
IV. 23 Poétique de l'ainsité - L'espace du Dharma
Retrouvez ici les poétiques de l'ainsité de IV. 25 à IV. 30

5. L'espace du Dharma
IV.25 La forme se réalise en cercle
La conscience de la conscience,
Se réalise comme présence,
Non pas quelque temps avant ou après,
La réalisation de la conscience de soi-même…
Le tracé crée la forme à partir de l'espace,
L'espace est sans forme pouvant être tracée.
Comment le tracé peut-il être tracé,
Or la réalisation de la forme ?
La forme n'existe pas avant son tracé,
Le tracé n'existe pas avant l'espace.
Comment la forme peut-elle advenir forme,
Or la réalisation de son tracé ?
L'espace n'existe ni quelque temps avant,
Ni quelques temps après le tracé de la forme.
Comment la forme peut-elle être tracée,
Or la réalisation de l'espace ?
Le cercle ne peut se réaliser comme présence,
Sans la présence d'une forme cerclée.
Comment la Lune peut-elle se réaliser en cercle,
Or de sa réalisation comme présence ?
La réalisation de la conscience de soi-même,
A la multitude des formes de conscience,
Est conscience d'être conscient,
Non pas quelque temps avant ou après sa réalisation…
La conscience apparaît à partir d'un objet (de conscience),
L'objet (de conscience) est sans forme pouvant apparaître.
Comment la conscience peut-elle apparaître,
Or la conscience de son objet (de conscience) ?
L'objet n'existe pas avant sa conscience,
Sa conscience n'existe pas avant ou après son objet.
Comment l'objet peut-il advenir objet,
Or la conscience de sa conscience ?
La conscience d'être conscient ni quelque temps avant,
Ni quelques temps après, n'existe sans conscience.
Comment la conscience peut-elle être conscience,
Or la conscience d'être conscience ?
La conscience se peut se réaliser comme présence,
Sans la présence de la conscience à soi-même.
Comment la Lune peut-elle se réaliser en présence,
Or la réalisation de la conscience de la Lune ?
La réalisation de la conscience comme présence,
N'est pas un fait de conscience pure,
Non pas quelque temps avant ou après,
L'événement de sa conscience…
L'événement n'existe pas avant le fait (de conscience),
Le fait n'existe pas avant la conscience de son fait.
Comment son fait peut-il apparaître « irréductible »,
Or la conscience de son événement ?
Le fait s'établit à partir de son événement,
L'événement est sans avant ni après à établir.
Comment son fait peut-il apparaître « permanence »,
Or l'événement de sa conscience ?
La vue modale se reflète d'une vision amodale,
La vision amodale est sans creux ni relief.
Comment son fait peut-il apparaître « immanence »,
Or le relief de son événement ?
La conscience résonne du son des existants,
Les existants sont sans forme ni espace à résonner.
Comment la Lune peut-elle apparaître « présence »,
Or sa forme au milieu de l'eau ?
Inspiré
d'après la stance 1 de Tsuki, la Lune ou la réflexion SHBZ
Lobsang TAMCHEU
Eléments de réflexion
Pendant la méditation, tournez votre attention vers votre esprit, sans effort, sans désir, sans rejet, sans attente. Observez ! Que voyez-vous, que ressentez-vous, qu'expérimentez-vous ? Des pensées apparaissent et disparaissent (souvenir, imagination, rêverie), qui vous emportent dans leur sillage si vous n'y prenez pas garde… Des perceptions refont surface et s'évanouissent lorsque vous n'y prêtez plus attention (sensations du corps, de la respiration, etc. Et dans tout cela (au milieu, au fond ou simplement en surface immédiate), avez-vous conscience… d'en « avoir conscience », êtes-vous conscients… « d'être conscient d'en avoir conscience ? Vous voyez-vous vous « voir vous voyant » ?
Il se peut que pendant toute la durée d'une méditation, vous n'ayez aucunement conscience d'être « témoin » du fait même que vous méditer, submergé que vous êtes par tout ce dont vous avez conscience, qui vous emporte, vous transporte, vous déporte, au point qu'il n'y a plus de « vous » en train de méditez, seulement un flux de pensées dont vous ne vous départagez pas, et même auquel vous vous identifiez, et qui ne vous laisse pas le répit de « revenir à vous-même » !
Lorsque vous voyagez en train et regardez le paysage défiler par la fenêtre, il arrive que la vitre vous renvoie votre propre image en train de regarder le paysage défiler… C'est cette impression à la fois phénoménologique et transcendantale qu'il s'agit de laisser venir en méditation, « se voir se voyant », spontanément présent à sa propre vision comme présence naturelle à soi-même…
« (…) dans la méditation, il ne s'agit finalement pas d'autre chose
que de revenir à cette conscience ou présence pure
(en détachant son attention de tout objet extérieur et de toute intentionnalité),
conscience pure d'exister et de s'appréhender soi-même,
à chaque instant, quel que soit l'objet qui passe
dans le champ de sa conscience » MSO.
Pour autant, il s'agit d'éviter toute méprise quant à cela qui est, à commencer par l'interpréter en termes de phénoménologie pure, laquelle nonobstant s'avère le seul « langage » valide (celui de la connaissance intuitive, expérientiée, vécue, que la conscience a d'elle-même), qu'il est possible d'utiliser pour rendre compte de l'immédiateté de son événement, le recours au langage conceptuel nous en distanciant de facto, et le déformant par les présupposés de nos croyances.
Il s'avère toutefois que la difficulté ne réside pas tant du côté de nos conceptions que de celui de l'expérience de la conscience qui s'appréhende elle-même ! Deux alternatives s'offrent à nous à partir de l'expérience de la « conscience purement consciente d'elle-même » : faire confiance à l'expérience directe en partant du principe qu'elle nous livre l'explication même de son fondement, c'est le choix des non-dualités (l'Advaïta Vedanta, Ramana Maharshi…), qui visent la réalisation du « véritable Soi » ; où développer la sagesse du discernement de la véritable nature du « tel quel », aux fins de réaliser l'ainsité de la conscience.
« Il n'y a pas de naissance de la conscience sans condition.
La conscience qui naît à cause de l'œil et des formes visibles
apparaît par ce sens seulement quand existent ces conditions
(l'œil, la forme visible, la lumière, l'attention).
Mais cette conscience cesse ici et maintenant
quand la condition n'est plus là,
parce qu'alors la condition a changé » MSO.
Nos sens filtrent et nous donnent à voir le monde comme représentation et non pas «tel qu'il est ». Mais, la « conscience d'être conscient » est une expérience directe, en quoi ne pourrions-nous pas lui faire confiance ? D'une part, parce que selon le degré d'entraînement de l'esprit, l'expérience de la « conscience pure » apparaîtra soit comme « temporaire et fugace (…) d'autant plus paradoxale qu'elle n'apparaît qu'au moment où j'en prends conscience » MSO, soit à l'opposé, s'imposera d'elle-même comme une présence irréductible, permanente, au-delà de toute temporalisation, atemporelle, immanente…
Il faut établir une distinction entre « ce qui apparaît » (expression qui reflète l'impermanence de sa phénoménalité) au sein du « champ de conscience », et qui présente un caractère interdépendant, en tant que constitutifs « d'actes de connaissance » (pensée, sensation etc.), et la « conscience d'être conscient » laquelle transcende la temporalité de son propre événement pour s'ériger en fait. L'intime conviction de l'expérience ne prouve pas la réalité de son objet, d'autant lorsqu'il s'agit d'une expérience qui peut manifestement présenter des caractères très distincts d'un sujet à l'autre selon leur pratique de méditation.
« Siddharta n'a jamais dit qu'il existait en lieu et place de ce que nous percevons
quelque chose de plus spectaculaire, de meilleur, de plus pur ou de plus divin.
Et ce n'était pas un anarchiste qui niait les apparences
ou le fonctionnement de l'existence ordinaire.
Le Bouddha ne dit pas que les arcs-en-ciel n'apparaissent pas
ou qu'il n'y a pas de tasse de thé. Nous pouvons savourer les choses,
mais le fait de connaître une chose,
d'en faire l'expérience, ne signifie pas que cette chose existe vraiment » NPBQV.
Il est important de préciser qu'il ne s'agit pas d'une inférence ! Il n'est pas ici question de prétendre que la « conscience pure » possède réellement un caractère de permanence, d'irréductibilité, et de réalité transcendantale, en tant que traduits directement de l'intuition de son expérience directe, seulement de dire que la «conscience d'être conscient » se présente de cette manière à sa propre non-expérience (au point même d'avaliser le terme de « Présence » souvent exprimé à son endroit pour la qualifier en nature ou en essence).
C'est vraiment ce qui apparaît pendant toute la durée de la méditation (et même ne cesse de s'imposer quasi continuellement en post-méditation) à la conscience de l'expérience directe de la « conscience d'être conscient ». En inférer la nature de ce qu'il y a derrière l'irréductibilité de ce fait (à distinguer des choses et du monde vécus comme événement), ce serait faire fausse route. L'emploi du terme « transcendance » se veut en vérité signifier l'absence de toute assertion objectiviste quant à une ontologie de l'essentialité de l'être.
La phénoménologie n'est pas seule en cause quant il s'agit de déterminer la véracité des caractères expérimentés au moment de l'expérience directe de la « conscience ». Les conceptions éternaliste de l'être sont profondément ancrées dans nos croyances. Or, il n'y a pas d'élément fondamental aux caractéristiques d'une chose (pas d'élément « eau » qui fait sa fluidité, pas d'élément « air » qui fait sa légèreté, etc.) ; il n'y a pas «d'êtreté » dans l'être, pas d'essentialité dans l'essence, rien qui fait de l'être qu'il « est ce qu'elle est » (principe d'identité) ; il n'y a pas d'ontologie de la substance ou de l'essence, existant intrinsèquement, de manière autonome ; il n'y a pas-même d'essence de la vacuité !
