I.97 – Le non-instant non-présent

09/10/2022

Deux astrophysiciens se querellent à propos d'un objet tombé dans un trou noir : « Il est immobile, affirme le premier ! » ; « Il est en mouvement de l'autre côté de l'horizon des événements », rétorque le second ! Einstein passant par-là coupa court : « Il n'est ni immobile, ni en mouvement... C'est l'observateur qui le voit ainsi ! »

Lorsque vous ne retenez aucun point de référence quel qu'il soit, c'est le signe que votre perception illusoire s'est effondrée. Lorsque toute perception se présente comme une expérience impartiale, c'est le signe que vous avez atteint le cœur de la vue et de la méditation.

Dix signes que vous prenez le Dharma à cœur

Tout est relatif (c.à.d. vide d'existence intrinsèque), y compris la relativité elle-même ! Cette vérité de la nature des phénomènes (« comment la vacuité apparaît comme la cause et l'effet »), pour la réaliser, nous devons développer la « vision supérieure », laquelle implique de cultiver le « Calme mental » (authentique).

Vidée de sa dimension spirituelle, l'idée qui s'attache à la méditation de « pleine conscience » est la re-conquête de « l'instant présent », recentrer son esprit sur ce qui se passe « ici et maintenant », loin des ruminations contrariées du passé et des tergiversations anxieuses du futur. Celle-ci peut nous apporter une certaine paix intérieure (mondaine), c'est indéniable, mais temporaire et imparfaite, reflet de l'impermanence de toutes choses. Se libérer (définitivement) de la souffrance telle n'est (plus) sa vocation sotériologique. Pour autant, apaiser, soigner, guérir n'est pas l'objectif de la méditation dans le bouddhisme tibétain, lequel vise à corriger l'erreur (l'ignorance) qui emprisonne l'esprit dans le cycle des souffrances (autrement) sans fin du samsāra ! Être « présent à l'instant » n'est pas le but, c'est prendre conscience qu'il n'y a ni véritable instant, ni réel présent, dans un « ici et maintenant » vide d'existence et de non-existence !

Boddhidharma est assis face au mur. Hui Ko est debout derrière lui dans la neige, se plaignant de la douleur de son bras.

- Mon esprit n'est pas en paix, Maître. Je t'en prie, accorde la paix à mon esprit...

- Apporte-moi ton esprit, et je le pacifierai pour toi, répond Boddhidharma.

- Je cherche mon esprit, Maître, mais je ne peux le trouver.

- Alors ton esprit est déjà en paix BSP-25

Les phénomènes tels qu'ils nous apparaissent ne sont pas les phénomènes tels qu'ils sont. Cette allégation est valable pour toute situation et pour tous les états de conscience, au cinéma ou dans le rêve, mais où nous savons que ce que vous voyons s'y dérouler n'est pas la réalité... L'état de veille ne nous assure pas de voir la véritable nature des choses, il nous induit seulement à le croire plus facilement ! Ce que nous percevons et dont nous faisons l'expérience n'est pas une « raison suffisante » pour affirmer la réalité de son objet.

Si notre œil est affecté d'un dysfonctionnement qui nous empêche de bien voir, nous n'affirmons pas que la nature du monde est floue ou distordue ! Or, à côté de cela, nous nous laissons facilement berner par les illusions d'optique... C'est à chaque instant qu'il faut questionner nos sens, les représentations mentales formées par l'esprit et les « facteurs mentaux », les émotions et pensées qu'elles suscitent, les actions qu'elles nous entraînent à commettre, en n'oubliant jamais que notre conscience est voilée par l'ignorance et la confusion mentale.

Tant que l'ignorance n'est pas totalement éliminée, tant que l'on n'a pas reçu les instructions d'un maître de tantra authentique et que l'on ne s'est pas familiarisé avec « l'objet à rechercher » (la claire lumière de l'esprit), l'on ne devrait pas ériger en cognition valide ce que l'on perçoit, quelle que soit l'expérience (dhyāna de la méditation, « expériences de mort imminente », etc.). « La dissolution - des souffles karmiques et des énergies vitales - se produit chaque fois que l'on passe d'un bardo à un autre. Mais ce processus, n'est ni repérable ni utilisable par les personnes non entraînées. Les yoga du Dzogrim permettent de repérer chaque étape et surtout de se familiariser avec la claire lumière » DEB-203.

Pour le méditant, la plus haute voie consiste à empêcher l'esprit de croire à quelque manifestation que ce soit, qu'il s'agisse des expériences et perceptions issues des méditations avec ou sans formes visualisées, ou des apparences ordinaires venant des imprégnations.

Ne pas croire à tout ce qui apparaît dans l'esprit, voilà la voie suprême.

On ne peut aspirer à rien de plus élevé RL-453

L'exhortation du Bouddha à questionner sa doctrine ne signifie pas que nous devions prendre notre expérience comme « mètre étalon » ! L'expérience est un critère de jugement, mais ce n'est pas le seul (la raison et le bien la complètent). L'expérience (la perception) seule n'est pas un critère de validité (d'autant que notre esprit peut être voilé par des « fausses vues »), aussi ne devrions-nous pas l'ériger en preuve, mais plutôt user du doute critique (constructif) pour interroger ce dont nous en avons été témoins en lien avec la raison (la « sagesse de la réflexion » développée par l'étude des textes), animés par la recherche du bien d'autrui, lequel est également notre bonheur personnel.

L'esprit ordinaire a besoin de s'accrocher à du solide (à ce que ce que les choses possèdent un substrat tangible), or ce que la philosophie bouddhiste tibétaine (le Mādhyamaka Prāsangika) nous enseigne, c'est que tous les phénomènes sont en leur nature véritable libre d'assertion, de sorte qu'il n'est possible ni d'affirmer ni infirmer (par la logique ou l'expérience) leur caractère existant ou non-existant ! Tout est vrai, non vrai, vrai et non vrai, ni vrai ni non vrai !

Cela ne veut pas dire que ce que nous percevons « existe » vraiment et que ce dont nous faisons l'expérience est « vrai » ... parce qu'il n'est pas possible d'infirmer qu'il ne peut pas apparaître autrement ! La signification du tétralemme nagārjunien est que les notions « d'existence » et de « vérité » ne recouvrent pas des absolus (« existants premiers » doté d'une réalité ontologique), mais sont de « simples désignations » dont le sens réside dans leur relation de dépendance à l'esprit, comme l'exprime ce koan zen, « Si un arbre tombe dans la forêt et que personne ne l'entend, fait-il du bruit ou pas ? [i] ».

Au moment de la mort, l'étau de nos voiles est quelque peu desserré, mais nous n'en sommes pas pour autant libérés ! La « dissolution des agrégats » lors du « processus de la mort » n'est pas constitutive de la purification des voiles de la cognition et des émotions perturbatrices, sinon nous ne serions pas prisonniers du « cycle des existences conditionnées » ! Cela que nous percevons sous les modalités d'une « expérience sensible » n'est pas extérieur à l'esprit, ni l'esprit lui-même, c'est le reflet de la manière dont l'esprit voilé fonctionne (en l'occurrence ici, les hallucinations causées par la dissolution des agrégats des consciences sensorielles). Il n'y a d'apparences qu'en dépendance de l'esprit.

L'esprit, troublé par les imprégnations karmiques,

Perçoit une réalité extérieure.

En fait, aucune réalité n'existe en dehors de l'esprit.

Percevoir une réalité extérieure est une méprise RL-43

Tout ce qui se manifeste dans l'espace incomposé (vide d'existence inhérente), tout ce qui se produit dans le temps illusoire (vide de la succession d'apparition et de disparition réelles), l'espace-temps vu comme «référentiel » et catégorie a priori de la pensée, ne sont que de « simples désignations », vides d'existence intrinsèque, ultimement sans discontinuité de par leur nature libre d'assertion.

Ce que nos consciences (ordinaires) perçoivent n'est pas l'esprit lui-même ni sa nature vide, pour autant, de même que nous ne pourrions pas voir un film sans écran sur lequel sont projetés des images avec une illusion de mouvement, rien de ce que nous percevons ne serait possible... sans l'esprit !

La « nature de l'esprit » n'est pas directement visible à travers le produit de sa cognition. Hors de portée de l'esprit ordinaire, « dualiste confus et tourbillonnant, jouet de l'illusion et producteur de confusion » DEB-485, elle ne serait toutefois pas possible si l'esprit n'était « cela qui connaît », ce qui inclut... de se connaître lui-même. Or, saisir la nature de l'esprit, c'est en réaliser la vacuité !

Comprenez bien que rien n'existe hors l'esprit

Et que l'esprit lui-même est dénué de réalité.

Le sage qui perçoit l'irréalité de l'esprit et de toute chose

Reste dans la dimension absolue de la non-dualité RL-226

Pour commencer, nous devons changer de paradigme et nous entraîner à réaliser la « production interdépendante » en développant notre acuité mentale par la méditation et en nous familiarisant à « voir les phénomènes comme un reflet » en post-méditation. A mesure que notre discernement gagne en clarté et en lucidité (cela qui est perçu est cela qui peut être conçu), il devient évident que l'espace est un phénomène incomposé (non-né), dépourvu de substance, et que la succession des « trois temps » est une illusion (il n'y a ni réelle apparition ni réelle disparition, ultimement, sans transition comme une porte sans porte). Lorsque leur vide d'existence inhérente est saisi simultanément, tout objet perçu et la conscience de leur perception sont également saisis sans discontinuité.

Lorsque l'on comprend que l'espace et le temps sont comme des reflets (lesquels sont le « miroir de la vacuité »), se pose alors la question de comment voir la nature du miroir à travers ce qu'il reflète, la nature de l'écran derrière le film, la nature de l'esprit sous la connaissance des phénomènes ?

Dans son « expérience de pensée de l'ascenseur », Einstein jette les bases de la théorie de la relativité restreinte sur le constat de la similitude de l'accélération et de la « chute libre » d'un corps en mouvement. A l'instar, l'on ne saurait discerner l'eau versée dans l'eau, pas plus que l'air mélangé à de l'air ou un état sans-forme projeté sur le fond de l'espace incomposé ! Définit comme « la vacuité-luminosité immuable de la nature de l'esprit » DEB-206, l'esprit de « claire lumière » ne se distingue pas ainsi, en la description de sa nature, de la vacuité de ce phénomène qu'est l'esprit, telle « une aube très pure [qui se lève] dans un ciel vide » DEB-205 !

