I.98 – L’union des apparences et de l’esprit

06/11/2022

Comprendre que la nature de tout ce que percevons est vide de réalité propre, méditer, voir tous les phénomènes comme un reflet, réaliser leur vacuité pour nous libérer de la souffrance, tels sont le moyen et la voie du nirvāṇa. Mais pour atteindre l'Éveil, il nous faut en plus dépasser la dualité sujet-objet en réalisant que « tout (ce qui apparaît) est l'esprit » et que l'esprit lui-même est vide !

Sachez que, hors l'esprit, rien n'existe

Et que l'esprit lui-même n'existe pas.

Sages, comprenez cette double irréalité

Et reposez-vous dans la dimension absolue de la non-dualité RL-107

Tous les phénomènes, événements, et les modalités sous lesquelles nous en faisons « l'expérience de la matérialité » (via ce que nos « consciences sensorielles » nous en donnent à percevoir : le chaud et le froid, le lourd et le léger, le liquide et le solide, le sucré et le salé, etc.), sont par nature vides de réalité intrinsèque. La définition la plus subtile de l'interdépendance est que les phénomènes sont dépourvus de substance (ou de substrat de réalité), et n'ont d'existence conventionnelle que relativement à l'esprit qui en établit la désignation. « En établissant que les choses dépendent de causes et de conditions, de leurs parties et de la conscience qui les désigne, on parvient à la conclusion que les choses sont dépourvues d'existence intrinsèque mais apparaissent néanmoins aux consciences qui les perçoivent » RL-97.

Lorsque la « vue juste » de la vacuité ne dissout pas les apparences dans un vide nihiliste, mais que forme-vide et vide-forme sont perçus simultanément, il devient presque naturel de (perce)voir les phénomènes comme des reflets, lesquels sont des « miroirs de la vacuité ». « Par le biais de la relativité, le raisonnement sur l'interdépendance montre que tout en étant vides d'existence intrinsèque, les choses apparaissent ; que vacuité et apparence coexistent » RL-97.

Avec le développement de la sagesse, nous devenons également familiers avec la méthode basée sur le raisonnement qui vise à réfuter le « soi » de la personne (c.à.d. à démontrer son « inexistence de fait », na vidyate), laquelle s'obtient par la pratique de la « méditation analytique », soit par l'entraînement à la «Vision supérieure » lequel implique de réaliser préalablement le « Calme mental », c.à.d. d'établir l'esprit dans l'équilibre méditatif semblable à l'espace...

L'esprit est comparable à l'espace.

« Absorption méditative » désigne

L'attention exclusive à cette réalité RL-109

Or, il est facile de s'y perdre avec le vocabulaire de la philosophie bouddhiste tibétaine et avec le sens qui lui est donné, comme « objet conceptuel » et « non-conceptuel ». Sur quel type d'objet visualisé mentalement doit-on poser l'esprit et l'y maintenir (avec attention et vigilance) pour atteindre le «Calme mental » ?

Dans les termes, « objet conceptuel » est mutuellement inclusif de représentation mentale. L'objet que vous visualisez mentalement n'est pas un objet vu, entendu ou perçu, mais conçu par votre esprit. Mais, c'est aussi un objet... non-conceptuel car il n'est pas de l'ordre de la pensée conceptualisatrice, discursive (qui produit des idées imaginaires) ou dialectique (qui manipule la logique à visée rationnelle).

Les consciences conceptuelles prennent des formes très diverses, produisant des pensées discursives, des idées fictives ou imaginaires, des doutes, des images mentales, des spéculations intellectuelles, des compréhensions conceptuelles issues de l'analyse et du raisonnement, des conceptions erronées qui nous lient au saṃsāra. Toutes ces consciences conceptuelles sont en opposition avec une perception directe du mode réel des choses RL-22

S'agissant de la « Vision supérieure », il faut aussi comprendre que les termes analyse, examen, observation, investigation, etc. ne recouvrent pas le sens d'une « pensée logique ». Pourquoi faire taire la pensée pour la réactiver ensuite ? « [Le Bouddha] enseigné la méditation en mettant en évidence deux aspects : la concentration et l'examen analytique. Ces deux pratiques consistent à porter et à maintenir un regard direct sur l'esprit pour reconnaître sa nature et rester dans cette reconnaissance. Cela suppose une stabilité mentale complète, claire et continue, et une parfaite compréhension de la vraie nature des choses» RL-19.

Toutefois, si l'on entre dans les détails (et selon la manière de la présenter), l'on verra que la « Vision supérieure » présente trois aspects, quatre formes et six méthodes, lesquelles dernières en particulier relèvent pour parties d'une pensée dialectique (dont celle visant la réalisation du « non-soi »). L'usage de la raison s'y entend toutefois comme le moyen de déterminer « le sens issu de la compréhension de la vraie nature des choses », sur lequel il s'agit de poser l'esprit sans plus émettre alors de pensées conceptualisatrices. « La vision supérieure (Vipāssyana), consiste à examiner l'objet de concentration, puis à le pénétrer avec toujours plus de profondeur et de clarté, jusqu'à la réalisation non conceptuelle ou directe de son mode réel ». Quant à l'union des deux, elle conduit « à l'absorption méditative (samādhi) dans la nature fondamentale des choses » RL-19, laquelle est éminemment non conceptualisatrice puisque, la nature ultime étant libre d'assertion, sa saisie directe ne peut procéder de la pensée !

Dans l'état de quiétude, on examine au moyen du discernement,

C'est le discernement de l'égalité méditative qui s'analyse lui-même RL-116

Tantôt objet pensé, tantôt objet sans pensée ni non-pensée, la vue qui se porte au plus près de la nature véritable des phénomènes se dissout progressivement dans la vacuité de son objet, tel le regard du passager d'un train qui se fond dans le flou du mouvement à mesure qu'il se rapproche des rails... « On considère la méditation comme le fait de rester sans distraction dans la vue de la réalité, il faut maintenir cet état avec attention et vigilance, sans égarement, en écartant toute observation conceptuelle ou application intellectuelle. L'esprit doit reposer dans son état naturel comme s'il ne méditait pas, sans chercher à altérer, retrancher, ajouter, analyser ou examiner quoi que ce soit » RL-109.

La réalisation du non-soi est le moyen d'atteindre le nirvāṇa, mais il n'est pas celui permettant de réaliser le but final, le « nirvāṇa ultime » ou l'Éveil ! Il ne s'agit donc pas seulement d'établir par la « Vision supérieure » le caractère erroné de la croyance dans le « soi » de la personne pour dissoudre le sentiment de la « saisie innée », mais plus subtilement encore de réaliser que la conscience (« existant de fait » non réfutable) est... vide de réalité inhérente, c.à.d. que l'observateur, cela qui est conscient, dans sa dualité sujet-objet, est également pure fiction !

« Tout est esprit » non pas au sens où la nature de toutes choses serait idéelle et où l'esprit lui-même serait (le seul) existant véritable. Parce que la dimension absolue (ultime) est libre d'assertion, les apparences sont des productions interdépendantes infaillibles qui n'ont d'existence qu'en désignation par l'esprit. «Au sens ultime, les agrégats, les sources de perception, les domaines et ce qui est matériel ne sont que des aspects de l'esprit. Même en les réduisant à leurs infimes particules et en examinant la nature de chacune d'elles, on ne peut leur trouver d'entité propre (...) Il apparaît à l'examen ultime que ces apparences extérieures ne sont que des perceptions au sein de l'esprit » RL-104.

S'il est plus difficile d'englober dans cette vue les objets de notre phénoménologie intérieure (de la «conscience mentale »), à commencer par la visualisation de notre « objet de méditation », c'est probablement parce que nous n'en avons pas encore mesuré toute la portée... « Contemplez le fait que les trois mondes ne sont qu'esprit. Quand vous aurez compris que tout phénomène désigné est simplement l'esprit, pensez que l'examen qui a été mené est un examen de la nature de tous les phénomènes, et analysez la nature de l'esprit »  RL-106.

  • Commencez par visualiser mentalement votre objet de méditation habituel (connu et parfaitement mémorisé). Il est votre point de référence à partir duquel que vous allez aligner tout le reste. C'est sur lui que vous devrez ramener votre esprit chaque fois que l'agitation, la distraction, la dispersion ou la torpeur vous en éloignent - c'est votre conscience mentale que vous cherchez à maîtriser et à transformer vertueusement par la pratique du « Calme mental » - ...

  • Voyez votre objet transparent comme le cristal, translucide comme un voile, clair et lumineux comme l'aube qui se lève dans un ciel sans nuage... Voyez chaque détail avec clarté... Simultanément, l'ensemble doit également apparaître avec netteté comme s'ils se trouvaient «sur le même plan », et demeurer stable - votre esprit ne doit pas parcourir l'objet, passer en revue les détails, aller des détails à l'ensemble et inversement -. Maintenez votre attention sur cette visualisation pour éviter à votre esprit de s'en éloigner et user de votre vigilance pour repérer si c'est le cas, alors ramener votre attention sur l'objet...

  • Entraînez-vous jusqu'à ce que votre objet de méditation apparaisse avec clarté et stabilité (sans atteindre à la perfection, laquelle coïncide avec l'étape 9 du « Calme mental ») - il se peut toutefois que vous deviez constamment y revenir durant toute votre séance -. Plus l'objet est visualisé avec la transparence de l'espace et plus il devient difficile de le distinguer de l'espace... Lorsque l'objet et l'espace se fondent, où commence l'un et où s'arrête l'autre ?

  • Votre objet ne disparaît pas ! Il reste visible sur le fond de l'espace, comme une bulle à la surface de l'eau. Lorsque leurs caractères se confondent, celle-ci finit par emporter jusqu'à la distinction même de leur nature...