« La tendance de la philosophie occidentale ce serait de chercher l'essence (…)
qqc qui lui est absolument propre, unique,
qui le distingue de tout le reste et qui, en fait,
contient tout le reste, son fondement, son essence.
Dans le bouddhisme, ce qui va au-delà de toutes les caractérisations,
c'est la momentanéité de sa présence,
c'est cet éclat qu'on aperçoit immédiatement quand on le voit
et qui fait qu'il ne ressemble à aucun autre » PLP
Le mot « expérience » est impropre à décrire la « conscience d'être », car son signifiant s'inscrit dans une conscience « temporalisée », par le fait signifiant de son interdépendance à l'énaction du sujet-objet, or observer l'esprit modifie la manière dont l'esprit s'observe… Ce qui apparaît au plan phénoménologique, c'est le fait de la «conscience pure » – le fait de sa présence, le fait de son irréductibilité, le fait de sa réalité – d'un « il-y-a » atemporel d'une « conscience transcendantale » qui est en fait « l'il y a » relatif d'une expérience relative !
Comment une expérience relative peut-elle apparaître transcendantale ? Pour les phénoménologues dans la lignée de Husserl, la conscience transcendantale se définit comme « conscience pure, dégagée de toutes les données de l'expérience soit externe soit interne, seule réalité irréductible » CNRTL, c.à.d. dont le « champ de conscience » ne contient ni donnée sensorielle ni contenu phénoménologique, et donc la structure même n'est pas issue de causes et de conditions !
« Sartre a décrit ce dilemme, il démonte la croyance illusoire
selon laquelle il y aurait un "moi" substantiel,
un ego qui "habiterait" la conscience.
Simultanément, il dévoile que la conscience est transcendantale,
non pas une entité supérieure, mais simplement un pré-donné
avant toute expérience et ne pouvant s'y réduire » MSO.
La « conscience d'être conscient » est un événement relatif qui se saisit comme un fait irréductible, isolément de son interdépendance. C'est la caractéristique de la conscience de s'apparaître « pure » de tout contenu et de toute causalité, irréductible en soi-même, permanent par soi-même, immuable de soi-même. Or, ce « soi-même », qui s'apparaît transcendantal à tout contexte relatif, est en réalité issu de la réflexivité de la conscience à son événement ! La conscience se vit comme expérience modale d'une « transcendance amodale » dans la relativité de son propre moment.
Plutôt donc, que le fait « d'être conscient d'être conscient » soit l'affirmation de l'essentialité d'une conscience transcendantale (au-dessus du sensible, au-delà de tout référentiel), qui se manifeste à elle-même comme le « véritable Soi » à sa propre essentialité, l'expérience méditative comme fait irréductible démontre en vérité… qu'il n'y a pas de conscience sans condition ! Ce « fait » qui apparaît proprement modal à l'angle mort de son événement (l'œil qui ne se voit pas lui-même) est l'expression modale de conditions. La conscience présente (sans contradiction) ce double aspect d'être à la fois irréductible (immanente, permanente) en son fait pur, transcendant, et réductible en son événement !
« C'est l'épochè, la suspension du jugement
et du mouvement de projection vers le monde,
qui permet au sujet réfléchissant sur lui-même ou méditant,
de se saisir comme conscience pure ou "transcendantale" » MSO.
C'est seulement lorsque toutes les conditions sont réunies que la relativité de la «conscience d'être conscient » apparaît, au juste moment, indépendante et irréductible de tout contexte modal comme fait propre d'une « conscience pure ». En définitive, ce fait est sans obstruction à la relativité de son événement, et son effet de perspective, donc, sans discontinuité à sa vacuité d'essentialité.
« 1. La multitude des formes de la lune se réalise en cercle
non pas seulement « quelque temps avant,
non pas seulement quelque temps après »
(la réalisation d'un cercle).
La réalisation en cercle est la multitude des formes de la lune
non pas seulement quelque temps avant,
non pas seulement quelque temps après.
C'est pourquoi I'Éveillé Sâkyamuni dit :
« Le pur corps de la Loi de l'Éveillé
en lui-même est comme le méta-espace.
En résonance avec les existants,
il présente sa forme comme la lune au milieu de l'eau » SHBZ.
MSO : Méditation sans objet https://afscet.asso.fr/halfsetkafe/textes-2012/CM-FD-observateur-observe-02sept2015.pdf
NPBQV : N'est pas bouddhiste qui veut, Dzongsar Khyentse Rinpoché https://www.babelio.com/livres/Norbu-Nest-pas-bouddhiste-qui-veut/82894
PLP : Peindre le printemps www.shobogenzo.eu
SHBZ : Shōbōgenzō, La vraie Loi, Trésor de l'Œil, https://www.editions-sully.com/l-247-shobogenzo.html
IV.26 Le "comme de"
Le « reflet du reflet » doit être le miroir,
Ce n'est pas la ressemblance qui est dite « comme »,
Le comme est le « voilà ! »
L'événement du reflet, voilà le miroir…
L'étendue de l'étendue doit être l'espace,
Ce n'est pas sa ressemblance qui est dite « l'espace »,
Le comme de l'étendue est l'étendue « telle quelle »
L'événement de l'étendue, voilà l'espace !
Le point de fuite doit être la direction,
Ce n'est pas sa ressemblance qui est dite la « direction »,
Le comme de la perspective est la perspective « telle quelle »,
L'événement du regard, voilà la perspective !
Le plan du plan doit être la surface,
Ce n'est pas sa ressemblance qui est dite la « surface »,
Le comme de la figure est la figure « telle quelle »,
L'événement de l'objet, voilà la géométrie !
La vue de la vue doit être la conscience,
Ce n'est pas sa ressemblance qui est dite « conscience »,
Le comme du fait est le fait « tel quel »,
L'événement en soi, voilà la conscience !
Le moment du reflet n'est pas toujours un miroir,
Un contraste n'est pas toujours un reflet,
Il doit y avoir une relation là où il y a mise en évidence,
Même s'il s'agit d'un point de vue, le reflet est un contraste…
Le moment de l'étendue n'est pas toujours une distance,
Une distance n'est toujours un espacement,
Il doit y avoir une distanciation là où il y le proche et le lointain,
Même s'il s'agit d'un point de vue, la distance est un contraste…
La direction du regard n'est pas toujours l'objectif,
L'objectif n'est pas toujours parallèle,
Il y doit y avoir un prolongement là où il y a un point de fuite,
Même s'il s'agit d'un point de vue, l'horizon est un contraste…
Une figure ne présente pas toujours un plan,
Un plan n'est pas toujours droit,
Il y doit y avoir une rupture là où il y a un angle,
Même s'il s'agit d'un point de vue, cette frontière est un contraste…
La vision n'est pas toujours consciente,
La conscience n'est pas toujours « conscience de soi »,
Il doit y avoir réflexivité là où il y a subjectivité,
Même s'il s'agit d'un point de vue, la conscience est un contraste…
Le reflet se reflétant est le cercle unique.
Le reflet ne renvoie pas le miroir,
Le miroir n'existe pas non plus !
La ligne et le cercle, tous deux, disparaissent…
L'expansion de l'étendue est le cercle unique.
« Là-bas » le reflet ne renvoie pas « ici » au miroir,
« Ici » le miroir n'existe pas non plus !
Là-bas et ici, non-deux en « non-un », disparaissent nulle part…
L'horizon de la perspective est le cercle unique.
L'infini ne renvoie pas au fini,
Le fini n'existe pas non plus !
Fini et infini, sans commencement, disparaissent sans fin…
Le vide du vide est le cercle unique.
Le vide ne met pas la forme en relief,
La forme n'existe pas non plus en creux.
Le vide et la forme, non vide, disparaissent sans forme...
L'expérience de l'expérience est le cercle unique.
La conscience ne met pas en relief le soi,
Le soi n'existe pas non plus.
La conscience et le soi, non-soi, disparaissent sans paraître…
Inspiré
d'après les stances 2, 3 et 4 de Tsuki, la Lune ou la réflexion SHBZ
Lobsang TAMCHEU
Eléments de réflexion
La visée de
Descartes fut de connaître la nature de la conscience, et le point de départ de
ses « méditations », fut sa propre conscience. Au final, Descartes
aura certainement plus connu sa conscience en son expérience même qu'il n'aura
réussi à la mettre en équation dans son « cogito ergo sum ». Mais, il
aura surtout tourné en rond en cherchant à établir une démonstration qui, du
fait même de se démontrer elle-même, ne pouvait être qu'indubitable en
sa propre logique !
Le point de départ phénoménologique de ses méditations, c'est l'observation de sa «pensée pensante ». Or, parce que celle-ci s'opère dans le mouvement même de son raisonnement analytique, l'évidence de son vécu l'amène à conclure de facto à la réalité essentielle de sa faculté de se penser. Le fait de croire possible d'établir un témoignage neutre de la conscience… par la conscience elle-même témoigne de son complet subjectivisme ! Quoi d'autre qu'un phénomène dupé par sa propre phénoménalité pour se croire légitime à sa propre énonciation ?
« (…) le but que nous voulons saisir est derrière nous.
Il est le point d'appui, il est l'arrière-plan sur lequel tout part,
à partir duquel tout s'engendre,
y compris le questionnement sur lui-même » ODLC.