« Qu'est-ce que la clarté et la luminosité de l'esprit ? » a tout l'air d'un koan zen : comme la forme et la couleur, ce sont des propriétés ; ou, c'est la connaissance de la vacuité ; « l'un et l'autre ! » est la réponse médiane !

Voyons la question sous la perspective des « trois sphères », dont nous savons sur la base de l'entraînement aux « pratiques des bodhisattvas » qu'il s'agit d'en réaliser ultimement la vacuité. Si nous considérons « l'agent » comme l'esprit, ses « actes » comme l'acte de connaissance et son « objet » comme la vacuité, alors nous pouvons considérer l'assertion selon laquelle, puisque la clarté et la luminosité de l'esprit s'entendent au sens où « cela qui connaît », « l'acte de connaître » et « cela qui est connu » sont libres d'assertion, et donc sans transition et sans obstruction, alors « la nature de l'esprit » est également... sans discontinuité en termes de qualité de connaissance !

Somme tout, les divisions conventionnelles que la philosophie bouddhiste établit quant à la définition de la « Claire lumière de l'esprit » se conçoivent sous une vue dualiste qui est constitutive d'une « méthode argumentaire » visant à faire comprendre le (très) subtil, depuis le grossier, par un raisonnement progressif. « On divise la claire lumière analogique ou métaphorique, encore accompagné d'obscurcissement et de concepts, et en claire lumière de signification ou ultime, où les voiles tombent. L'école Guélougpa distingue la claire lumière subjective, conscience très subtile [l'esprit comme « connaisseur »] qui réalise la claire lumière objective ou vacuité [son propre objet]. La claire lumière subjective est dite métaphorique quand elle réalise conceptuellement la vacuité et ultime quand elle la réalise directement [son acte de connaissance] » DEB-206.

Toutefois, si nous appliquons le tétralemme, il nous faut également considérer la quatrième proposition (ni être, ni non être), selon laquelle « claire lumière » ne qualifie ni la nature de l'esprit ni le caractère de sa connaissance... mais ne peut pas non plus être réfutée en tant que leurs qualificatifs !

Prenons les couleurs, elles sont l'expression de certaines fréquences de vibration de la lumière, mais elles ne sont pas la « nature de la lumière », laquelle apparaît comme vibratoire ou corpusculaire relativement à son observation (mesure) - la notion de « particule » étant elle-même une manifestation macroscopique de la vibration de cordes infinitésimales (sous l'angle de ladite théorie) -. De même, un miroir a pour propriété de refléter la lumière, mais telle n'est pas à proprement parlé sa nature si l'on se place du point de vue de la « substance matérielle ». La question ne se résume toutefois pas à savoir si « connaître » est la qualité ou la nature de l'esprit, ni s'il est valide de désigner l'une en référence à l'autre...

Étant donné que la « nature de l'esprit », à l'instar de tous les phénomènes, est la vacuité, le qualificatif de « claire lumière » (« vacuité-luminosité ») ne saurait être employé pour qualifier la nature de ce qui est... libre d'assertion - d'autant que la vacuité, vide de réalité inhérente, autonome et ontologique, n'est pas un « existant premier » susceptible d'être l'objet d'une connaissance ontique -. Mais, puisque la vacuité est libre d'assertion (définie comme telle par une assertion produite en interdépendance de l'esprit), le qualificatif de « claire lumière » ne saurait donc ni désigner la nature de l'esprit ou la qualité de son « acte de connaissance » (sauf à prendre la précaution de le considérer sous l'angle de la vacuité des « trois sphères ») ni... ne pas les désigner !

L'usage de l'analogie constitue une aide utile pour comprendre cette notion de « clarté-luminosité », en conscience de son caractère nominal et de son emploi à visée argumentaire (c.à.d. de sens interprétatif et non pas de sens définitif). Notons également que le sens « d'intermédiaire » mis pour définir le mot bardo évacue l'idée d'absolu. Il n'y a pas un bardo de référence, tous sont relatifs au cycle des vies et des renaissances. Dès lors, il peut être intéressant de considérer ce dernier sous « l'approche ondulatoire ». Par analogie, chaque bardo figure en quelque sorte un « état de conscience » qui, sous une perspective énergétique, est l'expression d'une « fréquence de vibration » laquelle traduit une forme de cognition particulière (sensible, intuitive, conceptuelle, subtile...).

Dans ce modèle, la nature de l'esprit représente la « base sous-jacente » et les bardos figurent ses «modes de connaissance » (bardo de la vie, de la méditation, du sommeil, bardo du moment de la mort, de la mort elle-même, du devenir, etc.), comme les couleurs sont la traduction des fréquences du spectre de la lumière visible (la nature de laquelle étant de vibrer), ou comme la neige exprime la « co-manifestation conditionnée » d'une conjonction de causes qui en caractérisent l'événement que nous désignons par le mot « neige ». Faut-il comprendre dans ce contexte que l'aperception subtile de (la nature de) l'esprit - laquelle est décrite comme le processus sous lequel « Lors de la dissolution de l'esprit ordinaire, entre deux pensées, se manifeste une présence vide et lumineuse, sans objet, qui transcende tout ce qui appartient au domaine de la pensée incomposée, à la fois vacuité et luminosité » DEB-485 - est constitutif d'un changement comparable à une transition de phase entre deux états de conscience ?

  • Imaginez une plaque de métal de surface plane recouverte d'eau sous laquelle un dispositif vibratoire produit des « figures d'interférences » en la faisant vibrer. Entre deux types de fréquences, l'eau retrouve un état stationnaire. Pensez-vous possible d'entrapercevoir la « nature de l'eau » dans ces intervalles, «lors de la dissolution » d'une figure d'interférence, telle une « présence vide et lumineuse » dont le silence «transcende tout ce qui appartient au domaine vibratoire » ?

  • Visualisez le cerveau. Son fonctionnement se traduit par différents types d'ondes (gamma pour l'attention ; bêta pour la vigilance ; alpha pour la relaxation ; thêta pour la méditation ; delta pour le sommeil[ii]), lesquels reflètent l'activité de coordination des neurones. Selon les neurosciences, « La conscience naît d'une certaine interaction entre les neurones. Une interaction différente plonge dans le monde des rêves. Quand les neurones reprennent leur rythme [asynchrone], j'ai à nouveau conscience de moi[iii] ». Pensez-vous que la « nature de la conscience » transparaît dans les intervalles de ces activités, « lors de la dissolution » d'un état de cohérence synaptique, en une «présence vide et lumineuse qui transcende ce qui appartient au domaine de la pensée » conceptuelle ?

  • Visualisez la surface d'un lac. A l'aube, la lumière du soleil levant se réfléchit sur son miroir ; durant le jour, y apparaissent les reflets des arbres et des montagnes qui l'entourent, s'y succèdent le vol des oiseaux qui le survolent ; au crépuscule, la lumière de l'astre déclinant ; la nuit, le reflet des étoiles et... de la Lune sur le lac ! Pensez-vous que la « nature du lac » se révèle à l'instant fugace « lors de la dissolution » d'un reflet à sa surface et avant la formation d'un autre comme « une présence vide et lumineuse » sans reflet et donc « sans objet » ?

Outre de renvoyer au paradoxe de la « flèche de Zénon » - de la récursivité à l'infini -, arguer que la nature de l'esprit est... un « état intermédiaire » d'un état intermédiaire, est une vue emprunte de substantialisme. Plus subtilement, la « dissolution de la pensée ordinaire, conceptuelle » résonne du sens de la vacuité des « trois sphères » (l'agent, l'acte et son objet). Autrement dit, lorsque l'esprit réalise ce que signifie véritablement la nature vide d'existence intrinsèque, autonome et ontique (par la méditation analytique et l'entraînement à voir toute chose comme un reflet), « connaissable, connaissant et connaisseur » se révèlent alors en leur nature ultime, sans discontinuité de leur perception à leur représentation, sans transition dans leur production manifestée, sans obstruction de la forme-vide au vide-forme... « Lors de la dissolution de l'esprit ordinaire, entre deux pensées, se manifeste une présence vide et lumineuse, sans objet, qui transcende tout ce qui appartient au domaine de la pensée incomposée, à la fois vacuité et luminosité » DEB-485.

Relisez bien cette assertion jusqu'à en voir émerger le sens subtil, lequel est révélateur du surgissement de la vacuité dans le reflet des phénomènes, lesquels sont... le « miroir de la vacuité » de l'esprit ! Lorsque l'esprit lâche prise sur la volonté de définir la vacuité libre d'assertion et s'établit (à la réalisation de «l'inexistence du soi », na vidyate) dans le silence de la pensée conceptuelle au constat de l'erreur de la croyance substantialiste, lorsque toute discontinuité s'efface entre « l'esprit-qui-connaît », « cela qu'il connaît », et « l'acte de (le) connaître », et que toute dualité s'évanouit entre sujet et objet, alors se manifeste la clarté lumineuse de la « saisie directe » de la vacuité.

Pour qui ne croit, ne connaît ou n'est pas familiarisé avec l'enseignement du karman, il est possible de penser que les choses surviennent de leur propre fait, par hasard ou d'une cause extérieure. Un très petit nombre considère qu'elles proviennent des conséquences de leurs actes ou en font peser sur eux le poids de la culpabilité, ce qui n'est aucunement le sens du karman ! De même en est-il de nos capacités qu'elles soient physiques ou intellectuelles, conventionnelles ou... extrasensorielles ! Rien ne s'obtient sans effort...

Sans l'enseignement reçu auprès d'un maître spirituel qualifié (incluant l'initiation au Vajrāyana) et sans l'entraînement adéquat (lequel implique la purification des voiles et l'accumulation de mérites), il n'est pas sensé de croire que la « claire lumière » de l'esprit puisse être vue lors du processus de la mort et reconnue... spontanément (ce qui a par ailleurs pour effet de produire l'Éveil !). Tant que le voile de la cognition recouvre notre esprit, la façon dont les choses nous apparaissent n'est pas la manière dont elles existent véritablement. Avec une perception faussée, nous ne pouvons admettre la cognition de son objet comme valide sur la seule base du « principe de raison suffisante ».

