
III.13 Poétique de l'ainsité (volume 2)
Retrouvez ici les poétiques de l'ainsité de III.53 à III.61 - Par-delà ici et maintenant

Par-delà ici et maintenant
III.53 Atemporel
la terre s'ouvre
sous la coquille du temps
bris de la pensée
sous la fracture
le fleuve suspend son cours
au seuil de l'instant
en un mouvement
tout retourne au centre
doute éclipsé
tenons de pierre
la terre sertit le ciel
union mystique
le corps du monde
féminin et masculin
fait battre le coeur
un acte de foi
érige l'orientation
la vue au centre
Lobsang TAMCHEU
Eléments de réflexion
Chaque instant du
temps est continu à l'atemporalité. C'est une
intuition qui surgit pendant la méditation profonde, lors de moments fugaces où
la conscience-sujet s'abstrait pour ne faire qu'un avec les choses, où
l'abolition des frontières du moi s'accompagne du « sentiment
océanique » de faire partie d'un tout indivis.
Tout change à chaque instant, de l'atome aux étoiles, de la sensation à la pensée. Rien ne demeure identique ni ne dure perpétuellement. A chaque instant où le temps s'écoule linéaire inexorablement, où la totalité du relatif se renouvelle en interdépendance de causes conditionnées, c'est comme si tout existait simultanément, et depuis toujours, non pas d'une manière intemporelle (invariable à l'écoulement du temps), mais atemporelle (hors du temps).
C'est comme si tous les atomes qui composaient une molécule, la molécule elle-même, et tous les agrégats dans la composition possible desquelles elle entre, des formes les plus simples de combinatoires aux plus complexes, étaient intriqués comme « ensemble » tout en présentant un aspect distinct et différencié, comme « éléments » lesquels sont… « vide d'essence » ! Pluralité dénombrable de l'instant en même temps qu'unité indivise, chaque élément de cet infini est simultanément vide, ce qui fait du vide un infini… non indéfini ! Quelle que soit la position relative de l'observateur à son objet au sein de cette forme-vide, constitutive de « l'espace du réel », et la durée qui l'en sépare, chaque non-élément de ce non-ensemble est un vide-forme atemporel.
Mais, qu'est-ce qui rend une forme particulière ou pourquoi les choses sont-elles reliées de la manière dont nous les voyons et pas autrement ? Nous ne pouvons affirmer que ce que nous voyons soit la seule manière dont les choses existent à ce non-instant même ! Il est dit dans les textes bouddhiques que les hommes voient l'eau comme de l'eau, les esprits infernaux comme du sang et les dieux comme du nectar. Une même chose perçue et expérimentée de façon distincte, comment cela peut-il être possible ? La nature de toutes choses ne relevant ni de l'être ni du non-être, les phénomènes peuvent ainsi présenter différentes combinaisons et propriétés… simultanément ! La question n'est pas de savoir ce qui les rend « particuliers », mais ce qui détermine la vue que nous en avons, laquelle est une question de point de vue relatif au conditionnement karmique.
« Le Sūtra de l'Entrée à Laṅkā :
La forme que renvoie le miroir
Est une image sans substance.
De même, l'apparente dualité
Est une perception au sein de l'esprit.
La perception d'une réalité phénoménale extérieure
Vient des pensées soumises
Aux imprégnations karmiques.
Ce n'est que l'esprit transitoire
Qui crée la multiplicité des objets.
En fait, l'apparente réalité extérieure n'existe pas.
J'affirme que ces objets matériels
Ne sont qu'esprit » RL-44
Toute forme de manifestation est relative. C'est comme une onde dont les crêtes apparaîtraient comme des sommets distincts – ce qui ne veut pas dire que la nature fondamentale du réel est à la fois onde et corpuscule –. De plus, ce qui est impermanent ne saurait en même temps être permanent ! Ces distinctions ne sont que des désignations posées en dualité d'une vue d'une nature qui, hors du temps, ne relève ni de l'impermanence ni de la non-permanence.
Du point de vue d'un observateur relatif, c.à.d. soumis à l'illusion de la séparation, et conséquemment à l'expérience de la fluctuation du changement, seul existe « l'instant présent », le passé n'existe plus et le futur n'existe pas encore. Mais en deçà de cet « effet de perspective » parcellaire, dans la Conscience, il n'existe objectivement, de manière intrinsèque, aucune obstruction entre les choses !
C'est comme les nuages dans le ciel, selon la position, l'angle d'observation et le regard porté sur eux, ceux-ci présentent des formes distinctes. Les nuages nous donnent l'impression de se déplacer, d'occuper un endroit du ciel. Or, de par sa nature incomposée, l'espace transcende toute division temporelle et subsume toute individualité en son sein indicible ! Temporalité et atemporalité sont les feux faces d'une même pièce, laquelle est ultimement « vide d'essence ».
Puisque passé, présent et futur ont leur racine indicible « hors du temps », c'est comme si ce qui se produit à cet instant « dans le temps » s'était en quelque sorte comme déjà produit depuis toujours « hors du temps » ! Pour que cela soit possible, il faut que rien ne se produise réellement dans le temps ni n'ait d'existence véritable en dehors du temps, autrement dit que les événements, les phénomènes et toutes choses n'aient pas d'autre consistance qu'un rêve !