  • A ce moment-là (et pas avant), étendez votre perspective à l'espace alentour, lequel vous apparaît à travers vos yeux mi-clos. Ne regardez pas ce qu'il y a devant vous - le « Calme mental » ne consiste pas à se fixe sur un objet sensoriel - ! Voyez ce qui apparaît comme la silhouette d'un paysage, et visualisez votre objet comme flottant dans l'espace devant vous (entre votre position et celle de l'arrière-plan). Visualisez l'arrière-plan à l'instar de votre objet mental, c.à.d. comme un voile translucide. Imaginez que tout ce qui vous entoure est le produit de la visualisation de votre conscience mentale...

  • Au début, votre esprit va faire des aller et retour, de votre objet de méditation à l'arrière-plan... C'est normal ! Il faut un temps d'adaptation pour régler la focale de sorte à ce que les deux apparaissent sur le même plan (comme pour les détails et l'ensemble de votre objet de méditation). Accompagnez votre visualisation du sentiment que les phénomènes sont de simples reflets... Imprégnez-vous d'autant de l'idée que tout ce qui apparaît dans le « champ de votre perception » (visuelle, sonore, etc.) n'est qu'un simple « jeu de perspectives » qui, tel un reflet, n'a pas de véritable étendue, ni de réelle profondeur, ni de substance tangible, que votre objet de visualisation n'est pas totalement clair et stable...

  • Lorsque les deux se fondent en perspective, se confondent en apparence et se fondent en nature, ajoutez le sujet au premier plan, vous-même en tant que « conscience d'être conscient » d'être en train de méditer... Sentez votre présence matérielle (sensorielle, tactile, interne) que vous communique le sens de la proprioception... Sentez votre présence mentale (le sentiment de « l'ici et maintenant »), intangible que vous communique votre esprit immatériel...

  • Voyez cela comme l'effet de perspective d'un miroir : vous au premier plan ; votre objet au second ; la pièce au troisième ... Et alignez la conscience de votre présence (corps-esprit) sur la conscience de votre objet, dans l'alignement la conscience de l'arrière-plan, jusqu'à ce qu'ils apparaissent sans discontinuité, comme un seul voile, confondus en apparence et en nature...

  • Progressivement, les frontières s'estompent entre les phénomènes et l'espace, entre l'espace et votre objet mental, entre sa visualisation et la conscience d'en être conscient... Objet, représentation, conscience se révèlent sans transition de la forme-vide au vide-forme... Observé, observation et observateur existent-ils encore, ont-ils seulement jamais « existé » réellement, autrement que comme un simple « effet de perspective » de votre esprit ? A cet instant, dont la temporalité elle-même se dissout, il ne fait même plus sens de poser la question !

  • Les mots, dont le sens se fait diaphane, se révèlent vides d'existence inhérente et s'évanouissent subrepticement en emportant avec eux les signifiés qu'ils désignent... Les notions de directions, de haut et de bas, de gauche et de droite, de dimensions, de formes, de couleurs, etc. se dissolvent dans le vide d'existence autonome de la « relativité absolue » jusqu'à perdre toute signification, jusqu'à ce qu'il ne fasse même plus de sens de signifier quoi que ce soit...

A mesure que cette « épure conceptuelle » se fait aphasique de toute perception sensorielle, elle entraîne la dissolution des contraires et des opposés, jusqu'à la résorption de la dualité sujet-objet, jusqu'à l'abstraction même du sentiment de réalité de l'esprit ! Dès lors, y compris ce voile univoque se trouve lui-même expurgé de toute notion d'existence et de non-existence...

Pur comme l'espace incomposé, votre esprit n'est plus qu'un simple reflet dont le « miroir de la vacuité » reflète le vide de réalité ontologique de toutes apparences, extérieures et intérieures, sans discontinuité de nature, telles de simples « effets de perspectives » dont il n'est plus possible d'affirmer ni d'infirmer quoi que ce soit quant à leur nature libre de toute assertion...

Ce sublime mystère est inexprimable (...)

Sans corps, il incarne toutes les réalités.

Dénué de forme, il est la sublime transcendance de la forme.

Sans proportion ni taille, sa nature ultime échappe à toute mesure.

Cet état de pure luminosité (...) ne s'élève ni ne décline à aucun instant,

Mais reste une présence constante dans l'immensité sublime RL-149

Tout ce que vous percevez, de l'agrégat de votre corps aux choses, de même que les modalités sensorielles sous lesquelles vous faites l'expérience de (ce que vous nommez) la « matérialité », est dépourvu d'existence intrinsèque (vide de substance), véritable (autonome) et de réalité ontologique - ce qui au sens substantialiste fait le caractère spécifique, entitaire, d'une chose qui si elle en est privée cesse d'exister comme tel -. Tous les phénomènes ne sont qu'un simple « jeu de perspectives » produit en coproduction interdépendante (du point de vue grossier), et par votre esprit du point de vue subtil !

Du point de vue conventionnel et sous une acception de sens interprétable (à l'aide de concepts), les phénomènes ne sont pas l'esprit, mais un « jeu de perspectives » sous lequel ils apparaissent, se transforment et disparaissent, reflètent l'esprit voilé. Sous ces modalités, ce « jeu de perspectives » est la vue sous laquelle la réalité se présente comme « objet » (« existant premier », inhérent, autonome et ontique) à un « sujet » [qui s'aperçoit] conscient (unitaire, autonome et permanente), lesquels apparaissent exister chacun de leur propre côté, en nature et en essence. Cette dualité « sujet/objet » est une illusion, de l'emprise de laquelle s'abstraire est la condition pour atteindre la « dimension absolue » de la « réalité ultime », libre de toutes assertions.

Dans la dimension absolue libre d'élaborations,

Laissez l'esprit libre d'élaborations RL-110

Sur le plan conventionnel ou relatif, les phénomènes ne sont pas identiques à l'esprit (ni entre eux), mais du fait de leur essence qui est la vacuité d'existence substantielle, autonome et ontologique (dépourvus de caractères propres), ils ne sont pas ultimement différents. Or, cette assertion de l'absence de discontinuité n'est pas abstraite de dualité, c'est encore une pensée conceptuelle ! Qu'elle soit modale (axée sur la forme) ou amodale (établie sur le « sans-forme »), il s'agit d'un mode de pensée « par objet » lequel relève des mondes du samsāra dont nous cherchons à nous libérer. Cependant, pour appréhender la transcendance du non-manifesté, nous devons nous appuyer sur l'identité de la manifestation...

  • Imaginez un puzzle auquel il manque deux pièces. Par extrapolation aux contours des emplacements vides qui dessinent leur forme amodale, votre esprit en élabore la représentation modale, de sorte que même s'ils apparaissent vides, vous avez l'impression qu'il ne s'agit pas... du même vide ! En essence, il s'agit pourtant là de « la même absence » de substance (celle des pièces manquantes) et de « la même absence » d'existence autonome (la forme de chaque pièce dépendant pour exister de la forme des pièces adjacentes).

Pris isolément, ces emplacements qui délimitent un « espace vide » apparaissent distincts, pourtant ils ont en commun les mêmes conditions qui les font manifester du vide dont la nature est transcendante à toute forme d'expression. Or, il en va de même des pièces du puzzle ! Par-delà les critères de localité et de temporalité qui, en divisant l'indivisible, façonnent les apparences en entités distinctes, les caractéristiques de la manifestation (forme, dimension, couleur, texture, etc.) ont en commun la même essence de vacuité d'existence intrinsèque.

Telles les pièces d'un puzzle, les phénomènes et la vacuité sont « séparables (conventionnellement), mais non séparées (ultimement) ». Telles les vagues de l'océan, le manifesté (dans son infinie diversité) et le non-manifesté sont sans transition. Le pluriel est la déclinaison du singulier, le multiple la désinence de l'unique, la forme-vide l'aspect du vide-forme... Ce n'est donc pas seulement la vacuité qui peut être comparée à une « soupe primordiale », indifférenciée et inconcevable car « libre d'assertion », ce sont aussi les apparences ! Et plus encore que d'exister chacun de leur propre côté, c'est l'au-delà du par-delà de leur dualité qui constitue la « saisie directe valide » (yogique), de l'ainsité.

Le langage est pétri de raccourcis qui, outre de substantifier l'objet du discours (l'herbe verte) déforment les apparences et présentent un caractère trompeur quant à leur réalité. L'expression « le bruit du tambour» occulte la production en interdépendance du son [qui se propage dans l'air] produit par le bâton qui frappe le tambour [et dont la fréquence dépend de l'amplitude de la déformation de sa surface en regard de la force et de l'intensité avec lesquelles il est frappé].

Certains enseignements du Bouddha (du fait qu'ils portent sur la vacuité) sont dits de « sens définitif » (la réalité ultime), mais les comprendre justement implique de concevoir correctement la vacuité (laquelle conditionne sa réalisation). Même si elle est de sens définitif, l'on ne peut tenir pour valide une assertion sans se livrer à l'analyse... de notre propre capacité de compréhension ! Il est également possible, et sans contradiction, de faire une lecture juste d'affirmations apparentées à d'autres écoles philosophiques bouddhistes que le Mādhyamaka Prāsangika dont la teneur ne serait pas en accord avec le sens ultime...

Tous les phénomènes inclus dans le cercle et son dépassement [saṃsāra et nirvāṇa] sont l'esprit.

À l'intérieur comme à l'extérieur, toute chose est une représentation mentale. Hormis l'esprit, rien n'existe RL-42

Pour cela, nous devons procéder de manière progressive en commençant par démontrer la vacuité de l'esprit de sorte à établir celle des phénomènes, et non l'inverse. « Si notre système procédait ainsi, il serait très difficile de parvenir à une conclusion définitive sur l'esprit alors que la conviction préalable de l'irréalité de l'esprit conduit facilement et spontanément à celle de l'irréalité des objets » RL-265.