Pour être capable d'assimiler des perceptions nouvelles à celles déjà connues de manière juste, il faut y être familiarisé ! Les formes animales ou les visages que vous voyez dans les nuages, les arbres et les taches d'encre (ou une porte sur Mars[iv] !) sont des paréidolies, « expression de la tendance du cerveau à créer du sens par l'assimilation de formes aléatoires à des formes référencées ». Pensez-vous possible de reconnaître la claire lumière lors de la mort (où l'esprit est en proie à des hallucinations provenant de son karman[v]) sans savoir ce qu'elle est ?

Au-delà de son aspect ordinaire et grossier, notre esprit possède un noyau profond, complètement pur et illuminé, rayonnement d'énergie et de béatitude, immaculé, non touché par les pensées et les émotions, "l'état naturel" (...)

Si nous voulons nous libérer, nous devons connaître ce qu'est l'essence ou la nature de l'esprit. Nous devons aller au-delà de l'esprit conceptuel, à travers la méditation et les instructions. De cette manière, nous disons que cet état est la grande béatitude ou la grande félicité GAD

Toute la philosophie bouddhiste réside dans l'idée que nous souffrons de l'erreur de croire en la réalité du « soi » de la personne et des phénomènes, et que nous en libérer implique de comprendre cette erreur, laquelle compréhension coïncide avec la réalisation de la véritable nature des choses (leur vacuité d'existence intrinsèque, autonome et ontologique). Ce qui fait de la « claire lumière » de l'esprit à la fois... un mode de connaissance abstrait de la dualité sujet-objet (dans la vacuité des « trois sphères » du connaisseur, du connaissant et du connu) et un état dont la « saisie directe » est à la fois claire et lumineuse !

La « luminosité naturelle » désigne simplement la nature de l'esprit, non souillée par les proliférations conceptuelles. Si la nature de l'esprit était la matière de cette luminosité qui apparaît sous forme de lumière colorée, l'esprit serait lui-même lumière et couleurs apparentes. On ne pourrait alors tenir l'esprit pour naturellement pur ou dénué d'essence RL-269

Pour être en mesure de voir les choses telles qu'elles sont, il faut développer la sagesse qui réalise la vacuité, laquelle s'obtient par la pratique de la « méditation analytique », et son prérequis conditionnel qui est l'atteinte du « Calme mental » authentique (non la simple « pleine conscience ») par l'entraînement adéquat. Ainsi, suivre les enseignements sur la mort, lire le bardo Thödol[vi], pratiquer le yoga de la claire lumière des tantras (lorsque le pratiquant est entré dans le véhicule du Vajrāyana) vise à familiariser l'esprit avec cet état au-delà de toute dualité qu'il est possible de réaliser (lorsque reconnu) au moment du processus de la mort, pour atteindre à la libération et à l'omniscience de l'Éveil.

Dépasser toute dualité, contraire et incompatibilité des contraires, implique de comprendre que « tous les phénomènes sont libres d'assertion » signifie qu'il n'y a pas... ultimement de bardo (de même que «d'instant présent » !). Qu'il s'agisse d'un instant ou d'un éon, d'un mètre ou d'une année-lumière, en l'absence d'absolu, le temps et l'espace sont des notions purement nominales qui n'ont d'existence que comme simples désignations par l'esprit !

Obscurci par les ténèbres de maintes fantasmagories,

Dominé par la folie, comme si la foudre l'avait frappé,

Souillé par le désir et d'autres impuretés difficiles à éviter,

L'esprit, dit Vajradhara, est bien le saṃsāra.

On se libère en réalisant que, par nature, il est luminosité.

Dépourvu des souillures du désir et des autres impuretés,

Dégagé de la dualité du sujet et de l'objet, ce sublime esprit éveillé

Est dit nirvāṇa suprême RL-43

Dans la philosophie bouddhiste, il n'y a pas plus « d'enfer » que de « paradis » qui seraient constitutifs de lieux géographiques. Samsāra et nirvāna, souffrance et félicité sont... notre propre esprit ! A l'instar, le «monde du sans-forme » recouvre les différents états ou dhyāna de la méditation. Sous cette acception, les mondes « supérieurs » du samsāra (avec les mondes du « désir » et de la « forme »), par opposition aux mondes dits « inférieurs » (animaux, êtres avides, êtres infernaux), sont à la fois des « états de conscience » dont les manifestations physiques, c.à.d. les modalités sous lesquelles nous expérimentons « l'existence conditionnée » selon la loi de causalité du karman, sont... le reflet sous la perspective substantialiste inspirée par la « saisie (innée) du soi» !

Cela ne veut pas dire que tout est esprit ! Cette description (à visée argumentaire) a pour but de nous amener à comprendre qu'il n'y a pas plus, ultimement, de matière que d'esprit (et de monde), duels de par leur nature (matérielle versus immatérielle), existant intrinsèquement ! Ni identiques sur le plan de la «vérité conventionnelle » du fait de leur production interdépendante, ni différents sur le plan de la « vérité ultime », matière et esprit, espace et temps, forme et vide, sont ultimement sans discontinuité, sans transition, sans obstruction...

Si, ni l'enfer à une extrémité, ni la « terre pure de Tusita » - « produite par la force des vœux et prières du Buddha Maitreya » LFRS - à l'autre extrémité, ni le monde dans lequel nous évoluons (au centre sans centre), n'ont de réalité matérielle et physique, que pensez-vous qu'il en soit du bardo ? Et, question plus importante, en forme de koan zen, pensez-vous que la mort soit un passage ou cours duquel l'esprit croise d'autres esprit « en transit » ou... une expérience individuelle ?

Le Sūtra des Ornements de splendeur :

L'esprit est pareil à l'artiste :

Il crée.

Tous les mondes de l'existence

Sont l'œuvre de l'esprit RL-44

Dans la logique du tétralemme, et face à un processus dont la subtilité exige une compréhension (conceptuelle et métaphorique) d'autant plus claire de la vacuité, il est sage de répondre : l'un et pas l'autre, l'un et l'autre, ni l'un ni l'autre...

  • Supposez que vous soyez né affligé, par accident, d'un trouble de la vision qui rend votre vision floue et dédoublée... Vous ne distinguez que la silhouette des objets et comme une tâche de couleur aux contours imprécis. Vous n'avez même peut-être jamais vu votre propre visage ! Imaginez maintenant que vous entrez dans un « palais des glaces » ... Étant donné que vous êtes dans l'incapacité de distinguer une forme réelle de votre propre reflet dans le miroir, comment pouvez-vous reconnaître vos avatars pour ce qu'ils sont véritablement ?

  • Pour votre perception, ces formes sont une « raison suffisante » pour les croire réelles ! De plus, votre esprit cherche à en interpréter le sens. Si votre trouble visuel est acquis et non inné, votre esprit établit des correspondances avec les images stockées dans votre mémoire. Dans sa confusion, avec les informations incomplètes qu'il possède, votre esprit vous donne une représentation biaisée et partiale. Vous avez l'impression de voir d'autres personnes venir vers vous, peut-être même vous saluer, vous accueillir... vous croyiez reconnaître des proches ou des antagonistes, les uns apparaissant paisibles, les autres courroucés...

  • Imaginez maintenant que vous ayez été informés des caractéristiques de ce lieu, et avez reçu les instructions pour vous y déplacer malgré votre handicap, de sorte que vous êtes capables de discriminer le vrai du faux en une perception valide. Mieux encore, vous vous êtes entraînés ! Vous devez maintenant reconnaître votre véritable nature dans les « miroir de la vacuité » de ces reflets...

Toutefois, il vous faut dépasser toute conception substantialiste quant à la réalité intrinsèque (et identitaire) de cela qui est perçu dans un rapport non duel à l'existence inhérente (identitaire) de cela qui perçoit, jusqu'à détruire « tout point de focalisation » et tout « mode d'appréhension de l'objet ». Cette vision se caractérise alors par la saisie simultanée (par-delà la dualité sujet-objet) de « l'infaillibilité de la production interdépendante » à la perception des apparences... dont la vacuité est libre de toute assertion!

Mais là aussi, attention ! Vous pourriez encore avoir l'impression trompeuse que cette abolition de la «sphère du sujet » et de la « sphère de l'objet » (qui emporte celle de la « sphère de la pensée », c.à.d. de l'acte de connaître du connaisseur) est constitutive d'une totalité qui serait elle-même entitaire !

Pour les courants philosophiques de l'Inde, l'idée que « tout est Un » - Ellām Onru, selon l'Advaita Vedanta - réside dans l'existence du Soi de la personne dont la libération (moska) procède de l'union avec le Soi universel (fusion ātman- brāhman). Or, le sens de la pensée du Mouni est sans interprétation sur ce point, tous les phénomènes sont vides d'existence intrinsèque, autonome et ontique, de sorte que, puisqu'il n'y a rien qui possède un soi (« inexistence du soi », na vidyate), l'union résulte de l'abolition des « trois sphères » qui coïncide... avec la réalisation de la vacuité au-delà de toute conception identitaire.

De par sa nature libre d'assertion, il n'est donc pas possible de formuler quelque assertion (affirmative ou négative) quant au caractère de cette union, autre que de s'établir dans le silence après avoir énoncé que, « tout est un », « tout n'est pas un », « tout est et n'est un », « tout n'est ni un ni tout » ...

  • Imaginez une pièce sans fenêtre ni ouverture, dont les murs, le sol et le plafond sont entièrement peints en blanc, qui ne contient rien hormis plusieurs personnes également habillées de blanc. Vous distinguer leurs silhouettes sous un éclairage moyen, mais lorsque l'intensité de la lumière augmente, tout se confond. Même s'il vous est impossible de discerner leur nombre, vous savez que ces personnes sont là, dans la lumière ! Votre esprit conçoit la pluralité là où votre œil perçoit seulement une totalité... Ignorant de leur vacuité et donc soumis à la croyance substantialiste, vous concevez l'existence de ce « Tout » comme inhérente et formé de « parties » possédant elles-mêmes une existence entitaire...