En deçà de la vitesse de la lumière, les choses semblent se déplacer « dans le temps », mais au-delà, c'est comme si le temps était immobile ! Un objet qui a dépassé « l'horizon des événements » d'un trou noir, apparaît immobile de ce côté-ci du fait que sa lumière ne peut s'en échapper, mais continue de se déplacer de l'autre côté ! A distance relative « d'ici et maintenant », les choses paraissent se mouvoir, résulter de causes et de conditions, et engendrer à leur tour d'autres effets, mais au « centre sans centre », non-local et atemporel, où l'espace et le temps sont sans discontinuité, tout est à équidistance de tout, le passé du futur, l'effet de la cause ! Ainsi, à zéro distance de notre être, il n'y a rien à faire pour l'atteindre, rien à faire pour être tout et toutes choses !
RL : Rayons de Lune, Les étapes de la méditation du Mahāmudrā, DAKPO TASHI NAMGYAL https://www.padmakara.com/livres-numeriques/196-rayons-de-lune-ebook-format-pdf-9782370410139.html
III.54 Non-localité
lande animée
mobiles immobiles
rouge sur du vert
bête du bon Dieu
une tête flotte dans l'air
croisée de l'instant
témoin spontané
à sa vue invisible
clic dans la boite
toison de rouille
le pelage du vivant
vue hypnotique
un miroir tendu
une pièce du puzzle
focus au centre
porté sur le dos
me révèle à ma vue
devant l'objectif
Lobsang TAMCHEU
Eléments de réflexion
Chaque position de l'espace est continue à la non-localité. C'est une intuition qui surgit au retournement de l'attention sur elle-même, lorsque l'on regarde dans la direction de cela qui voit, et où dans ce « vide de perception » se révèle son unité indicible avec cela qui est vu. C'est comme si « ici et maintenant » était partout, et que partout (puisque vide d'existence inhérente) était « nulle part » ! Ce qui existe « ici », existe en tous lieux, lequel est un ailleurs qui n'est d'aucun endroit. Et cela, pour être « ici » doit également être « partout à la fois » !
« Tout ce qui est ici est ailleurs, ce qui n'est pas ici n'est nulle part » IDC-31
Nous voyons l'espace comme une étendue où chaque position est à l'intersection du temps, lesquelles sont constitutives des coordonnées d'un référentiel relatif. Parcourir une distance à l'intérieur de ce référentiel, qui sépare et différencie les choses entre elles, implique une durée. Ce que nous désignons par « localité » recouvre une projection (atemporelle) de l'esprit sous la forme d'un espace illusionné en trois dimensions d'un point de « dimension vide » !
- Considérez votre position comme un axe autour duquel les choses sont distantes dans l'espace comme localité et dans le temps comme durée mise pour les atteindre. Maintenant, si vous rapprochez chaque point qui vous entoure, du plus loin au plus près, jusqu'au « centre sans centre » de la Conscience, ce non-lieu de « dimension nulle » et atemporel, chacune de ces positions « vides d'essence propre » se retrouve à équidistance de tous les autres points, laquelle distance est nulle, ne se situe nulle part… et pourtant contient tout !
Dans ce système relativiste, « faire quelque chose » c'est comme parcourir une certaine distance dans une durée donnée. Mais, puisque la localité est un « effet de perspective » de cette non-projection illusionnée, au « centre sans centre » (non-local et atemporel), il n'y a aucune distance à parcourir (autrement dit «rien à faire » !) pour atteindre le « cœur de l'être », lequel se définit comme l'êtreté (au-delà de la substance) ou dasein, c.à.d. « pure conscience », simple présence (au-delà du corps, et de l'incarnation), par-delà le « je », le « moi », la «saisie (locale et temporelle) du soi » de la personne.
Tous les êtres sensibles, toutes, tous et chacun, de « tout temps » (c.à.d. sans commencement ni fin), sommes la « Conscience illuminée », le « centre sans centre », l'êtreté, dasein, hors de l'espace et du temps, lesquels ne sont que des apparences relatives de la non-localité et de l'atemporalité de « la vacuité qui apparaît comme la cause et l'effet » (Lama Tsongkhapa), de la manifestation (Shakti) du non-manifesté (Shiva) – la « vacuité » d'existence intrinsèque de l'être comme « existant premier » est un argument ontologique qui sert d'antidote à l'ignorance, et ne doit pas être substantialisé comme un « être propre » –.
Ainsi, puisque la réalité ultime est dépourvue de centre, de périphérie et de limite (« libre d'assertion »), en perspective, chaque partie relative contient le tout et le tout chaque partie. Puisque la réalité ultime est « libre du vide et du non-vide », c'est comme si l'un indicible et indivis existait simultanément en une multitude de facettes différenciées ! Localité et temporalité sont ainsi continues à la non-localité et à l'atemporalité.
Autrement dit, chaque particule de matière manifeste à l'instant même de son existence fugitive l'univers dans sa totalité (en étendue spatiale et temporelle). C'est l'univers entier (son passé et son futur) qui participe de la possibilité même de l'existence de « l'instant présent ». C'est comme si (« libre d'assertion ») chaque chose, en la vacuité de son essence (« ni être, ni non-être »), était la déclinaison de toutes choses en leur essence vide, sous les formes ou les angles desquels s'exprime (« libre du vide et du non-vide ») la Conscience, et en lesquels réside la Présence illuminée et indicible de l'êtreté.