La méthode est similaire à celle visant à réaliser le « non-soi ». Contrairement à la « saisie (innée) du soi », dont il s'agit de démontrer « l'inexistence de fait » (na vidyate), il n'est pas question ici - dans le cadre de l'étude des « étapes de la méditation du Mahāmudrā » RL, enseignement de « sens définitif » - de réfuter l'esprit, mais de démontrer sa vacuité d'existence intrinsèque, laquelle amène à la compréhension de son indissociabilité à l'océan des apparences. « On parvient à la méditation sur la vue juste de la réalité, issue de la vision supérieure lorsqu'on a observé que tout est esprit - pensées et apparences sont vides d'une essence propre en tant que forme, couleur, etc. (...) elles sont indissociables de la nature de l'esprit RL-254 - et que l'esprit lui-même est dépourvu d'essence » RL-236.

En premier lieu, il convient de partir de la conception de la philosophie classique (substantialiste) selon laquelle les phénomènes auraient une réalité ontologique (une nature et des caractéristiques propres) dont il nous serait possible d'acquérir la connaissance. Le sens du terme « désignation » (au cœur de la définition la plus subtile de la « production interdépendante » selon laquelle les phénomènes n'ont d'existence qu'en tant que simple désignation sur la base de l'esprit) s'entend ici comme un nom apposé sur une chose, autrement dit un « existant second » (l'idée ou le signifié) mis sur un « existant premier » (le signifiant).

Telle n'est pas la pensée du Mādhyamaka Prāsangika. « Les apparences sont l'esprit » ne doit pas non plus s'entendre au sens idéaliste suivant lequel l'esprit serait la « seule réalité » (point de vue du Cittrāmatra), les apparences étant les projections de la pensée. A contrario, l'assertion s'entend comme l'idée que « les apparences sont [simplement désignées, en production interdépendante, sur la base, elle-même, vide d'existence ontologique de] l'esprit».

Pour les adeptes de la conscience [l'esprit-seulement]

Toute cette multiplicité relève de l'esprit (...)

Quand le Sage enseigne

Que « tout n'est qu'esprit »,

C'est pour calmer la peur

Des êtres puérils : il n'en est pas réellement ainsi.

L'imaginaire, le dépendant

Et le « totalement présent »

Ont la même nature de vacuité :

Ce sont des fictions de l'esprit, lequel est leur essence RL-237

  • Observez ce qui vous entoure. Ajustez la focale du plus proche au plus loin (votre objet de méditation visualisé en surimpression mentale sur le monde). Voyez les composants constitutifs de toutes choses, eux-mêmes composés, jusqu'à l'état quantique où les « objets » n'ont d'existence qu'en tant que simple description statistique d'un potentiel de localisation. Vides de substance inhérente, tous les phénomènes sont des composés synthétiques produits en interdépendance de leurs parties au tout... et à l'esprit qui les désigne comme existant...

  • Voyez l'instant où votre esprit se porte sur l'infiniment grand comme « passé », celui où il se fixe sur l'infiniment petit comme « futur », et le mouvement allant de l'un à l'autre comme l'écoulement séquentiel du temps. La clé, c'est le temps ! Comme dans un reflet où il n'y a ni espace réel, ni véritable profondeur et donc pas de véritable localité, « l'instant présent » n'a pas d'existence réelle! Il n'est que le simple reflet de la disparition de « l'instant passé », « miroir de la vacuité » sur lequel se reflète, comme un simple « effet de perspective », l'illusion du mouvement et de la durée - l'espace-temps einsteinien, référentiel relativiste et substrat de l'univers à l'intérieur duquel se produisent les phénomènes, n'a d'existence que purement conventionnelle -.

  • L'absence d'existence du temps emporte l'existence des phénomènes. Il n'y a pas d'objet qui se meuvent, pas plus que de mouvement qui apparaît comme objet se mouvant ! C'est comme si l'immobilité de l'objet de méditation induisait l'épure perceptuelle du temps, comme si la concentration de l'esprit en un point, en annihilant (mentalement) l'espace, entraînait également celle du temps...

Ainsi, le terme « désignation » revêt le sens d'un processus d'émergence. Ce que nous nommons apparences (phénomènes ou événements) est un « effet de perspective » qui résulte de l'opération mentale de synthèse de la réduction (sur le plan spatial) du composite à l'unité (des parties au tout), sur un fond (temporel) lui-même constitutif d'un « effet de perspective », car son mouvement est un déplacement intérieur de l'esprit.

Regardez dans un miroir. A partir d'une surface en deux dimensions, se forme l'image d'un espace tridimensionnel, et même quadridimensionnel puisque l'on peut y voir des objets s'y déplacer ! L'image sur le miroir est en aplat, mais ce que vous percevez, c.à.d. ce que votre esprit construit, est une image en volume. L'aspect entitaire, unitaire et permanent des objets (conséquemment l'illusion de leur réalité intrinsèque, autonome et ontologique) provient de la construction par l'esprit d'une « représentation synthétique », laquelle abstrait de son produit tout caractère composite, interdépendant et impermanent.

Sous les modalités sous lesquelles il vous apparaît, le reflet n'est pas produit par le miroir, mais bien par votre esprit ! De même, les modalités de « l'expérience de la matérialité » ne sont pas issues des phénomènes (puisqu'ils sont vides !), mais constitutives d'un « effet de perspective » produit par votre esprit!

Lorsque vous rêvez, vous avez l'impression de parcourir un univers onirique à part entière, distinct du monde où vous évoluez en étant éveillés. Ce n'est qu'une illusion ! Le rêveur et le rêve sont la conscience qui rêve ! Tout ce que vous voyez (et dont vous faites l'expérience) en rêve est le contenu du «continuum mental » décohéré de l'effet de perspective qui vous fait apparaître comme une « conscience entitaire»! Autrement dit, c'est le flux impersonnel de l'esprit qui, par l'artifice de la conscience subjective, s'observe lui-même !

L'analogie vaut également pour l'assertion selon laquelle « tout n'est qu'esprit ». Toutefois pour bien comprendre qu'il n'y a pas d'incompatibilité à concevoir que les phénomènes ne sont pas distincts en essence de l'esprit qui les perçoit, il nous faut abstraire cette vision de tout caractère personnel avant toute dualité. C'est pourquoi, il est essentiel de commencer par réfuter le « soi de la personne » et d'établir la vacuité de l'esprit, de sorte à ce qu'il soit évident que, « tels qu'ils sont et tous autant qu'ils sont » RL-67, les phénomènes ne possèdent nul caractère individualiste en lien avec « moi » ou avec « ma » conscience !

Toute précaution gardée quant à une interprétation trop littérale qui ferait glisser dans l'idéalisme du Cittrāmatra, il peut être intéressant de porter sur le monde un regard sous lequel les modalités de la manifestation nous apparaissent non seulement comme le reflet de notre esprit, mais plus profondément encore... comme son tissu ! Autrement dit, voir ce qui arrive comme s'il s'agissait de pensées ! Comparez avec ce qui se passe lors de vos méditations. Telles qu'elles se présentent, les choses ne semblent-elles pas revêtir un caractère impromptu, fugitif et inconstant, surgissant de nulle part et disparaissant sans raison ?

Considérer « ce qui (m') arrive (à moi) » non pas comme le fait du hasard ou de conditions conditionnées extérieures, mais comme le fruit de « notre » esprit (en lien avec notre karman) a quelque chose d'apaisant. Plutôt que de se demander « pourquoi untel m'en veut ? » ou « pourquoi le monde s'en prend-il à moi de la sorte ? », il est autrement introspectif de questionner « qu'est-ce que mon esprit cherche à me dire ? », et hors de toute considération d'identité individuelle « quel message l'esprit (en sa nature claire et lumineuse) veut-il me faire passer ? ».

Il n'en est pas réellement ainsi ! Les apparences ne sont pas l'esprit, elles sont comme l'esprit, c.à.d. vides de réalité ontologique. Autrement dit, il n'y a pas « d'existant premier » de leur propre côté, indépendant des « existants seconds » apposés sur eux par l'étiquetage du mental (outre pour les nommer et les définir, leur attribuer des qualités que nous en inspirent nos émotions perturbatrices).

« Comme l'esprit » c.à.d. comme l'état naturel de l'esprit, lequel peut se définir selon trois aspects : son essence, la vacuité d'existence inhérente, « l'essence de l'esprit est exempte de toute naissance, durée ou cessation, a la même nature vide que tous les phénomènes, égaux et dépourvus de soi » RL-267 ; sa nature, de « Claire lumière » (état de connaissance pure, non-référentielle, non duelle), « la luminosité naturelle désigne la nature de l'esprit non souillée par les proliférations conceptuelles. Si [elle] était la matière de cette luminosité, l'esprit serait lumière et couleurs apparentes. On ne pourrait [le] tenir pour naturellement pur, dénué d'essence » RL-269 ; et ses caractéristiques, expressions et manifestations de « la cause et de l'effet infaillible », « son apparence est la manifestation ininterrompue de la multiplicité des apparences (...) dualistes du samsāra et du nirvāṇa » RL-267.

Ultimement, l'esprit ne peut être tenu pour réel (...) l'esprit n'a pas d'essence unique ni multiple. Par conséquent, l'esprit est comparable à une illusion. Tous les phénomènes sont pareillement semblables à des illusions RL-237

« Tout est esprit » ne signifie pas que les apparences sont « mon » esprit, mais n'implique pas que leur manifestation n'ait aucun rapport avec notre expérience... Que le rêveur présente un aspect identitaire et le rêve un aspect impersonnel relève « d'effets de perspective » ! Le rêveur est comme un acteur de théâtre qui, totalement investi dans son rôle, oublie qu'il ne s'agit que d'un rêve ! Tous les deux sont purement fictifs et imaginaires, reflets de la conscience sous des formes de manifestations (oniriques) distinctes.