  • Imaginez maintenant la même analogie, mais au lieu d'être habillés de blanc, les occupants et la pièce sont transparents comme le cristal... A mesure que la lumière s'intensifie et que tout se confond avec l'espace incomposé, à l'instar de la claire luminosité de l'aube qui s'expand, sans transition, sans discontinuité et sans obstruction, dans un ciel vide de nuages, les concepts même d'espace et de temps, de forme et de vide, d'un et de multiple se dissolvent dans la vacuité...

  • Éclairé par la sagesse, votre esprit saisit simultanément, la vérité conventionnelle et la vérité ultime, de sorte que vous ne tombez ni dans le nihilisme, ni dans le piège aporétique de croire en la réalité substantielle de cette union ! A cet instant atemporel et non-local, par-delà toute pensée et non-pensée de la dualité (dans la vacuité des « trois sphères »), l'un est le tout et le tout est l'un ! Apparaît alors, non pas la « claire lumière » de VOTRE esprit, ni LA « claire lumière » comme absolu, mais la clarté lumineuse en l'esprit dont la nature est commune (indivise et ultimement sans discontinuité de l'identité à l'altérité) à tous les êtres sensibles.

Le Sūtra de l'Entrée à Laṅkā :

La forme que renvoie le miroir

Est une image sans substance.

De même, l'apparente dualité

Est une perception au sein de l'esprit.

La perception d'une réalité phénoménale extérieure

Vient des pensées soumises

Aux imprégnations karmiques.

Ce n'est que l'esprit transitoire

Qui crée la multiplicité des objets.

En fait, l'apparente réalité extérieure n'existe pas.

J'affirme que ces objets matériels

Ne sont qu'esprit RL-44

Voyez les couleurs. De votre point de vue (lui-même unitaire), elles semblent posséder des caractéristiques propres et exister indépendamment, et pourtant... si tel était le cas, comment les couleurs primaires pourraient-elles engendrer les couleurs secondaires, ce qui implique de devoir perdent leurs caractères et en revêtir d'autres, elles-mêmes à la fois propres et émergentes de leurs mélanges ?

Tout cela n'est qu'illusion ! La nature des couleurs est la lumière, lesquelles sont les manifestations phénoménales visibles des vibrations des ondes lumineuses à certaines fréquences. Sans la lumière, les couleurs n'existeraient pas ! Ce n'est pas pour autant qu'il nous est possible d'affirmer que la nature de la lumière est vibratoire, car si tel était le cas, elle ne devrait pas non plus pouvoir... la perdre ! Or, la lumière n'est visible que pour les objets dont la taille est supérieure à sa longueur d'onde, en dessous de laquelle... elle disparaît ! Ou du moins, il n'est plus possible de faire d'assertion quant à son existence ou à son inexistence...

Selon la perspective adoptée, les couleurs nous apparaissent tels des « isolats » pluriels comme s'ils s'agissaient de phénomènes entitaires distincts, mais sous un autre angle, elles se révèlent un seul et même phénomène décliné sous des modalités différenciées. Cela impacte notre perception de l'interdépendance : soit celle-ci nous apparaît comme « extérieure », dans un rapport entre le multiple et l'un ; soit « intérieure », à travers la déclinaison de l'un comme multiple.

Rien de surprenant à ce que, puisque tout est interdépendant, l'interdépendance elle-même soit un phénomène relatif ! S'agissant du temps, les modalités de sa désignation par l'esprit à l'existence (et à son expérience) sont déterminées par le voile de l'illusion phénoménologique de la « saisie (innée) du soi » ...

Mais, pour comprendre la vacuité du temps, nous devons changer de paradigme et pour cela de position d'observation... Plutôt que de penser le temps comme un fleuve sur lequel nous nous déplaçons tel un pêcheur dans une barque emportée par le courant, imaginons-nous extérieur à lui, observateur de son écoulement...

  • Imaginez une voiture en train de rouler sur une route. Si vous accélérer le défilement de cette séquence, au-delà d'une certaine vitesse, la voiture semble disparaître ! Mais, ralentissez la séquence et la voiture semble... réapparaître !

Le soutra du cœur énonce qu'il n'y a ni apparition ni cessation, mais aussi que les phénomènes ne sont pas créés, ne cessent pas, n'augmentent pas, ne diminuent pas... En mécanique quantique, le phénomène est décrit sous le nom de « figure d'interférence » : lorsque deux ondes lumineuses de même amplitude et de même fréquence se superposent, elles s'annulent (de même en physique newtonienne, deux forces opposées de même intensité se neutralisent) ! Il n'est alors plus possible de les mesurer et donc d'affirmer qu'elles existent, mais il n'est pas non plus possible d'affirmer... qu'elles n'existent plus, car alors comment la « figure d'interférence » pourrait-elle être produite ? Toute proposition logique est impropre à les qualifier. Elles sont tout à la fois : existantes ; non-existantes ; existantes et non-existantes ; ni existantes ni non-existantes !

Que devient la voiture ? Pour qu'elle disparaisse, le temps doit avoir une réalité, car s'il cesse d'exister en même temps que la voiture, il n'y a pas de retour en arrière possible ! Comment la voiture peut-elle réapparaître à proportion de la diminution de sa vitesse si le temps n'existe plus ? Le relativisme du temps semble dépendre de sa réalité laquelle n'a d'existence... que parce que relatif !

Outre que le temps n'est pas « l'unité de mesure » fondamentale, c.à.d. la « base de désignation » des phénomènes selon la philosophie bouddhiste tibétaine (laquelle est l'esprit), selon le Mādhyamaka Prāsangika, « libre d'assertion » ne s'entend pas au sens d'un « effet relativiste » à un temps qui posséderait une réalité ontologique (« existant premier »), l'expression désigne la vacuité d'existence intrinsèque du temps (de l'espace et de tous les phénomènes) ! Autrement dit, le « changement de paradigme » auquel nous devons procéder ne consiste pas à changer de position d'observation à l'intérieur mais à l'extérieur du référentiel espace-temps (dans l'absolu, il s'agit de voir ce dernier vide).

Si nous montons dans l'embarcation sur le fleuve du temps (ou dans la voiture), quelle que soit la vitesse de son cours, nous ne verrons pas de différence ! Un observateur à l'intérieur d'un vaisseau spatial plongeant vers le cœur d'un trou noir continuerait de percevoir son déplacement (avant d'être détruit par les forces de marée gravitationnelle...), alors qu'un observateur en-deçà de « l'horizon des événements » le verrait immobile, non que la lumière ne puisse s'échapper en raison de l'attraction de la singularité, mais du fait de la différence entre les vitesses d'écoulement du temps de chaque côté de cette limite relativiste[vii]...

Le passé demeure « passé » parce que la barque est immobile. C'est le temps qui l'entraîne dans son cours ! C'est la vitesse d'écoulement du temps qui, en regard d'un observateur sur la rive, lui donne le tempo de « l'instant présent », mais du point de vue relativiste, la vitesse de déplacement de la barque est inférieure à celle du temps. Même équipée d'un moteur, la vitesse de la barque ne peut pas dépasser celle du fleuve, donc ni devancer ni remonter son cours !

Il est possible d'appréhender le sens de ce que signifie « libre d'assertion » face à l'impossibilité (l'interdit silencieux) d'émettre quelques assertions quant à la voiture lorsqu'elle a disparu (qu'elle est sortie de notre référentiel). Toutefois, il est plus difficile de concevoir comment, sous la vue de la « figure d'interférence» où les ondes s'additionnent (se manifestent comme espace-temps), l'esprit peut saisir l'état où les ondes s'annulent (le moment où l'espace-temps disparaît) ?

Le comprendre ne suffit pas, il faut en faire l'expérience. Pour assister au lever du soleil du haut de la montagne, il faut gravir son sommet, c.à.d. se familiariser par la méditation avec le sens issu de la compréhension. Or, le « Calme mental » ne constitue pas seulement un entraînement de l'esprit, c'est aussi le moyen de saisir la vacuité « libre d'assertion », autrement dit de réaliser « comment la vacuité apparaît comme la production interdépendante » !

Que se passe-t-il dans notre expérience de pensée pour le passager de la voiture lorsque celle-ci dépasse la vitesse de la lumière ?

Dans un train lancé à pleine vitesse, les formes au loin sont encore distinctes, mais à mesure que vous rapprochez votre regard des rails, l'image devient floue... A vitesse relativiste, c'est l'espace qui semble disparaître comme si le temps lui-même s'évanouissait ! Voyez l'espace et le temps comme des « figures d'interférences » : en-deçà de la vitesse de la lumière, le mouvement apparaît forme, désigné et expérimenté comme un « référentiel espace-temps », dotés des caractères propres d'une réalité ontologique ; au-delà, le mouvement apparaît sans-forme (telle la voiture qui disparaît pour un observateur extérieur), sous une « figure d'interférence » abstraite de toutes assertions...

  • Imaginez que vous êtes dans cette voiture, propulsée à vitesse relativiste, et que soudain l'espace et tout ce qui vous entoure (y compris votre véhicule lui-même) deviennent d'un blanc uniforme, que tout se dissout dans cette blancheur, incluant vos vêtements et jusqu'à votre corps lui-même... Lorsque vous n'avez plus aucun point de repère spatial, il vous est impossible d'avoir conscience du mouvement et donc du moindre objet ! Vous ne distinguer plus le proche du lointain, le haut du bas, votre corps de l'espace, la forme du sans-forme...

Or que ce passe-t-il pendant la méditation Samātha qui justifie de l'importance de se concentrer sur la visualisation d'un objet mental ?

Ce sont les différences entre les images qui se succèdent et non pas leur seule accélération à une vitesse idoine qui crée l'illusion du mouvement au cinéma. Si la même image est inscrite sur toute la pellicule, au moindre détail près et sans la moindre variation de position, d'éclat et de couleur, même accélérée à la bonne vitesse, vous aurez toujours l'impression... d'une image fixe ! Lorsque vous parvenez à maintenir votre conscience mentale sur son objet de méditation avec clarté et stabilité, le temps semble comme disparaître à votre esprit... tout en paraissant continuer de s'écouler pour un observateur extérieur !