S'abstraire de la temporalité, c'est s'ouvrir à la Présence pleine et entière de l'indicible. Nous ne pouvons appréhender intuitivement le sens ultime des choses enchâssés dans l'illusion du temps. Pour nous en défaire, il nous faut dépasser les opposés en développant la familiarisation avec le sens du réel, qui n'est ni de la nature de l'être, ni de la nature du non-être. Une chose ne peut avoir à la fois une position locale et non-locale ou l'avoir et ne pas l'avoir, tant que nous pensons la localité comme un existant intrinsèque et la non-localité comme en termes d'opposés (dans l'illusion de l'éternalisme et du nihilisme) !
Le geste simple de pointer le doigt vers cela qui regarde et, dans une approche métaphorique, de replier l'entièreté de l'espace vers le « centre sans centre » de notre être, au-delà de toute sensation, perception et notion d'existant substantiel, nous ramène à la conscience d'être, à la simple présence, au-delà de tout support corporel et physique, où s'abstrait la localité et la temporalité, et toute autre fait de conscience, hors de la relativité à l'être conscient.
IDC : L'incendie du Cœur, Daniel Odier https://www.danielodier.com/french/bibliographie.php
III.55 Dasein
miroir magique
une solide réflexion
la vue du vide
une suite de pas
pont entre les extrêmes
mène à ici
de l'autre côté
de cela qui regarde
sans différence
de blanches traînes
couvrent le corps du monde
voiles sur le ciel
des rêves semés
en pépinière là-haut
en bas éclosent
de ce côté-ci
au faîte du point de vue
à cela qui voit
Lobsang TAMCHEU
Eléments de réflexion
Chaque position et instant sont continus au « centre sans centre ». Ce que nous voyons comme extérieur (autour de l'axe de la « vision sans tête » de cela qui voit), comme déplié sous la forme de l'espace-temps relativiste, dont nous faisons l'expérience sous les modalités de la matérialité, n'est qu'une perspective de ce « centre sans centre », vide d'essence intrinsèque et autonome. L'univers tout entier (aussi loin que l'on s'éloigne dans l'espace et que l'on remonte dans le temps) est sans différenciation de nature avec ce point de dimension nulle, non-local et atemporel, car il n'est autre que ce « centre sans centre » qui apparaît comme un univers physique relativement à la vue de l'esprit !
L'univers n'est pas une projection. Il n'est pas « projeté » à partir d'un endroit et d'un moment particulier, comme né d'une explosion primordiale, d'un Big Bang. L'espace incomposé est hors du temps. Il « est » simultanément sous toutes ces formes à la fois, point de dimension nulle et espace-temps étendu sur des milliards d'années-lumière, sans être de la nature de l'un ou de l'autre, ni des deux à la fois, ni d'aucun des deux ! C'est comme si un corps en mouvement était immobile et que son immobilité était en même temps… mouvement !
Tout ce qui est, y compris cela qui voit, « est sans être », pure conscience sans corps, présence non-manifestée, Shiva. La Conscience ne relève pas de la nature substantielle d'un « être » de nature intrinsèque et autonome. Elle est connaissance sans support, « conscience d'être » hors de toute dualité.
Et en même temps, l'êtreté, le dasein, ne peut exister… sans l'être de la manifestation, la Shakti, comme le vide ne peut se concevoir sans la forme à l'instar des faces relativistes d'un anneau de Moebius qui ne sont qu'une, laquelle est « vide d'essence » ! « L'univers est un point de dimension nulle » n'est en rien contradictoire. C'est précisément parce que l'essence de toutes choses est la vacuité d'existence intrinsèque que tout peut exister (apparaître, se manifester) de la manière et sous les modalités sous lesquelles nous en faisons l'expérience.
Dépassez tous opposés ! Traditions spirituelles et religions posent l'existence de l'esprit (de l'âme individuelle) sans le support d'une corporéité, mais pas sans essence métaphysique. Une conception enchâssée de dualité ! « La vacuité de l'être », c'est que ni l'esprit ni le corps n'ont de nature intrinsèque, leur essence ultime est sans discontinuité et relativement sans obstruction, ce qui rend possible que la forme soit vide et le vide forme simultanément, et qu'un point de dimension nulle soit en même temps un univers relativiste !
C'est parce que la Conscience est « libre du vide et du non-vide » que l'être et l'êtreté sont les perspectives interdépendantes (coémergentes), hors du rapport de la substance au principe (tous deux vides d'existence propre).Le dasein implique l'être, le non-manifesté induit la manifestation. L'existence est l'expression de la réflexivité. Le personnel est le miroir de l'impersonnel, l'êtreté au-delà des attributs de l'être, de « l'être sans être » (ni non-être), qui est « sans avoir rien à faire pour être », manifestation hors du manifesté, pluralité hors de la pluralité, unité hors de l'unité, point de vue sans position, durée sans durée …
« J'ai perdu du temps à vouloir sonder l'inconnu,
J'encombrais ma conscience.
Alors je me suis défait du connu (…)
Enfin j'ai ouvert mes sens à l'indicible.
J'ai réalisé que l'absolu
N'a pas besoin de ma théorie du monde.
Alors, je n'obscurcis plus le réel.