Toutefois, la vacuité étant libre d'assertion, il ne fait pas plus sens d'affirmer la dimension impersonnelle des phénomènes que leur caractère personnel ! Le rêveur et le rêve sont de simples reflets (sans substance) du « miroir de la conscience ». L'impression subjective d'être le rêveur a pour base « la vue de l'ensemble périssable » (l'identification de la conscience à l'illusion du rêveur par ignorance de l'essence et de la nature de l'esprit - du fait que l'ignorance de la nature se charge des émotions perturbatrices qu'elle induit sous l'emprise de la « saisie innée du soi ») -, comme le miroir qui se confond avec ce qu'il reflète...

Si l'on admet que tout ce qui arrive dans « notre » vie est comparable à un rêve (lequel serait la conscience qui rêve et non celle du rêveur), c'est à la condition de poser simultanément la vacuité d'essence du rêve et celle du rêveur, des apparences et de l'esprit. Toutefois, que les apparences plurielles soient dénuées de caractère singulier, et que la singularité de l'esprit soit universelle en sa nature n'abolit pas leur dualité. Il nous faut encore établir qu'ils ne sont pas deux, ce qui revient à saisir simultanément que les apparences sont des productions interdépendantes infaillibles et la vacuité est libre d'assertion...

Dépourvu de naissance, de durée et de cessation, c'est [l'esprit] un courant ininterrompu. Sa nature se trouve impartialement dans tous les êtres, réalisés ou non, bons ou mauvais, sans notion de progression ou de régression (...)

Ainsi, l'esprit échappe à l'extrême de l'existence. Bien qu'insubstantiel, il est la base de tout ce qui apparaît dans le saṃsāra et le nirvāṇa. Émergeant sous diverses formes, il échappe à l'extrême de l'inexistence RL-259

Pour être à même d'effectuer la saisie simultanée de l'union des apparences et [de la vacuité] de l'esprit, il nous faut procéder à « l'épure conceptuelle » de l'idée de leur existence autonome qui les établit en dualité. De plus, ces constructions conceptuelles nous empêchent de concevoir comment les apparences peuvent constituer les « caractéristiques » de l'esprit puisque son essence (à l'instar de celle de tous les phénomènes) est vide de réalité ontologique, et qu'il ne possède donc pas de substance susceptible d'en être le « possesseur » ! « (...) à l'image du rêve, l'esprit et les apparences sont indissociables (...) simple manifestation de l'esprit. Comprenant que ces apparences et l'esprit forment une unité indivisible, on établit [qu'elles] sont un phénomène non duel, sans dissocier les diverses apparences extérieures des mouvements internes de l'esprit » RL-256.

  • Oubliez un instant les caractéristiques de la matière de l'esprit, et tout ce qui les oppose en nature comme en manifestation. Voyez simplement les apparences comme dans un miroir où les objets et l'espace apparaissent de manière distincte et séparée alors qu'ils sont un seul et même reflet...

  • La vue de la couleur jaune, la pensée du jaune, sa visualisation mentale, le rêve du jaune, sont considérés comme différentes apparences et expériences qui selon leur caractère sont, conventionnellement, affirmées comme étant réelles ou fictives en termes de « nature », valides ou invalides en termes de « cognition »...

Or, qu'il s'agisse d'un reflet miroir ou des modalités de perception/représentation de la couleur jaune, tous les phénomènes et l'esprit sont vides d'existence intrinsèque, simples apparences séparables relativement à leur « effet de perspective », mais non séparées en essence...

Puisque dans la voie de la quiétude on se concentre exclusivement sur l'esprit, lequel est aussi l'objet de la vision supérieure, l'objet perçu et celui qui le perçoit ne sont pas deux entités mentales distinctes mais l'esprit tout entier RL-127

Rappelez-vous l'analogie de l'hologramme au sein duquel se rejoignent sous une même apparence, telle l'union indifférenciée des parties d'un reflet, un faisceau de lumière scindée en deux pour en produire l'image, l'une éclairant [reflétant la mesure de] l'objet, l'autre qui en photographie l'apparence... L'hologramme est une « figure d'interférence » dont la perspective (l'apparence résultante ou « l'effet de surface ») est co-produite en interdépendance [de la conjonction] « d'effets de perspective » eux-mêmes imbriqués qui la conditionnent !

Il semble évident que les apparences ne peuvent se concevoir sans l'esprit, comme il ne fait pas sens de demander si la glace charriée par un fleuve fait partie du fleuve ou si un arbre qui tombe en forêt en l'absence d'un être sensible... fait du bruit en tombant ! A ce stade toutefois, nous les voyons encore comme entitaire, tel l'objet qui n'existe pas sans sujet (l'action sans agent qui effectue l'action, ni objet sur lequel elle porte, c.à.d. « les trois sphères »).

Telle la même source lumineuse, sujet et objet sont « un en essence », nature et production interdépendante ! Le sujet est un « effet de perspective » relativiste, émergeant sous la forme d'une conscience autoconnaissante (à ne pas confondre avec le soi), en lien avec l'émergence d'un autre «effet de perspective » qui apparaît comme un objet « existant premier ».

A ces « trois sphères », la conscience (de soi), les apparences, et de l'acte de perception, il convient ajouter un quatrième « effet de perspective », le référentiel formé par l'espace et le temps comme condition de leur manifestation. Si l'objet est (intrinsèquement) interrelié au sujet, il ne peut s'abstraire de l'espace comme milieu du manifesté et du temps comme liant relationnel de la cause à l'effet.

La dimension absolue est naturellement indivisible : l'esprit n'a pas de forme et il est indéfinissable [on ne peut le dire de couleur ou cristallin], n'a pas d'apparence, est intangible, n'a pas de lieu propre, est invisible (...) on ne peut [le] percevoir ni à l'intérieur, ni à l'extérieur ni entre les deux, on ne peut prouver son existence RL-240

Sous l'évidence de cette interdépendance inextricable, se fait alors jour : l'absolue certitude quant à l'irréductibilité de l'ainsité de la vacuité d'existence intrinsèque de son propre « continuum de conscience » en tant que connaisseur; l'absolue certitude quant à l'inaliénable ainsité de l'interdépendance de tout ce qui lui apparaît en relation à l'esprit comme objet ; l'absolue certitude quant à l'irréfutable ainsité du référentiel espace-temps conventionnellement manifesté.

A l'abstraction de toute identité personnelle et impermanente, la conscience se saisit « conscience d'être conscient de soi » sous l'irréductibilité de la vacuité de son propre effet de perspective. C'est ainsi ! Parce que libre d'assertion, l'existence de son « autoconnaissance » à la vacuité des phénomènes ne peut être réfutée ! « Cette autoconnaissance qui échappe à toute prolifération conceptuelle se manifeste tout en étant vide. C'est parce qu'elle est vide qu'elle peut se manifester. Apparence et vacuité sont donc indissociables, comme le reflet de la lune dans l'eau » RL-270.

Au déterminant d'une connaissance non conceptuelle et non duelle, l'esprit saisit l'existence relativiste des objets sous l'inaliénabilité de l'effet de perspective de [l'indissociabilité à l'esprit à] la vacuité des apparences. C'est ainsi ! Parce que libre d'assertion, « l'infaillibilité de la cause à l'effet » ne peut être réfutée ! « En comprenant et en voyant le mode réel d'une seule chose, on comprend et voit le mode réel de toute chose. Par la connaissance d'une chose, toutes se libèrent. Aussi, à ce stade, lorsqu'on détermine la nature des apparences, il faut percevoir l'émergence indissociable de leur manque d'existence propre et de leur manifestation ininterrompue » RL-251.

Une seule chose est l'essence de toutes choses. 

Toutes choses sont l'essence d'une seule chose RL-268

Sous « l'effet de perspective » des objets qui se meuvent, l'esprit saisit la vacuité du temps à l'irréfutabilité de la relativité du mouvement. C'est ainsi ! Parce que libre d'assertion, l'espace-temps ne peut être dit existant ou non-existant !

Ainsi, nous sommes passés d'un état d'esprit où, dans le silence de la conclusion du tétralemme, reconnaître que « les choses sont ainsi ! » présentait un caractère quelque peu fataliste (en regard de l'attachement résiduel à la volonté d'expliquer « le pourquoi et le comment » dans une optique ontologique), à un état d'esprit de réjouissance quant à la certitude que, même si la conscience est un «effet de perspective » vide de réalité ontologique, elle est irréfutable en termes d'essence et d'apparence ! La perte de l'illusion du caractère identitaire de la conscience (l'individualité du sujet) s'en trouve transcendée par la clarté de l'évidence que l'esprit, de la nature du diamant (vajra), ne peut pas être détruit précisément parce que son essence est libre d'assertion !

Ces expressions ne seront jamais que des indications

Pour cette raison, cela n'est ni vide ni non vide,

Ni existant, ni inexistant,

Ni né, ni non né RL-105

Pour autant, il faut encore nous abstraire de l'idée sous-jacente véhiculée par l'interdépendance (la relation entre ce qui existe de son propre côté) et pour cela, comprendre que l'activité des sphères n'est pas constante... Dans le monde du désir et de la forme, la conscience est à minima son propre objet, mais dans le monde du sans-forme, et encore plus dans l'union du Calme mental et de la Vision supérieure, l'esprit posé sur la vacuité est non-référentiel et non duel. La « figure d'interférence » émergente de ces sphères n'est autre que le samsāra ! Et puisque le temps est sans existence réelle, son interférence synthétique est sans commencement ! De fait, puisque les apparences sont [la vacuité de] l'esprit, la roue de la « production existentielle conditionnée » n'est pas sans fin !

L'absence d'existence véritable du temps implique que sur le plan autant ultime que relatif, il n'est pas possible de situer l'œuf et la poule en termes d'antériorité, pas plus que de les localiser dans l'espace. Pour saisir l'union des apparences et [de la vacuité] de l'esprit, il nous faut procéder à l'épure sémiologique et sémantique de tout élément de vocabulaire tendant à substantifier le temps comme «existant premier » : ensemble, « en même temps », simultanément, instantanément, etc. La sagesse grandira à proportion de cette épure, jusqu'à ce qu'il devienne évident qu'une « seule chose est l'essence de toutes choses » et que « toutes choses sont l'essence d'une seule chose » RL-268.

