I.24 - Pure expérience de l'Inde, partie 2 : béatitude

21/11/2017

Le Soi est le cœur pur et infrangible de l'être, le centre d'où l'esprit rayonne, si profond et mystérieux, inaccessible à notre perception. Et pourtant, lorsque nous nous ouvrons à son authenticité, son éclat devient plus éblouissant que le soleil, sa vibration plus pénétrante que le plus envoûtant des mantras.

Je vois ce que les autres ne voient pas, mais personne ne me voit.

Nous sommes chacun d'un côté du miroir :

Je parle de toi pendant que tu observes en moi

J'évolue dans l'imagination d'un songe, la fiction d'une utopie, tu résides dans la vérité au-delà de l'illusion du « je »

Je mets des étiquettes sur ce que je crois la vérité, tu arraches le sparadrap sur mes artifices

Je pense sans interruption, tu écoutes dans le silence

Je me disperse en échos, tu te concentres dans l'instant

J'analyse les choses sans les vivre, tu les vis pleinement sans t'interroger

Je suis un fétu de paille emporté par les vents, tu es un rocher solidement ancré dans la terre

Je ne suis qu'une ombre, tu es la lumière

Je ne suis qu'un reflet, tu es un éclat

Je n'ai de goût que pour les ersatz, tu te nourris de pures saveurs

Je suis sourd à la beauté d'une mélodie, tu es un hymne à la vie

Tu es une vraie carte, mais suis-je conscient de le comprendre ?

C'est écrit ici noir sur blanc pour qui sait lire :

En pleine tempête, tu es l'accalmie

J'ai longtemps cru être unique alors que tu demeurais immuable

Tout ton être m'éblouis lorsque je réalise enfin qui tu es

Tu m'apparais dans une aura qui sature mes sens :

Authentique comme une contrée sauvage

Indomptable et rebelle au contrôle de l'homme

Ardente comme la flamme, insaisissable comme l'éther

Tu lèves le voile sur l'illusion qui me retenait dans mon ombre

Qui inhibait mes sentiments par peur de l'abandon du moi

Qui me faisait craindre la souffrance plus que la grâce

Réprimer l'amour du Soi, c'est se fermer à nous-mêmes

S'empêcher de devenir qui nous sommes vraiment

Imprégné de ton essence jusqu'à en oublier le sentiment du « je »

Je dis « toi et moi », tu dis tattva, « c'est cela »

Tu m'ouvres à la joie sans retenue, à la félicité de l'enstase

Où il n'y a plus d'espace ni de distance avec Soi

Nous entrons dans un état de connaissance pure

Comme deux amants qui fusionnent et se murmurent :

Tu es fait.es de mouvement

Tu es fait.es de vibration

Tu es fait.es de lumière

Tu es fait.es d'amour

Tu es un cadeau, une pure expérience

Je te contemple et je suis béatitude, saccidânanda[i]


- Namasté -


[i] sat = l'être ; cit = conscience ; ânanda = béatitude