J'ai cessé d'opposer phénoménal et absolu,
Corps et esprit » IDC-85
IDC : L'incendie du Cœur, Daniel Odier https://www.danielodier.com/french/bibliographie.php
III.56 Causalité
d'un sommeil de mort
le vieux hêtre évidé
pousse en dormant
sans cri ni douleur
l'effet poursuit sa cause
sans regret ni pleur
au long des ères
édifiées de chutes
croissent les ruines
d'anciens récits
la vieille tombe vide
résonne d'échos
sans début ni fin
le passé vit dans l'instant
sans but ni retour
toujours actuelle
la cause est hors du temps
l'effet éternel
Lobsang TAMCHEU
Eléments de réflexion
Chaque cause conditionnée est continue de l'ensemble interdépendant de toutes les causes conditionnées. Du point de vue relativiste, seul « l'instant présent » existe (le passé n'est plus et le futur n'est pas encore), et ce qui apparaît à cet instant local et temporel est le produit résultant de causes conditionnées, lequel est rendu possible… par la disparition du moment précédent ! Quant aux effets futurs qui découleront de cette chaîne de causalité ininterrompue formée de causes distinctes, à « l'instant présent » ils n'existent pas encore.
Mais, si l'on ramène la totalité de l'espace et du temps qui semble comme déployé autour de nous jusqu'au « centre sans centre », alors tout est là (début et fin, potentiel et manifestation, causes et effets), tout a toujours été là (hors du temps, sans être réellement) ! Sous cette perspective, c'est comme si ce qui a existé, ce qui existe, et existera, était « contenu » dans ce point de « dimension nulle » puisque non-local et atemporel qui… ne contient rien et n'existe nulle part !
Comme principe, l'interdépendance des phénomènes transcende tout support. Les causes et leurs effets n'ont pas besoin d'être « physiquement reliés » pour constituer une chaîne de causalité. Mais comme manifestation, elles composent un réseau « global, vaste et profond » totalement intriqué, l'interdépendance ne pouvant être scindée en entités séparées. Si ce qui existe à l'instant présent était en essence disjoint des causes et conditions qui l'ont produit, cela reviendrait à affirmer que « ce qui arrive », relativement, existe de par son propre pouvoir !
Shakti, l'univers, la réalité conventionnelle, est l'expression manifestée du non-manifesté, Shiva, la Conscience, la réalité ultime. « L'être » est ainsi l'ensemble interdépendant de l'ensemble de toutes les causes et conditions (passées, présentes et futures) de la manifestation relative de l'êtreté, ce « centre sans centre » vide d'essence intrinsèque et autonome.
Voyons les choses sous l'angle relativiste en partant du centre. C'est comme si, tel un ballon qui se gonfle, à mesure de l'expansion du « centre sans centre » comme espace-temps, l'interdépendance s'étoffait en un réseau « vaste, global et profond » où chaque cause et effet apparaissait comme distants et différenciés, telles les crêtes d'une onde vues comme des particules discrètes et intriquées.
L'interdépendance est partout et toujours. C'est comme si la plus petite cause pour produire le plus petit effet devait inclure la totalité des causes conditionnées, et que cet effet pour se produire impliquait que la totalité des causes… se soit comme déjà produites ! C'est comme si depuis des temps sans commencement tout ce qui a été, sans jamais avoir été réellement, et tout ce qui sera, participait à la fois d'un instant simultanément local et temporel, non-local et atemporel !
Cette vision dépasse les
opposés de l'être et du non-être, du réel et de l'irréel, du vrai et du faux. Elle
est l'intuition que l'univers relativiste est comme un « point de
dimension nulle », que tout ce qui apparaît comme manifestation est
simultanément le « centre sans centre », non-local et atemporel, non-manifesté,
de l'êtreté, c.à.d. la perspective de la vacuité comme cause et l'effet !
III.57 Expérience
sur le fil tranchant
se cisaille en poussant
un cri silencieux
funeste destin
coupé de son unité
vue édifiante
aux fruits des actes
liés à la souffrance
par mon passage
sur l'humus fécond
s'épanouit en coopérant
inspire serein
chance propice
recette de la bonté
expression de foi
les fils découpent
l'épreuve est nôtre
le choix t'appartient
Lobsang TAMCHEU
Eléments de réflexion
Chaque expérience individuelle est continue à l'expérience de tous les êtres, et l'expérience de tous les êtres est continue à celle d'un seul. Il n'y a pas ultimement de discontinuité dans l'essence des êtres sensibles, tous ne sont que des apparences de fragmentation de la Conscience, indicible et indivise, dont l'êtreté, le dasein, est au-delà de la pluralité et par-delà l'unité.
C'est comme si, lorsqu'un individu faisait une expérience non seulement tout l'univers y prenait part, mais que partout (en tous lieux et tous temps), tous les êtres sensibles y participaient en tant que cause et effet ! Puisque la conscience est en essence une et indivise, c'est comme si, ultimement, l'expérience d'un seul était l'expérience de tous. L'Éveil d'un seul est donc ultimement l'Éveil de tous ! Qu'un seul être sensible développe la sagesse qui réalise la vacuité et le discernement de la vacuité inclut tous les êtres !
« La réalisation de la nature de l'esprit
inclut tous les phénomènes sans exception » IDC-66.
Toutefois, certains s'éveillent spontanément, d'autres progressivement. C'est comme si, relativement, chaque individu devait franchir tous les paliers (passer par toutes les étapes du développement de l'esprit), alors que l'êtreté est par-delà la pluralité et l'unité ! Ultimement, que chaque individu fasse une seule expérience et tous la réalisent simultanément. Cependant, « le jeu de l'incarnation » de Shiva-Shakti, c'est comme si l'ensemble infini de tous les êtres sensibles devait faire l'ensemble infini de toutes les expériences possibles «pour se réaliser » !