Chaque sphère a pour essence la vacuité d'existence intrinsèque, et la « figure d'interférence » qu'elle forme dépend de la vacuité de chacun de leurs « effets de perspective ». Dire qu'elles sont indissociables est encore trompeur ! Elles sont séparables (en apparence), mais non séparées(en essence) ! L'on ne saisit le sens de la vacuité que lorsque l'on réalise que... c'est parce qu'elles sont vides que les choses existent ! « De même que vous comprenez la perception [de l'état nature de l'esprit], appliquez-vous à la connaissance de toute chose. Vides de toute essence, les phénomènes sont comme l'espace, parfaitement purs. Il suffit de connaître une chose pour les connaître toutes » RL-21.

La vacuité est l'essence de l'un et du multiple, du singulier et du pluriel, de l'individualité et de l'altérité, les expressions de la manière dont la vacuité apparaît comme la cause et l'effet. A ce stade, la vacuité ne détruit pas les apparences mais « écartent les extrêmes de l'existence », et les apparences ne chassent pas la vacuité mais « dissipe l'extrême du nihilisme » 3AV.

Cette « autoconnaissance » ne s'entend ni comme synonyme de « saisie (innée) du soi » (dont l'objet aura été préalablement réfuté - dont on aura démontré « l'inexistence de fait », na vidyate), ni comme synonyme de « conscience de soi », ni comme synonyme de conscience... Au sein des écoles mahayanistes, la capacité de l'esprit de se connaître lui-même est reconnue par le Mādhyamaka Svātantrika comme la «sagesse primordiale qui se connaît elle-même, l'expression la plus sublime du principe d'autoconnaissance de l'esprit, exempt de la polarisation du sujet et de l'objet (...) sagesse non duelle et non conceptuelle de l'absorption méditative de l'absence de toute nature » RL-97.

La sagesse qui se connaît elle-même échappe au dualisme, d'où son caractère inconcevable et inexprimable (...) C'est simplement la connaissance de la nature primordiale, dénuée de toute élaboration et de toute caractéristique conceptuelle, telle que la connaît l'esprit qui analyse l'esprit. Ce n'est pas une conscience qui reconnaît un objet perçu, telle une image née de la rencontre de l'œil et de la forme RL-245

Elle est rejetée par le Mādhyamaka Prāsangika, sur la base du postulat de l'union des apparences et de la vacuité hors l'existence et la non-existence. Il n'est pas cohérent d'affirmer que l'esprit puisse se connaître lui-même car son essence est vacuité ! Une forme d'autoconnaissance de l'esprit s'entend uniquement au sens d'un reflet, lequel est le « miroir de la vacuité ». On ne peut ni trouver ni observer ce qui par essence est libre d'assertion, et donc introuvable et inobservable ! Il en va de même des phénomènes qui ne peuvent se saisir que comme des illusions. « De même que les formes présentent des aspects variés dont la nature n'est ni une ni multiple, puisque l'esprit n'existe pas séparément d'eux, sa nature n'est ni une ni multiple. Ainsi s'apparente-t-il naturellement à une illusion (...) comme l'esprit, tous les phénomènes sont par nature comparables à des illusions » RL-107. Au terme ultime de l'analyse, ni l'esprit, ni les phénomènes, ni la vacuité (vide d'elle-même) ne peuvent être dits existant ou inexistant. « Cela n'est ni vide ni non vide, ni existant, ni inexistant, ni né, ni non né » RL-105.

Les vagues sont l'océan. Toutefois, que la vacuité soit l'essence de tous les dharmas, et que l'essence de tous les dharmas soit l'essence d'un seul, ne signifie pas que la vacuité soit un « tout » doté d'une existence intrinsèque (substance universelle, « existant premier » absolu). Dans les faits, tout apparaît comme si l'ensemble infini formé par l'infinie diversité de l'infinie combinaison de tous les dharmas formait une totalité unitaire composée de parties entitaires sous l'expression de la production interdépendante, dont l'essence vide se manifeste comme cause et effet infaillible. Ce n'est pas ainsi qu'il faut le comprendre...

Le vide formé par les pièces manquantes du puzzle est une absence. C'est la même « absence de quelque chose », quel que soit l'emplacement. Rapprochez ces deux vides l'un de l'autre, fusionnez-les pour obtenir un seul espace non rempli du puzzle, et vous constaterez que c'est bien une seule et même absence ! La vacuité de la Terre n'est pas plus grande que la vacuité de mon corps, c'est la même absence d'existence intrinsèque et autonome dans les deux cas ! Vous ne pouvez retrancher la vacuité à la vacuité ! Quelque nombre que vous soustrayez de zéro, vous ne pouvez changer la valeur de zéro...

Vous ne pouvez pas non plus ajouter la vacuité de mon corps à la vacuité de la Terre, et à celle de tout ce qu'elle contient, et considérez cet ensemble comme un Tout plus grand que la somme de ses parties. Tous les dharmas sont vides, leur produit également ! Il est donc essentiel de procéder à l'épure conceptuelle de tout élément de vocabulaire tendant à substantifier l'espace comme « existant premier » : ensemble, partie, tout, etc., et de ne pas perdre de vue que... tout est : ni vide ni non-vide, ni existant ni non-existant !

Lorsque l'on perçoit tous les phénomènes sous une vue globale (chaque chose qui nous entoure, notre corps, notre conscience même qui les observe) sous la perspective de la vacuité de leur essence, la dualité sujet-objet s'abolit. Dans les faits toutefois, cela ne se traduit par leur désintégration pure et simple ! Ce sont leurs limites, qui autrement les discriminent (en distinguant cela qui observe de ce qui est observé), qui s'évanouissent jusqu'à se confondre, comme si les pièces d'un puzzle fusionnaient et lui faisant perdre son caractère composite, ne laissant apparaît qu'une image unique, non différenciée...

Comme les perceptions cessent lorsqu'on regarde l'espace,

Les pensées se dissipent lorsqu'on regarde l'esprit RL-246

C'est sous l'approche de leur vacuité d'existence inhérente, globale en ses apparences et indivise en essence (« séparée, mais non séparable »), qu'il nous faut examiner avec discernement - non comme un raisonnement logique usant d'inférences, mais une analyse discriminante qui différencie, distingue et reconnaît - les phénomènes (incluant l'esprit) en période de méditation, et les voir en post-méditation comme un simple reflet. Puisque « toute chose est dépourvue de nature propre » RL-134, leur ensemble infini, autrement dit l'ensemble de l'essence de chaque chose, est lui-même vide. La vacuité y compris est dépourvue de nature propre (« vacuité de la vacuité ») !

Il n'est pas surprenant que la « Vision supérieure » se développe en entraînant préalablement l'esprit à se fixer sur un objet (de visualisation mentale), car c'est lorsque l'esprit indiscipliné, par distraction, se laisse capté par un coin écorné du décor, qu'il détache de l'ensemble, isole, en en faisant un objet à part entière (« existant premier », substantiel et autonome), que le « soi » nous saisit de son emprise, alimente les émotions perturbatrices et engendre la souffrance...

Après avoir stabilisé l'esprit sur l'objet observé grâce à la quiétude, lorsqu'on l'examine avec discernement, la lumière de la sagesse fondamentalement pure se manifeste. À ce niveau-là, lorsque l'analyse discriminante a cessé, apparaît une conscience non conceptuelle qui n'établit l'existence absolue d'aucune entité. Telle est la vue de la réalité fondamentale. La non-vision de tous les phénomènes est la vision parfaite RL-133

  • Observez ce qui se passe lorsqu'une moto surgit dans la rue. Vos consciences auditives et visuelles se fixent sur l'engin et la suivent comme un insecte capturé par la lumière ! Aussi fugace que soit cet instant, seul l'acte de connaissance momentanée formé par cet objet mental occupe votre continuum de conscience. Cependant, vous ne le percevez pas comme le produit de votre esprit, vous le voyez comme une chose réelle, qui existe de son propre fait, indépendamment de votre conscience, mu par la volonté de son conducteur. C'est une illusion !

Cet « effet de perspective » illusoire provient de la manière dont nous concevons et, conséquemment, percevons le monde qui vous entoure, sous un angle qui isole et sépare les choses sur la base de leur existence propre et autonome. Il nous suffit de voir le monde et tout ce qui nous entoure, de la Terre aux atomes, comme étant animés d'un mouvement constant pour que soudainement cette moto cesse de sortir du lot ! C'est une question de référentiel et donc de relativité !

La dualité sujet-objet est un « effet de perspective », laquelle ultimement ne peut être désintégrée pas plus que l'esprit ne peut être détruit, puisque sa nature libre d'assertion (existant ni non-existant) le rend indestructible !

Sous le référentiel subjectiviste de l'illusion du soi, qui occulte l'impermanence, les phénomènes paraissent stables, inchangés, immuables. Si nous les voyions sous la globalité indivise de leur vide d'existence intrinsèque, nous ne serions pas surpris par le changement de référentiel qui les fait apparaître séparés, et ne serions pas soumis aux vues (extrêmes) de l'être et du non-être ! « Toutes les pratiques consistent à éveiller la conscience, exempte de nature propre et de référent à son inexprimable manque de dualité et d'identité » RL-149.

« Nous voyons le ciel », disent les gens ;

Mais comment peut-on voir le ciel ?

Essayez de comprendre ce que cela signifie !

En cherchant tout ce qui apparaît comme esprit et matière,

On ne trouve ni objet ni sujet RL-246

  • En posture de méditation, commencez par observer l'espace qui vous entoure, les objets qu'il contient (leurs caractéristiques, formes, couleurs, etc.), l'aspect de votre propre corps, sa respiration, les sensations physiques de l'instant... En bref, tout ce qui vous apparaît comme extérieur en regard de la vue subjectiviste à la « première personne » qui caractérise la conscience de soi...

