བདེ་ལེགས།



Références :

3AV : Les trois aspects de la voie, Lama Tsongkhapa https://www.centreparamita.org/?navig=/Boutique/Sadhanas 

37 : Les Trente-sept Pratiques des Bodhisattvas https://www.institutvajrayogini.fr/pdf/Les_37_pratiques_des_bodhisattvas_trad_Ch.Charrier_Editions_Vajra_Yogini.pdf 

EPS : L'essence de la perfection de la sagesse (« le soutra du cœur ») - Sadhana n°18 https://www.centreparamita.org/?navig=/Boutique/Sadhanas 

EHS : (Explication du seigneur Manjourshri EHS) The Essence of the Heart Sutra: The Dalai Lama's Heart of Wisdom Teachings https://bookshelf.ca/product/view/9780861712847 

NDV : Nagarjuna et la doctrine du vide, Jean-Marc Vivenza https://www.bouddhisme-france.org/sagesses-bouddhistes/bibliographie-de-l-emission-sagesses-bouddhistes/mahayana/soutras-shastras-traites-classiques-de-l-inde/Nagarjuna-et-la-doctrine-de-la-vacuite-1994 

OCM : Œuvres complètes Milarépa https://www.decitre.fr/livres/oeuvres-completes-9782213628974.html  

SD : Soûtra du diamant et autres soûtras de la Voie Médiane, Patrick Carré


[i] https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89ther_(physique)#1905_:_Einstein_nie_l'existence_de_l'%C3%A9ther 

[ii] https://fr.wikipedia.org/wiki/Table_d%27%C3%A9meraude