Si l'Éveil d'un seul n'entraîne pas l'Éveil de tous, ce n'est pas seulement une question d'essence, ni parce que sur le « plan relatif » nos actions ne sont pas perçues de la même manière selon les voiles qui recouvrent notre esprit, c'est parce que dans « le jeu de sa manifestation », la Conscience s'apparaît à elle-même sous la perspective relativiste comme si elle était séparée et divisée par nature plutôt que par l'ignorance et la dualité, et conséquemment comme si son propre sort « comme totalité » ne la concernait pas… « comme individu » !
Du point de vue karmique (donc relatif), chaque individu est responsable de la récolte (rétribution) des « fruits » de ses actes. La loi du karman a un avantage incontestable du point de vue individuel et sociétal sur le principe du « bouc émissaire » (attribuer à autrui la cause de ses malheurs), elle invalide la « loi du talion » par le rétablissement de la paix de chacun avec son propre esprit, et l'inscription de son bonheur en regard du déterminisme de ses actes.
Cependant, si le karman procède de la
voie du Hīnayāna (la quête du nirvāṇa), il reste un point de vue individuel, voire
individualiste. Le Mahāyāna étend sa vision en montrant que les autres ne sont
pas seulement les vecteurs par l'entremise desquels nous récoltons le fruit des
actes commis à leur encontre, mais que les actions d'un seul individu impactent
tous les êtres sensibles. Mes actions n'ont pas seulement des conséquences
personnelles directes sur ma souffrance et mon bonheur, elles influencent
l'existence de tous ! Il est donc insensé de ne considérer que son
propre sort, car la souffrance et le bonheur d'autrui ont une incidence sur notre
propre condition existentielle.
IDC : L'incendie du Cœur, Daniel Odier https://www.danielodier.com/french/bibliographie.php
III.58 Indivision
un pas puis l'autre
enjambe les obstacles
flotte dans les airs
la pensée se meut
la sagesse s'incarne
à leur diapason
l'esprit chemine
la réalité converge
la voix s'exclame
un menhir vivant
en spirale montante
charme végétal
leurs chairs emboîtées
sans origine ni fin
dans la communion
gomme tout écart
autour du centre vide
la vue s'éclaire
Lobsang TAMCHEU
Eléments de réflexion
Le son est continu au silence et le silence au son. Le cerveau perçoit le silence comme un son, à l'instar de la vacuité qui ne peut être perçue sans la forme, car la vacuité n'est pas le néant, mais l'absence d'essence intrinsèque et autonome de la forme. L'univers et la conscience sont coémergents. A équidistance de toutes choses, au « centre sans centre », chaque sensation est continue à la conscience et la conscience continue à toutes les sensations.
Le but du chemin spirituel est de dépasser l'expérience de l'être corporel par la reconnaissance de l'êtreté, or toute expérience procède de la mise en contraste des opposés. L'expérience du chaud ne signifie rien sans l'expérience du froid, l'expérience du silence sans celle du son. Relativement, l'intention précède l'action, la compréhension la réalisation, le relatif est continu de l'ultime. Du point de vue bouddhiste, l'intention est une action de la « porte » de l'esprit qui a autant d'impact causal que la porte de la parole et du corps.
Dans la vacuité, il n'y a ni son ni silence, ni sensation ni absence de sensation, ni intention ni absence d'intention, ni pensée ni absence de pensée, ni opposé ni absence d'opposé. A équidistance de toutes choses vides, comme entre le fil des coutures et le fils du vêtement, entre le sable et l'eau, entre le dernier son de la harpe et le silence, il n'y a aucun silence qui ne soit un son, aucune intention qui ne soit une action, aucun chose qui ne soit son opposé. Le samsāra est nirvāṇa, l'erreur discernement, l'ignorance Éveil !
Sans être éveillé, il est difficile de se représenter comment il peut être possible de « faire partie de toutes choses » et que toutes choses puissent faire partie ou n'être que la Conscience. D'abord parce que c'est une représentation et donc une conception de l'esprit voilé, mais aussi parce que la « saisie (innée) du soi » (à travers la « vue de l'ensemble périssable », autrement dit le corps) nous localise dans « l'ici et maintenant » local et temporel. « Avoir un corps » nous confère une position égocentrée, c.à.d. une vue à « la première personne ». Ayant conscience des choses à partir de ce qui m'apparaît comme « ma » position dans l'espace et le temps, comment ressentir le monde extérieur comme une partie de « moi » ?
Il semble logique de penser que le moment le plus susceptible pour pressentir que « nous sommes la totalité » est celui où le corps fait le moins obstacle à la spatialité, le bardo du « moment de la mort » lorsque les agrégats se désagrègent en entraînant avec eux l'abstraction de la localité et la temporalité pour l'esprit (très subtil) de « Claire lumière ». Une idée trop empreinte de la croyance en la substantialité des agrégats et, y compris, d'une nature propre de l'esprit. La vue de « l'ainsité » (ni être, ni non-être, etc.), autrement dit la vacuité d'essence inhérente des apparences conjointe à la forme (la coémergence de l'objet au sujet), implique de dépasser la dualité corps-esprit, intérieur versus extérieur.