  • Pour cela, gardez les yeux ouverts. « Dans le yoga de la non-méditation, les yeux ne sont pas mi-clos (...) Le « regard adamantin » fixe droit devant » RL-238. Pour autant, même si vos yeux sont ouverts, vous voyez, mais ne discriminez pas ! Votre regard reste fixé sur votre « objet de méditation» visualisé mentalement, lequel se superpose à l'arrière-plan du décor (comme une «réalité augmentée[i] ») ... Cette vue vous apparaît avec clarté à la fois dans son ensemble et dans ses détails... sans que votre regard ne passe d'une focale à une autre !

  • Observez comme si n'y avait aucun bord, contour ou nulle limite entre les choses qui les distinguent et les séparent physiquement les unes des autres. Ne voyez pas les choses comme un « tout », voyez-les plutôt « comme l'espace » c.à.d. sans (aucune) obstruction entre elles ! Tel un miroir dans lequel les choses apparaissent séparément sans que leur reflet soit séparable de par sa nature, voyez l'espace qui vous entoure et ce qu'il contient sans discrimination entre contenant et contenu, forme modale et amodale, ici et là-bas...

  • En adoptant cette vue, pensez que tous les phénomènes sont vides d'existence intrinsèque. Ni l'espace ni aucune chose ne possède de substance ni de réalité propre. Sans discontinuité d'essence et d'apparence, ce que vous percevez, c'est la vacuité sous les avatars de la production interdépendante !

  • L'infinie diversité de l'infinie combinaison de tout ce qui apparaît comme la cause et l'effet infaillible, du plus léger souffle d'air à l'ouragan le plus dévastateur, du moindre brin d'herbe aux étendues de prairies sans fin, du plus petit grain de sable à la masse incalculable de tout le sable contenu dans l'univers, de la plus petite particule de matière aux planètes les plus gigantesques, des amas de galaxies contenant des milliards d'étoiles jusqu'à la totalité de l'univers connu... toutes ces manifestations interdépendantes, vides de substance inhérente et de réalité ontologique (de caractéristiques propres à leur nature), ne sont que de simples apparences de la vacuité dont la forme est relative à leur désignation par l'esprit ! « Les apparences [duelles] - perceptions usuelles des consciences - sont l'expression spontanée et ininterrompue de la nature vide de l'esprit, et continuent de se manifester tant que l'on ne s'est pas purifié du karma » RL-287, c.à.d. tant que l'esprit demeure conditionné, par la « saisie (innée) du soi », à voir les choses sous un « effet de perspective » qui distingue le sujet de l'objet.

  • Voyez le reflet de la Lune sur le lac. De la manière dont nous le percevons (et avons l'impression que cela existe), la surface de la Lune fait obstruction à la lumière du soleil qui l'éclaire, laquelle se réfléchit sur l'eau du lac qui lui-même y fait obstruction, de sorte que le miroir de ses eaux en renvoie l'image. Mais en essence, la Lune, le lac et la lumière sont vides de substance et ne peuvent donc faire obstruction ! La raison pour laquelle nous ne pouvons pas voir à travers les portes ou passer à travers les murs est une question de perspective, laquelle provient d'une vue voilée, réductionniste, du fait qu'un seul dharma [la vacuité] est l'essence de tous et que tous les dharmas sont l'essence d'un seul !

Tout en percevant avec acuité les caractéristiques précises de cette forme, on perçoit simultanément que cette apparence claire est vide de toute réalité tangible (...) Lorsque la clarté de toute forme perçue et sa vacuité apparaissent comme « l'union indivisible de l'apparence et de la vacuité, ou de la vacuité et de l'apparence », on perçoit la coémergence des apparences RL-287

Le mot coémergence traduit l'apparition concomitante des apparences et de la vacuité. C'est une manière de décrire la « simultanéité » de leur manifestation sans substantifier le temps comme « existant premier », ce qui revient également à en abstraire l'idée de sorte à libérer l'esprit de dilemme tel que celui de savoir qui de l'œuf ou de la poule est le premier. L'élément important ici toutefois est de renforcer la vue de la «non discontinuité » (c.à.d. de l'absence d'obstruction) entre la forme et le vide - dans la recherche de «l'état méditatif semblable à l'espace » - en insistant particulièrement sur le caractère indivis des apparences à la vacuité sous l'angle non seulement spatial, mais aussi temporel.

Du fait de l'empreinte karmique de la « saisie (innée) du soi », l'esprit ordinaire perçoit l'espace comme «contenant » et les objets comme « contenu », en lien avec une perception du temps tel un fleuve (dans lequel l'on ne se baigne jamais deux fois dans la même eau) qui nous emporte dans son cours. La physique en a renforcé l'idée avec « l'espace-temps » d'Einstein comme référentiel inhérent à l'intérieur duquel se produisent tous les phénomènes et qui les rend possible. Or, voir toutes les choses sans obstruction implique l'épure conceptuelle de l'idée même de l'espace comme « contenant » et constituant des objets.

L'espace est un « phénomène incomposé », non-né, inexistant de fait, une simple apparence vide de réalité ontologique qui apparaît à l'esprit voilé comme inhérent à la composition des objets (lesquels apparaissent contenus en son étendue). Voir le caractère indivis de la forme et de l'espace, c.à.d. la forme sans obstruction à la forme... implique de faire l'abstraction de la propriété de « localité » imputée aux choses en dépendance de l'espace comme « contenant » !

En physique, le « principe de localité »[ii] repose sur le postulat de l'existence intrinsèque des phénomènes qui, à notre échelle macroscopique, interdit à deux objets d'occuper le même espace en même temps. Interdiction qui n'est plus de mise à l'échelle quantique où, en leur état non mesuré, l'existence des particules est purement statistique - probabilité de trouver l'électron à tel ou tel endroit au moment de la mesure, laquelle n'est ni révélatrice, ni réificatrice de l'objet -.

Le postulat d'une réalité ontologique implique le « principe de séparabilité » des objets qui, étant distincts par nature, ne peuvent interagir que par l'intermédiaire de vecteurs de transmission d'énergie ou d'information dans les limites des lois de la physique (c.à.d. du temps mis par la lumière pour parcourir la distance qui les sépare). Selon Einstein « sans l'hypothèse de l'existence mutuellement indépendante des choses séparées spatialement les unes des autres (...) on ne voit pas comment les lois physiques pourraient être formulées et vérifiées ». C'est pourtant le cas en mécanique quantique où le principe de «non-localité » repose sur la « non-séparabilité » des objets du fait précisément... de leur nature !

  • Entendez l'écho d'une voix qui se propage entre les flancs étroits d'une vallée. L'écho est-il du son ou de l'espace ? Sans l'onde porteuse de vibrations sonores, il n'y aurait pas d'écho, mais pour que cette onde se déplace, il lui faut un milieu et conséquemment un espace pour lui permettre de s'expandre, mais aussi des obstacles (les parois de la montagne) sans quoi... il n'y aurait pas d'écho!
  • Sous l'œil de la sagesse qui comprend la vacuité, voyez l'espace, l'air, le son et (y compris l'esprit de) l'agent qui le produit sans obstruction de par leur essence vide d'existence propre, où les apparences ne se distinguent pas de la vacuité...

Considérez que l'esprit est pareil à l'espace !

Considérez que l'esprit a la nature de l'espace ! RL-244

La coémergence est également une autre manière de dire qu'il n'y a pas d'objet sans sujet ni de sujet sans objet, c.à.d. qu'il n'y a pas d'apparence... sans l'esprit qui les désigne à l'existence, lesquelles apparences sont non seulement sans discontinuité ultimement du fait de leur essence commune qui est la vacuité, mais également sans obstruction en tant qu'avatars de la vacuité. Or, à ce stade, cette vision est encore conceptuelle et empreinte de dualité...

Le sens le plus profond de la coémergence est que les apparences et la vacuité ne sont pas plus unies par l'événement de leur émergence (lequel est l'acte de désignation de l'esprit) qu'elles ne sont une en essence (laquelle est vide) ! Ni existantes ni non-existantes, les apparences et la vacuité sont indicibles et indivisibles ! L'infinie diversité des infinies combinaisons de la production interdépendante n'est pas autre chose que la vacuité sous toutes les formes de manifestations possibles (relatives à l'infaillibilité de la cause et l'effet). La forme est le vide et le vide est la forme... « La vision supérieure est une compréhension définitive, par-delà toute incertitude et conception erronée, de l'indifférenciation de l'apparence et de sa vacuité. On parle d'union de la quiétude et de la vision supérieure quand l'apparence est indissociable de sa vacuité naturelle et que la vacuité apparaît comme forme » RL-287.

La méditation devient « un équilibre semblable à l'espace » lorsque les choses sont perçues par l'esprit dans un seul acte de connaissance momentané qui, hors de tout référentiel d'espace-temps, embrasse sans obstruction dans son « continuum de conscience » les apparences et la vacuité, dans la vacuité de l'esprit qui les désigne à l'existence en co-émergence de la vacuité.

Toutes choses sont des productions de l'esprit. Ce qu'on a qualifié de dharma ne se trouve ni dans un objet ni dans un lieu mais dépend de l'esprit (...) le mode réel de la vacuité est identique à celui de l'esprit RL-233

Tous les dharmas sont l'essence d'un seul et une seule (essence) est celle de tous, peut s'exprimer sous «trois aspects » qui reflètent l'ainsité (la forme et le vide) de l'essence de l'esprit : toutes les apparences sont sans obstruction entre elles ; les apparences sont indissociables de l'esprit ; tout ce qui apparaît en coémergence n'est ni existant ni non-existant.