Fixer l'esprit... Pour faire écho au koan zen, c'est en arrêtant les mouvements de l'esprit que le drapeau cesse de s'agiter, car ce qui le meut, ce n'est ni le vent, ni son propre pouvoir, ni celui d'un temps extérieur. La mesure du temps n'est autre que le produit de (sa désignation par) l'esprit ! Lorsque la pensée assertive s'arrête et le temps avec elle, l'esprit s'établit (ou forme) une « figure d'interférence » où « l'ici et maintenant » devient non-local et atemporel.

C'est l'état de samadhi de « radiance profonde », relaté dans le soutra du cœur, dans lequel se trouvait le Bouddha Sakyamuni au pic du Vautour, et que l'arya bodhisattva Avalokiteshvara explique à Shariputra relativement à la manière de s'entraîner à la pratique profonde de la perfection de la sagesse (notons qu'il l'explique de l'extérieur c.à.d. sous une « figure d'interférence » produite en désignation par son esprit, laquelle revêt la forme d'un référentiel espace-temps).

Il est essentiel de comprendre que la conscience de la vacuité (la saisie directe « libre d'assertion ») n'est pas la vacuité (le néant) de la conscience ! L'esprit, la conscience - les termes sont synonymes pour la philosophie bouddhiste tibétaine - ne disparaît pas dans un indicible et inconcevable au-delà du par-delà l'épure de tout concept, de toute conception, de toute perception dualiste de l'espace et du temps, lorsque l'esprit réalise le vide d'existence intrinsèque des phénomènes à la réalisation du vide inhérent de sa propre existence. Comme la voiture, il change de référentiel (modifie son mode de connaissance), lequel constitue un renversement de la « figure d'interférence » sous laquelle l'esprit se perçoit en dualité sujet-objet, pour adopter une « figure d'interférence » où « l'ici et maintenant » devient non-local et atemporel, c.à.d. où il n'est plus possible de faire d'assertion quant à sa localité et à sa temporalité...

  • Imaginez deux voitures qui se dirigent l'une vers l'autre. Plus elles accélèrent et plus elles se rapprochent de la vitesse de la lumière, de sorte que le moment où elles vont se percuter correspond à l'atteinte de cette vitesse. Un observateur extérieur les verra disparaître instantanément, mais que se passe-t-il pour les passagers des véhicules de l'autre côté de « l'horizon des événements » ?

Si nous faisons une lecture du schéma du « Calme mental » sous la perspective relativiste, nous voyons que : le chemin parcouru par le méditant évoque la forme d'une onde ; la transition de la couleur noire à la couleur blanche du singe et de l'éléphant y figure « l'effet Doppler » du décalage de la lumière (vers le rouge) qui correspond à l'accélération d'un corps qui s'éloigne à vitesse relativiste croissante de l'observateur (autrement dit, plus le méditant se dirige vers la grotte, plus sa vitesse relative augmente) ; le monastère et la grotte représentent des référentiels distincts, l'en-deçà et l'au-delà de « l'horizon des événements »... Mais que se passe-t-il après l'étape 9, entre les étapes 10 et 11 ? Un indice en forme de koan zen : quelle distance (et donc quelle durée) sépare un reflet du miroir ?

On le dit difficile à découvrir parce qu'il est trop proche de nous, trop simple, au-delà de l'appréhension de l'esprit ordinaire et trop profond. Le maître, à travers les moyens appropriés, permet à l'étudiant d'en faire l'expérience directe, lors de la présentation de rigpa (savoir ou intelligence, sk. vidyā ; état naturel, mode d'être) - présence vide et lumineuse, sans objet, qui transcende tout ce qui appartient au domaine de la pensée - DEB-485

En reprenant l'analogie de la voiture, l'étape 9 du « Calme mental » correspond au moment de la disparition du véhicule, lorsque celui-ci atteint la vitesse de la lumière... Du moins pour un observateur extérieur, car du point de vue de son occupant, la voiture poursuit son chemin (comme un objet figé sur «l'horizon des événements » d'une singularité, à la fois immobile et en mouvement). L'étape 9 n'est pas l'atteinte du « Calme mental » proprement dite qui est l'étape 10... du moins si on les décompose (et oppose) comme deux « figures d'interférence ».

Or, puisqu'il n'y a rien qui n'apparaît ni ne disparaît réellement, il n'y a pas non plus véritablement de transition, ce sont simplement des points de vue différents sur un même phénomène ! Ainsi, lorsque les véhicules atteignent la vitesse de la lumière, du point de vue d'un observateur extérieur, c'est comme si à la disparition de l'espace à l'éclipse du temps, ils perdaient subitement toute matérialité et ne pouvaient donc pas... entrer en collision de « l'autre côté » de l'horizon !

Similairement, c'est comme la « cinquième voie » du Mahāyāna (où il n'y a plus rien à apprendre, laquelle consiste en l'état de Bouddha) qui correspond somme tout à la « onzième terre » de la voie de la méditation (qui en compte dix). Mais qu'en est-il de la onzième étape qui suit l'atteinte du « Calme mental », laquelle se définit comme la réalisation de la vacuité à l'union de la « Vision supérieure » ?

  • A l'instar de la réalisation du signifiant de « l'aube » au signifié de l'expérience de la levée du soleil, dont la « clarté lumineuse » s'expand dans un ciel sans nuage, « l'union » de l'état d'absorption méditative en un point (« équilibre méditatif semblable à l'espace ») à la saisie directe de la vacuité des phénomènes (qui réalise l'inexistence du soi) est sans transition entre « figures d'interférence», où « l'ici et maintenant » se révèle ni ici ni maintenant, sans discontinuité de la forme-vide au vide-forme (au-delà de toutes dualités des contraires et incompatibilité des contraires), sans obstruction assertive à la connaissance non assertive (par-delà le tétralemme nāgārjunien).

La conscience de la vacuité n'est pas la vacuité de la conscience signifie que sa réalisation n'est pas la disparition pure et simple du référentiel de l'espace-temps, mais la « saisie directe » de sa nature libre d'assertion, laquelle s'accompagne de la connaissance claire et lumineuse de la manière dont la vacuité apparaît comme la production interdépendante infaillible. Tant que ces deux états (relativiste et non-relativiste) vous sembleront incompatibles, vous n'aurez pas compris le sens profond de ce que cela signifie « libre d'assertion » !

Mais, comment la concentration se combine-t-elle à l'analyse, laquelle implique la « mesure du temps » (condition de la pensée) dont la première s'abstrait ?

La méditation analytique est un stade de méditation qui cherche à établir la vue essentiellement à l'aide d'inférences, d'après les raisonnements et les traités canoniques. La méditation contemplative est un stade de méditation qui établit la vue juste, principalement à l'aide de la perception directe, en demeurant uniment établi dans la réalité telle qu'elle est RL-114

  • Imaginez que vous puissiez naviguez dans votre mémoire comme dans un musée... Vous parcourrez ses couloirs et ses nombreuses pièces, lesquelles contiennent les tableaux de chaque personne que vous côtoyé au quotidien, que vous avez croisé une seule fois, voire que vous n'avez jamais rencontré en cette vie... Arrêtez-vous devant l'un d'eux et prenez le temps de bien l'examiner...
  • D'abord, contentez-vous de regardez sans émettre de pensée. Concentrez votre attention sur l'ensemble puis passez aux détails de chacun des traits du visage. Ensuite, posez-vous des questions comme : qui est cette personne ? à quelle(s) occasion(s) l'ai-je rencontré ? que représente-t-elle pour moi ? Etc. Lorsque les réponses sont complètes ou vous satisfont, regardez à nouveau son portrait et, tout en ayant présent à l'esprit ce que vous savez de cette personne, restez concentré sur son visage sans émettre de pensée conceptuelle...

De la simple vue d'un visage jaillit le sens de ce que représente pour vous cette personne. Or, la «reconnaissance des visages » est un processus complexe qui implique l'identification des caractéristiques de l'objet et leur différenciation de sorte à aboutir à leur reconnaissance par le « facteur mental » de la détermination - « elle appréhende [un objet déjà saisi avec certitude par une perception véridique] en songeant qu'il est exclusivement comme ceci et pas autrement » LFRS -. A l'instar, la familiarisation méditative permet de développer la sagesse de la « vue juste » qui réalise la véritable nature des phénomènes. Pour cela, nous devons développer « l'attention » et la « vigilance » en nous entraînant à fixer un objet visualisé mentalement jusqu'à le percevoir avec stabilité et clarté, tout en demeurant concentré dans son absorption méditative.

« Clarté » s'entend au sens de netteté, et « stabilité » comme la capacité de conserver l'esprit sur son objet à l'aide des facteurs mentaux de l'attention, qui « fait saisir par le mental l'objet en empêchant qu'il ne se porte sur un autre objet » LFRS, et de la vigilance, qui « permet de vérifier que l'esprit demeure correctement posé sur son objet de méditation, et que les facultés mentales sont toujours orientées vers lui » LFRS. Lorsque l'esprit s'en éloigne par « oubli des instructions » (l'objet visualisé), cela entraîne de la distraction, de la dispersion et de la torpeur. L'action à réaliser est alors de ramener l'attention sur l'objet.

La finalité est d'atteindre à la stabilité et à la clarté de l'esprit lui-même par l'entremise de l'objet visualisé mentalement, sa perception reflétant l'état de l'esprit qui le saisit. Un miroir déformé et sale ne peut pas réfléchir une image nette et claire... Autrement dit, lorsque l'objet est stable et clair, l'esprit l'est également, tant il est vrai qu'un état d'agitation et de léthargie est difficilement compatible avec un état de « concentration en un point » ! « Si, avec une attention imperturbable, on parvient à maintenir son esprit dans un état de détente libre de pensées, on atteint un certain niveau de stabilité » RL-200.

Le premier objectif concerne le quotidien. Il s'agit de pacifier l'esprit de sorte à changer nos « schémas de pensées », lesquels nous entraînent à réagir de façon négative et automatique sous l'impulsion incontrôlée des émotions perturbatrices et du karman. En développant l'attention et la vigilance, il est possible de cultiver le lâcher-prise face aux événements (en cessant de les considérer comme ce qui m'arrive à moi) et la tolérance envers le comportement des autres, ce qui permet de diminuer la colère, le désir-attachement, etc. Le second est plus profond...