Dans l'immobilité et le
silence de la méditation, lorsque la conscience s'abstrait de la localité et
glisse subrepticement dans
l'atemporalité, cela qui voit et ce qui est vu se dévoilent dans une même
« transparence » où toute différence disparaît et où la conscience se
révèle à la simplicité du dasein…
III.59 Corporel
des ailes vives
de la fleur prennent envol
pause continue
le vent fredonne
son air enchante la vie
un parfum diffus
colore le ciel
en éclosion de formes
le monde danse
des notes claires
s'élèvent du silence
instant suspendu
la pierre frémit
au transport immobile
un son de cristal
tinte le corps
dans la floraison des sens
l'univers vibre
Lobsang TAMCHEU
Eléments de réflexion
L'une des méthodes du Bouddhisme tibétain pour développer la compassion est la pratique des « sept causes et effets » d'Atisha, laquelle commence en premier lieu par le fait de « voir tous les êtres sensibles comme notre mère » relativement à la perspective karmique de vies sans commencement, en prenant conscience de leur bonté envers nous. Toutefois, cette méthode présente un inconvénient lié au relationnel. Il est plus facile de pardonner le comportement des personnes lorsque nous ne sommes pas directement l'objet de leurs émotions perturbatrices.
Seules les mères pardonnent sans retenue à leurs enfants, comme elles leur donnent leur amour sans aucune condition. Probablement, ne leur vient-il jamais à l'esprit de le prendre personnellement, et cela participe pour une grande part de leur bonté inconditionnelle et, malgré leur lien du sang, désintéressée. Qu'est-ce qui fait la nature des relations entre les individus ? Qu'est-ce qui fait que cela fonctionne ou ne fonctionne pas entre les personnes ?
L'interdépendance relie les êtres entre eux et l'impermanence les sépare. Mais surtout, la dualité les régit ! Quel que soit le type de relation entre les personnes, celles-ci sont toujours placées sous le signe de la dualité, moi versus l'autre moi ! Et conséquemment sous l'emprise des émotions perturbatrices de chacun, l'amitié peut se transformer en inimitié, l'amour en désamour. D'ailleurs, parmi les liens les plus forts et durables entre les personnes, il y a paradoxalement les relations qui attisent la colère, la haine et la vengeance !
Les relations humaines sont comme les cordes d'une harpe, pour produire le son juste et des accords harmonieux, dans les tons et demi-tons corrects, elles ne doivent être ni trop ni pas assez tendues, et précisément réglées. Mais, comment le désir, par nature individuel (propre à la « saisie du soi ») peut-il s'harmoniser au désir d'autrui ? S'il nous arrive de « devinez les pensées » de l'autre, voire de compléter ces phrases, c'est parce qu'elles coïncident non parce qu'elles sont les nôtres ! Lorsque les relations humaines sont placées sous le signe du mental-ego, cet équilibre harmonique devient instable et finit par sonner faux !
Qu'est-ce qui distingue le lien de la mère à son enfant ? C'est qu'il n'est pas de l'ordre du lien, d'un relationnel déterminé par le cadre des relations humaines ! La mère est unie à son enfant par le corps. C'est comme si la mère et son enfant formaient un organisme unique (du moins du point de vue de la mère), telle une « intrication quantique », comme si l'enfant participait de son propre corps. Le corps ne fait pas de différenciation catégorielle, conceptuelle et mentale. Le corps vit et évolue au niveau physique, sensoriel et vibratoire. Lorsque le corps est perturbé, il cherche simplement à restaurer son équilibre homéostasique.
Autrement dit, le corps perçoit et réagit sans le filtre du mental-ego, sur un registre qui n'est pas celui de l'émotionnel et des croyances du personnage. Lorsque nous reportons la focale de l'attention du soi de la personne au corps, dans l'abstraction du sujet à son objet, pour laisser s'exprimer le sensoriel et « vivre le sensible » pleinement, le mental-ego ne fait plus obstruction à l'empathie et à la compassion envers la condition et le sort d'autrui.
« Si on est dans le silence mental, ce qui est capital, on perçoit quelque chose
chez l'autre et notre corps immédiatement va agir. Pour lui la vie est simple, il ne
pense pas, il ne raconte pas d'histoire. Notre corps est incapable de raconter
une histoire, donc il est en phase de quelque chose, il agit immédiatement,
ce qu'on appelle la spontanéité » VT
Lorsque nous laissons le corps « vivre la relation » au corps de l'autre, comme en résonance à ses propres vibrations, ce n'est pas qu'il devient plus facile de pardonner les actes d'une personne à notre encontre, de reconnaître la bonté de nos mères et d'aimer sans condition, c'est que l'acception, le pardon, l'amour sont décohérés de tout caractère mental, catégoriel, conceptuel, personnel.
Le mental fait obstacle à la compassion non que celle-ci soit d'ordre cérébrale, mais parce que le mental-ego conditionne son sentiment comme sentence du jugement qu'il porte sur les autres, et sur lui-même. Le sens subtil de « voir tous les êtres comme nos mères » est de réaliser que ce qui nous unit aux autres est d'une nature profonde, qui dépasse le cadre du relationnel, et relève du corps au-delà du sensible, du corps comme « dimension cosmique » qui englobe la totalité de l'être au-delà de ses manifestations. « C'est la grande idée tantrique [du Shivaïsme du Cachemire] d'avoir un corps qui soit aux dimensions de l'espace, infini. Abhinavagupta dit « je sais tout ce qui se passe dans le cosmos, parce que le cosmos est à l'intérieur de mon propre corps » VT.