La première assertion recoupe l'ensemble infini formé par : 1. « l'infinie diversité de l'infinie combinaison de tous les phénomènes » - de quelques formes qu'ils soient et tout autant qu'ils sont dans les « trois mondes» - ; 2. le sous-ensemble infini de toutes les modalités sous lesquelles les (six catégories des) «êtres sensibles » en font « l'expérience de la matérialité » ; auquel s'ajoute également 3. le sous-ensemble (infini) de toutes les modalités de perception relatives aux consciences sensorielles ; ainsi que 4. le sous-ensemble (infini) de toutes les expressions que la phénoménologie de l'esprit est susceptible de revêtir.

Sous cet aspect, tout ce qui est perçu apparaît sans obstruction (non pas entre la forme et l'espace car c'est déjà le cas de par le caractère de ce dernier) entre la forme et la forme, c.à.d. comme « non-localité » ! Cette absence d'obstruction signifie qu'il n'y a ni d'un côté l'espace constitutif d'un contenant, ni de l'autre les objets qui en peuplent le contenu. Lorsque la sagesse discrimine que l'espace et la forme sont de simples « effets de perspective », tout ce qui se présente comme apparence se révèle sans discontinuité ! Il n'y a plus de séparation, tout est sans obstruction ! De la même essence (vide d'essence), le sol, les murs, le plafond, comme la terre, la mer, le ciel, tout est de la nature de l'espace, à la fois volume, dimensions, formes, eau, air... sans l'être réellement !

Les choses ne sont pas seulement indissociables de par la vacuité de leur essence, elles sont inséparables en leur caractère apparent ! Cela inclus tout ce qui apparaît (à l'esprit ordinaire) distinct entre « l'extérieur » et « l'intérieur » (le corps versus la conscience). Sans obstruction s'applique à l'ensemble indénombrable de tout ce qui peut être vu, entendu, touché, senti, goûté, à l'instar d'une synesthésie - lorsque le traitement des percepts sensoriels se mélangent entre les aires neuronales - où les sons apparaissent en images, les odeurs en couleurs, etc., tels des « échos qui se confondent et se répondent[iii] » !

Tels une illusion, un mirage ou un reflet,

Visions et sons ne sont pas des perceptions duelles.

L'esprit qui perçoit l'illusion est comparable à l'espace :

Sans centre ni périphérie, il échappe à l'intellect RL-289

Ce ne sont pas seulement les « trois sphères » de la cognition, l'espace perçu, sa représentation comme « objet épistémique » et la conscience qui le perçoit, qui sont sans obstruction. Il faut ajouter le contenu de la phénoménologie de l'esprit, la pensée, l'imagination et le rêve, ce qui induit conséquemment les apparences issues de la « dissolution » des consciences sensorielles qui se produit au moment de l'endormissement (et se traduit sous la forme des rêves), mais aussi lors du processus de la mort, et se manifeste comme hallucinations (vision des proches du défunt, tunnel de lumière, etc.) inspirées par les imprégnations karmiques et qui ne peuvent être correctement comprises sans préparation adéquate (par l'entraînement aux yogas spécifiques du Vajrayana).

Nous reviendrons sur la raison de ces ajouts, l'essentiel pour l'instant est que lorsqu'il apparaît clairement que les apparences sont l'expression de la vacuité, la conscience englobe dès lors toutes choses dans une vue sans obstruction sans contour, ni limite, ni distinction de nature. Pour autant, que toutes choses soient l'essence d'une seule n'induit pas leur consubstantialité à un tout identitaire...

Voyez les apparences comme des hologrammes. Pour les êtres ignorants de la nature véritable des phénomènes, le feu brûle et l'eau mouille car telle est leur nature. Certes, l'assertion est une « cognition valide » en terme conventionnel (laquelle reflète un niveau d'argumentaire relatif à la capacité de compréhension progressive des êtres). Mais, puisque l'eau et le feu ont pour essence la vacuité, ils sont dépourvus de réalité ontologique et ne possèdent donc pas les propriétés qui leur sont imputées sur la base d'une substance intrinsèque.

Les agrégats, les domaines et les sources de perception

Emergent de l'état naturel, le Mahāmudrā,

Et s'y résorbent tous RL-289

La raison pour laquelle le feu et l'eau présentent les caractéristiques que nous leur connaissons et dont nous en faisons l'expérience provient de l'imprégnation karmique de notre esprit ordinaire par la « saisie (innée) du soi ». L'esprit libéré de cette vue erronée par la réalisation de leur vacuité, les percevra comme des hologrammes ou de simples reflets. Superposer l'hologramme de l'eau sur celui du feu et... il ne se passera rien ! L'eau n'éteindra pas le feu, ni ne fusionneront. Ils ne feront que se traverser telles de fantomatiques apparitions...

Bien que toutes choses soient l'essence d'une seule chose, les apparences ne constituent pas pour autant un « ensemble » qui serait composé de « parties » relatives. Cette définition grossière de l'interdépendance des phénomènes est utile au préalable pour nous amener jusqu'à ce stade de compréhension auquel il doit maintenant être clair que, puisque que toute chose est ultimement vide d'existence inhérente (autonome et ontique), les apparences ne sont de, ce fait, ni existantes ni non-existantes. Ce que nous pouvons en percevoir (en épurant nos voiles) n'est pas un tout (un magma ou une soupe...), c'est le sentiment (grandissant) d'une totale absence d'obstruction !

Parce qu'elle est porteuse d'un caractère substantialiste quant à son objet (le moi), cela même si elle consiste en l'abolition de ses frontières, l'expression « sentiment océanique[iv] » - « l'impression de se ressentir en unité avec l'univers - est impropre à définir cet aspect. Il serait plus juste de le décrire comme une « saisie directe » (ou du moins son approche en l'état actuel du développement de notre sagesse) de la « dimension absolue de la non-dualité, omniprésente, dépourvue de sujet et d'objet » RL-107 ou «Dharmadhātu, fondamentalement immaculée, Dhātu désigne ce qui ne présente aucune obstruction. L'absence d'obstruction révèle que tout peut apparaître sans entrave » RL-273.

Pour être exhaustif, à la liste des infinis qui constituent le premier aspect de non-séparabilité de l'ainsité (les manifestations revêtues par la vacuité), il faut ajouter à leur « connaissance sans obstruction » (par-delà toute dualité sujet-objet) les des objets mobiles, lesquels ne constituent pas une catégorie propre, mais une manière de percevoir les phénomènes. Ce qui nous amène à croire en l'existence substantielle inhérente d'un objet dès lors qu'il nous apparaît en mouvement, c'est sa perception en regard d'un arrière-plan immobile (relativement à sa vitesse de déplacement), que notre conscience visuelle saisit comme un référentiel. Parce qu'elles partagent la même essence, toutes choses (mobiles ou immobiles) sont ultimement non séparées et n'apparaissent séparables conventionnellement que sous « l'effet de perspective » de la désignation qu'en fait notre esprit voilé.

Il n'est cependant pas nécessaire de s'entraîner à appréhender l'inséparabilité du mouvement de l'inertie, car la familiarisation avec le caractère non obstructif des apparences finit par gommer leur notion jusqu'à leur perception même...

Par contre, il semble contradictoire de considérer le rêve et les hallucinations comme des apparences, mais cela est parfaitement logique sous la perspective du second aspect de l'assertion relative à «l'essence de l'esprit », sous lequel les apparences sont [de l'essence de la vacuité de] l'esprit.

L'état de « vigilance éveillée » - caractérisé par l'activité cérébrale des ondes Bêta[v] - est considéré comme le référentiel de la « conscience ordinaire ». Grâce au fonctionnement optimal des capacités cognitives, cet état permet de percevoir et de connaître le monde, définit en regard comme la « réalité ». Toute altération (sous l'effet de l'alcool ou des drogues), tout artifice (tel que le rêve), lesquels déforment notre perception et nous donnent à voir des choses imaginaires et trompeuses (qui induisent une croyance erronée quant à leur objet sur la base de la saisie du soi), sont considérées comme des «cognitions invalides ».

Une illusion d'optique est une cognition erronée qu'il nous faut identifier comme telle pour en établir la perception subséquente correcte. Lorsque nous rêvons, nous tenons naturellement pour vrai ce que nous voyons et ce dont nous faisons l'expérience... dont nous ne réalisons le caractère factice qu'au réveil ! Certes, l'essence de toute chose est la vacuité, mais les rêves, les hallucinations et les simples illusions ne sont pas... contiguës aux apparences du monde éveillé. Aussi, il ne semble pas cohérent d'affirmer que les choses vues en rêve et celles perçues à l'état éveillé forment, sans obstruction, le « paysage du réel » !

Toutefois, nous inférons le caractère irréel d'une chose sur la base de l'existence substantielle et autonome présupposées d'une autre chose dont nous postulons le caractère réel sur la base... de l'ignorance de sa nature !

Si nous partons du principe que les choses existent de manière inhérente de leur propre côté (c.à.d. que leurs apparences, caractéristiques et propriétés reflètent la réalité ontologique d'un « existant premier »), et que la connaissance qu'il nous est possible d'en avoir s'établit par la concordance à la réalité de leur objet que nous nommons « vérité », alors il est logique de soutenir la position selon laquelle le rêve et le monde qui nous entoure ne sont pas sans obstruction.

Mais, une illusion d'optique est une perception biaisée d'une image, laquelle est une représentation mentale qui n'est jamais qu'une construction de l'esprit ! Or, puisque toutes les choses sont vides d'existence substantielle et autonome, la manière dont elles nous apparaissent (et dont nous en faisons l'expérience de la matérialité) est... un simple « effet de perspective » constitutif de la désignation qu'en fait l'esprit sur la base de la connaissance voilée de leur véritable nature ! Une illusion d'optique est donc une vue déformée d'une apparence qui est elle-même le produit de l'esprit, perspective biaisée d'un effet de perspective !