Croire possible de « se dire soi-même » en tant que réalité objective est un artifice qui découle de l'emprise de la conscience de se saisir « conscience d'elle-même » comme un fait avéré, irréductible ! En s'érigeant comme « point de vue objectif » à sa propre expérimentation, Descartes met sous le tapis le caractère subjectif de sa propre énonciation à l'endroit de sa subjectivité, et passe sous silence deux questions essentielles : « peut-on se penser soi-même ? » ; et le préalable à toute épistémologie «la conscience est-elle un en tant que tel ? ».
« Le langage locutoire nous trompe dès qu'il essaye de faire référence à la conscience,
parce qu'il nous fait penser que nous allons nous saisir d'un objet,
alors que ce que nous essayons de capturer n'est autre que
le fait même de la phénoménalité, c.à.d. la condition de possibilité
pour que l'on puisse avoir un objet de perception,
pour que l'on puisse lui attribuer une propriété,
pour que l'on puisse saisir, à l'intérieur de ce cet immense
champ de phénoménalités, phénomène parmi d'autres » ODLC.
Les deux questions sont étroitement liées en tant que l'étude de la conscience met en évidence l'impossibilité pour le langage d'énoncer ce qui n'est pas de l'ordre conceptuel, et pour la conscience de se saisir comme phénomène en sa propre phénoménalité. La conscience d'être conscient procède d'une mise à distance de son propre événement par un mouvement de réflexivité tel qu'il se « saisit se saisissant » comme fait en retour de son propre événement !
Savoir ce que cela fait d'être conscient, c.à.d. sujet de sa propre expérience, reflète sa réflexivité, autrement dit le dédoublement de la conscience à elle-même comme condition de la « prise de conscience d'être conscient ». Croire possible de dire ce qu'est la conscience en regard de la conscience de son événement, c'est « penser que l'on pense ». Bien qu'elle soit vécue à la première personne, le dire de la « conscience d'être conscient » à son « événementialité pure » est un dédoublement d'un dédoublement… La conscience se connaît en regard d'un point de vue « extérieur à son intérieur… en son intérieur » !
« (…) il n'y a pas lieu non plus d'opposer une intériorité et une extériorité.
Il n'y a pas lieu de poser une subjectivité à une objectivité.
Le point de départ de tout cela, c'est l'acte même d'éprouver.
Et l'acte même d'éprouver est tout uniment
effectivement vécu et vécu de qqc » ODLC.
« S'observer s'observant » met en exergue le caractère irréductible du fait de son observation comme postulat de son existence objective à l'abstraction de sa relativité, ce qui induit un raisonnement biaisé justifiant de la possibilité de se penser « en tant que tel » en sa propre pensée ! Placez un miroir en face d'un autre miroir, aussitôt leurs « reflets se reflétant » à l'infini, les miroirs disparaissent en tant que miroir ! Un «observateur s'observant » est un effet de perspective dont l'événement s'apparaît comme un « fait propre », en coémergence à l'observation du jeu d'un repli intérieur s'apparaissant comme extérieur !
« A partir du moment où la connaissance a adopté une direction et une visée,
elle définit par sa propre polarité un avant et un arrière.
Ce n'est pas la conscience qui a un « lieu », c'est à travers son impulsion,
son conatus, son désir de savoir qu'elle définit une polarité,
connaissance et donc une dualité de localisation, l'avant et l'arrière :
« l'avant » qui serait le domaine des objets connus ;
« l'arrière » qui serait la sphère du sujet connaissant » ODLC.
L'on ne peut séparer la conscience événement de l'événement de la conscience à elle-même, car avant même d'être « réflexive », la conscience est en capacité de réflexivité ! Ce n'est pas la même chose, en témoigne l'expérience, mais ce n'est pas non plus qqc de différent, tel l'océan et les vagues, la condition de la possibilité d'une « conscience réflexive » étant la « conscience de qqc ». Autrement dit, en tant qu'elle émerge «conscience pure » (asubjective), au moment de son « apparaître », la conscience est un événement avant même d'être un événement à et pour elle-même !
« (…) la conscience n'est précisément pas qqc à quoi on puisse renvoyer,
à qqc qui nous appelle à l'extérieur de nous-mêmes,
mais c'est finalement la source de ce que nous sommes en train de dire
et de comprendre à l'heure actuelle » ODLC.
Or, ce vécu n'est pas un mais une infinie diversité. Ce peut être : un bouillonnement de pensées qui apparaissent et disparaissent sans interruption… ; des pensées qui résonnent en écho au sein du mental et auquel le mental résonne au diapason… ; ou à l'opposé, un grand « silence mental » qui renvoie le silence d'un espace sans fond… ; un sentiment de transparence, de spatialité… ; la conscience d'être conscient comme une présence irréductible et immanente… ; un vide habité de vide… ; ou simplement le sans-forme sans forme…
Les états infiniment variés du « spectre de conscience » révélés par la méditation ont pour caractère commun l'invariance… de ne jamais être identique d'une séance à l'autre, ce qui remet en question le caractère de l'unicité de la conscience, non pas tant seulement comme « existant entitaire », mais au sens événementiel. La conscience est un vécu, la conscience de soi le « vécu d'un vécu », vecteur de l'illumination de sa propre sans aucun « en tant que tel » pour être. La conscience éclaire la conscience sans qu'il y ait de conscience s'éclairant !
« Lorsqu'il s'agit de la conscience, il n'est pas question de faire la division
entre illusion et réalité, car la réalité de la conscience inclut l'illusion.
C'est là le paradoxe, l'étrangeté ou la singularité de la conscience,
tous les états de conscience font partie d'elle-même.
Il n'est pas question d'en écarter certains en disant
"ceux-là sont plus réels que d'autres".
En tant qu'états de conscience, ils sont exactement aussi "réels"
les uns que les autres, du moins "réel" au sens de Husserl c.à.d. « vécu » ODLC
La surface calme de l'eau reflète la lumière. Des vagues apparaissent. Sont-elles l'eau qui prend la forme de vagues ou un effet de réflexion de sa propre surface ? Qu'elle que soit la forme des vagues, c'est toujours la surface de l'océan ! Quel que soit l'état de l'océan, c'est toujours l'océan ! Parler de « conscience » sans parler « d'état de conscience » ne fait pas sens, et mis en parallèle, aucun état de conscience n'est révélateur d'une subordination à un schéma structurant. Il n'y a pas de substantialité, d'essentialité ou d'ontologie sous-jacente à la conscience qui justifie de sa réalité outre le seul fait de son vécu !
L'efficience de l'expérience consciente, c'est sa réalité vécue, qui est à elle-même affirmative de sa véracité. Le rêve est une réalité au moment où nous le faisons, tout en étant irréel sur le plan d'une nature extérieure à l'esprit qui rêve. Mais, quiconque rêve croit en la « réalité » de ce qu'il vit comme en l'expérience de choses et d'un monde objectivement réel vis-à-vis de lui-même (il en va de même des « expériences de mort imminente », de « sortie du corps », etc.).
Tant que l'idée du réel et de l'irréel, de l'être et du non-être, s'opposeront dans votre esprit comme dualité, c'est que vous n'aurez pas encore réalisé leur vacuité d'essence, et leur caractère de « simple désignation » libre de toute assertion ! Il est impératif d'abandonner (pas seulement par accident, mais définitivement) toutes catégories de pensée, croyances et schémas d'inférences conceptuelles, pour faire « l'expérience directe » de la conscience pure, asubjective, c.à.d. sans qu'il n'y ait « d'événement de conscience » qui soit à ce moment-là expérimenté par une conscience en « tant que telle ».
« Au lieu de dire, c'est le point crucial, que pendant cet AVC,
Jill Taylor était dans un état pathologique qui l'empêchait de voir le monde tel qu'il est,
c.à.d. un monde séparé "en moi et autre chose",
en vérité on devrait voir les choses à l'envers,
c.à.d. qu'en général (…) c'est notre hémisphère gauche analytique
qui nous empêche de voir la vraie nature des choses et de la réalité,
qui est non duale, non séparée, non analysée et non analytique » ODLC.
Et pourtant, il ne fait pas plus sens de parler d'une « conscience qui a des états » que d'affirmer une « conscience sans distinction ni limite » entre l'observateur et son objet comme la « vraie nature des choses » ! S'il est impossible de se saisir objectivement de sa propre subjectivité, « par une "connaissance transitive" qui se traverse elle-même pour aller chercher qqc d'autre » ODLC (donc de se penser exister tel que l'affirmait Descartes), et qu'en termes phénoménologique l'on ne peut « exclure une part de notre champ de conscience, une part des potentialités de notre conscience » ODLC, alors il n'est pas non plus cohérent de proposer que l'unité indivise de soi au monde constitue la « véritable nature des choses » !
Ses deux propositions sont des « vues » (lequel terme s'entend non pas au sens conceptuel, mais expérientiel), qui plus est extrêmes ! L'affirmation d'une conscience singulière (existant intrinsèquement) qui a des états de conscience singuliers (expressifs de son essentialité) est basée… sur la « saisie innée du soi » de la personne (elle-même basée sur la perception de l'agrégat du corps). Quant à l'énoncé la « conscience est tout », c.à.d. que notre état habituel est fragmenté en regard de notre nature véritable non duelle, c'est une vue fondée sur… l'inhibition de la « saisie du soi » qui se saisit comme réalité du « Soi » !
Lorsqu'il est dit, dans le bouddhisme, que les phénomènes sont comparables à des rêves, à des mirages, à des illusions, il ne faut pas oublier d'omettre cela qui les perçoit à l'ordre de ces illusions ! Le mirage et celui qui le voit sont tous deux comme des illusions. Quel que soit l'état de conscience, au juste moment où la vacuité est réalisée, « l'apparition pure s'apparaît » PJEK.