Concernant l'objet visualisé au sein de la conscience mentale -qui doit être imaginé devant soi, à un mètre de distance, à hauteur des yeux et de la taille d'un pouce -, la « stabilité » signifie que l'esprit ne doit pas bouger, c.à.d. ne pas passer en revue les détails, tourner mentalement autour de l'objet, modifier ses caractéristiques, changer ses dimensions, alterner avec la vue de l'ensemble, etc.

Pour que l'esprit puisse entrer en état de « concentration en un point » (samādhi), la focale de l'attention doit rester fixe à la fois sur l'ensemble et sur les détails, c.à.d. les englober en une seule vue ! Il faut donc les connaître « par cœur », ce qui implique une phase de mémorisation comme dans tout processus d'apprentissage. Après avoir choisi un objet de méditation (qu'il s'agit de conserver de sorte à renforcer sa mémorisation) à l'appui du support extérieur d'une image ou d'une statue, l'on s'attachera à en mémoriser les moindres détails jusqu'à émuler sans difficulté sa représentation mentale. Le procédé n'a toutefois pas pour seule fin de visualiser mentalement l'objet en miniature...

Sur le tangka du « chemin du Calme mental » (entre les étapes 5 et 6) est figuré un miroir qui, avec les pèches, le foulard, la conque et les cymbales, représentent les cinq sens (le goût, le toucher, l'odorat, l'ouie et la vue). Une autre symbolique pourrait être que la capacité de combiner des vues opposées provient du fait que l'esprit est un « continuum d'actes de connaissance momentanés » ce qui rend possible pour la conscience d'éclairer plusieurs objets simultanément tout... en s'éclairant elle-même ! D'ailleurs, dans la méditation du Mahāmudrā, « l'esprit observe l'esprit » (le facteur mental de la vigilance observe l'attention qui observe la vigilance, etc.), donnant l'impression d'un reflet infini dans un miroir...

Certains estiment que la méditation analytique et la méditation contemplative ne peuvent aller de pair car lorsque l'esprit analyse minutieusement en recourant au discernement, il ne peut rester dans un état de quiétude. Tant que l'esprit reste dans l'état non conceptuel de la quiétude, il est incapable de se livrer à l'analyse. Or, dans l'état de quiétude, on examine au moyen du discernement. C'est le discernement de l'égalité méditative qui s'analyse lui-même RL-116

Cette division de la « lumière de l'esprit » rappelle le principe de l'hologramme, « image d'interférence entre les ondes issues de l'objet photographié et une partie du même faisceau laser utilisée pour éclairer l'objet... », de la reconstitution duquel (telle une « figure d'interférence ») résulte un objet tridimensionnel dont la particularité est que chaque détail... contient la totalité de l'image ! « L'information de la totalité de la scène est distribuée sur toute la surface de l'hologramme. Un petit morceau d'un hologramme permet de reconstituer toute l'image » [viii].

Pour comprendre l'intérêt de cette faculté appliquée au « Calme mental », il faut élargir la perspective et considérer la finalité dans laquelle elle s'inscrit comme le préalable à la « Vision supérieure », laquelle vise à réaliser la vacuité à « l'union » de la concentration et de la méditation analytique. « La vue atteinte par la seule méditation analytique n'est qu'un exercice intellectuel, et la vue acquise par la seule méditation contemplative, une simple expérience mentale » RL-116.

Mais, comment peuvent-elles se combiner sans s'annuler mutuellement ?

De la même manière que lorsque deux vagues se croisent et que leur crête et leur creux coïncident en formant une « figure d'interférence » sous la perspective de laquelle elles semblent disparaître (tel la voiture qui atteint une vitesse relativiste pour un observateur hors de son référentiel). Et puisqu'elles ne sont plus mesurables, il n'est plus possible d'affirmer ou d'infirmer leur existence ! « La vision supérieure ne disparaît pas lorsque l'analyse discriminante se dissout sans laisser nulle trace dichotomique entre analyse et quiétude. Lors de l'apaisement de l'analyse discriminante, qui marque l'accès à la vision parfaite, on doit encore avoir recours à la méditation contemplative » RL-117.

L'analogie du musée permet de comprendre que si l'analyse est une fonction intellectuelle, elle n'utilise pas exclusivement un canal conceptuel, mais peut également s'exercer de manière non discursive, et qu'il est possible de s'absorber dans la concentration méditative du sens issu de l'analyse ! « On peut effectuer de nombreuses méditations analytiques pendant la phase de quiétude (...) C'est à l'aide de l'attention unifiée et de la vigilance que l'on posera l'esprit sur le sens qui ressort de l'examen des sujets de méditation analytique » RL-116.

Ce discernement, qui est à la fois observation et investigation, permet de voir directement, sans dépendre de la déduction logique, que tous les phénomènes sont dénués d'essence ou de nature propre, et que le discernement lui-même ne se présente pas non plus comme une réalité identifiable RL-120

Cette idée d'une conscience formée de « faisceaux convergents » - évoquée comme hypothèse pour expliquer l'émergence d'une conscience de soi, lorsque son continuum saisit, par réflexion, son propre objet épistémique - suggère que l'esprit n'est pas limité par le caractère primaire (et fallacieux) de la perception, la confusion du connaisseur à l'acte de cognition étant à l'origine du problème !

Quelle distance y a-t-il entre le reflet et le miroir ?

L'on ne saurait dire s'il y en a une, mais ne pas le croire est suffisant pour induire la croyance trompeuse que les phénomènes existent de la manière dont ils nous apparaissent, c.à.d. comme s'ils possédaient une nature unitaire, permanente et autonome. La méditation analytique vise à réfuter cette existence substantielle, véritable et ontique du « soi » par un raisonnement en trois points (déterminer l'objet à réfuter, déterminer que le soi n'est ni identique aux agrégats, ni différent). De l'absurdité de la conclusion surgit l'évidence que la « saisie (innée) du soi » de la personne est une vision réductionniste, produit de l'abstraction du caractère composite des agrégats à la « vue de l'ensemble périssable », de l'occultation de la relativité, et de la cécité à l'impermanence.

Lorsque l'esprit embrasse, avec stabilité et clarté, l'ensemble et les détails de l'objet de sa visualisation en une seule vue (qui combine l'expérience mentale à l'exercice intellectuel), la méditation contemplative de son caractère composite met en évidence la conclusion issue de la méditation analytique (discursive), c.à.d. que « l'objet à réfuter » (le soi) ne saurait être de nature unitaire et... qu'il ne peut donc conséquemment pas être identique aux agrégats !

L'esprit peut aussi embrasser, de manière claire et stable, son objet mental en regard de la position du corps, dans un référentiel formé par les « dix directions » (l'espace devant soi, la distance d'un mètre, à la hauteur de ses yeux, de la taille d'un pouce...). La méditation contemplative de son caractère amodal, au centre de la convergence spatiale du référentiel de sa délimitation modale, met en relief la conclusion logique de la méditation analytique (par raisonnement) c.à.d. que le « soi » ne saurait exister de manière autonome et indépendante !

Ces exemples illustrent le second sens de l'interdépendance, « ce qui est établit en dépendance de ses propres parties », le premier sens de la conditionnalité étant donné par la pratique de la méditation elle-même, car il ne pourrait y avoir ni contemplation d'un objet mental ni raisonnement (analytique)... sans l'esprit !

L'esprit peut également juxtaposer en une vue synthétique, avec stabilité et clarté, « vu de loin » et « vu de près » (le grand et l'infime). La méditation contemplative du microcosme infinitésimal (le mouvement brownien des atomes, les « particules virtuelles » émergeant du « vide quantique » pour disparaître aussitôt), met en évidence la conclusion de la méditation analytique (argumentée) selon laquelle le « soi » ne saurait posséder un caractère permanent !

Cette dernière modalité de l'objet de visualisation mentale peut paraître la plus incompatible avec l'idée de « stabilité », ce n'est toutefois qu'une question de relativité ! Si l'objet est imaginé en mouvement dans le «référentiel de l'esprit », il apparaîtra conséquemment immobile. Une telle méditation contemplative met en exergue la conclusion logique de la méditation analytique (réflexive) sur la vacuité selon laquelle il n'y a, ultimement, ni apparition ni disparition !

Ces vues semblent incompatibles ? Imaginez une personne que vous connaissez (la première qui vous passe par la tête) avec un chapeau noir orné d'une plume rouge... Imaginez-la marcher au plafond ! Son chapeau glisse... Il tombe... Stop ! Figez le chapeau dans l'espace à mi-distance du sol...

N'est-ce pas étonnant ? Non seulement, vous n'avez aucune difficulté à visualiser la scène dans sa globalité et ses moindres détails, à situer l'action dans l'espace, et à manipuler le temps ! Quelle facilité en comparaison de méditer sur un objet mental ! Et pourtant, cela montre qu'il est possible d'atteindre à une visualisation combinant : la vision des détails au sein de la vue d'ensemble, vue modale et vue amodale, vision de loin et vision de (très) près, vue du mouvement comme point fixe, voir... de les combiner toutes, bien que l'objectif ne soit pas là ! « Quand le bodhisattva a obtenu la souplesses mentale et physique et demeure en cela, le phénomène qu'il a contemplé en guise d'objet de concentration intérieure unifiante devrait alors être analysé et considéré comme un reflet (...) faire l'objet d'un examen minutieux en tant qu'objet de connaissance, l'étudier en détail et l'examiner à fond. À l'aide d'une analyse adéquate, observez-le et comprenez-le. C'est cela que l'on appelle "vision supérieure" » EMK-123.

Pour atteindre à l'union des deux états, il est nécessaire que le « Calme mental » authentique soit atteint, la réalisation de la vacuité étant obtenu par la méditation analytique (non conceptuelle et non-référentielle) associée à (ou sur la base de) « l'absorption méditative » sur l'objet de concentration (lequel est la vacuité). Il n'y a pas de contradiction avec un entraînement de l'esprit progressif. Il est parfaitement possible de comprendre conceptuellement et métaphoriquement la vacuité avant d'atteindre le « Calme mental » et de réaliser le sens de ce que l'on a compris. Cette « union » n'a donc rien de schizophrénique !