Qui plus est, non seulement cette apparence ne se départit pas de la vacuité de son existence, mais elle ne se discrimine pas non plus de l'esprit qui en est l'essence ! Comment considérer le rêve comme «factice» alors que ce que nous nommons le « réel » n'est, lui-même, qu'une simple vue de (sur) l'esprit ?

Réel ou irréel, vrai ou faux, sont de simples assertions conventionnelles, dont la validité et la réfutabilité sont relatives à un référentiel basé sur une « heuristique de disponibilité[vi] » laquelle est, elle-même, conditionnée par nos voiles. De par leur ainsité, il n'y a pas plus de raison d'affirmer qu'une hallucination est « irréelle » que d'affirmer que le monde qui nous entoure est « réel » !

Ainsi, qu'elles soient extérieures ou intérieures à la conscience, toutes les apparences sont ultimement sans discontinuité de par (la vacuité) de leur essence, et conventionnellement sans obstruction de par leur inséparabilité à (l'essence de) l'esprit. Elles ne sont séparables que sous le jeu des « effets de perspective », mais non séparées de (la nature de) l'esprit qui le produit !

Tel le magicien qui voit les objets illusoires qu'il a créés, le yogi perçoit, sans obstruction, les simples apparences de la réalité superficielle tout en sachant qu'au sens ultime, les phénomènes sont dépourvus de nature propre RL-112

Seuls les Bouddhas sont capables de « cognition valide ». Le terme est toujours relatif chez les êtres ordinaires. Il y a de quoi faire trembler les fondements de notre conception du réel ! En méditant sur l'esprit lui-même (par le Mahāmudrā), il est toutefois possible d'approcher et de réaliser la « dimension absolue ». A mesure de l'épure conceptuelle de la croyance dans les idées de matière et d'esprit par la compréhension de la vacuité, à proportion de l'épure perceptuelle de toute discontinuité (ultime) par le développement de la sagesse qui réalise que la forme-vide est vide-forme, en conjonction avec l'habileté croissante de l'esprit à embrasser les apparences sans obstruction, la dualité entre réel et irréel se dissout jusqu'à ce que sa complète dissolution... fasse surgir l'ainsité !

La méditation devient alors le lieu (hors toute localité et toute temporalité) de l'émergence d'un sentiment qui (au-delà de toute dualité, par l'abstraction des notions de réel et de rêve, d'existence et de non-existence, de sujet et d'objet), éprouve la « saisie (yogique) » du troisième aspect de l'essence de l'esprit, sous lequel la conscience se saisit dans une connaissance qui transcende sa propre autoconnaissance. « Quand on recherche la nature propre de l'esprit, on réalise qu'il est vide » RL-134 et puisque, c'est l'esprit qui l'effectue, « l'analyse discriminante n'existent pas par essence » RL-133.

Comprenant qu'on ne peut rien appréhender d'autre que des représentations mentales, on réalise que l'esprit n'existe pas - car, sans réalité objective, il n'est pas de sujet qui appréhende quoi que ce soit. Connaissant cette non-dualité, on s'établit dans la dimension absolue, omniprésente, dépourvue de sujet et d'objet. Telle est la réalisation directe de la dimension absolue RL-107

Le même étonnement qui s'empare de l'esprit à la compréhension de la causalité entre la vacuité des phénomènes et leur existence - laquelle affirme l'infaillibilité de la production interdépendante en dépendance à la liberté d'assertion de la vacuité... c.à.d. grâce au fait qu'ils sont vides ! - s'empare alors de l'esprit à la réalisation de sa propre vacuité ! Où comment appréhender qu'il n'existe que des représentations mentales si l'esprit n'est qu'un simple « effet de perspective » ? Tout simplement en faisant l'épure de toute conception qui substantialise l'esprit et les phénomènes, de sorte à réaliser qu'ils ne sont ni existants ni non-existant, ce qui correspond au troisième aspect de l'essence de l'esprit !

Il reste un point à considérer parmi l'infini des apparences, les êtres sensibles. Dès lors que l'on médite sur la vacuité [de l'essence] de l'esprit, il devient évident que l'identité du « simple je » qui désigne et distingue les personnes est sans obstruction à la nature claire et lumineuse [de l'état de connaissance] de l'esprit. Conséquemment, la notion « d'individu » cesse de faire sens puisque toutes les choses, y compris donc tous les esprits, sont... l'essence d'un seul !

« L'infinie diversité de l'infinie combinaison » entre l'état civil, la langue, la culture, l'éducation, l'histoire personnelle, la profession, etc. ne sont que des apparences qui recouvrent l'esprit d'un voile et lui font croire en son individualité propre, en opposition duelle à l'altérité indivise d'autrui, sur le fond de la « saisie (innée) du soi ». Or, dans la perspective du samsāra (et de l'interdépendance), ayant vécu un nombre de vie sans commencement, tous les êtres sensibles et migrateurs ont été nos mères, nous avons été la leur, de même que tous les membres de leurs familles, et nous avons tenu tous les rôles, tant celui d'ami que d'ennemi...

« Vient ici ! », intima le Bouddha a l'un de ses disciples. Lequel, ayant saisit le sens définitif de sa parole... réalisa la vacuité et atteignit le nirvāṇa ! Comme l'énonce le sutrā du cœur, il n'y a « pas d'obtention ni de manque d'obtention », pour aller (GATE GATE), de l'autre côté (PARAGATE), complètement de l'autre côté (PARASAMGATE) pour réaliser l'Éveil (BODHI SOHA). Il y a seulement à s'appuyer sur la perfection de la sagesse, de sorte à réaliser l'erreur du soi et la corriger, pour ainsi « actualiser le potentiel » de la nature pure et lumineuse de l'esprit qui est l'état de Bouddha depuis des débuts sans commencement...

Il n'y a pas de seuil à franchir, ni de miroir à traverser, ni d'hypothétique « autre côté » du miroir... Il y a seulement à réaliser que ce « côté-ci » du miroir est vide d'existence intrinsèque et autonome, que les choses et les personnes sont de simples apparences sous laquelle la vacuité se manifeste, en production interdépendante, en désignation de l'esprit voilé par l'ignorance !

A mesure de la pratique de la méditation sur l'esprit lui-même, à proportion de l'épure conceptuelle et perceptuelle de l'individualité qui accompagne l'épure de l'existence inhérente et autonome, la vacuité de l'esprit apparaît clairement. Nous ne sommes pas le modèle, nous sommes le reflet ! Cessons de nous croire réels par orgueil. Nous ne sommes pas l'archétype de l'image qui apparaît dans le miroir, nous ne sommes que le reflet du « miroir de la vacuité » !

Entre la sagesse et la compassion, il n'y a pas de lien de causalité qui entraînait le développement spontané de l'un à la réalisation de l'autre. Sentiment et logique doivent être développés par des moyens spécifiques. Pourtant, une chose les unis au-delà de toute union et de toute indivision, la « dimension absolue » ...

Lorsque l'on réalise que les choses ne sont que des apparences vides, lesquelles sont sans obstruction puisque ni existantes ni non-existantes (simples « effets de perspectives » indissociables de [la vacuité de] l'esprit qui en est l'essence), disparaît toute différence entre soi et les autres, et l'ignorance qui fragmente la « dimension absolue » (par « effet de perspective », sous la « saisie (innée) du soi ») n'en désigne plus les éclats en tant que personnes.

Indestructible puisqu'elle ne relève ni de l'être ni du non-être, c'est seulement sous un « effet de perspective » que la « dimension absolue » apparaît divisée, et c'est également sous un autre « effet de perspective » que ses fragments doivent rechercher individuellement leur union. Se comprend alors le sens définitif de l'enseignement du Bouddha. Le samsāra et le nirvāṇa. Il n'y a rien à réaliser en termes de production, seulement en termes de compréhension, c.à.d. à « saisir directement » ce que signifie le fait qu'une seule chose [la vacuité] est l'essence de toutes les choses, et que toutes choses sont l'essence d'une seule.

S'ils ne sont pas les caractères d'une « essence vide d'essence », la sagesse et la compassion sont des «facteurs mentaux » dédiés à cette finalité sotérologique, et de fait... des expressions de la « dimension absolue » sous l'avatar de la conscience individualisée telles les apparences des manifestations de la vacuité ! Sous la sagesse qui réalise la vacuité, au regard de l'absolue certitude de l'irréductibilité de l'esprit, surgit l'absolue certitude [de la vacuité] de la souffrance (première Noble Vérité), du caractère conditionné de son infaillibilité (seconde Noble Vérité), à l'absolue certitude de sa cessation (troisième Noble Vérité), en regard de l'absolue certitude de son déconditionnement (quatrième Noble Vérité).

Qu'il regarde des formes,

Écoute des sons,

Goûte diverses saveurs,

De maintes façons,

Le vrai yogi qui maîtrise son esprit

Voit constamment s'élever l'état naturel.

Tel est le sublime esprit d'éveil,

L'indestructible, l'illustre esprit indestructible,

L'éveil parfaitement accompli RL-289

Namasté

Tashi delek

བཀྲ་ཤིས་བདེ་ལེགས།


Références :

RL : Rayons de Lune, les étapes de la méditation du Mahāmudrā https://www.padmakara.com/livres-numeriques/196-rayons-de-lune-ebook-format-pdf-9782370410139.html?search_query=rayons+de+lune&results=5 


[i] https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9alit%C3%A9_augment%C3%A9e 

[ii] https://fr.wikipedia.org/wiki/Principe_de_localit%C3%A9_(physique) 

[iii] https://fr.wikipedia.org/wiki/Synesth%C3%A9sie 

[iv] https://fr.wikipedia.org/wiki/Sentiment_oc%C3%A9anique 

[v] https://www.gaiameditation.com/fr/sons-binauraux-sons-isochrones-synchronisation-ondes-cerebrales/ 

[vi] https://www.futura-sciences.com/tech/actualites/communication-campagne-anti-pfizer-analyse-scientifique-document-envoye-influenceurs-87637/