Considérez un arc-en-ciel. Vous pouvez le voir comme un ensemble de couleurs qui reflètent chacune des caractéristiques propres à l'expérience que vous en avez. Sous cette une vue fragmentaire et duelle, chaque chose semble exister de part sa propre nature fondamentale. Mais, vous pouvez aussi voir l'arc-en-ciel sans séparation ni limite entre le monde et vous. Vous serez alors moins tentés de poser sa réalité sur un fondement substantiel et d'y voir une essentialité, mais pourrez-vous vous départagerez de la « réalité de sa réalité » ?
Même si vous réduisez (par réduction phénoménologique) à un seul mot, celui de conscience, tant que son emploi sera encore synonyme pour vous d'une réalité « en tant que telle » au fait irréductiblement vrai de son événement vécu (la Présence, le véritable Soi, Shiva-Shaki, Dieu !), et que vous éprouvez cet « événement de conscience» comme qqc d'immanent et de permanent, vous ne réalisez pas sa vacuité libre d'assertion… y compris de cette assertion !
A contrario, que vous considériez chaque chose individuellement (chaque couleur de l'arc-en-ciel, chaque aspect de ce qui apparaît comme phénomène, monde ou vous-même) ou que vous embrassiez l'ensemble comme une totalité indivise, dès lors que cela vous apparaît ultimement sans discontinuité et relativement sans obstruction, la vacuité coïncide est le juste moment où, à « l'épochè radicale de l'épochè radicale », il n'y a pas-même un événement vu « en tant que tel », ni vous le voyant « en tant que tel », ni même l'apparition pure s'apparaissant « en tant que telle » ! Alors, votre reflet dans le miroir n'apparaît plus comme l'autre côté d'ici, mais cet « ici-même » sans côté…
ODLC : La conscience a-t-elle une origine ? - Michel Bitbol
PJEK : Philosophie japonaise - L'École de Kyōto https://www.youtube.com/watch?v=CvHOBoIpJB8
SHBZ : Shōbōgenzō, La vraie Loi, Trésor de l'Œil, https://www.editions-sully.com/l-247-shobogenzo.html
IV.27 De l'un et de sa réflexion
« L'expérience pure » est sans éclipse,
Réflexive en tous les événements de conscience,
Car tous sont spontanément réflexifs de son fait,
Et son fait est réflexif de la conscience…
La résonance du vide est sans ininterruption,
Elle résonne sous toutes les phénoménalités,
Car toutes résonnent en événement à la conscience,
Et la conscience résonne de l'expérience pure…
Le rayonnement de la lumière est sans obstruction,
Elle irradie sous toutes apparences,
Car toutes irradient en événement à la conscience,
Et la conscience irradie de l'expérience pure…
L'écho du temps est sans limite de durée,
Il court sous toutes les périodes,
Car toutes rythment les événements à la conscience,
Et la conscience est le temps de l'expérience pure…
La réfraction du regard est sans artefact,
Il se révèle sous toutes les catégories,
Car toutes sont des événements à la conscience,
Et la conscience est la réalité de l'expérience pure…
Un seul fait est tous les états de conscience,
Tous les états de conscience sont un seul fait.
La totalité de votre conscience absorbe tout,
Et tout absorbe la totalité de votre conscience…
La totalité d'un cercle est une ligne,
Et cette ligne est d'un seul trait sans début ni fin.
Un seul point contient tout le cercle,
Et tout le cercle exprime un seul point.
La totalité d'un volume est une surface,
Et cette surface contient la totalité du volume.
Un seul plan contient toutes les dimensions,
Et une seule dimension contient tous les plans.
La totalité de l'espace est un point de vue,
Et cette perspective contient l'infini.
Un seul clin d'œil contient l'horizon éternel,
Et l'horizon est le présent d'un seul clin d'œil.
La totalité de l'extérieur est à l'intérieur,
Et tout l'intérieur est à l'extérieur.
« L'expérience pure » contient tout l'univers,
Et tout l'univers exprime « l'expérience pure ».
S'il en est ainsi, la conscience est toutes choses,
Et toutes choses sont la conscience.
Puisque l'événement de toutes choses est conscience,
L'univers entier est « l'expérience pure » entière.
S'il en est ainsi, tout est « réel » parce que tout est vécu,
Et tout ce qui est vécu est la conscience.
Puisque la réalité de tout événement est conscience,
L'univers entier est la réalité de « l'expérience pure » entière.
S'il en est ainsi, tout est « illusoire » parce que tout est vide,
Et tout ce qui est illusoire est la conscience.
Puisque l'illusion de tout événement est conscience,
L'univers entier est l'illusion de « l'expérience pure » entière.
S'il en est ainsi, tout est « vrai » parce que tout est vide,
Et tout ce qui est vrai est la conscience.
Puisque la vérité de tout événement est conscience,
L'univers entier est la vérité de « l'expérience pure » entière.
S'il en est ainsi, tout est un « fait » parce que tout est conscience,
Et tout ce qui est conscience est un fait.
Puisque le fait de toutes choses est un fait,
L'univers entier est le fait de « l'expérience pure » entière.
Inspiré d'après les stances 5, 7 et 8 de Tsuki, la Lune ou la réflexion SHBZ
Lobsang TAMCHEU
Eléments de réflexion
Le point de départ de toute interrogation philosophique sur la conscience, de toute démarche analytique quant au questionnement de sa nature, de toute exploration phénoménologique de son expérience, c'est la réalité de son fait, cette réalité irréductible « en tant que telle » d'un fait indubitable car vécu « en tant que tel ». Curieusement, ce fait peut aussi bien se vivre à la première personne comme l'état ordinaire d'une conscience individuelle qui se vit « sujet », ou de manière extra-individuelle lorsque les frontières du « moi » s'effondrent, que la dualité sujet et objet disparaît dans un sentiment d'union au tout[CA1] .
Cette phrase du philosophe japonais Nishida Kitarō, méditant zen, résume à la fois l'œuvre, la démarche et l'aboutissement d'un cheminement qui, tout en s'élevant de l'être l'individuel à l'être l'universel, de l'être l'universel à l'êtreté du « néant absolu » (ni être, ni non-être), dépasse la réalité de leur fait propre, sans s'arrêter au substantialisme cartésien, sans tomber dans le piège d'essentialiser la conscience comme Soi, ni à terme de substantifier la vacuité.
Le premier niveau de sens de l'assertion « lorsque l'on voit une fleur » est le point de vue aristotélicien selon lequel la connaissance se définit comme l'acte d'un sujet connaissant en regard d'un objet connu, sur la base substantialiste de leur existence objective, en tant que cette connaissance coïncide chez le connaisseur (dans son langage de représentation) à la réalité des qualités, attributs, propriétés et conséquemment de la nature sous-jacente, de la chose vue ou entendue.
A ce stade premier, l'existence du sujet est auto-affirmée en regard de la réalité de sa conscience comme fait. Du point de vue de son seul « fait », la conscience est sans avoir besoin pour « être » de causes et de conditions. En son fait même, le fait d'avoir conscience est un donné « tel quel » sans autre justification que sa réalité de fait ! Si elle procède de la réflexivité comme événement originant, la « conscience de soi » s'apparaît en tant que fait sans laisser transparaître à elle-même la phénoménalité de son processus. Si la conscience est un événement qui s'apparaît comme fait, comment se produit « l'apparaître » d'un sujet transcendantal dont l'expérience ne se réduit à rien hors sa seule réalité ?
Nishida inverse ici la proposition du rapport de l'individuel à l'universel en posant que « l'on est une fleur » avant même… de voir la fleur, c.à.d. que non seulement, « l'expérience dans sa forme originelle (…) précède la différenciation entre sujet expérimentant et objet expérimenté », mais bien plus encore qu'en regard d'une totalité posée comme première et conditionnelle à l'événement de la conscience individuelle comme fait, « l'individu se forme à partir d'elle » NKEPS. L'argumentaire rejoint ici des témoignages comme celui de Jill Taylor, de personnes ayant vécues des expériences « d'expansion de conscience », de « sentiment océanique » ou « d'union au tout », et en rapporte la phénoménologie à une structure logique[CA2] .
Mais Nishida se prémunit du risque de réifier cette « vue de l'unicité » à l'éclairage de sa réalité, par la relativisation de son fait à l'événementialité de l'apparition des phénomènes eux-mêmes en tant que coémergents d'une « expérience pure » dans laquelle ne se lit ni « sujet » transcendant ni objet de transcendance !
Lorsque la fleur est vue, la vue est devenue fleur ! Depuis sa perspective, une vision universelle de la conscience justifie de la « réalité de son fait » en regard de la réalité du fait d'une conscience individualisée qui se fond dans l'universalité du réel, autant que de sa perspective, la conscience individuelle, justifie de la réalité de son propre fait en regard de la réalité du fait de la nature[CA3] .
Dit autrement, vu sous l'angle du particulier où en étant devenu une fleur (et où au juste moment où les frontières de la conscience individuelle s'évanouissent et que plus aucune distinction ne se pose en limite entre cela qui perçoit et ce qui est perçu), on devient le tout se produit comme un « changement de polarité » qui s'éprouve comme fait d'une réalité transcendantale. Mais, pour autant qu'il se produise dans un sens une translation du « lieu de la conscience » de sujet à objet, puis son expansion à une totalité asubjective, ou en l'autre sens que « l'expérience pure » adopte une forme objectivée en sujet et objet, « (…) aucun esprit personnifié ou conscient de son ego n'en est le début ou la fin » NKEPS[CA4] .