S'immerger en forêt, se reconnecter à la nature, faire un avec les éléments, l'eau et la terre, le ciel et la lumière, procède d'une reconnaissance au-delà l'intellect, par-delà le corps grossier, à l'unité de la Conscience par la fusion au tout. Il n'y a alors plus ni pensée, ni recherche, ni désir égotiste, simplement l'être.
« Tout dans le cosmos est conscience et vibrations.
Il n'y a pas d'exclusivité de conscience.
Si nous sommes conscients de ces vibrations (…)
on arrive à un point où il n'y a plus de différence entre soi et l'extérieur.
Il y a une expérience extatique » VT
VT : Vijñānabhaïrava, « tantra de la connaissance suprême », Daniel Odier https://archive.org/details/daniel-odier-tantra-yoga-le-vijnanabhairava-tantra-le-tantra-de-la-connaissance-supreme/mode/2up?q=Daniel+Odier
III.60 Synchronicité
axe improbable
étranges embranchement
sans repère
voies entrelacées
dans toutes les directions
arrêt stupéfait
la concordance
au milieu de nulle part
folie éclairée
flamme s'illumine
soudain la Grâce
blancheur dans l'œil
des éclats ardents
étincelles alentour
des tâches rouges
sans te rechercher
à la croisée des chemins
je t'ai trouvé
Lobsang TAMCHEU
Eléments de réflexion
Lorsque les mystiques disent que « il n'y a rien à faire pour être », il ne faut pas y voir là une forme de défaitisme et, à l'instar de la conception du karman dans l'hindouisme, s'abandonner à son destin comme à une volonté supérieure, mais s'en remettre avec détermination et foi à « l'être au-delà de l'être ».
En apparence, les voies diffèrent. Le Bouddha a enseigné que nous sommes le propre artisan de notre bonheur, mais aussi de notre souffrance. Autrement dit, il nous appartient de prendre notre devenir en main et d'œuvrer à notre libération en éliminant les négativités qui recouvrent notre esprit, et en cultivant les vertus. Comme voie spirituelle mystique, le Shivaïsme tantrique du Cachemire repose sur l'idée que l'Éveil est « l'expression de la grâce », laquelle ne peut être forcée.
« Le disciple qui est touché par cette voie ressent un élan spontané d'amour
pour le divin. Ce n'est d'ailleurs pas une voie, c'est un sentier qui se trace au fur
et à mesure. Seuls sont appelés sur cette voie ceux qui se sentent concernés…
si on est aimanté par cette voie » EVAR
Autrement dit, l'Éveil est un « acte de foi », et nous ne pouvons pas agir de manière à « l'amener à se produire », pas en tant qu'agent ! Nous ne pouvons que « nous laisser agir » par la Grâce, en glissant hors de la dualité, ce qui implique une totale confiance, exempte du moindre doute. L'esprit sous la «saisie (innée) du soi », cet illusoire fragment individualisé de la Conscience indivise, qui s'identifie au personnage et développe un mental-ego, ne peut se substituer à « plus grand que soi » pour se reconnaître en sa véritable nature !
C'est en s'appuyant sur le discernement éclairé que le Bouddhisme vise, par la familiarisation du sens du karman (sur la base de la dualité du pur et de l'impur) à développer une détermination telle qu'elle constitue… un tel acte de foi !
Autrement dit, la différence entre les deux traditions spirituelles réside dans la manière d'induire « l'expression de la grâce ». Il est en effet beaucoup plus simple de faire naître la « foi éclairée » dans le Bouddha, le Dharma et la Sangha, et de la cultiver, pas à pas, jusqu'à la réalisation libératoire, que d'être capable de s'ouvrir spontanément à la Grâce, c.à.d. de faire tomber tout blocage et toute obstruction d'un seul coup ! Le chemin spirituel n'est en fin de compte que «l'expression de la foi », c.à.d. l'histoire circonstanciée du « jeu » de son surgissement sous l'expérience relative du personnel reflet de l'impersonnel.
Ainsi, les pratiques et les rituels, les visualisations et les récitations de mantras, dans la voie des sῡtras comme des tāntras (et de tout yoga énergétique), n'ont-elles pas pour finalité de nous permettre d'obtenir l'Éveil, mais constituent le support d'une « motivation authentique » – qui dans le Mahāyāna est l'intention d'atteindre la libération pour le bien de tous les êtres sensibles –, dont la force du déterminisme finit par se transmuer en… acte de foi lequel, en amenant à la réalisation de la vacuité et à l'émergence de la compassion universelle, est l'expression de la Grâce, l'Éveil à l'état de Bouddha.
Dans la longue histoire des traditions spirituelles, il se peut que l'interprétation du sens de la Grâce par le Shivaïsme (antérieur à tous les autres courants spirituels), ait progressivement déviée vers ce qui par la suite, à travers le courant des Védas puis du Vedanta, allait conduire dans leur traduction religieuse, l'hindouisme, à la perception fataliste du karman. Le Bouddha est alors apparu pour nous montrer que « la loi de cause à effet » était une voie d'accès à l'êtreté.
Certes, le risque de dérive demeure, car le mental-ego peut également s'emparer de cette « voie de l'action » et la détourner à ses fins en nous faisant perdre son sens profond. Plutôt que d'amener à l'abstraction de l'agent, à l'union du sujet et de son objet, le « geste ritualisé » peut alors renforcer son empire en faisant de l'Éveil l'objet du désir-attachement, par le détournement de la confiance éclairée dans les « trois joyaux », inféodé au soi de la personne.