L'on cherchera donc à établir la stabilité et la clarté de l'esprit en s'habituant à fixer son attention sur un objet visualisé mentalement, jusqu'à parvenir à saisir la vue d'ensemble et la vue des détails. En parallèle, l'on réfléchira à la vacuité de sorte à développer la sagesse. Il est possible de procéder à cette réflexion en post-méditation comme lors des périodes de concentration méditative, étant entendu que sous cette forme et à ce stade l'esprit ne sera pas stable. « Pendant la quiétude, on pratiquera essentiellement la méditation contemplative selon les neuf moyens de stabiliser l'esprit et, lorsqu'on aura atteint la concentration profonde, on aura recours à la méditation analytique » RL-117.

L'on alternera les méthodes pour rapprocher les « deux faisceaux » de l'esprit, comme les deux courants d'un même fleuve, non pas jusqu'à les fusionner, mais à les établir en parfait alignement. « Quand la quiétude et la vision supérieure sont équilibrées, il faut les maintenir sans tension excessive (...) Dès que la quiétude et la vision supérieure sont unies, l'esprit doit s'établir dans l'absorption égale et ne plus alterner la concentration sur un point et l'analyse » RL-117.

La « perception directe » - « connaissance non conceptuelle [qui] appréhende son objet directement, sans l'aide d'une image mentale » RL-56 - ne peut être obtenue isolément par l'expérience ou par l'analyse conceptuelle. De plus, la perception est trompeuse et la pensée abstraite. Elles doivent travailler de concert, la sagesse éclairant la perception laquelle réfléchit la sagesse.

Certains se ruent sur la conceptualité comme sur l'eau d'un mirage,

D'autres observent l'expression formelle de leurs pensées discursives,

D'autres encore s'attachent à des expériences sensorielles aussi éphémères que des arcs-en-ciel :

On a beau étudier de nombreux traités de sens provisoire et définitif,

Réfléchir et analyser avec rigueur,

Si l'on ne médite pas sur la vraie nature de la réalité,

La libération tardera à venir RL-40

La perception directe est également synonyme « d'intégrale » - conforme ou non conforme à la « réalité conventionnelle » - c.à.d. que ce mode de connaissance « réalise globalement son objet avec l'ensemble de ses caractéristiques, mais sans les séparer, ni les envisager individuellement » LFRS. La méditation de concentration consiste donc à visualiser intégralement une image mentale et d'y appliquer sans séparation la sagesse d'une analyse non conceptuelle.

Prenons comme objet de visualisation mentale la lettre tibétaine HOUNG - « La stabilisation mentale est possible à partir des objets les plus divers : une syllabe, un son, une lumière, un nom, etc. » RL-204 -. Dans l'iconographie des pratiques tantriques, HOUNG figure le « passage du non manifesté au manifesté [qui] se produit au travers un niveau vibratoire, traduit par un son primordial, une syllabe-germe (...) qui après avoir présidé à son apparition [une divinité, ici Vajrasattva] demeure dans son cœur et représente l'essence de son esprit » PEDS -. Cette transition (sans transition) du vide-forme à la forme-vide (de la vacuité à la production interdépendante) est également celle du signifiant (la représentation) au signifié (le représenté) dans l'ordre de la connaissance propositionnelle. Mais, où est le sens du HOUNG dans la lettre HOUNG ?

Le sens du HOUNG n'est pas identique à la « vue de l'ensemble périssable » (expression qui désigne ici les traits constitutifs de sa calligraphie), ni différent au sens où sa lettre en constitue le support sans lequel elle n'existerait pas, telle une histoire sans un support. A la différence du « soi » qui se veut affirmation d'une existence unitaire, autonome et permanente alors qu'il est dépourvu « d'existence de fait » (na vidyate), le signifié ne prétend pas à une existence substantielle, véritable et ontique, mais simplement à former avec le signifiant un instrument de « connaissance propositionnelle qui appréhende un son et un sens comme étant susceptibles d'être mêlés". Les termes son et sens font référence à la généralité du signifiant et à celle du signifié, à l'image mentale qui apparaît à l'esprit à l'audition d'un son articulé, mais sans connaître l'objet auquel il est associé, et à l'image mentale qui apparaît à l'esprit quand cet objet est connu » RL-115.

Considérons la perspective transverse qui réunit perception et représentation, dans laquelle nous désignerons leur objet respectif comme : « signifiant par l'expérience » (non conceptuel, appréhendé sans image mentale, qui recouvre la « perception directe ») ; et « signifié par proposition » (conceptuel, appréhendé à l'aide de signes qui recouvrent la connaissance par « inférence »). De ce point de vue, sensoriel et conceptuel ne sont pas opposés en termes de réalité, mais de mode de connaissance, lesquels sont « séparables mais non séparés », à l'instar de la pluralité des émanations des Bouddhas versus l'unité de leur nature ultime... C'est parce que nous les séparons arbitrairement en « isolats » opposés que la méditation de concentration et la méditation analytique nous apparaissent antagonistes et incompatibles en l'espèce !

Tous les phénomènes inclus dans le cercle et son dépassement [saṃsāra et nirvāṇa] sont l'esprit. À l'intérieur comme à l'extérieur, toute chose est une représentation mentale. Hormis l'esprit, rien n'existe (...) Toute la manifestation relève de la confusion mentale, en dehors de l'esprit, rien n'existe. Les perceptions dualistes viennent de la confusion de l'esprit RL-43

  • Prenez un faisceau de lumière. Divisez-le en deux. Avec le premier, éclairez un objet. Avec le second, photographiez celui-ci. Affirmeriez-vous que cette photo vous montre la réalité d'un objet «existant en lui-même », de son propre côté ? Ou diriez-vous plutôt qu'il s'agit seulement d'une simple apparence, produit d'une « figure d'interférence » formée entre les deux faisceaux de lumière ?

Sans lumière pour l'éclairer, cet objet ne pourrait pas être photographié ! Mais, est-ce la forme d'un objet possédant une existence substantielle qui a été fixée sur la pellicule ou... les caractéristiques de son reflet, réfléchies par la lumière mise pour l'éclairer ? Sont-ce les propriétés inhérentes de l'objet qui sont saisis par la « perception directe » ou sa nature nous est-elle inconcevable ? Celle-ci étant vide d'existence, il ne peut s'agir que de la seconde option. La question n'est pas d'ordre ontologique, mais épistémique. Il ne s'agit pas de savoir si l'objet perçu est réel, mais si sa connaissance est vraie !

L'existence de l'électron non mesuré est une simple assertion décrite par une « onde de probabilités » qui liste les chances relatives aux occurrences de le trouver là où est faite de la mesure. Dès lors, direz-vous que la mesure recouvre la réalité ontologique d'un électron « existant indépendamment », de son propre côté ? Ou diriez-vous plutôt que l'électron-mesuré est simplement... une « figure d'interférence » produite entre la mesure et son « onde de probabilité » ?

Le reflet de la Lune sur le lac n'est pas la Lune, c'est une simple projection de lumière. Où est « l'objet » Lune ? Pas plus que de savoir si un arbre qui tombe en forêt sans témoin fait du bruit, il ne fait pas sens d'interroger l'existence d'un phénomène indépendamment de l'esprit qui le désigne !

La forme que renvoie le miroir est une image sans substance. De même, l'apparente dualité est une perception au sein de l'esprit. La perception d'une réalité phénoménale extérieure vient des pensées soumises aux imprégnations karmiques. Ce n'est que l'esprit transitoire qui crée la multiplicité des objets. En fait, l'apparente réalité extérieure n'existe pas, ces objets matériels ne sont qu'esprit RL-44

La glace à la surface d'une rivière en hiver n'est qu'une autre forme de l'eau de cette même rivière, séparée mais non séparable ! Telle une rivière, le « continuum de l'esprit » est formé des flux des «consciences sensorielles », lesquelles sont imprégnées par le karman et les émotions perturbatrices. Leur dissolution (qui ne se produit pas uniquement au moment de la mort...) libère ces afflictions mentales que le faisceau de la « conscience mentale », ignorant du caractère, interprète comme des manifestations (spectrales) extérieures à l'esprit...

Du point de vue dualiste, la représentation mentale d'un objet n'est pas l'objet perçu. Non identique en «vérité conventionnelle », de par les modalités de son expérience phénoménale, le « signifiant par l'expérience » (cela qui est perçu) n'est toutefois pas différent en « vérité ultime » (sans discontinuité) au « signifié par proposition » (l'image mentale qu'en forme l'esprit) ! « Chaque concept est la représentation mentale d'une image. Penser, c'est interpréter ce qui nous entoure, en lui donnant du sens. Lorsque nous pensons, nous le faisons en utilisant des déclarations (...) nous pouvons associer des sons et des symboles à leurs représentations correspondantes » [ix].

Lorsque nous visualisons mentalement le chapeau noir garni d'une plume rouge sur la tête d'un individu lambda, cette image mentale apparaît en surimpression au monde phénoménal là où se trouve la personne désignée. En déduisez-vous que les objets de votre représentation occupent un « espace mental » structuré à l'identique du monde extérieur, c.à.d. comme un espace-temps relativiste ? Ou diriez-vous plutôt qu'il s'agit seulement d'un « effet de perspective » semblable à l'illusion de profondeur, de localité et de temporalité produites par... un reflet ?

L'Ornement des sūtras :

Examinez constamment les manifestations de l'esprit.

Distinguez chacun de leurs constituants.

Percevez la saveur unique des productions mentales

Et leur indéfinissable nature RL-95

S'il n'y a ni distance ni durée au sein de l'esprit, autres que sous la forme d'une imitation ou d'un subterfuge phénoménologique, il n'y a donc nulle contradiction à visualiser mentalement l'objet de méditation à la fois dans sa vue d'ensemble et dans ses détails, à situer sa position relative par rapport aux directions, à régler la focale sur la vue de près et la vue de loin, et à saisir un mouvement figé !