Il n'y a de réalité de conscience comme fait (individuel comme universel) qu'en tant que la phénoménalité de la conscience est « l'effet de perspective » d'un changement de polarité de « l'expérience pure » qui fait varier le « lieu de la conscience », lequel revêt soit la « figure d'interférence » d'un sujet relatif à un objet, soit leur résorption sous une totalité unifiante. Une translation qui procède de l'inhibition de la localité et de la temporalité, à l'inhibition de l'inhibition de la non localité et de l'atemporalité, lesquels ne possèdent nulle réalité hors de leurs modalités comme expérience « d'une expérience pure » expérientiée.
La méditation commence par l'acte de se situer dans l'espace et le temps de la posture du corps, dans un « ici et maintenant » local et temporel où l'on s'assoit pour méditer, sans but et sans effort, à l'observation de l'esprit. Il peut alors se produire (ou ne pas se produire) un glissement des frontières de la localité et de la temporalité, qui deviennent évanescentes, intangibles, jusqu'à laisser place à un « ici et maintenant » non local et atemporel. Au sortir de la méditation, à l'inverse, la conscience subjective s'apparaît à nouveau comme fait.
Réaliser qu'il n'y a là à l'œuvre ni « conscience » individuelle, ni « conscience » universelle en « tant que telle » hors le jeu de perspective de « l'expérience pure » (laquelle ne possède par ailleurs ni substantialité, ni essentialité, ni ontologique positive), dont la manifestation se révèle, selon la polarité adoptée, comme « lieu de conscience » subjective ou asubjective, se heurte au caractère irréductible de son fait, réel parce que vécu, réel parce que transcendant toute phénoménalité dont en tant que sujet constitué nous aurions conscience du jeu.
Nishida interroge quant au « lieu de la conscience ? » et répond, dans un premier temps, en termes de relativité (le sujet à l'oubli de la fleur ; la fleur à l'oubli du sujet), puis en second lieu en termes d'abstraction. Quelle que soit la perspective, la topologie de la conscience fait obstruction à la réfutation de l'objectivité de son fait. Or, « l'expérience pure » est vide, sans quoi nul « lieu de conscience » n'apparaîtrait par simple changement de polarité ! La conscience se reflète en son propre miroir, mais son reflet n'est d'aucun lieu. La question n'est pas « où », mais quel événement faut-il pour réaliser la vacuité de son fait[CA5] ?
[CA1]« Voir, c'est pour le moi entrer dans le monde des choses et y agir : c'est penser et agir en devenant la chose. Lorsqu'on voit une fleur, on est une fleur », Nishida Kitarō NKW
[CA2]« L'expérience pure désigne non seulement la forme fondamentale de toute expérience sensuelle et intellectuelle, mais aussi la forme fondamentale de la réalité, en fait la "seule et unique réalité" à partir de laquelle tous les phénomènes différenciés doivent être compris » NKEPS.
[CA3]« Les phénomènes objectifs dérivent également de l'expérience pure ; lorsqu'ils sont unifiés, ils sont appelés "nature", tandis que "esprit" désigne l'activité d'unification. L'expérience pure lance le processus dynamique de la réalité qui se différencie en phénomènes subjectifs et objectifs sur la voie d'une unité supérieure » NKEPS.
[CA4]« (…) voir sans voyant, entendre sans auditeur. L'annulation du soi dans l'expérience pure est exprimée [par Nishida] comme la vision du soi dans la perspective du monde, où le monde est compris phénoménologiquement comme un horizon déterminant de l'expérience » NKEPS
[CA5]« Toutes choses retournent à l'unité ; où cette dernière retourne-t-elle ? », Koan du bouddhisme Zen
SHBZ : Shōbōgenzō, La vraie Loi, Trésor de l'Œil, https://www.editions-sully.com/l-247-shobogenzo.html
IV.28 Face à face
Il y a le cercle fermé et ouvert,
La face du recto est le « cercle pas encore ouvert »,
La face du verso, « l'après fermeture du cercle »
Lorsqu'il est réalisé, le cercle est sans face !
Il y a l'expérience pure versus objectivée,
L'expérience pure est « le pas encore objectivé »,
L'objectivé est « l'après non expérimenté ».
Lorsqu'elle est réalisée, l'expérience est sans objet !
Il y a la vision pure versus subjectivée,
La vision pure est « le pas encore subjectivé »,
Le subjectivé est « l'après vision pure ».
Lorsqu'elle est réalisée, la vision est sans catégorie !
Il y a la conscience duelle versus non duelle,
La conscience duelle est « le pas encore non duel »,
La conscience non duelle est « l'après conscience duelle ».
Lorsqu'elle est réalisée, la conscience est sans opposition !
Il y a la vue fermée du moi et la vue ouverte du non-soi,
La face du moi est « la vue pas encore ouverte du non-soi »,
La face du non-soi, « l'après fermeture de la vue du moi »
Lorsqu'elle est réalisée, la vue du soi est vide !
Il y a la réalisation de l'avant et de l'après,
Comme réalisation de leur absorption complète,
Puisque l'absorption complète se réalise comme présence,
Dans le rejaillissement complet de leur réalisation !
Quand l'expérience absorbe complètement l'expérience,
L'expérience se réalise totalement comme présence,
Puisqu'il y a l'expérience dans son état d'absorption complète !
Quand l'absorption fait rejaillir l'expérience, la réalisation est complète.
Quand la vision absorbe complètement la vision,
La vision se réalise totalement comme présence,
Puisqu'il y a la vision dans son état d'absorption complète !
Quand l'absorption fait rejaillir la vision, la vision est complète.
Quand la conscience absorbe complètement la conscience,
La conscience se réalise totalement comme présence,
Puisqu'il y a la conscience dans son état d'absorption complète !
Quand l'absorption fait rejaillir la conscience, la réalisation est complète.
Quand la vacuité absorbe complètement la vacuité,
La vacuité se réalise totalement comme présence,
Puisqu'il y a la « vacuité de la vacuité » dans son état d'absorption complète !
Quand l'absorption fait rejaillir la vacuité, sa réalisation est complète.
Il s'agit de faire rejaillir complètement l'avant et l'après,
Il s'agit d'absorber complètement le haut et le bas,
Absorber soi-même et l'autre dans le vide,
Fait rejaillir le vide en soi-même et l'autre…
Il s'agit de faire rejaillir complètement le vide de l'expérience pure,
Il s'agit d'absorber complètement le vide de son avant et de son après,
Absorber soi-même et l'autre dans le vide d'expérience pure,
Fait rejaillir le vide de l'expérience pure en soi-même et l'autre…
Il s'agit de faire rejaillir totalement le vide de la vision,
Il s'agit d'absorber totalement le vide de ce côté-ci et de l'autre côté,
Absorber cela qui voit et ce qui est vu dans la vacuité de la vision,
Fait rejaillir le vide de la vision en cela qui voit et ce qui est vu…
Il s'agit de faire rejaillir absolument le vide de la conscience,
Il s'agit d'absorber absolument le vide de l'ici et maintenant,
Absorber le lieu et le temps dans la vacuité de la conscience,
Fait rejaillir la vacuité du temps qu'il-y-a…
La lune n'est pas mouillée, l'eau n'est pas brisée…
L'expérience pure n'est pas souillée, la vision n'est pas déformée,
L'avant ne devient pas l'après, l'ici ne devient pas là-bas,
La conscience est la conscience, le vide est le vide…
Inspiré d'après la stance 10 de Tsuki, la Lune ou la réflexion SHBZ
Lobsang TAMCHEU
Eléments de réflexion
Nous ne pouvons pas nous en remettre au fait comme critère de détermination de la vérité, non pas tant que le « fait de conscience » occulte son événementialité en se rendant invisible à ses propres yeux, mais parce qu'il se veut affirmatif d'une « réalité objective », intrinsèquement vraie en son postulat. Une expérience qui fait exploser les limites finies de la conscience individuelle sera ainsi considérée comme libératrice, non pas parce qu'elle ouvre sur une réalité plus vaste à l'expansion infinie de son champ, témoignant que la « conscience est tout », mais parce qu'elle apparaîtra authentiquement et irréductiblement vraie !
Il y a confusion à penser que l'Éveil est l'ouverture à qqc de « plus vaste que soi » parce que toutes les traditions spirituelles font du dépassement du point de vue individuel (de sa désidentification, de son évidement, ou de sa réfutation en tant que réalité inhérente…), sa condition d'accès et de réalisation. Or, il n'y a pas lieu de chercher la transcendance comme accomplissement ultime de l'être, laquelle n'est que le transfert d'une illusion à une autre (et d'un enfermement à un autre), où l'universel remplace l'individuel dans la prison du fait !
De telles expériences « d'expansion de conscience » ont en définitive pour mérite de constituer une opportunité de provoquer un « effet de contraste » révélateur du caractère relatif du point de vue individuel comme expression de la polarisation de «l'expérience pure » en « lieu (Nishidien) de conscience », en regard d'un point de vue universel lui-même reflet de sa propre polarité. Ce contraste étant à même de permettre de saisir et de réaliser la vacuité, tant de l'individuel que de l'universel, et de «l'expérience pure » elle-même.
« Comment l'expérience pure peut-elle se transformer en une pensée réflexive
qui semble l'interrompre et l'interpréter d'un point de vue extérieur ?
L'autoréflexion connue sous le nom de "conscience de soi" (jikaku)
apporte une réponse. La forme la plus élémentaire de la conscience se reflète
intrinsèquement ou se reflète en elle-même, de sorte qu'il n'y a pas de différence
entre ce qui se reflète et ce qui est reflété. Dans cette conscience de soi,
l'expérience immédiate et la réflexion sont unifiées.
