I.24 - Pure expérience de l'Inde, partie 2 : béatitude
Le Soi est le cœur pur et infrangible de l'être, le centre d'où l'esprit rayonne, si profond et mystérieux, inaccessible à notre perception. Et pourtant, lorsque nous nous ouvrons à son authenticité, son éclat devient plus éblouissant que le soleil, sa vibration plus pénétrante que le plus envoûtant des mantras.

Je vois ce que les autres ne voient pas, mais personne ne me voit.
Nous sommes chacun d'un côté du miroir :
Je parle de toi pendant que tu observes en moi
J'évolue dans l'imagination d'un songe, la fiction d'une utopie, tu résides dans la vérité au-delà de l'illusion du « je »
Je mets des étiquettes sur ce que je crois la vérité, tu arraches le sparadrap sur mes artifices
Je pense sans interruption, tu écoutes dans le silence
Je me disperse en échos, tu te concentres dans l'instant
J'analyse les choses sans les vivre, tu les vis pleinement sans t'interroger
Je suis un fétu de paille emporté par les vents, tu es un rocher solidement ancré dans la terre
Je ne suis qu'une ombre, tu es la lumière
Je ne suis qu'un reflet, tu es un éclat
Je n'ai de goût que pour les ersatz, tu te nourris de pures saveurs
Je suis sourd à la beauté d'une mélodie, tu es un hymne à la vie
Tu es une vraie carte, mais suis-je conscient de le comprendre ?
C'est écrit ici noir sur blanc pour qui sait lire :
En pleine tempête, tu es l'accalmie
J'ai longtemps cru être unique alors que tu demeurais immuable
Tout ton être m'éblouis lorsque je réalise enfin qui tu es
Tu m'apparais dans une aura qui sature mes sens :
Authentique comme une contrée sauvage
Indomptable et rebelle au contrôle de l'homme
Ardente comme la flamme, insaisissable comme l'éther
Tu lèves le voile sur l'illusion qui me retenait dans mon ombre
Qui inhibait mes sentiments par peur de l'abandon du moi
Qui me faisait craindre la souffrance plus que la grâce
Réprimer l'amour du Soi, c'est se fermer à nous-mêmes
S'empêcher de devenir qui nous sommes vraiment
Imprégné de ton essence jusqu'à en oublier le sentiment du « je »
Je dis « toi et moi », tu dis tattva, « c'est cela »
Tu m'ouvres à la joie sans retenue, à la félicité de l'enstase
Où il n'y a plus d'espace ni de distance avec Soi
Nous entrons dans un état de connaissance pure
Comme deux amants qui fusionnent et se murmurent :
Tu es fait.es de mouvement
Tu es fait.es de vibration
Tu es fait.es de lumière
Tu es fait.es d'amour
Tu es un cadeau, une pure expérience
Je te contemple et je suis béatitude, saccidânanda[i]
- Namasté -
[i] sat = l'être ; cit = conscience ; ânanda = béatitude