La Grâce, ce n'est pas seulement le moment où se produit le basculement dans l'êtreté, le retournement dans la spatialité de la Conscience, le glissement dans la non-dualité, la réalisation de la vacuité, la « saisie directe » de l'ainsité, somme tout l'Éveil ! La Grâce est l'expression de notre véritable nature, laquelle est au-delà du temps et de l'espace relativiste. Atemporelle, la grâce s'exprime de multiples manières, en une infinité d'occasions, à travers la synchronicité, les coïncidences qui sont autant d'indices du chemin spirituel (dans le bouddhisme, l'on parle du « crochet du Dharma »), et puis pas à pas toujours plus loin sur la voie qui nous correspond jusqu'à réaliser… que nous sommes la destination !
Analysez la cause de vos souffrances et vous trouverez leur origine dans le mental-ego qui en voulant plier la réalité à ses désirs ne fait que créer toujours plus de frustration par déni de l'impermanence. Les obstacles, l'adversité, le karman, ne sont autres… que l'expression de la Grâce qui nous offre l'opportunité de prendre conscience de notre égarement, et d'agir pour nous en libérer. Il ne s'agit donc pas de trouver ce qui est déjà là par nature, mais de reconnaître sa Présence et de vivre chaque instant comme un instant de grâce !
« La seule voie importante, c'est la vie quotidienne. Il est important de le vivre
dans la vie, sinon cela n'a pas de valeur. Le maha (grand) yogin est un être
comme tous dans la vie
mais qui agit librement sans quitter le coeur » EVAR
EVAR : Essai de vulgarisation, Agnes Rives https://archive.org/details/essai-de-vulgarisation-de-quelq-agnes-rive
III.61 Grâce
couleur sans forme
sur le mur de lumière
accord bleu Klein
éclat de pigment
subtil dosage de liant
beauté miscible
vide au centre
évidence évidée
reflet contrasté
rayon éthéré
la présence fantôme
sort du silence
pigment du réel
réfraction de l'ultime
liant de la vue
au seuil du vrai
la mythique Avalon
réside ainsi
Lobsang TAMCHEU
Eléments de réflexion
En résumé de tout cela, nous dirons donc que sur le plan relatif, les phénomènes apparaissent selon leur niveau grossier ou subtil, qui corresponde aux états de conscience les plus bas et les plus élevés du samsāra, lesquels traduisent les modalités de « l'expérience » déclinées selon l'échelle relativiste ou quantique, et présente selon un caractère ou non « déterministe » – ces états les plus subtils sont encore le samsāra, l'Éveil se situe (façon de parler) au-delà –. Sur le plan ultime, c.à.d. « libre du vide et du non vide », la réalité n'est ni déterminée, ni indéterminée, ni les deux, ni aucun des deux.
Sur la perspective « relative subtile », l'observation (au sens quantique du terme) modifie cela qui est observé en regard de cela qui observe (c.à.d. l'instrument de mesure « relatif grossier »), comme l'effet d'un déterminant sur un indéterminé, ce qui place « l'existence conditionnée » sous l'égide de la « loi de causalité » du karman. Sous la vue de l'ainsité, l'aspect « individualisé » (l'être relatif) est sans obstruction et sans discontinuité d'essence à l'ultime (l'êtreté).
Si l'on combine les deux, qui sont l'aspect l'une de l'autre, l'existence apparaît comme une simple apparence (un hologramme, un reflet dans un miroir ou un rêve), que l'on qualifiera de « a-déterministe » eut égard à la nature non-locale et atemporelle de la Conscience, qu'exprime la formule « il n'y a rien à faire pour être », et simultanément déterministes dans le sens relatif où les phénomènes semblent devoir advenir pour être… comme déjà écrits !
L'on comprend ainsi que la Grâce ne puisse se rechercher ni s'obtenir d'une manière intentionnelle. Cette intentionnalité est le désir d'un agent déterminé par son karman et la « saisie (innée) du soi » de la personne, conséquemment animé par une croyance illusionnée de la réalité de « l'être au-delà de l'être » (l'essence au-delà de la forme), antagoniste à sa nature authentique et spontanée. A l'instar du yoga (comme « non-agir ») qui implique qu'il n'y ait personne qui en revendique l'action, les voies progressives nous rapprochent de la Grâce à la condition que ce ne soit pas « l'ego spirituel » qui essaie de l'atteindre !
Vivre « l'instant présent », local et temporel, comme seuil du retournement dans la non-dualité et la spatialité du dasein, non-local et atemporel, est l'expression de la Grâce, laquelle n'est autre que la nature du véritable Soi, du non-soi, de la vacuité d'existence intrinsèque de l'être relatif et impermanent.
Telles deux ondes d'amplitude égale dont les
crêtes et les creux se superposent pour former une « figure d'interférence »
sous laquelle elles semblent disparaître, les coïncidences mettent en
évidence la vacuité de la réalité relative, c.à.d. l'évidence que, hors des
modalités de l'expérience individuelle et personnelle, le ressenti de ce que
cela fait de souffrir ou d'être heureux est sans obstruction et sans
discontinuité, et qu'il n'y a aucune différence entre soi et les autres ! Les synchronicités sont
ainsi l'expression de la Grâce par le dévoilement de l'ultime. Lorsque toute différenciation s'abstrait, c'est
comme si l'on glissait alors dans l'unité au-delà de toute indivision, dans l'union
indifférenciée du sujet et de l'objet, où il n'y a plus ni opposés ni absence
d'opposés, ni soi ni autre…