En termes épistémologiques, le connaisseur et le connu sont identiques,
et ce cas d'unité sert de prototype à toute connaissance » NKEPS.
Lorsque je regarde dans un miroir, j'y vois apparaître le reflet de mon visage et de mon corps sur fond de l'endroit où son agrégat se trouve. Mais, je n'y vois pas un reflet ! Telle Alice prête à franchir le seuil du pays des merveilles, j'y vois une vitre de l'autre côté de laquelle se déploie l'envers du lieu d'où je l'observe. En y plongeant le regard, je traverse le miroir et je me retrouve aussitôt de l'autre côté, dans l'univers du reflet ! A peine y ai-je pénétré d'un iota, que mon regard est irrésistiblement aspiré par l'horizon lointain et inaccessible du reflet, lequel n'est autre que « l'autre côté véritable » de l'ici depuis lequel je le contemple…
De ce côté-ci du miroir, je suis un phénomène composé, formé de l'agencement de minuscules fragments en mouvement et en changement constant à chaque instant, mais de l'autre côté de la vitre, dans l'univers-miroir, mon reflet apparaît comme une totalité indivise, permanent et immuable, ne serait-ce que pendant la durée intemporelle où le regard y demeure posé. Or, à mesure qu'il s'enfonce et s'étire à l'infini d'un reflet sans épaisseur, ni fond ni surface, un sentiment « d'étrangeté à l'ici », de déréalisation, accompagne le déplacement de la polarité dans un lent mouvement de translation qui inverse le « lieu de conscience » …
Au moment où les directions s'inversent et où la perspective bascule, « là-bas » fictif devient « l'ici » véritable, ce qui est reflété se révèle se reflétant ! Alors, toute distance abolie au sein de l'univers-miroir entre le reflet de ce corps, le reflet du monde et des choses, toute séparation s'évanouit dans l'unité retrouvée de son état originel. Le reflet est désormais le réel, le rêve la réalité. Dès l'individuel reconnu au travers de son universalité, l'unité perdue est aussitôt retrouvée…
« (…) le fait que Nishida parle de conscience de soi et d'autoréflexion
n'implique pas l'existence préétablie d'un moi personnel
qui serait parfois conscient de lui-même.
Deuxièmement, si la conscience n'est pas placée dans un moi pré-donné,
elle n'est pas non plus placée dans le monde objectif (…)
la conscience pour Nishida signifie simplement
ce qui rend manifeste ou "ce qui illumine" (…)
La connaissance des choses du monde
commence par la différenciation de la conscience unitaire
en connaisseur et connu et se termine
par l'unification du moi et des choses » NKEPS.
Ce moment où la disparition des contraires révèle l'unicité du miroir et du reflet par-delà leur apparence duelle est un événement charnière entre illumination et aveuglement ! Lorsque « l'universalité » (au-delà de toute subjectivité et objectivité), jusqu'à lors occultée par la dualité sujet-objet, est révélée, la force de son fait est si puissante que sa révélation masque le jeu de polarité de « l'expérience pure ». Pour paraphraser Husserl, ce moment est à la fois « découvrant et recouvrant » MB-PASO. La réalité du fait vécu est le « point aveugle » de l'expérience pure qui occulte son événementialité.
Au point aveugle de la vision – là où le nerf optique connecte l'œil au cerveau, et où il n'y a donc pas de cellules photoréceptrices –, le cerveau extrapole la partie manquante de l'image de sorte que nous ne voyons pas une tache noire au centre de la vision. De fait, « non seulement nous ne voyons pas, mais nous ne voyons pas que nous ne voyons pas, Varela » MB-PASO. Nous ne voyons pas habituellement « l'universalité de la vue sans voyant », trop aveuglés par « l'individualité de la vue se voyant ». Pour autant, affirmer que cette ouverture de conscience, parce que libérée de toute réflexivité illusoire, est l'Éveil n'est-ce pas, là aussi, ne pas voir… ce à travers quoi nous voyons ?
Si nous considérons que « l'expérience (vécue) est omnisciente » MB-PASO, c.à.d. qu'en quelques circonstances que ce soient ou dans tous états de conscience où nous nous trouvons, nous ne voyons pas ce à travers quoi nous soyons, et que, suivant Nishida, la conscience se définit en termes « d'événement », alors toute expérience est un « lieu de conscience » qui apparaît comme fait !
« (…) l'intuition est la progression continuelle de la réalité effective telle quelle,
dans laquelle le connaissant et le connu sont un,
et non encore divisés comme le sujet et l'objet.
La réflexion est la conscience qui se dresse hors de cette progression,
se retourne et la regarde réflexion faite » (achevée) » NKEPS.
Regardez dans le miroir en prenant comme point de référence l'endroit depuis lequel vous regardez le miroir. Ce côté-ci devant le miroir apparaît alors comme le lieu de l'expérience de « vous-même vous regardant dans le miroir », lequel est en même temps le « lieu de la conscience » de cette expérience duelle. Plongez le regard au fond du miroir et l'horizon apparaît alors, non seulement comme le lieu où vous faites l'expérience d'être là-bas de l'autre côté du miroir, mais également comme le « lieu de la conscience » même de cet événement non duel ! Où êtes-vous véritablement ? Pouvez-vous même dire qu'il y a un vous quelque part ?
Actuellement, vous ne vous trouvez nulle part ailleurs dans un espace et une temporalité qui seraient extérieures à l'expérience même du « lieu de la conscience » du moment tel quel ! Détachez-vous d'un endroit en particulier et concentrez-vous sur le déplacement de votre conscience. Ne résidez pas là où votre vue vous projette (même si elle ouvre) mais soyez le mouvement lui-même. Voyez « l'invariance de sa variance ». Dès que vous fixez un tant soit peu un point, celui-ci devient presque aussitôt le « lieu de conscience » qui s'érige en fait indépendamment de la relativité de son événement.
Ce qui est à réaliser, ce n'est pas la particularité d'un « lieu de conscience », fût-ce l'universalité par opposition à l'individualité, mais la translation de la polarité du « lieu de conscience », laquelle détermine la phénoménalité et la phénoménologie de l'événement sous lequel ce « lieu de conscience » devient un fait irréductible et transcendantal dès la fixation de « l'expérience pure ». Dit autrement, il s'agit de voir la vacuité de ce qui occulte la vue sans pour autant être aveuglé par la lumière qui met son événement en évidence…
MB-PASO : Le point aveugle de la science et son dépassement https://www.youtube.com/watch?v=EbCdiMy3KCk
NKEPS : Nishida Kitaro, Encyclopédie de philosophie de Stanford https://plato.stanford.edu/entries/nishida-kitaro/
SHBZ :
Shōbōgenzō, La vraie Loi, Trésor de l'Œil, https://www.editions-sully.com/l-247-shobogenzo.html
IV.29 Suivi du regard
Comme l'œil s'ouvre, l'étoile apparaît en perspective,
Comme l'œil se ferme, le reflet de l'œil disparaît sur l'eau.
Ouvert ou fermé, l'œil est toujours l'œil,
Encore et encore, le connaître est le voilà !
Comme l'apparaître et le disparaître sont connus,
Comme l'expérience se distille et s'évapore,
Visible ou caché, le connaître est toujours connaître,
Encore et encore, l'expérience est le voilà !
Comme l'écho s'éloigne avec le son,
Comme la pensée se déplace avec la pensée,
Pensée ou non-pensée, le connaître est toujours connaître,
Encore et encore, la conscience est le voilà !
Comme la lumière balaie le ciel de l'aube au couché,
Comme le rivage sensoriel s'évanouit à la rotation de l'esprit,
Forme ou sans-forme, le connaître est toujours connaître,
Encore et encore, l'esprit subtil est le voilà !
Comme la vapeur des nuages redevient espace,
Comme l'œil se fond dans la transparence de la vision,
Polarité ou sans polarité, le connaître est toujours connaître,
Encore et encore, la « clarté du connaître » est le voilà !
Lorsque la vision s'éloigne, le ciel se met à dériver,
Au même rythme que le reflet de la lune sur le miroir de l'eau.
Au même moment, au-delà d'un commencement.
Encore et encore, le connaître est le voilà !
Lorsque le disparaître s'éloigne, l'inconnaissance disparaît,
Au même rythme que le reflet du sujet dans « l'expérience pure ».
Au même moment, en-deçà du terme du commencement,
Encore et encore, l'expérience est le voilà !
Lorsque l'empreinte s'efface, la résonance disparaît,
Au même rythme que le reflet de la pensée de la marche.
Au même moment, au-delà de l'après du mouvement,
Encore et encore, la conscience est le voilà !
Lorsque le vent se dissipe, l'évocation disparaît,
Au même rythme que le reflet de la forme des nuages.
Au même moment, par-delà l'avant de l'après,
Encore et encore, l'esprit subtil est le voilà !
Lorsque le connaissant s'évanouit, le connaissable disparaît,
Au même rythme que le reflet de la forme des nuages.
Au même moment, par-delà l'après du commencement,
Encore et encore, la « clarté du connaître » est le voilà !
La course des étoiles n'est pas décrite par les directions,
Le mouvement du jour est incessant en ce présent.
La navigation est sans cap et se repère aux étoiles.
Encore et encore, le connaître est le voilà !
L'expérience n'est pas descriptible par son caractère,
Le rayonnement de son acte est incessant en ce présent,
Le fait est sans objet et son événement est un fait.
Encore et encore, l'expérience est le voilà !