Et puisque ce sont non seulement les phénomènes perçus dont l'apparence est semblable à un reflet, mais également les représentations mentales, il n'y a donc pas entre eux de discontinuité ni de nature ni d'apparences conventionnelles ! C'est seulement le « jeu de l'illusion dualiste », induit par la perspective faussée par l'ignorance de leur véritable nature, qui nous entraîne à croire en l'existence distincte des choses. « Depuis l'absence de commencement, l'esprit qui ignore sa vraie nature sépare autrui et soi-même. Croyant au caractère réel de cette dualité, l'esprit fourvoyé s'imprègne de conditionnements - conceptuels d'où surgissent les phénomènes désignés comme les formes, les sons, etc ; dualistes, qui créent la séparation entre soi et autrui ; positives ou négatives, responsables du cercle des existences - au point que les phénomènes extérieurs lui apparaissent comme réels » RL-42.

Afin d'assurer la stabilité de l'objet visualisé mentalement (et d'éviter la torpeur), il est conseillé de l'imaginer « lourd ». Voyez le chapeau en plomb... Soudain, il devient difficile à porter ! « L'accumulation d'imprégnations mentales confuses donne à la réalité extérieure une apparence illusoire de solidité, comme l'eau qui [continuellement] brassée par le vent devient dure comme pierre, brassé par les pensées, l'esprit ignorant change le sans-forme en entité solide » RL-43.

Diriez-vous que l'objet visualisé semble soudain être devenu plus « lourd » parce que son image mentale «a pris de poids » ou parce qu'elle en reflète le sens ?

Lorsque les textes disent que l'objet de la méditation de concentration est « non conceptuel » et celui de la méditation analytique « conceptuel », cela ne veut pas dire que la « Vision supérieure » est une activité discursive de la pensée, mais qu'elle a pour « objet (mental) de concentration » le sens (c.à.d. le signifié) issu de l'analyse réflexive (préalable) de la sagesse de la réflexion ! Vipāssyana n'est pas une activité mentale conceptualisatrice, ni une pensée analytique constitutive d'un raisonnement logique, c'est la fixation de l'esprit sur le sens, comme « objet de concentration mentale », de ce qui est à réaliser ! «Ayant atteint la parfaite souplesse du corps et de l'esprit, [le bodhisattva] s'y tient et, avec une puissante aspiration, il prend pour objet de concentration le sens de la réalité qu'il a examiné. Dès que cette souplesse [parfaite malléabilité de l'esprit] apparaît, c'est la vision supérieure » RL-68.

La quiétude se contente de maintenir une attention continue et non discursive sur un objet, à l'exception de tout autre, tandis que la méditation contemplative de la vue juste désigne le maintien continu de la compréhension décisive de la nature des choses, qui est vide et libre de toute élaboration conceptuelle RL-120

Si l'esprit peut changer les caractéristiques d'une image mentale simplement en jouant sur le signifié qui s'y rattache (et conférer un « caractère de réalité » à un monde extérieur illusoire fruit d'une imagination hallucinée par « l'accumulation d'imprégnations mentales confuses »), songez à ce qui se produit lorsqu'il réalise le vide d'existence intrinsèque, autonome et ontologique des phénomènes, c.à.d. lorsque l'objet mental de la « concentration analytique » (ce que signifie la « vacuité ») lui apparaît par « saisie directe » au moyen du discernement de la sagesse dans la félicité du silence qui accompagne le sens de libre d'assertion : existant, non-existant, existant et non-existant, ni existant ni non-existant !

Reste que comment savoir ce qu'est une « boule à neige » sans la retourner, comment savoir quel est le goût d'un aliment sans le goûter, comment connaître une chose sans faire l'expérience de cette chose ?

Certes, la visualisation mentale active les mêmes réseaux neuronaux que l'action, et il possible de produire toute forme de ressenti sensoriel par la seule stimulation des aires cérébrales en l'absence de tout stimuli externe (la douleur, entre autres, est une expérience mentale). Toutefois, à l'instar du son qui sort des cordes d'une guitare ou de tout instrument de musique, le sens émerge du mouvement d'une pensée dialectique en résonance du raisonnement logique. Se baser sur le fait d'avoir retourné une fois la boule à neige est une « cognition subséquente », car il s'agit d'un souvenir non d'une « cognition directe ». Dès lors, comment le sens de la vacuité, issu de la dynamique de la « sagesse de la réflexion », peut-il constituer un « objet de la concentration » statique sur lequel fixer l'esprit ?

Lorsque vous aurez examiné la nature de l'esprit au moyen du discernement, [vous en conclurez que,] ultimement, on ne voit pas d'esprit à l'intérieur, ni à l'extérieur, ni ailleurs. On ne perçoit pas la conscience passée, la conscience future n'existe pas encore, et on ne peut pas voir [l'esprit] du présent (...) ainsi s'apparente-t-il naturellement à une illusion. L'analyse vous montrera que, comme l'esprit, tous les phénomènes sont par nature comparables à des illusions RL-107

Certes, l'on arguera que c'est une chose qui ne peut véritablement se comprendre qu'à partir de l'atteinte du « Calme mental », lorsque la souplesse de l'esprit permet le discernement de ce « moment » précis au cours duquel se produit le surgissement adialectique du sens (de tout objet possible sur lequel porte la méditation de la « Vision supérieure »,la vacuité, la compassion, l'amour, etc.) dans le courant du mouvement de la pensée dialectique, et de maintenir l'esprit en parfaite « équilibre méditatif semblable à l'espace », par-delà de toute élaboration conceptuelle. C'est comme si, dans une course de sprint, l'on courait si vite que les autres participants apparaissent comme « figés dans le temps » par l'effet relativiste du décalage induit par notre vitesse !

L'équivalent en termes de connaissance serait le sens issu de la fulgurance d'une intuition, comparé au sens produit par le raisonnement de la raison pensante, autrement dit le plus court chemin en regard du plus long. Toutefois, peut-on véritablement isoler « l'instant » précis où surgit le sens ? Se situe-t-il juste après que les crêtes et les creux forment une « figure d'interférence » sous laquelle leurs ondes s'annulent et... disparaissent, où coïncident-ils à l'instant où les deux véhicules atteignent une vitesse relativiste et que leur état ne peut plus être dit « ni existant ni non-existant » pour un observateur hors de leur référentiel ?

Qu'il soit possible de déterminer cet instant avec précision (à la dernière décimale de la vitesse de la lumière) supposerait que l'instrument de mesure ait lui-même une existence réelle (autre que simplement conventionnelle en désignation) ! Or, puisque la nature de tous les phénomènes est la vacuité (y compris le temps), le phénomène et l'instrument qui le mesure (lui-même un phénomène !) sont tous deux ultimement vides ! Identifier de manière réaliste un « instant » (au cours de la réflexion) par essence libre d'assertion au cours duquel surgit le sens de la vacuité précisément... libre d'assertion, serait pour le moins contradictoire !

S'agissant de la méditation analytique (Vipāssyana), le termes « objet » (non conceptuel), mis pour le sens issu de la sagesse de la réflexion (laquelle met en évidence le sens de ce que signifie la vacuité), recouvre sous une simple désignation modale, qui la distingue de l'objet de la méditation de concentration (Samātha), ce qui de par sa nature libre d'assertion ne peut être saisi que par une approche amodale ! Méditer sur un objet, c'est donc méditer sur la vacuité de cet objet dans la vacuité de l'esprit méditant...

Cela même qui est profond et exempt d'élaborations mentales,

Lumineux et incomposé.

Sans naissance ni cessation, pur depuis toujours.

Nirvāṇa par nature,

Dimension absolue, dépourvue de centre et de périphérie.

Contemplez-le avec discernement, sans penser,

Sans être affecté par la somnolence et l'agitation... RL-109

Namasté

Tashi delek

བཀྲ་ཤིས་བདེ་ལེགས།



Références :

EDS : Petite encyclopédie des divinités et symboles du bouddhisme tibétain https://www.clairelumiere.com/prd/13-petite-encyclopedie-des-divinites-et-symboles-du-bouddhisme-tibetain.html 

EMK : Les étapes de la méditation, commentaires de Sa Sainteté le Dalaï Lama sur le texte de Kamalasīla https://livresbouddhistes.com/2018/06/26/le-dalai-lama-les-etapes-de-la-meditation-commentaire-de-sa-saintete-sur-le-texte-de-kamalasila/ 

GAD : Un guide de l'au-delà https://www.youtube.com/watch?v=OrvcP262Qwc 

LFRS : Les fins Rayons du soleil du Pays des neiges, Dictionnaire encyclopédique du bouddhisme indo-tibétain, Dagpo Rinpoché https://www.dharmapedia.fr/images/DocBookExport/Les_Fins_Rayons_du_soleil_du_Pays_des_neiges/FR/Les%20Fins%20Rayons%20du%20soleil%20du%20Pays%20des%20neiges.pdf 

RL : Rayons de Lune, les étapes de la méditation du Mahāmudrā https://www.padmakara.com/livres-numeriques/196-rayons-de-lune-ebook-format-pdf-9782370410139.html?search_query=rayons+de+lune&results=5 


[1] https://www.youtube.com/watch?v=OyvSJ52rN9E 

[1] Rythmes cérébraux et fréquences des ondes cérébrales https://www.gaiameditation.com/fr/sons-binauraux-sons-isochrones-synchronisation-ondes-cerebrales/ 

[1] Au cœur du cerveau - Qui suis-je ? https://www.youtube.com/watch?v=cNzwYZwd-80 

[1] https://www.huffingtonpost.fr/entry/cette-porte-photographiee-sur-mars-est-en-realite-toute-petite_fr_628b34c7e4b0edd2d017cf84 

[1] Paréidolie https://fr.wikipedia.org/wiki/Par%C3%A9idolie 

[1] Sagesses bouddhistes - 49 jours entre mort et renaissance https://www.youtube.com/watch?v=dGpxNXIUQuc 

[1] Il a en effet été démontré que de l'information et de la matière stockées dans les trous noir pouvaient s'en échapper https://fr.wikipedia.org/wiki/Leonard_Susskind 

[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Hologramme 

[1] https://nospensees.fr/l-imagination-la-ou-le-gris-est-multicolore/