La non-pensée n'est pas traduisible par des mots,
Sa manifestation est sans discontinuité dans les trois temps,
Le lieu est sans localité et son événement a lieu.
Encore et encore, la conscience est le voilà !
Le sans-forme n'est pas dicible par divination,
Son intuition est sans obstruction en mode temporel,
Le vide est sans forme et sa forme est formelle.
Encore et encore, l'esprit subtil est le voilà !
La vacuité n'est pas formulable par l'esprit,
Sa réalisation est sans inscription dans le temps,
Le vide est sans lieu et sans vide est le vide.
Encore et encore, la « clarté du connaître » est le voilà !
Inspiré
d'après les stances 11, 12 et 13 de Tsuki, la Lune ou la réflexion SHBZ
Lobsang TAMCHEU
Eléments de réflexion
Lorsque l'on voit une fleur, on est une fleur. La forme élémentaire de l'expérience est pure, en-deçà de la conscience d'en être conscient, simple perception sans sujet se percevant. Toutefois, le mode habituel de l'esprit est le plus souvent « oppositionnel », vision duelle entre ce qui est vu et cela qui voit, articulée sur le sentiment de « saisie de soi ». Il peut arriver, exceptionnellement, que les points de vue convergent et se confondent de sorte que la conscience de l'expérience s'ouvre sur un état « non oppositionnel » dans un sentiment « d'union au tout ». La question est de savoir si l'un de ces modes est la nature de la conscience ?
La conscience n'est pas de la nature de la fleur ! Elle n'est pas végétale, elle ne produit pas de chlorophylle, n'éclot ni ne fane, n'émet point de flagrance… Et la fleur ne possède aucune caractéristique de la conscience, qui n'est « connue » que relativement à l'expérience que l'on en a, non comme un objet extérieur à soi-même. N'en va-t-il pas aussi de la fleur ? Que savons-nous objectivement de la « fleur » indépendamment de la conscience que nous en avons ?
A trop voir le monde sous le mode « oppositionnel », nous croyons naturellement en la réalité des choses comme « existant en propre ». Il nous est si habituel de considérer tout ce qui nous entoure de l'ordre d'un « connaissable » qui est donné à notre connaissance, que cette opposition s'est érigée en dualité de nature ! La manière même de faire de la science consiste à retirer tout le connaissant pour en extraire le connaissable sur la base du postulat de son objectivité.
« (…) ce que nous voyons au départ, c'est un "champ d'expérience" qui est situé,
centré, là où je suis en ce moment. Ce que nous faisons pour obtenir une
connaissance objective, c'est soustraire tout ce qui nous est particulier
et ne retenir que les structures qui peuvent être partagées (…)
nous ne retenons que la "structure résiduelle", nous oublions le corps,
les corps des êtres qui ont travaillé à l'extraction de ces invariants » MB-PASO.
Quels sont les caractéristiques de la fleur hors du « champ de l'expérience » ? Ses couleurs ? Nous ne voyons que les longueurs d'ondes qu'elles n'absorbent pas, et la manière dont nous les voyons est d'ordre phénoménologique ! Et si l'on cherche qqc qui est à même d'absorber ou de réfléchir ces longueurs d'ondes, on ne le trouvera pas plus que le composé fondamental de la lumière ! Ce que nous voyons au sens le plus élémentaire, c'est une expérience que nous disons être celle d'une « fleur », les phénomènes n'ayant ultimement d'existence qu'en tant que « simple désignation » vide de substance !
Ainsi, lorsque l'on voit une fleur, au sens premier ce qui apparaît en termes d'expérience, c'est la « conscience pure » de l'expérience de la fleur, c.à.d. la connaissance directe, intuitive, claire et lumineuse du connaître en deçà de la connaissance d'un connaissant – « non oppositionnelle » puisque sans sujet, et positionnelle puisqu'il n'y a pas rien du fait même de son expérience – !
Puis, à la coémergence du point de vue subjectif, ce que l'on voit, c'est le «connaissant de la connaissance du connaissable », lequel n'apparaît pas comme un «résidu structurel » au connaître de l'opération, mais comme un objet en propre (l'existence de la fleur comme fait), en opposition au « sujet connaissant » en tant que fait en tant que tel. « Dès que l'on a adopté le point de vue de la connaissance objective, le connaissant n'entre plus dans le champ visuel » MB-PASO en tant que vue participant de la formation de la connaissance objective ! L'œil ne se voit pas lui-même, mais le fait de voir le paysage révèle sa présence sous-jacente à la structure de cela même qui est vu.
Quant à ce que l'on voit au-delà de toute « expérience positionnelle », comme la «connaissance de l'union du connaissant et du connu », pourquoi s'agirait-il plus de la nature de la conscience (et par extension de la nature de toutes choses) plutôt qu'un autre mode de polarité au sein même du « champ d'expérience » ?
Les phénoménologues posent l'inférence du caractère « transcendantal » de la nature de conscience sur l'abstraction de « l'expérience pure » à toute polarité de conscience de soi (préréflexive avant d'être réflexive d'un sujet). Ce sur quoi d'aucuns, à l'écho du «sentiment océanique » d'union de la conscience au tout, se veulent affirmatifs, à l'appui de la réalité de leur vécu, d'une ouverture au-delà du « champ d'expérience » vécue… comme expérience !
« Il faut se souvenir de ce que Douglas Hofstadter a appelé
la "boucle étrange" du connaissant et du connu,
ce qu'énonçait Maurice Merleau-Ponty en disant que
"la conscience apparaît d'un côté comme partie du monde
et d'un autre côté comme coextensive au monde" (…)
parce que maintenant, pour moi, le monde
c'est cela que j'expérience » MB-PASO.
D'un existant hypothétique au-delà de la sphère de la conscience, il n'est rien possible de dire quant à son existence et à sa réalité objectives, car cela relève d'une «proposition indécidable ». Qui plus est, le « champ d'expérience » est lui-même « libre d'assertion », ultimement vide de toute substance, essentialité, et ontologie positive. Conscience est une simple désignation apposée sur le « champ d'expérience » dont la fonction est d'exprimer les différentes modalités ou « polarités » sous lesquelles… son événement est vécu !
En définitive, qu'y a-t-il ? A l'instar de la nature fondamentale de la réalité quantique, qui n'est ni onde ni particule, mais cela qui apparaît relativement à l'expérience qu'en donne la mesure, il n'y a rien d'autre (ce "rien" étant lui-même à relativiser) qu'un événement dont nous qualifions les formes de l'expérience de « conscience » (pure, non duelle, universelle), mais dont aucune des polarités ne sont la nature en « tant que telle » d'une conscience objective existant « en tant que telle ».
« (…) l'union du sujet et de l'objet est localisée non pas au sens spatial,
mais dans le sens de l'expression donner lieu à un événement : l'unification (…)
Nishida utilise une injonction d'englobement : "être, c'est être dans quelque chose".
Il n'y a ainsi plus d'ontologie, entièrement dissoute dans la topologie :
la connaissance dépend de l'être, lequel être dépend du lieu [événement]
lequel dépend du néant [vacuité non oppositionnelle, libre du vide et du non-vide].
Il n'y a d'être que dans un lieu [événement],
une chose se situe dans un lieu [événement]
qui l'englobe et révèle sa phénoménalité par cet englobement » NKW.
Cette « unification » est une interrelationalité. Il y a chez Nishida un glissement de la notion d'espace à la notion de temps, de la notion d'être à la notion d'événement. Sa pensée ne se veut pas substitutive d'une modalité à une autre, mais reconstructive de la simple clarté des choses. A une topologie de la nature qui serait le contenant de l'être, le lieu du corps, et qui engloberait le lieu (intérieur) de la conscience, Nishida substitue une topologie de l'événement du « champ d'expérience » comme lieu de la temporalité des phénomènes, en tant que ses différents modes de polarités qui se vivent comme « être ».
« Un autre modèle utilisé très tôt par Nishida est la notion de champ de la physique
moderne et de la théorie de la relativité, dans laquelle l'espace-temps est un champ
inséparable des objets physiques qui s'y trouvent et qui détermine comment
(quand et où) ils existent. De même, pour Nishida, tous les objets perçus et
conceptualisés sont "dans" le "champ de conscience » NKEPS
L'espace est l'aspect revêtu par le « temps de l'expérience » ou l'expérience comme temps qui, à son recouvrement, fait apparaître l'être comme un fait à l'occultation de son événement. Il n'y a pas d'objet qui se meut mais du mouvement qui apparaît objet. Le moment où le mouvement apparaît objet est le lieu de l'être comme un fait indépendant de sa polarisation. Ainsi, la topologie du « lieu de la conscience » s'entend chez Nishida comme le reflet spatialisé du temps de « l'expérience pure » déclinée sous l'événementialité du vécu relatif de la conscience subjective. « (…) le lieu est un topos ultime qui défie la description, la prédication ou la détermination par quelque chose qui le dépasse ou qui est différent de lui » NKEPS.
Ainsi, chez Nishida, l'être n'est pas une réalité « en soi » dotée de propriétés inhérentes et autonomes. L'être, c'est le moment de l'événement dont la « topologie de la polarité » donne lieu à l'être de la réalité vécue (laquelle induit l'inférence du caractère transcendantal d'une nature de la conscience existant en tant que telle). Ce n'est donc pas réel parce que c'est vécu (parce que nous en faisons l'expérience comme de qqc «en tant que tel » existant intrinsèquement), mais parce que ce « vécu » est un événement dont le moment est en lui-même le lieu de sa propre réalité.
NKEPS : Nishida Kitaro, Encyclopédie de philosophie de Stanford https://plato.stanford.edu/entries/nishida-kitaro/
NKW : Nishida Kitarō sur Wikipédia https://fr.wikipedia.org/wiki/Kitar%C5%8D_Nishida
SHBZ :
Shōbōgenzō, La vraie Loi, Trésor de l'Œil, https://www.editions-sully.com/l-247-shobogenzo.html
IV. 30 Au pas de Lune
Un seul pas est la marche toute entière,
Et la marche toute entière n'est qu'un pas unique.
Ni déambulation ou immobilité, ni progression,
Mais la nature et l'aspect de l'entièreté en cercle !
Une seule fleur est l'éclosion du champ tout entier,
Et la floraison tout entière n'est qu'une fleur unique.
Ni bourgeonnement ou graine, ni efflorescence,
Mais l'aspect du cycle de l'entièreté de la nature !
Une seule épine est l'ensemble des pruniers en fleur,
Et l'épineux printemps est le vieux prunier unique.
Ni dispersion ou figure, ni métamorphose,
Mais l'aspect du vieux prunier sans bout à prendre !
Une seule goutte est la pluie battante toute entière,
Et la pluie est l'œuvre entière d'une fleur de prunier unique.
Ni ce côté-ci ou l'autre côté, ni pas-même de porte,
Mais l'aspect en cercle d'un rêve sans envers !
Une seule inspiration est le souffle tout entier,
Et le souffle tout entier est une longue expiration unique.
Ni respiration ou rétention, ni écoulement,
Mais l'aspect du subtil sans vent à prendre !
L'apparaître n'est pas la fluctuation de l'advenir,
Le disparaître, la transformation du passé.
Tantôt le vent manifeste la présence de l'air,
Tantôt se réalise la multitude des formes de l'espace…
Le printemps n'est pas la métamorphose de l'hiver,
L'automne, le flétrissement de l'été.
Tantôt l'émoi des saisons exprime le corps,
Tantôt l'expérience se dilue au lieu de l'instant…
Une épine n'est pas la saillie d'une branche,
Un tronc noueux, l'effacement de ses éperons.
Tantôt le fil d'une comète coud la voûte du ciel,
Tantôt le tissu du cosmos est l'espace vide…
La pluie n'est pas le déversement des nuages,
Le beau temps, le renversement du ciel.
Tantôt les sens poussent la porte du temple,
Tantôt l'esprit écoute la pluie frapper le miroir…
Le jour n'est pas la métempsycose de la nuit,
La nuit, la réincarnation du jour passé.
Tantôt la nuit cercle l'ombre de la lune,
Tantôt le ciel fait de sa lumière un diadème…
Tout cela n'est que la roue tournante du lieu,
Même là où l'esprit apparaît au sein des phénomènes,
Les phénomènes se réalisent comme expérience.
Cette expérience n'est autre que l'événement du lieu…
La forme n'est que la roue tournante du vide,
Même là où une pensée apparaît au sein de l'assise,
L'assise se réalise comme expérience,
L'assise n'est autre que le lieu du vide…
Le vent n'est que la roue mouvante du vide,
Même là où un émoi apparaît au sein de l'immobile,
L'immobile se réalise comme expérience,
L'immobile n'est autre que le fait du vide…
La vision n'est que la ligne d'horizon du vide,
Même là où le sans-forme apparaît au sein de la non-pensée,
La non-pensée se réalise comme expérience,
La non-pensée n'est autre que le vécu du vide…
La clarté n'est que l'illumination du vide,
Même là où la lumière apparaît au sein de l'espace,
L'espace se réalise comme expérience,
L'espace n'est autre que l'événement du vide…
Inspiré d'après les stances 15, 16 et 6 de Tsuki, la Lune ou la réflexion SHBZ
Lobsang TAMCHEU
Eléments de réflexion
Lorsque l'on voit une fleur l'on est une fleur. Le connaissant est coextensif au connu. Il fait partie du monde comme « étant connu » en ce monde par cela qui le connaît, alors que le monde comme expérience fait lui-même partie intégrante du « champ d'expérience » que nous nommons « conscience », en regard du caractère invariant «d'être conscient de qqc » par-delà toutes polarités. Alors même qu'elle est au cœur de l'expérience comme condition de la possibilité de son événement, cette coextensivité est invisible à son propre vécu !
Non seulement l'œil ne se voit pas lui-même dans ce qu'il voit, alors que tout ce qui est vu apparaît en coextension de la structure même de l'œil, mais l'œil perçoit les phénomènes comme extérieurs à la vision qu'il en a. L'œil fait partie du monde en même temps qu'il est coextensif à l'événement de sa connaissance. Il en va pareillement des pensées. Nous disons qu'elles ne sont pas l'esprit, puisque nous en faisons l'expérience dans notre « sphère mentale » comme distinct d'elles, sans même avoir conscience que le fait « d'avoir l'expérience de ses pensées » est… un acte de connaissance coextensif à l'expérience de la pensée !
En physique des particules, le « boson de Higgs » met en évidence une certaine similarité de la nature fondamentale du monde avec la « boucle étrange » de la conscience (toute précaution gardée quant au caractère non scientifique de cette analogie). Le « boson de Higgs » se distingue des autres particules du « modèle standard » de la physique en tant qu'il est et n'est pas à la fois une particule…
Ce « boson de Higgs » n'est pas une particule au sens où c'est la plus petite mesure du « champ de Higgs » à l'interaction duquel les particules acquièrent une masse (à l'exception entre autres des photons). Comme l'œil, le « champ de Higgs » ne se voit pas dans le paysage des particules, cependant, comme l'œil, sa structure confère aux particules cet attribut essentiel sans lequel le monde ne serait pas ce qu'il est ! Or, à l'instant de la mesure, le « boson de Higgs » est aussi une particule qui le distingue « en tant que tel » de la coextension à son champ !
Le « boson de Higgs » n'est donc pas le « champ de Higgs », et… n'est pas autre pourtant que celui-ci sous une forme de manifestation corpusculaire. Mais pour ôter tout caractère de réification ou de chosification à cet énoncé, il convient de dire que le « boson de Higgs » est l'événement sous lequel le « champ de Higgs » apparaît comme particule. Dès lors, la question qui se pose est le « boson de Higgs » peut-il interagir avec le « champ de Higgs » ? Sur le plan logique, la réponse est oui, puisqu'en l'état son objet… diffère de lui-même, de sorte que sa qualité de manifestation n'est en ce sens rien d'autre… que son interaction !
Autrement dit, le « boson de Higgs » s'entendrait au sens ou Nishida conçoit la notion de « lieu », c.à.d. non pas en termes de localité physique, mais comme le « temps de l'événement » qui emporte sa propre temporalité comme modalité de son expérience. Sous cet angle, la pensée apparaît à la fois distincte de l'esprit et à la fois « rien que l'esprit » en sa nature vide, l'événement déclenchant la « translation » de l'un à l'autre étant le langage en tant que structurant (ou faisant apparaître) la conscience sous une forme de connaissable duel.
En définitive, la question de la dualité ou de la non-dualité du « boson/champ de Higgs» doit être mise en perspective du « formalisme des observables ». Comme en mécanique quantique, où la « réduction de la fonction d'onde » n'est pas un phénomène ni même un événement physique qui a trait avec une nature physique mais relève de l'ordre d'une opération purement mathématique, dans le formalisme de la physique des particules du modèle standard la détection du « boson de Higgs » relève d'une opération de mesure qui change le caractère de la description de l'état du « champ de Higgs » observé en tant que sa désignation est sa nature !
Pour Nishida, le « lieu » s'entend au sens d'événement, et le néant comme « opposable à toute opposition », laquelle inclut non seulement toutes les déclinaisons relatives à l'être, mais également au non-être. De facto, le « néant absolu » de Nishida n'a d'absolu qu'en tant que négation radicale de tout absolu en soi, y compris l'absolu du néant en tant que conception nihilisme, autrement dit le sens même de la vacuité.
« Le topos du néant absolu est l'ultime "à l'intérieur duquel" toute réalité prend place.
Nishida a utilisé le langage de la transcendance pour expliquer le néant absolu,
en disant qu'il transcendait l'opposition entre l'être et le non-être,
mais un tel langage n'indique pas toute chose ou conscience au-delà du monde.
Le néant absolu est infiniment déterminable et ses déterminés forment le monde réel,
mais cette autodétermination se produit "sans rien qui fasse la détermination" (…)
Il ne peut être qualifié "d'absolu" que s'il nie toute détermination particulière
et les englobe toutes simultanément dans le sens d'un tout indifférencié
qui inclut toutes ses différenciations » NKEPS
Puisqu'il n'y a pas d'autre côté du seuil, il ne fait pas sens d'opposer la pensée et l'esprit, le monde et la conscience, et si le « boson de Higgs » apparaît incongru à cette liste, c'est... par cécité de la vacuité ! Le « néant » chez Nishida, c'est tout simplement le contexte qui donne son aspect au texte comme le fond à la forme. Le passage du champ au « boson de Higgs » est sans transition d'une réalité objective à une autre. La « réalité » est le vécu de l'événement du connaissant en coextension à la connaissance du connu – ce n'est pas une réflexivité, du moins au sens d'une « conscience réflexive ». Il y a dans la « clarté du connaître », la connaissance du connaître, la connaissance de connaître, la connaissance à connaître –. La vacuité est indicible et ses assertions, libre d'assertion, forment le vécu relatif d'une expérience dont la réalité est coextensive à la conscience sans rien qui objective la conscience « en tant que telle ».
NKEPS : Nishida Kitaro, Encyclopédie de philosophie de Stanford https://plato.stanford.edu/entries/nishida-kitaro/